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RĂšgles du forum CHARTE & FAQ des forums SWU âą Rappel les spoilers et rumeurs sur les prochains films et sur les sĂ©ries sont interdits dans ce forum. RĂ©pondre en citant le message Extrait lu !Ma foi, voilĂ qu'Oreste rencontre Liars... d'un certain point de vue, comme on dit dans la saga ! On retrouve des Holocrons, des liens avec ton rĂ©cit du jedi corellien, et un duel au sabre-laser qui s'annonce. Un programme bien rempli ! Vivement la suite ! mat-vador a Ă©critUn dudu au sabre-laser est donc prĂ©vu, la semaine prochaine ! Que Monsieur m'excuse, mais cette unitĂ© D2 est en parfait Ă©tat. Une affaire en or. C-3PO Ă Luke SkywalkerStaffeur fan-fictions & publications VF littĂ©raires L2-D2 ModĂ©rateur Messages 7841EnregistrĂ© le 26 FĂ©v 2013Localisation NĂźmes RĂ©pondre en citant le message par mat-vador » Mar 21 Juin 2022 - 2152 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Bonsoir Ă tous, comment ça va ?C'est l'heure du...du...du... duel !Ils montĂšrent jusquâaux salles dâarmes, situĂ©es deux Ă©tages au-dessus. Les exclamations des padawans et des novices qui sâentraĂźnaient, leur parvenaient. La bothane, accompagnĂ©e de Exan et des deux anciens apprentis du Sith Unique, entra dans un des dojos occupĂ©s par des Ă©lĂšves supervisĂ©s par un maĂźtre Jedi cathar, Rasi crĂ©ature fĂ©linoide perçut leur prĂ©sence, se tournant vers eux. Les apprentis au nombre dâune douzaine, sâinterrompirent en les voyant et murmurĂšrent entre eux - Câest le Jedi Vert et la Sith !Le Jedi Vert et la nây avait aucune animositĂ© dans leur ton, seulement lâinnocence de la curiositĂ© juvĂ©nile. Dâailleurs, ils sâavançaient sans crainte, les entourant et les sollicitant avec lâinsouciance qui les Alors, vous avez tuĂ© combien de Sith ? Demanda une petite zabrak Ă Euh, eh bienâŠ- Waouh ! Sâexclama un petit chagrien Ă lâencontre de Sethnah. Câest un vrai fouet-laser ?- Euh, câen est bien un mais il nâest pas facile Ă utiliser, parvient Ă rĂ©pondre la jeune femme avec scĂšne amusa Exan, mais la bothane beaucoup On passe aux choses sĂ©rieuses ?Le Jedi aborda son coreligionnaire cathar pour lui expliquer la situation. MaĂźtre Tuum hocha ensuite la tĂȘte et demanda ensuite aux Ă©tudiants de sâĂ©carter pour laisser place nette aux deux duellistes. Sethnah et Kensha entrĂšrent dans lâarĂšne, tout en se mesurant du regard. La Jedi masquait de moins en moins dans la Force son hostilitĂ© envers se dirigea vers lâarmurerie derriĂšre la dathomirienne puis leur distribua des sabres dâentraĂźnement. Chacune soupesa lâarme dans ses paumes avant de lâactiver, un halo jaunĂątre nimbant la lame, sa fonction principale Ă©tant de causer des douleurs simulant la perte dâun Nous nous arrĂȘtons au premier sang, nous sommes dâaccord ? Insista Bien sĂ»r, grinça la Nous ne voulons pas dâaccident, enchaĂźna la dathomirienne avec une expression farouche, sinistre au point dâeffrayer son rejoignit Liars alors que les duellistes laissĂšrent tomber leur bure puis leurs armes personnelles, quâils laissĂšrent en dehors du cercle. Les padawans se pressaient sur le seuil, intriguĂ©s et impatients que le duel se lancĂšrent dans leurs La Sith est trĂšs forte, y Mais la Jedi Kensha Chut !Sethnah attacha ses longs cheveux immaculĂ©s derriĂšre sa nuque pour nâĂ©prouver aucune gĂȘne, avant de permettre Ă Kensha de porter le premier coup. La bothane retroussa ses babines pour dĂ©voiler un sourire malveillant avant de sâĂ©lancer vers son bloqua son attaque haute, sentant nĂ©anmoins la puissance du bras droit cybernĂ©tiques qui chauffa ses muscles. Elle se dĂ©gagea vivement, pressĂ©e par Kensha, qui tenta de la frapper avec sa jambe gauche. Cette fois, la dathomirienne ne put lâĂ©viter quâĂ moitiĂ© et grogna lorsque la jambe de duracier la toucha au se laissa tomber au sol, la lame de Kensha frappa le marbre dans des gerbes dâĂ©tincelle. De dĂ©pit, la non humaine Fuir⊠peuh, câest tout ce que les Sith savent serra les dents, inspirant un grand coup. Elle releva son Ă©pĂ©e, devant sa figure portant les stigmates du Sith Unique, croisant un bref instant le regard de son homme, qui laissa lâinquiĂ©tude lâ lui envoya pendant une fraction de seconde, une onde de rĂ©confort et un message psychique ne tâen mĂȘle pas. La bothane bondit sur elle mais lâancienne apprentie de Dark Sarbanon ne lui laissa pas lâinitiative. Elle se fondit dans lâAtaru, la forme de combat caractĂ©risĂ©e par des frappes vives et dans sa combinaison de combat rouge Ă©carlate, elle sauta, virevolta, donnant lâimpression de frapper de tous les cĂŽtĂ©s Ă la fois. La Jedi recula pied Ă pied, restant concentrĂ©e pour ne pas se laisser apprentis Jedi Ă©taient admiratifs de la maĂźtrise et des talents de la jeune femme aux cheveux Waouh ! Elle est vraiment forte !Liars se dĂ©tendit en voyant sa compagne reprendre la main. Sethnah accentua son avantage malgrĂ© les efforts de la bothane pour la tenir Ă distance. AprĂšs quelques passes dâarmes, elle cĂ©da et fut forcĂ©e de mettre un genou Ă terre. La dathomirienne appuya son sabre sur le sien et lui glissa avec Vous devriez abandonner, Gardez votre misĂ©ricorde, mĂ©fiante et si attentive, Sethnah relĂącha sa vigilance un bref instant. Un instant de trop. La jambe cybernĂ©tique de la bothane balaya brusquement ses chevilles, la faisant tomber lourdement sur le bothane profita quâelle soit sonnĂ©e, pour se relever en un battement de cils puis abattre son arme sur elle. La dathomirienne se reprit et bloqua lâassaut avant de propulser ses talons dans la poitrine de son adversaire, la faisant tituber en de la Force, Sethnah se catapulta au-dessus de la bothane, la touchant Ă la nuque avec la crosse de son sabre, plus pour la provoquer que pour la blesser. La non humaine poussa un rugissement de rage et se mit Ă fouetter lâair avec sa lame, espĂ©rant atteindre son ennemie apprentie esquiva par des sauts dâeopie, se dĂ©robant avant dâintercepter la lame de Kensha et de lâenrouler autour de la sienne. Puis elle lui lança sa botte dans le foie tout en lui arrachant lâarme des apprentis poussĂšrent des cris dâadmiration et se permirent quelques applaudissements. Liars ne put se retenir de sourire, il Ă©tait si fier de sa compagne. Celle-ci dĂ©visagea la bothane dont les oreilles Ă©quines se couchaient sous le coup de lâhumiliation quâelle avait Alors, ça vous suffit ? LĂącha la dathomirienne qui baissa son sabre dâ perceptions accusĂšrent la perturbation dans la Force, alors que Kensha relevait la tĂȘte. Ses yeux trahissaient une volontĂ© farouche de mauvais Ce nâest pas fini !La bothane tendit son bras droit cybernĂ©tique et invoqua la Force. Son sabre laser sauta dans son poing et une lame bleue azur prit vie dans son poing. Dans le mĂȘme temps, elle bondit sur lâancienne Sith pour lâ sâĂ©carta de la lame ardente mais pas son sabre dâentraĂźnement qui fut tranchĂ© net au niveau de la Sethnah ! SâĂ©cria son dathomirienne jeta le pommeau brisĂ© Ă la figure de la bothane et rĂ©cupĂ©ra Ă son tour son sabre laser. Elle serra entre ses doigts, la crosse en forme de griffe de rancor, sa lame rouge Ă©carlate prenant vie devant son visage Reste en dehors de ça ! Lui intima-t-elle traits crispĂ©s de Liars trahissaient son envie dâintervenir, mais il respecta la promesse quâil lui avait concĂ©dĂ©e. Il observa avec inquiĂ©tude la suite du duel, qui prenait cette fois une tournure beaucoup plus le comprit Kensha, assez ! Cria-t-il en la bothane demeura sourde, sâĂ©charnant de plus belle sur cette jeune femme qui reprĂ©sentait pour elle, ce quâelle haĂŻssait le plus. Elle se moquait bien en cet instant, que cette Ă©trangĂšre aux sinistres stigmates, ait tournĂ© le dos au Sith Unique et Ă lâusage du CĂŽtĂ© Obscur. Elle y avait appartenu une bonne partie de sa vie, câĂ©tait moins que cela nâait un rapport avec la perte de son bras et de sa jambe sur Vanquo⊠par la faute de Liars Tissan. Elle dit lui avoir pardonnĂ© sur Corellia, mais câĂ©tait peut-ĂȘtre un mensonge. Peut-ĂȘtre voulait-elle le faire souffrir, en combattant ce quâil aimait le plus. Il lâavait utilisĂ© comme appĂąt et elle lui rendait la usa de la force de son bras droit cybernĂ©tique pour assĂ©ner des coups de masse sur la jeune femme aux cheveux blancs, qui se retrouva dĂ©sĂ©quilibrĂ©e. La dathomirienne parvint cependant Ă lui agripper le poignet et Ă exĂ©cuter une prise martiale, qui fit passer la bothane par-dessus son Ă©paule. Elle lui fit sauter le sabre de la main dâun vif coup de pied avant que lâair ne se comprima autour de son vit sa compagne ĂȘtre propulsĂ©e vers le plafonds de la salle dâarmes, avant que celle-ci ne retomba sur ses appuis avec souplesse. Elle avait rĂ©ussi Ă conserver son sabre, se remettant en garde pour parer une attaque haute de la bothane qui se porta de nouveau au contact. Mais au dernier moment, elle percuta la jeune femme de plein fouet, lâenvoyant au Kensha, arrĂȘtez ! Pria Exan encore une envoya son poing dans la figure de la non humaine, la chassant loin dâelle mais la Jedi rĂ©pliqua en fouettant lâair de sa lame. La dathomirienne grogna lorsquâune chaleur incandescente engourdit son de chair brĂ»lĂ©e se dĂ©gagea de lâentaille mais cela la rendit plus dĂ©terminĂ©e. Cette douleur lui rappela les coups de fouet des Soeurs de la Nuit. La souffrance qui dĂ©coulait des plaies Ă vif, empoisonnĂ©es par le venin des vipĂšres kodashi qui enduisaient la laniĂšre de ces instruments de elle y avait survĂ©cu. Le sabre laser de Kensha la frĂŽla Ă maintes occasions sans quâelle nây laisse la moindre prise. Puis elle tendit la paume droite et dâune violente PoussĂ©e de Force, plaqua la bothane contre le maintint sa prise jusquâĂ ce quâune voix ferme et posĂ©e ne sâĂ©leva depuis lâentrĂ©e de la salle dâ La dĂ©monstration est plus que suffisante, Sethnah maĂźtre Jedi twiâlek Shado Vao sâavança vers le cercle de duel, entre les apprentis Jedi qui gardaient le silence. La jeune femme rejoignit son compagnon, rangeant son sabre laser Ă la ceinture. Elle se massa le poignet entaillĂ© alors que Liars lui remit la bure sith autour de son corps avant de lui rendre son fouet Jedi Kensha, je voudrais vous dire quelques mots en bothane mal Ă lâaise, coucha ses oreilles Ă©quines sur le cĂŽtĂ©, le ton de maĂźtre Vao suggĂ©rant quâune rĂ©primande ne tarderait Nous nous sommes trop attardĂ©s, commenta Je suis dâaccord, passĂšrent entre les padawans respectueux, saluant au passage le maĂźtre cathar Rasi Tuum qui signifia aux Ă©lĂšves de se disperser dans lâordre. Exan Skywalker se proposa de raccompagner les deux codirecteurs de Novatech Galactic Je suis dĂ©solĂ© de cet incident. Jâignorais que cela tournerait Pas de quoi, rĂ©pondit avec distance Maintenant, on sait Ă quoi sâattendre de la part des Jedi, lĂącha comprit quâils le tenaient pour Cela ne se reproduira pas, leur Câest certain, vu quâon nâest pas prĂšs de revenir. Pas la peine de nous raccompagner, assĂ©na durement le les deux arpentĂšrent les corridors vers la plate-forme dâappontage oĂč les attendaient leur vaisseau et Anubis qui leur demanda - MaĂźtre Liars, maĂźtresse Sethnah, votre quĂȘte a-t-elle Ă©tĂ© productive ?La dathomirienne ne lui intima seulement - PrĂ©pare le Baroudeur au dĂ©collage, Anubis. On montĂšrent la rampe dâaccĂšs puis verrouillĂšrent lâĂ©coutille derriĂšre eux. Le droĂŻde protocolaire du couple atypique fit rugir les moteurs, dĂ©collant le cargo corellien de la plateforme qui fila dans le ciel de Ta blessure ? Demanda la suivait jusquâĂ lâinfirmerie oĂč elle sortit dâun tiroir la trousse mĂ©dicale de premier Trois fois rien. Je me charge de Tu veux bien me laisser cet honneur ? lui sourit finalement, lui tendant la Dâaccord, mais si tu ne te montres pas Ă la hauteur, tu auras affaire Ă moi, Vilain Jâen tremble dâavance, Fille sâassirent face Ă face, Sethnah lui montrant son poignet blessĂ©. Il nettoya sa plaie avec attention, comme elle lâavait maintes fois pour lui. Il lui paraissait naturel de lui rendre la pareille, en lui enroulant le patch bacta pour colmater la elle se pencha pour lâembrasser sur les lĂšvres avant quâil ne confia avec malice - On aura peut-ĂȘtre le temps de se changer les Peut-ĂȘtre, rĂ©pondit-elle avec un regard complice et j'espĂšre que cela vous a plu ! C'Ă©tait la fin de cette partie 4 !On se retrouve mardi prochain pour le dĂ©but de la partie 5 ! mat-vador Jedi SWU Messages 3169EnregistrĂ© le 24 Mai 2016 RĂ©pondre en citant le message par L2-D2 » Jeu 23 Juin 2022 - 1312 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Extrait lu !Et effectivement, le duel a tenu toutes ses promesses ! Bon, entre deux telles furies, c'Ă©tait difficile d'imaginer un simple petit match d'affrontement, un Ă©change de politesses, un simple salut amical... non, il a fallu qu'elles en fassent trop, bien sĂ»r ! Vivement la suite ! Que Monsieur m'excuse, mais cette unitĂ© D2 est en parfait Ă©tat. Une affaire en or. C-3PO Ă Luke SkywalkerStaffeur fan-fictions & publications VF littĂ©raires L2-D2 ModĂ©rateur Messages 7841EnregistrĂ© le 26 FĂ©v 2013Localisation NĂźmes RĂ©pondre en citant le message par mat-vador » Jeu 23 Juin 2022 - 2155 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Merci pour le retour, L2 !L2-D2 a Ă©crit le duel a tenu toutes ses promesses ! Bon, entre deux telles furies, c'Ă©tait difficile d'imaginer un simple petit match d'affrontement, un Ă©change de politesses, un simple salut amical... non, il a fallu qu'elles en fassent trop, bien sĂ»r ! Entre une Jedi et une Sith, ça ne pouvait finir que comme ça ! mat-vador Jedi SWU Messages 3169EnregistrĂ© le 24 Mai 2016 RĂ©pondre en citant le message par Mandoad » Mar 28 Juin 2022 - 1101 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! J'ai rattrapĂ© mon retard !Avec deux chapitres bien opposĂ©s. Le premier nous permet d'en apprendre un peu plus sur le cĂŽtĂ© historique et est bien plus posĂ©, riche en informations sans pour autant ĂȘtre trop deuxiĂšme, eh bien on revient sur un de tes points forts Les duels au sabre. Comme le dit L2, on assiste bien Ă un affrontement entre deux furies mĂȘme si, ironiquement, c'est la Jedi qui semble la plus enragĂ©e. Il y a affrontement, provocations, dĂ©chainement de coups, mais comprend que Sethnah garde tout de mĂȘme l'avantage tout du long sur son adversaire en cela se termine assez bien et on a le droit Ă un nouvel Ă©change entre le couple dont les hormones semblent en perpĂ©tuelle Ă©bullition. La suite ! Mandoad Jedi SWU Messages 1411EnregistrĂ© le 28 Nov 2014 RĂ©pondre en citant le message par mat-vador » Mar 28 Juin 2022 - 2209 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Merci pour le retour, Mandoad !Mandoad a Ă©crit Le premier nous permet d'en apprendre un peu plus sur le cĂŽtĂ© historique et est bien plus posĂ©, riche en informations sans pour autant ĂȘtre trop bien de se poser un peu !Mandoad a Ă©critLe deuxiĂšme, eh bien on revient sur un de tes points forts Les duels au sabre. Comme le dit L2, on assiste bien Ă un affrontement entre deux furies mĂȘme si, ironiquement, c'est la Jedi qui semble la plus enragĂ©e. Il y a affrontement, provocations, dĂ©chainement de coups, mais comprend que Sethnah garde tout de mĂȘme l'avantage tout du long sur son adversaire en les dudus au sab laser ! Badass, la Sethnah hein ? Elle est trop cool ! Et parce que je le veux bien, aussi !Mandoad a Ă©critFinalement, cela se termine assez bien et on a le droit Ă un nouvel Ă©change entre le couple dont les hormones semblent en perpĂ©tuelle Ă©bullition. c'est qu'ils s'adorent ces deux-lĂ !Mandoad a Ă©critLa suite !La suite... c'est tout de suite ! Partie 5 Plus prĂšs des ombres Le passĂ© Temple Jedi de Coruscant, pendant la Guerre des ClonesLes salles dâarmes du Temple rĂ©sonnaient de lâĂ©cho des cris dâexcitation des padawans qui participaient aux tournois visant Ă affiner leur pratique du sabre laser et leur maĂźtrise de la Force. Ils Ă©taient encadrĂ©s en temps normal par plusieurs Chevaliers et MaĂźtres Jedi, qui veillaient scrupuleusement Ă ce quâil nây ait aucun la RĂ©publique et lâOrdre multimillĂ©naire traversaient des temps troublĂ©s et sombres. La rĂ©apparition des Sith rĂ©gis par la RĂšgle des Deux, lâascension du mouvement sĂ©paratiste mĂ©content de la faiblesse dâun gouvernement qui avait oubliĂ© lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral au profit de corporations Ă©goĂŻstes, avaient plongĂ© la galaxie dans une crise politique majeure avant que la guerre nâĂ©clate la premiĂšre fois depuis des siĂšcles et la fin des Guerres Sith, les Jedi se retrouvĂšrent pris dans une guerre totale qui sollicitait leurs ressources limitĂ©es. De gardiens de la paix et de la justice, ils devinrent commandants de la Grande ArmĂ©e de la RĂ©publique, composĂ©e de soldats clones crĂ©es et Ă©levĂ©s sur la planĂšte Oreste Tissan, cette guerre paraissait lointaine mĂȘme sâil nâignorait rien des rapports de pertes qui assombrissaient le quotidien de sa confrĂ©rie. Les fronts se multipliaient et aucune trĂȘve ne semblait en vue. MĂȘme les systĂšmes les plus Ă©loignĂ©s, subissaient les contrecoups des pĂ©nuries et du mĂ©contentement. Ămeutes, coups dâĂ©tats et insurrections. Dans la Bordure ExtĂ©rieure, un nouveau foyer de tensions venait de naĂźtre sur Jabiim, un monde contenant dâimportants gisements de officiel ne cessait de sortir les gros titres sur cette planĂšte reculĂ©e, Ă coups dâinterviews de spĂ©cialistes et dâanalyses. Le jeune Chevalier Jedi corellien qui venait de fĂȘter ses vingt six ans, se força Ă se concentrer sur les deux sphĂšres dâentraĂźnement qui lĂ©vitaient autour de son visage, lâassaillant sur tous les angles possibles. Son sabre laser Ă la lame verte Ă©meraude crĂ©pitante, sillonnait lâair, parant et bloquant avec fluiditĂ© les rayons lasers de basse intensitĂ© qui fusaient vers Tu as peut-ĂȘtre besoin dâun plus grand voix cristalline qui sâĂ©levait derriĂšre lui, le dĂ©concentra une micro seconde. Assez pour lui faire baisser sa garde et laisser un rayon le toucher Ă lâabdomen. Il maĂźtrisa la douleur dâun grognement et leva la main, usant de la Force pour Ă©carter les sphĂšres et les dĂ©sactiver. Il se tourna vers la jeune twiâlek quâil reconnut sans peine, aprĂšs avoir rangĂ© son DĂ©jĂ rentrĂ©e, Rachi ? Je te croyaisâŠ- En mission spĂ©ciale ?Par-dessus ses vĂȘtements de Jedi, la jeune non humaine portait un poncho de voyage rapiĂ©cĂ© qui lui confĂ©rait un certain anonymat au milieu de la Câest ce que maĂźtre Windu mâa rĂ©pondu quand je lui ai posĂ© la question. Tu as trouvĂ© ce que tu cherchais ?- Pas vraiment, twiâlek le considĂ©ra pendant quelques instants, le jeune corellien arborant une mine sombre qui cachait quelques contrariĂ©tĂ©s Je te croyais sur Corellia, lui Jâai Ă©tĂ© rappelĂ©, la guerre ne se passe pas aussi bien que prĂ©vu, visiblement. MaĂźtre Halcyon est restĂ© pour empĂȘcher toute infiltration Tu aurais prĂ©fĂ©rĂ© rester lĂ -bas ?Il crispa la mĂąchoire, peu enclin Ă rĂ©pondre. Mais il cĂ©da devant son regard Mon ancien maĂźtre mâa prĂ©venu que la guerre serait ma plus grande Ă©preuve. Câest pour ça que je ne suis pas certain dây vouloir Pourquoi, tu as peur que lâon tâaccorde de trop grandes responsabilitĂ©s ?- Ce nâest pas ça, jeâŠIl dĂ©tourna les yeux, regrettant dâen avoir trop dit. Elle sâapprocha pour se placer face Ă lui, pour chercher son Oreste ?- Je crains que cette guerre ne me transforme en quelque chose de plus terrible⊠ne nous transforme jeune twiâlek ressentit son angoisse face au destin incertain dâune galaxie plongĂ©e dans une guerre qui ne semblait pas connaĂźtre de Pourquoi crains-tu une telle chose ?Oreste lui avait ouvert son cĆur mais il se referma aussitĂŽt comme une coquille. Car il refusait toujours de lui livrer ses secrets les plus intimes. Cette petite voix tentatrice qui lui soufflait, quâil Ă©tait destinĂ© Ă lâ et tu ne craindras plus rien, ne devait rien lui dire, il ne le confierait Ă personne. Elle ne comprendrait pas vraiment et si câĂ©tait le cas, elle en serait Les Sith sont de retour, Tu as peur de basculer du CĂŽtĂ© Obscur ? Fit-elle en posant sa paume sur la poitrine du jeune Certains de mes ancĂȘtres lâont fait. Pourquoi serai-je diffĂ©rent ? AprĂšs tout ce qui sâest passĂ© sur GĂ©onosisâŠ- Tu nâes pas tes se rendit compte alors quâelle avait rapprochĂ© son visage du sien. Elle plongea ses magnifiques yeux dans ses yeux. TrĂšs proche, trop proche⊠il trouvait cela dĂ©rangeant. Un de ses lekkus caressa sa joue, le faisant Ne me rejette pas, quâil put faire quoique ce soit pour la retenir, elle se pencha en un battement de cils et lâembrassa sur les lĂšvres. Une image apparut alors dans son esprit, celle de cette femme quâil avait laissĂ©e derriĂšre lui, sur pourquoi il repoussa doucement la twiâlek, qui parut surprise une fraction de Tu penses toujours Ă elle, nâest-ce pas ?La chaleur avait disparu de sa voix, le faisant grimacer. Tous deux savaient Ă qui ce elle faisait Oui, avoua-t-il. Rachi, je suis dĂ©solĂ©âŠ- Non, câest de ma faute. Câest moi qui me suis montrĂ©e Ă©goĂŻste, je pensais que⊠tu avais besoin de mes sentiments. Je me corellien ne savait pas comment rĂ©agir mais il le sentait dans la Force. Il avait blessĂ©e son amie et il ignorait comment se LâOrdre prohibe lâattachement, lui rappela-t-il. MĂȘme si je ressentais le mĂȘme amour pour toi, les maĂźtres ne nous le permettraient comprit lâĂ©tendue de son erreur lorsquâelle le fusilla dâun regard Et pourtant les Jedi corelliens se le permettent. Vous avez toujours eu le droit dâavoir une famille, des enfants comme les RachiâŠElle Ă©vacua sa tentative dâexplication dâun geste Je vais trouver maĂźtre Nu aux Archives et poursuivre ma mission. Jâai toujours Ă©tĂ© douĂ©e pour ça et je nâai jamais eu de Rachi, aperçut les larmes qui coulaient de ses cils, alors quâelle se Que la Force soit avec toi, Oreste. JâespĂšre que tu survivras Ă la le laissa, seul avec ses regrets, rompant la camaraderie qui les avait pourtant unis pendant toutes ces annĂ©es. Il nâavait jamais reniĂ© ses sentiments pour Beliem et nâavait jamais pensĂ© que cela ait pu mettre en pĂ©ril son amitiĂ© avec resta ainsi, Ă se demander sâil devait la rattraper ou laisser courir. Puis il prĂ©fĂ©ra la deuxiĂšme option, par amour-propre. Il rĂ©activa Ă distance les deux sphĂšres dâentraĂźnement qui lĂ©vitĂšrent en bourdonnant autour de sa figure. Sa lame verte Ă©meraude se dĂ©plia Ă nouveau, pour fouetter lâair et reprendre lâ sa brouille avec Rachi traversait toujours ses pensĂ©es et lâempĂȘchait de sâimmerger vraiment dans les flux de la Force. Plusieurs rayons franchirent sa garde et le touchĂšrent aux bras, Ă lâĂ©paule, aux hanches⊠accroissant sa la petite voix en profita pour revenir Ă la libĂšre ta colĂšre. Sens-tu sa force ?Le souvenir lointain de cette Ă©cole de Coronet, lui revint. Le jour oĂč il avait fracturĂ© le bras de Villan⊠il sâattendait Ă Ă©prouver de la culpabilitĂ© mais Ă©trangement, ce ne fut pas le cas. Pas de remords ni de compassion pour son ancienne victime. MalgrĂ© lui, cette Ă©nergie nĂ©faste lâenvahit peu Ă peu, imprĂ©gnant ses mouvements qui redevenaient plus se laissa emporter par cette petite voix qui lâ continue, tu te sens mieux nâest-ce pas ?Son sabre-laser fendit tout Ă coup une des sphĂšres dâentraĂźnement et les deux morceaux calcinĂ©s retombĂšrent avec fracas. Il cligna des paupiĂšres, comme sâil se tâa plu ? Soufflait la petite La ferme ! Siffla corellien Ă©teignit finalement son sabre et Ă©carta lâautre sphĂšre dâentraĂźnement dâun geste de la main. Il ramassa Ă lâaide de la Force les deux morceaux, sâapprĂȘtant Ă prendre le chemin de lâingĂ©nierie pour faire rĂ©parer lâ Est-ce de revenir Ă Coruscant qui tâa irritĂ© Ă ce point, Oreste ?Un cĂ©rĂ©en venait dâentrer, le dĂ©visageant. Le corellien se sentit gĂȘnĂ©, de se trouver face Ă son ancien mentor, Ki Adi Mundi. Avec des morceaux de duracier fumant, plein les Si ce nâĂ©tait que ça, maĂźtre Jâose espĂ©rer que tu ne dĂ©tĂ©rioreras pas davantage le matĂ©riel dâentraĂźnement Ă chaque saute dâhumeur, insista le non humain avec Ce ne sera plus un problĂšme quand je partirai au front. Mais jâignore encore Metalorn, prĂ©cisa le ne put se retenir de tiquer au nom de ce monde stratĂ©gique de la Bordure MĂ©diane, proche du systĂšme Verpine, spĂ©cialisĂ© dans la fabrique de munitions et dâarmes de guerre sophistiquĂ©es. Ce bastion appartenait au Techno Syndicat, une puissante corporation ralliĂ©e aux sĂ©paratistes. Il comprit lâenjeu dâune telle opĂ©ration validĂ©e par les plus haut chute de Metalorn enraierait sĂ©rieusement lâeffort de guerre Un gros morceau, reconnut le MaĂźtre Aâsharrad Hett et son padawan Bhat Jul sont dĂ©jĂ dans le systĂšme avec dix bataillons. Tu les assisteras et vous devrez Je croyais que ces forces devaient partir pour Jabiim. Nous laisserions leur minerai aux mains des sĂ©paratistes?Le cĂ©rĂ©en laissa flotter un sourire serein sur ses lĂšvres, alors que le Chevalier Jedi perçut la prĂ©sence de deux autres pairs prĂ©sents sur le seuil. Il reconnut lâhumain barbu de taille moyenne, Ă lâallure Ă©lĂ©gante suivi dâun padawan plus grand et plus fin que MaĂźtre Kenobi, padawan Skywalker, prĂ©senta maĂźtre Mundi. Voici mon ancien padawan, Oreste j'espĂšre que cela vous a plu ! Encore dĂ©solĂ© pour ce cliffhanger !Allez, Ă la prochaine ! mat-vador Jedi SWU Messages 3169EnregistrĂ© le 24 Mai 2016 RĂ©pondre en citant le message par L2-D2 » Mer 29 Juin 2022 - 909 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Extrait lu !Mais il se passe plein de choses ici ! Rupture enfin, d'un certain point de vue, vive Star Wars ! entre Oreste et Rachi, nouvelle mission pour le jeune Jedi Corellien, la mention de A'Sharad Hett curieux de voir si tu vas le faire apparaĂźtre et si, sachant ce qu'il va devenir Ă terme, une petite discussion avec Oreste pourrait ĂȘtre intĂ©ressante, tiens... et surtout, tu termines avec l'apparition du dynamique duo de la prĂ©logie, sans doute en partance pour Jabiim ! Vivement la suite ! Que Monsieur m'excuse, mais cette unitĂ© D2 est en parfait Ă©tat. Une affaire en or. C-3PO Ă Luke SkywalkerStaffeur fan-fictions & publications VF littĂ©raires L2-D2 ModĂ©rateur Messages 7841EnregistrĂ© le 26 FĂ©v 2013Localisation NĂźmes RĂ©pondre en citant le message par mat-vador » Mer 29 Juin 2022 - 2205 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Merci pour le retour, L2 !L2-D2 a Ă©crit la mention de A'Sharad Hett curieux de voir si tu vas le faire apparaĂźtre et si, sachant ce qu'il va devenir Ă terme, une petite discussion avec Oreste pourrait ĂȘtre intĂ©ressante, tiens... Pas d'apparition prĂ©vue, mais j'ai choisi de le mentionner sachant que le gars a crĂ©e le Sith Unique auquel sera confrontĂ© le descendant de Oreste, notre cher Liars .L2-D2 a Ă©critet surtout, tu termines avec l'apparition du dynamique duo de la prĂ©logie, sans doute en partance pour Jabiim ! Cette apparition sera intĂ©ressante, tu verras la semaine prochaine ! mat-vador Jedi SWU Messages 3169EnregistrĂ© le 24 Mai 2016 RĂ©pondre en citant le message par mat-vador » Mar 05 Juil 2022 - 2202 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Bonsoir Ă tous, comment ça va ?C'est l'heure de la suite et surtout d'un nouveau dudu au sabre laser ! Oui, encore un !Oreste posa les morceaux de la sphĂšre prĂšs du mur avant dâaccueillir les deux nouveaux venus qui le saluaient dâun signe de Jâai entendu parler de vos exploits sur Ohma Dun et Kamino, leur fit-il respectueusement. Vous avez une sacrĂ©e Eh oui, on se demanderait ce que la RĂ©publique ferait sans nous, rĂ©torqua le padawan fier comme un lâattitude suffisante du padawan dĂ©plut Ă Oreste qui Ă©tait au fait des capacitĂ©s exceptionnelles de Skywalker. Tout comme sa vanitĂ©, qui sâĂ©levait au mĂȘme Anakin, le rĂ©primanda Obi Wan. Nous ne sommes pas les seuls Ă nous battre depuis le dĂ©but de la corellien remarqua le gant long qui enroulait la main droite de Skywalker jusquâau coude. Ce dernier surprit son regard et replia le membre mutilĂ© dans son dos. Un souvenir cuisant laissĂ© par le Comte Dooku sur Nous payons dĂ©jĂ un lourd tribut, concĂ©da le silence furtif leur permit de se recueillir pour songer Ă tous ceux et celles qui avaient rejoint la Vous ĂȘtes en permission ? Sâenquit Plus pour longtemps, rĂ©pondit Kenobi. Nous quittons Coruscant pour rejoindre Jabiim. Le SĂ©nat vient de voter lâautorisation dâintervenir pour maintenir ce monde dans la RĂ©publique coĂ»te que Ă nâimporte quel prix ? Combien dâunitĂ©s seront nĂ©cessaires ?Obi Wan grimaça, peu Ă lâ Nous possĂ©dons suffisamment de clones et de Jedi pour remplir la mission. Nous mettrons hors dâĂ©tat de nuire les sĂ©paratistes locaux avant quâils nâaient le temps dâorganiser une rĂ©sistance trop importante et quâils ne reçoivent le soutien du Comte En attendant de partir, je me sens un peu rouillĂ©, confia son Jâavais oubliĂ© que tu prĂ©fĂ©rais pratiquer la mĂ©ditation en mouvement, natif de Tatooine haussa les Ă©paules, avec Jâavais trouvĂ© ça utile sur Kamino, mentor leva les yeux au ciel, en Bon, si cela te dĂ©mange tant que ça, tu as tout ce quâil te faut Skywalker se dĂ©barrassa de sa bure, avec un grand sourire. Il invita son professeur Ă le rejoindre pour une partie amicale avant que Oreste ne leva la main pour lâ MaĂźtre Kenobi, si vous me permettez⊠cela fait longtemps, depuis le dĂ©but de la guerre, que je nâai pas pratiquĂ© contre un autre Jedi. Je serai honorĂ© de me mesurer Ă votre padawan, avant que vous ne quittiez le croisa le regard du cĂ©rĂ©en, qui acquiesça dâune inclinaison du Je pense que cela constituera un meilleur dĂ©fi que de simples droĂŻdes de Je suis dâaccord, maĂźtre Mundi. Anakin ?- Ăa me Adi Mundi se dirigea vers lâarmurerie pour y prendre deux sabres dâentraĂźnements et les offrir aux deux duellistes. Ces derniers se placĂšrent lâun en face de lâautre, se saluant en relevant la lame jaune devant leur armes Ă©taient conçues spĂ©cifiquement pour ne pas causer des blessures aussi graves que celles causĂ©es par de vĂ©ritables sabre-lasers, mais pour les simuler. Kenobi rejoignit lâancien instructeur de Oreste, observant les deux jeunes humains qui se jaugeaient en tournant lâun autour de lâ les quelques annĂ©es qui les sĂ©paraient, Oreste et Anakin paraissaient si semblables. Outre leur aspect physique, leur intĂ©gration dans lâOrdre avait suscitĂ© des interrogations voire la de leur famille, alors quâils Ă©taient dĂ©jĂ ĂągĂ©s, par rapport aux autre Ă©lĂšves qui nâont connu que le Temple comme unique foyer. Les voici face Ă round dâobservation prit fin lorsque Anakin plongea sur le corellien pour assĂ©ner trois frappes verticales. Oreste manĆuvra pied Ă pied pour les dĂ©vier sur le flanc, avant de repousser lâapprenti impĂ©tueux dâune savate dans lâ se massa lĂ oĂč le talon lâavait Je ne faisais que mâ ton arrogant convainquit Oreste quâil dĂ©testait ce padawan va-nu-pieds. Comme sâil Ă©tait certain de sa supĂ©rioritĂ©. Le corellien nâavait eu de cesse dâaffronter ses doutes, ses incertitudes et cette harcelante petite voix qui lui suggĂ©rait de succomber Ă la noirceur qui empoisonnait son Ăąme. Il ignorait encore ce que la Guerre des Clones en cours ferait de Bien ne put retenir un sourire narquois. Une fraction de seconde sâĂ©coula avant que Skywalker ne recommença son assaut. Cette fois, il avait usĂ© de la Force pour se propulser vers le plafonds avant dâatterrir sous le nez du corellien, qui sentit les muscles de ses bras chauffer Ă cause de lâeffort quâil fournit pour bloquer nettement sa coup avait Ă©tĂ© rapide et puissant, un mouvement digne dâun vĂ©ritable maĂźtre de la Force. JusquâĂ maintenant, Oreste nâavait jamais cru Ă cette prophĂ©tie de lâElu, un Jedi qui rĂ©tablirait lâĂ©quilibre de la Force. Un augure qui tournait autour de Anakin Skywalker, et contribuait Ă alimenter sa trĂšs grand confiance en existait-il une once de vĂ©rité⊠une raison supplĂ©mentaire de le dĂ©gagea sa lame avec difficultĂ© et il dut se concentrer davantage pour ne pas subir. Il nâempĂȘcha pas cependant Skywalker de prendre lâavantage, ce dernier utilisant les frappes lourdes du Djem So, la cinquiĂšme Forme de Combat au sabre-laser, qui lui permettait Ă mettre Ă profit sa puissance appuya sa lame contre celle de son adversaire, dĂ©sĂ©quilibrant ce dernier pour sâoctroyer un court Finalement, ce ne sera peut-ĂȘtre pas compliquĂ© de devenir Chevalier, voilĂ quâil se permettait dâĂȘtre familier, comme sâils se connaissaient depuis longtemps. Ils venaient seulement de se Tu devrais peut-ĂȘtre moins parler, lui dĂ©cocha un sourire qui se voulait ĂȘtre taquin et malgrĂ© son impassibilitĂ©, Oreste entendit de nouveau la petite voix qui sâadressait Ă son montre-lui qui tu es. Quâil apprenne le ce fut Ă son tour dâattaquer le padawan. Il chargea Skywalker, le bousculant vigoureusement par un coup dâĂ©paule. Le natif de Tatooine tenta de se reprendre mais le corellien entendait bien garder lâavantage jusquâau bout. Il utilisa les formes acrobatiques de lâAtaru, la quatriĂšme Forme de Combat, qui prit au dĂ©pourvu son secondes aprĂšs, Anakin se retrouva sur le dos, dĂ©sarmĂ©. Oreste pointait son sabre dâentraĂźnement sur son torse avant de reculer et de saluer le padawan. Ce dernier qui serrait les dents, frustrĂ© par son Ă©chec, lâimita Bien jouĂ©, accorda-t-il mĂȘme. Mais je nâĂ©tais pas au sommet de ma forme, non en perdant, il continuait de faire le malin. Oreste se demandait comment maĂźtre Kenobi le Anakin, tu as perdu, intervint dâailleurs celui-ci dâun ton Mundi posa une main sur lâĂ©paule de FĂ©licitations Oreste. Mais tes derniers mouvements Ă©taient trop agressifs, montre plus de mesure et de maĂźtrise. Ne te laisse pas emporter par la passion, comme tu lâas dĂ©jĂ fait sur joues creuses du corellien sâempourprĂšrent lorsquâil songea Ă lâinsubordination dont il avait fait preuve en dĂ©clenchant un raid prĂ©maturĂ© sur les positions gĂ©onosiennes, peu avant le sauvetage des Jedi dĂ©cimĂ©s dans lâ Vous avez raison, maĂźtre, avoua le corellien. Mais peut-ĂȘtre que la place dâun esclave nâest pas dans lâ mots lui avaient Ă©chappĂ© mais il Ă©tait ravi du regard noir que lui dĂ©cochait Skywalker, dont il venait de souligner lâĂąpretĂ© du passĂ©. Obi Wan lâagrippa pour lâempĂȘcher dâen venir aux mains avec le Ces propos ne sont pas dignes dâun Jedi, Oreste, assĂ©na le cĂ©rĂ©en qui lâexhorta ensuite Ă prĂ©senter des que le corellien Parce quâil est restĂ© trop longtemps dans les jupes de sa mĂšre ? de haine dans la Force prĂ©cĂ©da le rugissement de Anakin qui repoussa son maĂźtre et se jeta sur le corellien. Ce dernier fut empoignĂ© et projetĂ© au sol sans mĂ©nagement. Il parvint nĂ©anmoins Ă attraper les chevilles du padawan entre ses jambes et Ă le faire chuter. Tous deux se relevĂšrent Ă la vitesse dâun battement de cils, dĂ©gainant puis activant leur sabre laser. Les lames ardentes sâentrechoquĂšrent avec une violence dĂ©bridĂ©e, faisant jaillir des Ă©tincelles au dĂ©sarroi de leurs maĂźtres respectifs qui leur ordonnĂšrent dâ lâun comme lâautre restĂšrent sourds et se livraient cette fois totalement, lame verte Ă©meraude contre lame bleue Ă peu, Anakin prit lâavantage et Oreste comprit pourquoi. Il avait sous ses yeux la vĂ©ritable nature de Skywalker. Cela avait sans doute Ă©chappĂ© aux maĂźtres du Conseil qui avaient acceptĂ© de lâintĂ©grer aprĂšs la Bataille de Naboo, mais ce volcan dâobscuritĂ© menaçait de le submerger. Puis il perçut Ă ses oreilles - Et si on parlait de ta mĂšre, Tissan ?Il crut entendre la voix de Villan Osmer, le bourreau qui lâavait martyrisĂ© Ă lâĂ©cole de Coronet mais câĂ©tait bien Skywalker qui lui avait la petite voix lui inspira LâobscuritĂ© est face Ă toi, il ne sert Ă rien de la combattre car je suis toi. accepta lâappel des tĂ©nĂšbres et sây livra comme il lâavait fait, il y a tant dâannĂ©es sur Corellia. Quand il avait fait souffrir Villan et avait joui de ses dĂ©gagea sa lame et entailla lâavant bras du padawan avant que ce dernier ne riposte en le frappant au visage du Assez !Tout Ă coup, lâair se comprima autour des deux combattants qui furent rejetĂ©s loin lâun de lâautre, ce qui mit un terme Ă lâĂ©chauffourĂ©e. Kenobi entoura de ses bras, les Ă©paules de son apprenti et le cĂ©rĂ©en fit de mĂȘme avec le Tu en as assez fait, jeune Chevalier invoqua la Force pour recouvrer son calme alors que Anakin demeurait toujours MaĂźtre, vous ĂȘtes tĂ©moin ! Plaidait-il. Il mâa provoquĂ© !- Et tu as cĂ©dĂ© Ă sa provocation, trancha son mentor. Câest terminĂ©, le relĂącha finalement et lâapprenti en profita pour fusiller du regard une derniĂšre fois le Va chercher tes affaires, nous partons pour Jabiim. MaĂźtre Mundi, pardon pour cet Je comprends, MaĂźtre cĂ©rĂ©en attendit leur dĂ©part avant de faire la leçon au Je mâattendais Ă mieux de ta part, Oreste. Ce qui sâest passĂ© ici, ce nâest pas ce que MaĂźtre Halcyon et moi tâavons enseignĂ© !Oreste comprit Ă quel point son ancien professeur Ă©tait en colĂšre. Une partie de lui avait honte de ses actes et de ses mots. Mais la petite voix lui soutenait quâil avait eu raison de rabattre le caquet Ă ce padawan Il a beaucoup Ă apprendre sâil veut devenir Chevalier, fit-il avec Adi Mundi se dĂ©tourna finalement de lui, ulcĂ©rĂ© par son Tu as rĂ©vĂ©lĂ© les faiblesses du jeune Skywalker, dĂ©clara-t-il dâun ton lourd sens. Cela devrait tâen apprendre davantage sur les le seuil, il lui souhaita contre toute attente - Que la Force soit avec toi. Tu en auras besoin sur quitta la salle dâarmes, laissant le jeune corellien seul, face Ă la responsabilitĂ© des actes quâil lui fallait assumer. Ses pensĂ©es se tournaient vers Beliem, sa compagne quâil avait laissĂ©e derriĂšre lui sur Corellia, une fois de plus. La bataille de GĂ©onosis les avaient dĂ©jĂ sĂ©parĂ©s au dĂ©but de la guerre, avant que le Conseil ne le bannisse sur son monde natif pour lâinsubordination dont il avait preuve pendant la se tĂąta la joue, lĂ oĂč Skywalker lâavait frappĂ© du poing. Une dent cassĂ©e Ă©lança sĂ©rieusement sa mĂąchoire. Il prit finalement la direction de lâ j'espĂšre que cela vous a plu !Allez, Ă la prochaine ! mat-vador Jedi SWU Messages 3169EnregistrĂ© le 24 Mai 2016 RĂ©pondre en citant le message par L2-D2 » Mer 06 Juil 2022 - 1010 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Extrait lu !Nouveau duel d'entraĂźnement, mais qui finit un peu plus mal celui-lĂ ! C'est un peu dommage de rĂ©duire Anakin et Oreste Ă leur future chute dans le CĂŽtĂ© Obscur, ça manque un peu de subtilitĂ© je trouve. J'ai toujours imaginĂ© Anakin comme un vĂ©ritable hĂ©ros du Bien, parfois hautain, oui, mais qui n'Ă©tait tentĂ© par la colĂšre ou l'obscuritĂ© que lorsque, vraiment, l'un de ses proches est en danger de mort. LĂ , c'est un peu plus "facile", tout comme Oreste d' revanche, je note le fait qu'Oreste est manifestement retournĂ© sur Corellia il n'y a pas si longtemps et a du y retrouver Beliem, vu qu'il pense Ă elle comme sa "compagne" ! Vivement la suite ! Que Monsieur m'excuse, mais cette unitĂ© D2 est en parfait Ă©tat. Une affaire en or. C-3PO Ă Luke SkywalkerStaffeur fan-fictions & publications VF littĂ©raires L2-D2 ModĂ©rateur Messages 7841EnregistrĂ© le 26 FĂ©v 2013Localisation NĂźmes RĂ©pondre en citant le message par mat-vador » Mer 06 Juil 2022 - 2202 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! L2-D2 a Ă©critNouveau duel d'entraĂźnement, mais qui finit un peu plus mal celui-lĂ ! Ben, tu sais, tant qu'il y a pas de morts ... jusque lĂ tout va bien !L2-D2 a Ă©crit. J'ai toujours imaginĂ© Anakin comme un vĂ©ritable hĂ©ros du Bien, parfois hautain, oui, mais qui n'Ă©tait tentĂ© par la colĂšre ou l'obscuritĂ© que lorsque, vraiment, l'un de ses proches est en danger de mortUn hĂ©ros du Bien ? Euh, tu as oubliĂ© le passage dans l'Ă©pisode II oĂč il avoue Ă PadmĂ© qu'il a massacrĂ© toute une tribu de Tusken pour venger sa mĂšre. il a quand mĂȘme tuĂ© des enfants, il le dit d'ailleurs dans le film, ca colle pas trop Ă l'idĂ©e que je me fais d'un HĂ©ros du le Legends, le tome 8 Clone Wars Obsession, il tue Durge de façon implacable et cruelle et sur le coup, ça m'a paru tellement gratuit que ça m'a choquĂ©...Pour Oreste, je ne l'ai jamais imaginĂ© comme un hĂ©ros du Bien, non plus. Dans les Origines, il a quand mĂȘme fait preuve de cruautĂ© lui pour ça que cela m'a paru naturel de les dĂ©crire ainsi dans ce passage. Et quand on pense qu'ils se vont retrouver bien aprĂšs l'Ordre 66 aprĂšs basculĂ© du CO, ca manque pas de piquant...L2-D2 a Ă©critEn revanche, je note le fait qu'Oreste est manifestement retournĂ© sur Corellia il n'y a pas si longtemps et a du y retrouver Beliem, vu qu'il pense Ă elle comme sa "compagne" ! C'est un peu la PadmĂ©, version "Jedi corellien" Pour l'avancement, j'ai Ă©crit 65 pages environ et j'aurais bientĂŽt d'ici un mois ou cette chronique, j'ai un nouveau projet pour les Origines dont je donnerais quelques nouvelles ! mat-vador Jedi SWU Messages 3169EnregistrĂ© le 24 Mai 2016 RĂ©pondre en citant le message par mat-vador » Mar 12 Juil 2022 - 2144 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Bonsoir Ă tous, comment ça va ?Allez c'est l'heure de la suite et on continue avec Oreste ! Mygeeto, deux semaines avant la fin de la Guerre des ClonesLe convoi rĂ©publicain sâĂ©tirait sur plus de deux kilomĂštres et avait commencĂ© Ă emprunter la VallĂ©e du Serpent. En tĂȘte de peloton, Oreste Tissan tourna la tĂȘte vers les vĂ©hicules dâescorte qui flanquaient les soldats, se plaignant intĂ©rieurement de leur vitesse de dĂ©placement trop lente. EmmitouflĂ© dans sa bure verte marĂ©cage qui le recouvrait, il serra les dents contre le vent glacial qui le mordait. Il regrettait de ne pas avoir demandĂ© au capitaine Pelo, de lui prĂȘter une combinaison contre le froid leva les yeux vers les crĂȘtes dentelĂ©es, blanches et ternes qui les entouraient. Un tel passage Ă©tait propice Ă des embuscades et la hauteur des montagnes favorisait des positions de tir, qui mettrait les sĂ©paratistes hors dâatteinte de toute riposte. Le Jedi corellien projeta sa conscience vers ces dĂ©cela des signes de vie mais cela restait vague et confus. Il crispa les doigts sur la crosse de son sabre-laser, tandis quâun officier clone le Monsieur, nous avons reçu lâappel du gĂ©nĂ©ral Mundi. Il nous attend avec ses troupes Ă la sortie de la Merci, capitaine Pelo. Dans combien de temps arriverons-nous ?- Dix heures, si nous maintenons lâ leva la paume ouverte vers le ciel sombre de Mygeeto. Un flocon de neige vint sây Ă©craser, prĂ©lude Ă la tempĂȘte qui sâannonçait. Les nuages couraient, plus imposants et plus sombres, ce qui rendait les environs plus Dix heures, câest bien trop Je sais, monsieur. Et une forte rĂ©sistance des sĂ©paratistes nous coĂ»tera plus de retard, encore, ajouta le bourrasque siffla et Oreste invoqua la Force pour se protĂ©ger du froid. Il rabattit son capuchon sur la tĂȘte, en donnant lâordre de se remettre en route. Ă peine avait-il mis les pieds sur cette planĂšte de la Bordure ExtĂ©rieure, quâil avait regrettĂ© de ne pas ĂȘtre rentrĂ© sur ancien mentor cĂ©rĂ©en lui avait pourtant expliquĂ© que ce monde Ă©tait lâun des bastions du Clan Bancaire Intergalactique, ce qui lui confĂ©rait une importance stratĂ©gique majeure. Depuis plusieurs mois, la RĂ©publique avait acculĂ© la ConfĂ©dĂ©ration des SystĂšmes IndĂ©pendants, sur leurs derniers mondes de la Bordure ExtĂ©rieure. Le siĂšge de Mygeeto comme de tant dâautres planĂštes, constituait la derniĂšre grande phase de la Guerre des Clones, qui sâĂ©ternisait depuis trois ans. Beaucoup piaffaient dâimpatience, en attendant la corellien avait vent de cette histoire de Sith clandestin, qui manipulerait le SĂ©nat et le cours de la guerre en sous-main. Mais il nâen avait cure, si loin de la capitale. La sensation du danger Ă©lectrisait de plus en plus, ses devait franchir cette vallĂ©e boisĂ©e le plus vite possible, pour rallier les troupes de MaĂźtre Mundi et lâaider Ă assiĂ©ger la ville de Mathalfel. Le dernier verrou qui dĂ©fendait la route vers la capitale Je nâaime pas cette forĂȘt que nous devons traverser, Moi non plus, capitaine, accorda le corellien. Faites placer les bipodes en tĂȘte, activez les scanners se tourna vers ses hommes et accomplit un geste rotatif de la main. Dans des claquements mĂ©talliques, les bipodes dĂ©passĂšrent la colonne pour constituer lâavant-garde. Puis le Jedi donna lâordre de massifs RT-TT et les chars Tridents sâavancĂšrent derriĂšre les bipodes, menĂ©s par Oreste et Pelo, sur le sentier qui sillonnait le creux de la vallĂ©e. Les montagnes qui les encerclaient disparurent peu Ă peu lorsque la tempĂȘte sâintensifia, rĂ©duisant la visibilitĂ© Ă moins de dix pas. Forçant Oreste Ă se couvrir le bas du entrĂšrent dans la forĂȘt, la neige Ă©touffant le bruit de leur marche et effaçant le chemin Ă©troit quâils empruntaient. MĂȘme en sâaidant de la Force et de son instinct, le Jedi aurait du mal Ă sâ Capitaine Pelo, fit-il. Appelez le CerbĂšre dâAgamar pour quâils nous envoient du soutien aĂ©rien. Nous avons besoin dâĂȘtre Oui, clone posa lâindex contre son casque, prĂšs de son oreille gauche et activa son comlink intĂ©grĂ© pour contacter le croiseur de classe Venator en orbite de la Capitaine Pelo Ă CerbĂšre dâAgamar. Demandons soutien aĂ©rien pour reconnaissance des forces ennemies sĂ©paratistes dans la VallĂ©e du Serpent. CoordonnĂ©es 2-7-0, Ă rĂ©ponse leur parvint aprĂšs un temps indĂ©fini, bien trop long pour Ici CerbĂšre dâAgamar. Les conditions climatiques extrĂȘmes ne permettent pas de reconnaissance Reçu, rĂ©pondit le clone avec amertume. Pelo, terminĂ©. Commandant ?- Jâai entendu, capitaine, lui lança Jedi corellien fixait lâhorizon droit devant lui, les yeux plissĂ©s par le gel qui sâaccentuait sur ses cils. Le danger imprĂ©gnait les courants de la Force mais il nâavait pas dâautre choix que dâavancer. CâĂ©tait la sĂ©paratistes lâavaient dĂ©clenchĂ© et la RĂ©publique lâapportaient chez eux, car le vent avait tournĂ©. MotivĂ© par cette certitude, il ordonna Ă son armĂ©e dâavancer. Il dĂ©crocha le sabre-laser de sa ceinture, se prĂ©parant Ă lâ clones entrĂšrent dans la forĂȘt maculĂ©e dâune blancheur aussi maculĂ©e que la couleur de leur armure. Sur plus de cent mĂštres, seul le vent leur parlait, murmurant quâils nâĂ©taient pas les bienvenus sur ce monde hostile. Les arbres hauts et dĂ©charnĂ©s, courbant sous le poids de leur coiffe laiteuse, leur accordaient par une aigre ironie, une haie dâhonneur Ă leur prĂȘt, lui fit alors la petite voix. BientĂŽt, trĂšs freina pour regarder par-dessus son Ă©paule, le soldat qui lâavait Oui, sergent ?- Les scanners thermiques ont dĂ©tectĂ© du mouvement Ă onze recula pour se mettre Ă hauteur du sous-officier, et vĂ©rifia ses dĂ©tecteurs intĂ©grĂ©s dans la visiĂšre de son casque. Des spots Ă©carlates clignotaient face Ă ses Combien de formes de vies ?- Une demi-douzaine, capitaine. Ă deux kilomĂštres de notre position. Ce doit ĂȘtre des autochtones, ajouta le sergent. Peut-ĂȘtre des fermiers du lâentendit distinctement Ă quelques mĂštres de lĂ . La petite voix grinça dans ses pensĂ©es des fermiers⊠y crois-tu vraiment ?Non, le corellien nâen croyait Capitaine, stoppez la colonne et envoyez une patrouille. Si les sĂ©paratistes nous prĂ©parent une embuscade, nous devons lâ Dâaccord avec vous, appela six clones qui formeraient la patrouille de reconnaissance. Il leur donna des consignes simples repĂ©rer lâennemi sans lâengager. Les soldats sâengagĂšrent plus profondĂ©ment dans la forĂȘt et ils disparurent peu aprĂšs, avalĂ©s par la brume. Leurs camarades suivirent leur progression lente, en restant en contact les minutes, un rapport de situation fut envoyĂ© au capitaine Pelo jusquâĂ ce que le comlink intĂ©grĂ© de son casque nâĂ©mette plus que des parasites inquiĂ©tants. Le Jedi corellien sut dans la Force que ses hommes nâĂ©taient leur sacrifice avait forcĂ© les sĂ©paratistes Ă rĂ©vĂ©ler leur Capitaine, prĂ©parez-vous au activa son sabre-laser, laissant une lame verte Ă©meraude se dĂ©plier en crĂ©pitant. La Force lâenvahit, se propageant dans tout son ĂȘtre, prolongeant sa prescience. La petite voix en profita pour se rendre plus Ă lâobscuritĂ©, il lâavait dĂ©jĂ fait aprĂšs tout, sur GĂ©onosis quand il avait torturĂ© ce gĂ©onosien dans une Ătreinte de Force. Sur Metalorn, quand il avait tourmentĂ© cet officier sĂ©paratiste pour quâil lui rĂ©vĂšle les codes permettant de dĂ©sactiver le bouclier planĂ©taire⊠Appelez MaĂźtre Mundi, capitaine. Dites-lui que nous aurons du retard Ă cause dâune probable poche de rĂ©sistance j'espĂšre que cela vous a plu ! Encore un cliffhanger, je sais... Allez, Ă mardi prochain ! mat-vador Jedi SWU Messages 3169EnregistrĂ© le 24 Mai 2016 RĂ©pondre en citant le message par L2-D2 » Jeu 14 Juil 2022 - 1126 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Extrait lu!On commence Ă raccrocher les wagons avec le tome I des Origines du Jedi Corellien si je ne m'abuse ! Vivement la suite! Que Monsieur m'excuse, mais cette unitĂ© D2 est en parfait Ă©tat. Une affaire en or. C-3PO Ă Luke SkywalkerStaffeur fan-fictions & publications VF littĂ©raires L2-D2 ModĂ©rateur Messages 7841EnregistrĂ© le 26 FĂ©v 2013Localisation NĂźmes RĂ©pondre en citant le message par Mandoad » Sam 16 Juil 2022 - 1523 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Retard rattrapĂ© et 3 chapitres sur Oreste, on est bien aimĂ© celui sur la brouille d'Oreste et de Rachi et la rĂ©action de cette derniĂšre face aux paroles hypocrites du Corellien sur l'attachement. J'ai trouvĂ© bien pensais aussi que la mention de Hett ferait le lien avec la partie se dĂ©roulant dans le futur, mais apparemment ce n'Ă©tait qu'un petit suivant avec le duel entre Anakin et Oreste, j'ai un peu moins accrochĂ©. Si tu t'en sors toujours aussi bien dans la description d'un tel affrontement, j'ai trouvĂ© la caractĂ©risation des deux personnages un peu immature. En fait, j'ai eu l'impression de voir deux enfants qui se disputaient Ă coups de "c'est lui qui a commencĂ©", ce qui a rendu leur Ă©change un peu puĂ©ril pour le coup. Quant au troisiĂšme, j'ai beaucoup apprĂ©ciĂ© de voir qu'on se rapproche gentiment des Origines et je suis curieux de voir comment tu vas clore tout cela !Je reviendrai pour la suite ! Mandoad Jedi SWU Messages 1411EnregistrĂ© le 28 Nov 2014 RĂ©pondre en citant le message par mat-vador » Lun 18 Juil 2022 - 1846 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Merci pour le retour, Mandoad !Mandoad a Ă©critJ'ai bien aimĂ© celui sur la brouille d'Oreste et de Rachi et la rĂ©action de cette derniĂšre face aux paroles hypocrites du Corellien sur l'attachement. J'ai trouvĂ© bien a soulevĂ© un problĂšme dans le dogme Jedi !Mandoad a Ă©critL e suivant avec le duel entre Anakin et Oreste, j'ai un peu moins flĂ»te !Mandoad a Ă©critQuant au troisiĂšme, j'ai beaucoup apprĂ©ciĂ© de voir qu'on se rapproche gentiment des Origines et je suis curieux de voir comment tu vas clore tout cela !Le destin inexorable de notre Oreste !Allez Ă demain ! mat-vador Jedi SWU Messages 3169EnregistrĂ© le 24 Mai 2016 RĂ©pondre en citant le message par mat-vador » Mar 19 Juil 2022 - 2137 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Bonsoir Ă tous, comment ça va ?C'est l'heure de la suite de la bataille !Pelo sâaccroupit pour passer lâappel. La connexion Ă©tait en cours lorsque les ennemis frappĂšrent sans crier gare. Un trait ardent transperça la brume pour se ficher dans la poitrine dâun clone qui passait devant Pelo. Compte tenu des conditions climatiques, le capitaine avait Ă©tĂ© ciblĂ© par un tireur dâĂ©lite et sâen Ă©tait sorti avec beaucoup de peine le corps du clone refroidissait-il sur le sol enneigĂ© que des sifflements prĂ©cĂ©dĂšrent la chute dâobus sur leur position. Le sommet de plusieurs bipodes enfla avant dâexploser, plongeant la colonne dans une profonde confusion. Lâessence de leurs Ă©quipages sâeffaça des courants de la Force, immergeant le corellien dans une grande câest cela. leva son Ă©pĂ©e, bloquant les premiers tirs sĂ©paratistes qui lui tombaient Capitaine, dĂ©ployez les hommes ! On doit avancer ! Appelez le CerbĂšre dâAgamar, on a besoin de soutien le relaya - Remuez-vous, bande de diâkut ! DĂ©ployez-vous et dĂ©busquez-les !Les soldats sâaccroupirent ou se jetĂšrent ventre Ă terre, avant dâĂ©pauler leur fusil blaster DC-15 et de riposter. Les traits bleus ionisĂ©s rĂ©publicains croisĂšrent les traits Ă©carlates des sĂ©paratistes. La bataille de la VallĂ©e du Serpent avait colonne se scinda, lorsque les chars Trident et les hexapodes RT-TT se sĂ©parĂšrent pour faire face Ă la menace. Leur puissant canon entra en action, bombardant les positions supposĂ©es des sĂ©paratistes. Ces derniers accentuaient leur feu nourri, rendant la posture des rĂ©publicains bien plus char Trident dĂ©passa Oreste, au grand dam de ce dernier qui trouvait que le vĂ©hicule sâexposait dangereusement. Lâengin qui flottait sur rĂ©pulseurs, encaissa un puissant tir de canon qui le brisa en deux. Des morceaux de corps et dâarmures blanches volĂšrent de part et dâautre du point dâimpact, tandis que la dĂ©flagration souffla Oreste en fut relevĂ© par Monsieur, doit-on battre en retraite ?- On avance, Nous subissons de lourdes pertes. Nous devrions attendre le soutien aĂ©rienâŠLe corellien le fusilla du regard et le clone remarqua non sans apprĂ©hension, que ses yeux verts et gris arboraient une malĂ©fique lueur Nous ne laisserons pas les sĂ©paratistes gagner. Que tous les hommes proches de nous me suivent, nous allons en Oui, droĂŻdes de combat apparurent hors de la brume, ouvrant le feu sur le Jedi corellien qui repoussa leurs tirs de blaster avant dâĂ©lever la main. Les frĂȘles automates furent fracassĂ©s contre un arbre fendu par les barrages dâ pivota vers les volontaires prĂȘts Ă le suivre dans sa contre attaque. Une trentaine de clones, dont des sapeurs Ă©quipĂ©s de charges anti-blindĂ©s magnĂ©tiques. Pelo ordonna Ă ceux-ci de se tenir juste derriĂšre les petite voix lui suggĂ©ra Laisse-moi te guider jusquâau chef Chargez !Il sâĂ©lança en avant, Ă travers la mitraille et agitant son sabre-laser pour se frayer un chemin Ă travers les rangs ennemis. Il dĂ©coupa les droĂŻdes qui lui barraient la route, ne prenant pas garde aux deux clones qui trĂ©buchĂšrent face contre terre, balayĂ©s par des Ă©clats de shrapnel, dus Ă lâexplosion dâune mine Force lui faisait percevoir la prĂ©sence du chef ennemi, un ĂȘtre organique qui se terrait Ă lâabri des combats, Ă quelques centaines de mĂštres. La petite voix lâencourageait sans cesse, oui⊠il se rapprochait de et tue-le. Brise tes dĂ©bouchĂšrent dans une clairiĂšre, oĂč des tanks sĂ©paratistes faisaient mouvement pour harceler les flancs de la colonne rĂ©publicaine bloquĂ©e. GardĂ©s par des dizaines de droĂŻdes, dont les senseurs les Posez les charges sur les tanks, vite ! Intima fantassins clones traversĂšrent les rangs des droĂŻdes Ă lâimage du Jedi corellien, tel un ouragan hors de contrĂŽle. Ils les dĂ©cimĂšrent en peu de temps et les sapeurs en profitĂšrent pour poser les mines magnĂ©tiques sur chacun des tanks prĂ©sents sur les lieux. Un Ă un, les vĂ©hicules dâassaut furent rĂ©duits au silence, rĂ©publicains prirent le contrĂŽle de la clairiĂšre, dĂ©sorganisant le dispositif dâattaque ennemi. Les soldats se regroupĂšrent autour du Monsieur, nous devrions rejoindre la Non, cette attaque a Ă©tĂ© organisĂ©e, capitaine. Nous devons trancher la tĂȘte du serpent qui la duretĂ© de son ton fit frĂ©mir lâ Bien, commandant. On vous quittĂšrent la clairiĂšre, se remettant en ordre de marche, sans les sapeurs qui furent sommĂ©s de rejoindre leurs camarades. Deux escouades demeurĂšrent ainsi avec le corellien, lui emboĂźtant le pas en file ordonna dâenvoyer les droĂŻdes sondes pour prĂ©venir toute surprise. La neige continuait de tomber, rendant le sol plus compact et plus Ă©pais. Leurs pas sây enfonçaient de plus en plus ronronnements des sondes cessĂšrent subitement au bout dâune centaine de mĂštres, sâeffondrant sur la neige, les circuits Capitaine ? Demanda Brouillage Ă basses frĂ©quences, signifiait que lâennemi Ă©tait proche et le Jedi sentait leur prĂ©sence dĂ©terminĂ©e, prĂȘt Ă agir. Il brandit le sabre-laser devant sa poitrine, une fraction de seconde avant quâun tir lumineux ne troua lâarmure dâun clone Ă la poitrine, en arriĂšre du surgirent de sous le manteau neigeux, vomis des entrailles de Mygeeto. Des humanoĂŻdes chauves grands de taille, dĂ©passant aisĂ©ment les deux mĂštres. De loin, leur silhouette fine et dĂ©charnĂ©e les faisait paraĂźtre comme des allumettes vĂȘtues de combinaison de survie. Leur teint maladif Ă©tait de la mĂȘme couleur que la neige de longs doigts minces maniaient des fusils blasters de haute prĂ©cision Ă lunettes, ce qui expliquait les lourds pertes infligĂ©es aux rĂ©publicains depuis le dĂ©but de la campagne. AidĂ©s des droĂŻdes de combat, ils menaient une guĂ©rilla latente contre la RĂ©publique pour ralentir leur progression vers les centres urbains, dont Position dĂ©fensive ! Hurla soldats sâaccroupirent en arc de cercla mais les muuns sĂ©paratistes Ă©taient deux fois plus nombreux quâeux. Ils les entouraient et les tirs prĂ©cis les Jâai besoin dâaide⊠Argh !Le clone Ă droite de Pelo, sâĂ©croula lorsque le trait ennemi ardent transperça son casque pour lâatteindre Ă lâ Commandant, on doit dĂ©gager dâici !Oreste entendit la petite voix lui commander tu as le pouvoir de tous les le corellien se dressa et usa de la Force pour tonner - Câest moi que vous voulez, sĂ©paratistes ? Je suis lĂ !Tous les tirs convergĂšrent vers lui, quâil bloqua avec sa lame lumineuse avec une fureur mĂȘlĂ©e de dĂ©dain. Il sâĂ©carta des clones et fondit sur le muun le plus proche dont il fendit la poitrine de haut en autochtones saisirent des dĂ©tonateurs thermiques et les lui balancĂšrent au visage. Les engins pyrotechniques sâimmobilisĂšrent Ă mi-distance avant dâĂȘtre renvoyĂ©s vers leurs expĂ©diteurs. Il nâen restait plus que de la charpie informe aprĂšs les chef nâest pas loin, souffla la petite plongea davantage dans les flux de la Force et dans ses propres tĂ©nĂšbres. Il repĂ©ra une femme muun dans un uniforme dâofficier terne, sali par la neige et la boue qui menait ses hommes au Laissez tomber les clones ! Tuez le Jedi ! Lâentendit-il humanoĂŻdes se dĂ©tournĂšrent des rĂ©publicains dont plus de la moitiĂ© Ă©tait tombĂ©e, pour concentrer leur attention sur le corellien. Ils sâinterposĂšrent entre ce dernier et leur cheffe, qui recula pour se mettre Ă lâabri, tout en Ă©paulant son fusil de guettait une ouverture mais le Jedi bougeait bien trop vite pour ĂȘtre ciblĂ©. Son sabre-laser dĂ©chirait lâair au fur et Ă mesure quâil se rapprochait dâelle. Sectionnant les membres, dĂ©chirant les corps comme de la viande de ProtĂ©gez la colonelle Scefe !Le muun qui donna cet ultime commandant fut dĂ©capitĂ© sans autre forme de procĂšs. Cinq de ses semblables restaient encore debout pour exĂ©cuter cette funeste instruction. Il ressentit leur terreur et ne put se retenir de la la vĂ©ritable voie, appuya la petite Vous devriez vous rendre, tous. Câest votre chef que je perçut la brĂšve hĂ©sitation des muuns et la dĂ©termination inflexible de leur commandante qui souriait. Elle Ă©carta son capuchon, dĂ©voilant la longue balafre qui barrait lâorbite vide de son Ćil Ils ont perdu leur famille dans les derniers bombardements criminels de la RĂ©publique, Jedi. Nous nous battrons jusquâĂ la mort pour notre libertĂ©, assĂ©na-t-elle Je respecte votre choix. Tout compte fait, câest ce que jâespĂ©rais. Je nâavais pas lâintention de vous derniers muuns ne furent plus quâune formalitĂ© pour le corellien qui les Ă©limina de frappes de taille, les divisant en plusieurs morceaux. Il enjamba les corps fumants, pour faire face Ă la colonelle Vous nâempĂȘcherez pas la victoire de la RĂ©publique, lui annonça-t-il avec suffisance. BientĂŽt la paix mettra fin au dĂ©sordre que vous avez causĂ© depuis trois ans. Mygeeto tombera, comme les derniers bastions muun cracha sur la neige, de mĂ©pris Parce que vous croyez que votre cause est plus juste, que vos souffrances comptent plus que les nĂŽtres ? Allez dire cela Ă tous ceux qui ont tout perdu dans votre guerre, leur foyer et leur famille ! Vous nâavez toujours pas compris que pour beaucoup de peuples, la RĂ©publique est lâoppresseur ? Ouvrez les yeux !- Nous combattons pour les principes de la RĂ©publique, que vous tentez dâ Vous ĂȘtes devenus si arrogants et aveugles que vous nâavez pas compris que la RĂ©publique que vous dĂ©fendez nâexiste plus ! Le Chancelier Palpatine sâest arrogĂ© tous les pouvoirs du SĂ©nat et vous continuez de lui en Câest de la propagande sĂ©paratiste ! Sâindigna le muun braqua son fusil vers Votre dĂ©mocratie est morte, ma cause est morte. Ma famille⊠je ne tarderai pas Ă la rejoindre, lĂ oĂč ils reposent en tristesse infinie imprĂ©gnait les courants de la Force. Et pour la premiĂšre fois, Oreste se sentit proche de cette ennemie. Il songea Ă son amante Beliem laissĂ©e sur Corellia qui lâattendait. Ce quâils construiraient ensemble aprĂšs la paix⊠une famille comme celle que la sĂ©paratiste avait perdue dans les durs combats ?Il ne voulait pas perdre Beliem, il ne voulait pas perdre le bonheur quâelle pouvait lui apporter. Cette sĂ©paratiste et ses illusions perdues ne comptaient pas pour lui. Oui, ce quâelle reprĂ©sentait face Ă lui, nâavait pas dâ nâest rien par rapport Ă ce que tu pourrais devenir, disait la petite muun pressa la dĂ©tente et son expression demeura figĂ©e par la stupĂ©faction lorsque son tir lui fut renvoyĂ© au bas du ventre. Elle sâĂ©croula sur les genoux, pressant ses longs doigts fins contre la plaie. Sa blessure nâĂ©tait pas Par tous les enfers⊠câest douloureux, releva la tĂȘte avec Accordez-moi une mort rapide, Jedi. Entre petite voix le convainquit quâelle ne mĂ©ritait pas cette faveur. Alors il usa de la Force pour la saisir et la soulever sans la moindre compassion. Dans ses mots, la pitiĂ© Ă©tait AprĂšs mâavoir causĂ© tant de problĂšmes, vous espĂ©rez ma misĂ©ricorde ? Je ne vous dois rien, resserra lâĂtreinte de Force qui lâemprisonnait, la broyant avec une lenteur cruelle. Un sourire carnassier Ă©tira ses lĂšvres, Ă mesure quâil accroissait sa souffrance. Puis un tir ionisĂ© bleu transperça la muun Ă la le corellien laissa le corps de lâhumanoĂŻde retomber dans la neige avant de pivoter vers le clone dont le fusil-blaster Commandant, ĂȘtes-vous blessĂ© ?Le corellien hocha la tĂȘte en signe de dĂ©nĂ©gation. Puis il comprit que son subalterne Ă©tait le seul soldat encore Quâest-il arrivĂ© aux autres ?- Ils ont fait leur devoir, monsieur. Ce pour quoi ils ont Ă©tĂ© nota lâamertume dans son ton. La colĂšre affleurait sous la surface de son impassibilitĂ©, mais il ignorait contre quoi ou qui elle Ă©tait dirigĂ©e. Il retourna sur ses pas, constater par lui-mĂȘme lâĂ©tat des pertes encaissĂ©es aujourdâ armures blanches Ă©talĂ©es entre les arbres disparaissaient sous la neige, les corps sans vie refroidissant dĂ©jĂ Ă lâintĂ©rieur. VoilĂ oĂč lâavait menĂ© sa passion une fois encore. GĂ©onosis, Metalorn, Mygeeto et tant dâautres champs de bataille quâil sâefforçait dâoublier. Tous ces hommes quâil avait conduits Ă la mort, au nom de la il nâen Ă©prouvait aucun Rejoignons la colonne, fit le cet instant, Pelo reçut un appel sur son comlink puis il rendit son Monsieur, le CerbĂšre dâAgamar a envoyĂ© le soutien aĂ©rien. Les sĂ©paratistes ont battu en retraite vers les Nây a-t-il pas des villages Ă proximitĂ© ?- Le village le plus proche est Ă dix kilomĂštres de notre position, Ă lâentrĂ©e de la vallĂ©e. Les sĂ©paratistes y ont peut-ĂȘtre reçu de lâaide pour prĂ©parer leur corellien regarda une derniĂšre fois les armures blanches immobiles avant de suggĂ©rer dâune voix aussi glaciale que le climat local - Nous allons nous regrouper et fouiller ce village. Nous ne laisserons aucune menace persister dans notre ne laissa aucune Ă©motion ou dĂ©sapprobation transpirer dans la Force. Il se comportait comme lâespĂ©rait le Jedi. Une arme vivante, dressĂ©e pour la Nous devrions envoyer un rapport au gĂ©nĂ©ral Mundi, suggĂ©ra-t-il au Je mâen charge, j'espĂšre que cela vous a plu !Allez, Ă la prochaine ! mat-vador Jedi SWU Messages 3169EnregistrĂ© le 24 Mai 2016 RĂ©pondre en citant le message par L2-D2 » Jeu 21 Juil 2022 - 1207 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Extrait lu ! Oreste ne fait pas dans la demi-mesure ! On sent bien que la Guerre a Ă©tĂ© longue, violente, cruelle mĂȘme, et que cette petite voix qu'Oreste entend rĂ©guliĂšrement, et bien elle lui a permis de survivre. Sans faire dans la dentelle, sans s'embarrasser de faire des prisonniers au point que mĂȘme son commandant clone semble tiquer - d'ailleurs, c'est apprĂ©ciable de le voir dans un rĂŽle d'alliĂ©, le Jedi ferait bien d'en profiter, ça ne durera pas ! , sans vraiment respecter les idĂ©aux de l'Ordre Jedi. En fait, si l'Ordre 66 n'avait pas eu lieu, je pense qu'Oreste aurait eu des comptes Ă rendre au Conseil...Vivement la suite ! Que Monsieur m'excuse, mais cette unitĂ© D2 est en parfait Ă©tat. Une affaire en or. C-3PO Ă Luke SkywalkerStaffeur fan-fictions & publications VF littĂ©raires L2-D2 ModĂ©rateur Messages 7841EnregistrĂ© le 26 FĂ©v 2013Localisation NĂźmes RĂ©pondre en citant le message par mat-vador » Dim 24 Juil 2022 - 2140 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Merci pour le retour, L2 !L2-D2 a Ă©crit On sent bien que la Guerre a Ă©tĂ© longue, violente, cruelle mĂȘme,je voulais montrer qu'il ne se battait peut-ĂȘtre pas dans le bon camp !L2-D2 a Ă©critd'ailleurs, c'est apprĂ©ciable de le voir dans un rĂŽle d'alliĂ©, le Jedi ferait bien d'en profiter, ça ne durera pas ! La purge va bientĂŽt arriver !L2-D2 a Ă©critEn fait, si l'Ordre 66 n'avait pas eu lieu, je pense qu'Oreste aurait eu des comptes Ă rendre au Conseil...Ce serait un infinity intĂ©ressant, ça !Allez, Ă mardi ! mat-vador Jedi SWU Messages 3169EnregistrĂ© le 24 Mai 2016 RĂ©pondre en citant le message par mat-vador » Mar 26 Juil 2022 - 2205 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Bonsoir Ă tous, comment allez-vous ?Allez, on continue avec Oreste Tissan pendant la campagne de Mygeeto, peu de temps avant l'avĂšnement de l'Empire !La bataille de la VallĂ©e du Serpent Ă©tait achevĂ©e depuis quelques heures et la nuit Ă©tait tombĂ©e sur le champ de bataille jonchĂ© dâĂ©paves de vĂ©hicules de combat et de corps. Les clones ramassaient leurs morts, prenaient soin de leurs blessĂ©s et dĂ©gageaient le chemin pour rallier les forces du gĂ©nĂ©ral Mundi et dĂ©buter le siĂšge de sâĂ©tait dĂ©tournĂ© de ce spectacle et avait rĂ©digĂ© un rapport de la bataille Ă lâintention de MaĂźtre Mundi. Bien Ă©videmment, il avait survolĂ© le dĂ©tail de ses actes peu glorieux, son maĂźtre devait tout ignorer de son attirance pour les canonniĂšres avaient atterri pour emmener autant dâhommes que possible pour lâopĂ©ration spĂ©ciale que Oreste avait prĂ©vue. Le corellien vocifĂ©ra avec Pelo pour faire accĂ©lĂ©rer le mouvement. Ils dĂ©collĂšrent lorsque lâembarquement fut Jedi fixa encore une fois les lueurs des nanolampes des clones qui quadrillaient la VallĂ©e du Serpent avant quâelles ne disparaissent englouties par les sommets des sapins, revĂȘtus de leur pĂąle coiffe blafarde. Il serra la poignĂ©e froide qui lui permettait de conserver son Ă©quilibre, malgrĂ© les balancements de la canonniĂšre secouĂ©e par les derniers battements de la tempĂȘte en Nous serons arrivĂ©s sur lâobjectif dans cinq minutes, le prĂ©vint inspira un grand coup et de la vapeur sâĂ©chappa de ses narines. Cette neige lui faisait regretter la douceur de Corellia, lâaffection paternelle de son mentor Nejaa Halcyon, lâamour de sa mĂšre et de sa compagne elle lui manquait tellement, son visage Ă©tait le rayon de soleil de sa vie et dâune meilleure promesse de lâavenir. Il sâaccrochait Ă lâespoir que rester enfin auprĂšs dâelle, ferait de lui un homme meilleur, libĂ©rĂ© de ses as dâabord une mission Ă accomplir, lui rappela sĂ©vĂšrement la petite voix dans son il devait sâassurer que les villageois muuns nâavaient aucune responsabilitĂ© dans lâembuscade meurtriĂšre que les sĂ©paratistes leur avaient tendu dans la VallĂ©e du Serpent. Ils avaient dĂ©clenchĂ© cette guerre, emportĂ© tellement de systĂšmes dans cette spirale de violence sans fin⊠dĂ©truit de si nombreuses familles, fait peser une ombre incertaine sur le bonheur de Beliem. Il ne leur pardonnerait ces muuns Ă©taient coupables dâune quelconque sympathie pour le camp sĂ©paratiste, il ferait sâabattre sur eux le juste chĂątiment. MĂȘme si cela lâĂ©cartait un peu plus de la voie des Jedi, il devait sâassurer de la loyautĂ© des clones sous son Le CerbĂšre dâAgamar a-t-il dĂ©tectĂ© du mouvement ennemi, lĂ oĂč nous allons ?- NĂ©gatif, monsieur. Rien Ă projeta ses sens loin de lui et ne perçut pas de menace immĂ©diate. Bien, il ne jetterait pas ses hommes dans un nouveau Trente secondes, objectif en vue. Vos ordres, commandant Tissan ?- Coupez toute retraite possible, aucun villageois ne doit sâ un ordre de Pelo, les canonniĂšres sâĂ©cartĂšrent les unes des autres et se posĂšrent de part et dâautre du village de quelques centaines dâĂąmes, encaissĂ© dans le creux dâun vallon, Ă lâentrĂ©e de la VallĂ©e du rugissement des moteurs avait attirĂ© lâattention des autochtones, Oreste lâavait senti. Depuis sa position, il les observait en train de sâĂ©gailler dans leur masure, saisissant leur progĂ©niture pour les mettre Ă lâabri et sâenfermer Ă lâintĂ©rieur. Ce qui paraissait ĂȘtre une attitude ordinaire de civils soucieux de se prĂ©server de la cruautĂ© de la guerre, devenait suspect aux yeux du corellien. Ce comportement pouvait mĂȘme constituer une preuve se promit quâil saurait la fais confiance Ă ton instinct, lâencouragea la petite vĂ©hicules rĂ©publicains se posĂšrent autour du village, en formation serrĂ©e de maniĂšre Ă bloquer efficacement toute entrĂ©e et sortie. Les clones sautĂšrent promptement dans la boue enneigĂ©e, se haranguant en mandoâ Bougez-vous le shebs ! Jurait avoir postĂ© des sentinelles afin de prĂ©venir toute surprise, le Jedi investit le village avec le reste des troupes. Pelo ordonna que tous les villageois sortent de leurs habitations pour contrĂŽler leur de terreur, aucun des muuns nâobtempĂ©ra. Avec la permission de Oreste, les soldats sâapprochĂšrent pour dĂ©foncer les maigres portes Ă coups de crosse et extirper de force les rĂ©sidents quâils jetĂšrent impitoyablement dans les rues. Levant les mains en lâair, les humanoĂŻdes se laissĂšrent docilement conduire vers la place principale, au cĆur du de coups de poings et de coups de bottes, cela allait de soi. Les familles se tenaient par les bras, les enfants contre leurs parents qui les rassuraient en leur murmurant quelques mots doux alors que le froid les tenaillait entre ses pinces mĂȘme froid qui avait envahi le cĆur de Oreste, lui ĂŽtant toute pitiĂ© Ă lâencontre de ces civils que lâĂ©cho de la guerre avait quelques dizaines de villageois furent regroupĂ©s puis encerclĂ©s par les clones au milieu du village sous ses yeux, Pelo lui confirmant que personne ne manquait Ă lâ Qui les reprĂ©sente ? RĂ©pondit le tonna en direction de la foule - Qui vous reprĂ©sente ?Dans un silence oppressant, une silhouette fendit les rangs, vĂȘtue dâune toge mauve et sâappuyant sur une canne. La vieille muun aux rides profondes, soutint le regard distant du clone puis celui du Jedi, lĂ©gĂšrement en Je suis la PrĂ©fĂšte Sandari, votre prĂ©sence nâest pas nĂ©cessaire ici. Il nây a que des chasseurs et des cueilleurs, qui cherchent Ă survivre tant que La ferme, trancha Capitaine, le rappela Ă lâordre prit la place de Pelo pour faire face Ă la Nos troupes viennent dâĂȘtre attaquĂ©es dans la VallĂ©e du Serpent et nous avons subi de lourdes pertes, Nous sommes dĂ©solĂ©s de lâapprendre, jeune Jedi. Mais câest ce qui arrive inĂ©vitablement quand on amĂšne le malheur avec yeux du corellien acquirent une plus grande Votre village Ă©tant proche du lieu de la bataille, nous vous soupçonnons dâavoir aidĂ© les sĂ©paratistes de quelque maniĂšre que ce perçut dans la Force, le changement subtil dâatmosphĂšre qui planait au-dessus de cette petite assemblĂ©e. Un accroissement sensible dâangoisse qui gagnait tous les villageois, y compris chez la matriarche qui devint consciente que ses prochains mots pourraient dĂ©cider de leur sort Ă Mais il nây a ni combattant ni droĂŻde dans notre village, insista-t-elle. Nous nâavons rien Ă voir avec les le sut avant que la petite voix ne lui confirma elle Nous verrons, coupa-t-il sans chaleur. Passez tout le village au peigne fin, fit-il impĂ©rieusement Ă ses hommes retournĂšrent vers les masures pour les fouiller. Des bruits de tables, de chaises renversĂ©es puis de meubles forcĂ©s leur parvenaient. Des muuns baissaient vers les yeux vers le sol gelĂ©, craignant dâavance dâaffronter le courroux de leurs geĂŽliers. La tristesse ridait un peu plus le front de la PrĂ©fĂšte, pressentant quâun malheur allait sâabattre sur sa corellien dĂ©couvrirait bientĂŽt la vĂ©ritĂ©, la petite voix le lui soldats revinrent, du butin plein les bras. Des armes de guerre, massivement utilisĂ©es par les miliciens locaux sĂ©paratistes, du matĂ©riel mĂ©dical⊠et un massif appareil de communication Ă courte Nous lâavons dĂ©couvert sous le plancher, expliqua un des clones au armes en soi ne constituaient pas une preuve majeure mais cet Ă©metteur, par contre⊠Oreste serra involontairement le poing autour de la crosse de son sabre laser. Une Ă©nergie glacĂ©e Ă©manait de son Ăąme pour se rĂ©pandre dans tout son haine avait prise sur Vous lâavez utilisĂ© pour prĂ©venir les sĂ©paratistes de notre arrivĂ©e, lança-t-il face aux villageois ne lui rĂ©pondit, de peur de dĂ©clencher une violente MaĂźtre Jedi, je comprends votre colĂšre, dĂ©clara la PrĂ©fĂšte en sâavançant. Je suis prĂȘte Ă en assumer toute la responsabilitĂ© mais je vous supplie dâĂ©pargner les miens. Ils ne font que mâ petite voix se moqua quelle noble Ils ont choisi de vous obĂ©ir, la sentence sera la mĂȘme pour terribles mots du Jedi Ă©veillĂšrent lâeffroi dans les yeux de la PrĂ©fĂšte. Des murmures implorants parcoururent la foule Mais vous ĂȘtes un Jedi ! Vous ne pouvez pasâŠ- Je suis un Jedi et je sers la RĂ©publique, que votre sĂ©dition met en danger. Cette guerre que vous avez dĂ©clenchĂ©, nâa que trop Il y a des enfants, vous oseriez leur faire du mal ?Les yeux verts et gris du corellien se promenĂšrent sur tous les villageois, sâattardant sur les enfants muuns confus et Il nây a pas dâinnocents dans cette guerre, martela-t-il. Vous partagerez tous le mĂȘme matriarche comprit quâil ne flĂ©chirait pas. Les clones resserraient lâĂ©tau autour de leurs prisonniers, ĂŽtant le cran de sĂ»retĂ© de leur fusil Câest ce que la RĂ©publique est devenue, souffla la PrĂ©fĂšte avec Nous la sauverons des sĂ©paratistes, PrĂ©fĂšte, lui assura le capitaine fiertĂ©, Sandari ne daigna pas lui accorder la moindre attention, continuant de soutenir le regard du Et qui la sauvera de criminels comme vous, Jedi ?Oreste crispa la mĂąchoire, il ne pouvait pas reculer sans se ridiculiser devant ses propres troupes. Il devait aller jusquâau ProcĂ©dez, Ă vos ordres, Jedi recula pour laisser sa place Ă Pelo. Il se dĂ©tourna pour ne pas voir la suite, alors que lâofficier ordonna implacablement Ă ses Soldats, en villageois tentĂšrent de dissuader leurs Ăpargnez les enfants ! Ăpargnez-les ! Les cris de dĂ©tresse rebondissaient sur ces armures blanches insensibles au dĂ©sespoir alors que les armes Ă©taient pointĂ©es dans leur direction, prĂȘtes Ă rugir. Oreste ferma les yeux et se coupa de la Force, Ă©teignant mĂȘme cette petite voix qui lâaccompagnait Feu Ă volontĂ©, lĂącha garda les paupiĂšres closes, serrant les dents pour ne pas voir ce quâil entendait. Les dĂ©tonations mĂȘlĂ©es aux cris dâagonies des muuns qui sâeffondraient les uns sur les autres, rejoignant un Ă un le nĂ©ant glacĂ© de lâ retirer de la Force lui permit de ne pas ressentir ces morts. Puis il se demanda pourquoi il en avait Ă©tĂ© rĂ©duit Ă cette impitoyable extrĂ©mitĂ©. Alors il laissa le visage de Beliem se matĂ©rialiser dans son esprit. Il sâimaginait quâelle le regardait et lui souriait. Oui, câĂ©tait pour elle quâil le faisait, pour son bonheur dans une galaxie libĂ©rĂ©e de la guerre et de la terreur qui se passait dans ce village de Mygeeto, Ă©tait un mal enfant Muun sâextirpa de sous les cadavres de ses parents, ses vĂȘtements et sa peau grise terne maculĂ©s de leur sang. Il rampa entre les corps, avant de se lever subitement et de se mettre Ă courir Ă toute peur de la mort lui donnait des ailes de Thranta mais le sauverait-elle pour autant ? Pelo le remarqua en Ne le laissez pas sâĂ©chapper !Le capitaine montra lâexemple, en Ă©paulant son fusil. Lâenfant foulait le sol Ă grandes enjambĂ©es mais Ă peine avait-il quittĂ© la place quâun trait ionisĂ© le frappa entre les omoplates pour ressortir de sa maigre ne comprit pas lâintense douleur quâil ressentait Ă lâimpact, tandis quâil titubait, ses perceptions engourdies. Il fut projetĂ© face contre terre, par les autres tirs de blaster, et la neige teintĂ©e de son sang commençait Ă recouvrir son minuscule cadavre. Aucun autre enfant nâavait obtenu clones sâapprochĂšrent et sâassurĂšrent de sa mort en visant la nuque. Leur besogne faite, ils rejoignirent leurs camarades qui tiraient sur le tas de cadavres qui trĂŽnait sur la place du village. Au-dessus de cette pile de chair funeste, des mains continuaient de sâagiter vers les cieux sombres. Les doigts fins remuaient, pour implorer encore une derniĂšre fois de lâ dĂ©tonations ponctuĂ©s de flash Ă©phĂ©mĂšres⊠tout fut revint vers le Jedi Commandant, nous avons rouvrit alors les yeux sur le carnage quâil a refusĂ© de regarder. Puis il se connecta Ă la Force, la prolongeant vers les victimes dont il ne dĂ©tecta aucun signe de vie. MalgrĂ© sa rĂ©pugnance, il plongea ses yeux dans ceux de la PrĂ©fĂšte, qui semblait le fixer dâun air accusateur malgrĂ© la mort qui lâavait se consola en se rappelant quâil lâavait fait pour Beliem, pour la retrouver quand la guerre sera Ăvacuez les hommes, Oui, sonna le rappel et les clones se regroupĂšrent dans lâordre pour quitter le village suppliciĂ©. Oreste saisit son Tissan aux canonniĂšres, tenez-vous prĂȘt Ă faire feu quand nous aurons quittĂ© le clones gagnĂšrent les entrĂ©es du village, quadrillant rigoureusement les environs. Au-dessus dâeux, les canonniĂšres passĂšrent en rase-mottes pour dĂ©verser tout leur arsenal sur les masures missiles et les roquettes explosĂšrent, rĂ©pandant en quelques secondes un incendie gĂ©nĂ©ralisĂ© qui dĂ©vasta tout le village. Des projectiles incendiaires furent lancĂ©s sur les cadavres agglomĂ©rĂ©s sur la place. Tout trace de ce qui venait de se passer, devait corellien et ses hommes regardaient les flammes aussi Ă©carlates que le sang qui avait Ă©tĂ© versĂ©, sâĂ©lever vers les nuages lourds et sombres. Ă travers eux, la guerre avait dĂ©truit ce havre de vie et dâharmonie canonniĂšres se posĂšrent ensuite pour les embarquer et les ramener vers le gros des troupes qui les attendaient dans la VallĂ©e du Serpent. La guerre se poursuivait, dâautres vies seraient perdues tant que Mygeeto resterait aux mains des Quel rapport devons-nous envoyer au CerbĂšre dâAgamar sur ce qui sâest passĂ© ? Lui demanda le capitaine Ă cĂŽtĂ© de Seulement ceci. Ce village a Ă©tĂ© dĂ©truit par les sĂ©paratistes car ses habitants ont Ă©tĂ© soupçonnĂ©s de nourrir de la sympathie pour la sentit peser le regard de lâofficier avant que celui-ci nâacquiesça en silence. La guerre Ă©tait assez cruelle, pour brouiller les responsabilitĂ©s dans un miasme indĂ©chiffrable. Tant quâelle durerait, il sâenfoncerait dans les un peu plus dans les j'espĂšre que cela vous a plu !Allez, Ă mardi prochain ! mat-vador Jedi SWU Messages 3169EnregistrĂ© le 24 Mai 2016 RĂ©pondre en citant le message par L2-D2 » Mer 27 Juil 2022 - 1120 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Extrait lu!Ah oui, quand mĂȘme! On est au bal des faux-culs tout de mĂȘme avec un Orestetellement convaincu de son bon droit et de faire ce qu'il faut... qu'il se coupe de la Force au moment de l'exĂ©cution et refuse de regarder ce qu'il n'hĂ©site pourtant pas Ă ordonner. Elle a bon dos, Beliem... Un beau salopard donc que tu nous as prĂ©sentĂ©s ici!Vivement la suite! Que Monsieur m'excuse, mais cette unitĂ© D2 est en parfait Ă©tat. Une affaire en or. C-3PO Ă Luke SkywalkerStaffeur fan-fictions & publications VF littĂ©raires L2-D2 ModĂ©rateur Messages 7841EnregistrĂ© le 26 FĂ©v 2013Localisation NĂźmes RĂ©pondre en citant le message par mat-vador » Jeu 28 Juil 2022 - 2131 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Merci pour le retour, L2 !L2-D2 a Ă©critOn est au bal des faux-culs tout de mĂȘme avec un Orestetellement convaincu de son bon droit et de faire ce qu'il faut... qu'il se coupe de la Force au moment de l'exĂ©cution et refuse de regarder ce qu'il n'hĂ©site pourtant pas Ă oui ! Mais qu'il assume enfin !L2-D2 a Ă©crit Elle a bon dos, Beliem... Quand l'amour rend aveugle !L2-D2 a Ă©critUn beau salopard donc que tu nous as prĂ©sentĂ©s ici!Pas trop surpris qu'il devienne un certain Jedi Noir de Dathomir ! mat-vador Jedi SWU Messages 3169EnregistrĂ© le 24 Mai 2016 RĂ©pondre en citant le message par mat-vador » Mar 02 AoĂ» 2022 - 2203 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Bonsoir, je vous poste la suite !Et c'est le dĂ©but de la sixiĂšme et derniĂšre partie ! Partie 6 RĂ©demption Le passĂ© Bordure ExtĂ©rieure, Secteur de Quelii, planĂšte Dathomir Des annĂ©es aprĂšs lâavĂšnement de lâEmpireLe vaisseau de Rachi Sitra Ă©mergea de lâhyperespace et ralentit pour scanner les environs. La Jedi twiâlek souhaitait se prĂ©server de la mauvaise surprise quâelle avait connue lors de sa derniĂšre dâun chasseur de primes qui lui avait tendue une embuscade en orbite et lâavait capturĂ©e pour la livrer Ă lâEmpire. Elle se souviendrait encore de cette rencontre avec Boba Fett et ne comptait pas commettre les mĂȘmes erreurs. Elle projeta davantage ses perceptions dans la Force, pour dĂ©tecter lâarrivĂ©e dâĂ©ventuels ressentit dâabord Dathomir et les Ă©tincelles de vie qui la peuplaient. Ce monde rĂ©sonnait dans la Force avec une telle aura quâelle sâen nourrit pour prolonger sa prescience dans tout le systĂšme. Elle reprit sa respiration avec plus de rĂ©gularitĂ© quand elle fut certaine de lâabsence de menace immĂ©diate. Cela ne signifiait pas pour autant que la mission diplomatique dont elle a Ă©tĂ© chargĂ©e pour le compte de lâAlliance Rebelle, serait regorgeait de dangers. Rien que la faune de la planĂšte suffisait Ă tuer les voyageurs imprudents et les naufragĂ©s. La flore qui confĂ©rait cette vague apparence chlorophylle Ă ce monde isolĂ© des routes hyperspatiales, dissimulait la prĂ©sence dâautochtones sensibles Ă la Force. Les SorciĂšres de dâhistoire et dâarchĂ©ologie lors de sa formation au Temple de Coruscant, Rachi connaissait leur histoire. Cette communautĂ© dâadeptes de la Force fut créée suite Ă lâexil dâAllya, une Jedi ayant sombrĂ© du CĂŽtĂ© Obscur et bannie par ses pairs sur ce qui Ă©tait une colonie pĂ©nitentiaire de la RĂ©publique. Au fil des gĂ©nĂ©rations, cette communautĂ© avait prospĂ©rĂ© en plusieurs clans, crĂ©ant une sociĂ©tĂ© matriarcale qui avait rĂ©duit les hommes au rang de simple reproducteur. VoilĂ pourquoi, elle ignorait comment elle serait devait dâabord Ă©chapper aux scanners de lâEmpire qui possĂ©dait un pĂ©nitencier pour les prisonniers politiques. Elle relança les moteurs aprĂšs avoir modifiĂ© la signature de son impĂ©riaux ne prirent pas garde Ă son approche, la laissant pĂ©nĂ©trer les couches nuageuses et survoler lâinfinie forĂȘt de sapins. Elle repĂ©ra ensuite une chaĂźne de montagne qui marquait lâentrĂ©e du clan de la Montagne Qui remarqua un vallon isolĂ© oĂč elle pouvait poser son vaisseau discrĂštement. AprĂšs lâappontage, elle ouvrit une connexion longue portĂ©e cryptĂ©e avec lâun des agents de la rĂ©bellion qui collaborait avec figure dâune humaine aux cheveux roux coupĂ©s courts et Ă lâallure dâune aristocrate sâillumina devant SĂ©natrice Mothma, je suis arrivĂ©e. Les impĂ©riaux nâont pas dĂ©tectĂ© mon de la dignitaire entrĂ©e en rĂ©bellion contre lâEmpire montra le soulagement de cette Bien, jâespĂšre que vous rĂ©ussirez dans votre mission. Le ralliement des SorciĂšres de Dathomir apporterait beaucoup Ă notre Il ne sera pas facile de les convaincre mais je ferai de mon mieux, rĂ©pondit la twiâlek. Je vous tiens communication terminĂ©e, la twiâlek quitta le vaisseau et Ă©tudia son environnement. Un vertige la saisit lorsquâelle se retrouva sous lâeffet dâune gravitĂ© plus lĂ©gĂšre que la normale. Elle prit quelques instants pour sây habituer, calquant le rythme de sa respiration pour lâaider Ă attĂ©nuer les effets. La Force Ă©tait riche en ce constata que le sentier qui longeait son vaisseau, sâenfonçait en direction des montagnes. LĂ oĂč se cachait la forteresse du clan de la Montagne Qui Chante. Ses lekkus sâagitĂšrent sur ses Ă©paules, signe de la vigilance dont elle faisait preuve sur un monde si dangereux. Elle sâengagea enfin sur le chemin poussiĂ©reux, chacun de ses pas lĂąchant dans son sillage un fin panache sentit leur prĂ©sence avant quâils nâapparaissent face Ă sol trembla lorsque des crĂ©atures grandes et tassĂ©es surgirent pour lui couper le passage, au niveau dâun virage. Des prĂ©dateurs reptiliens massifs hauts de plusieurs mĂštres, aux bras incurvĂ©s terminĂ©s par des griffes larges comme des faux et chevauchĂ©s par des femmes athlĂ©tiques habillĂ©s en peau de se rapprocha davantage, en posant la main sur son sabre-laser, accrochĂ©e Ă la ceinture. Elle remarqua les tatouages tribaux qui marquaient leur figure, sous le large capuchon qui les recouvrait. La Force Ă©tait prĂ©sente en elles, la Jedi rescapĂ©e de la purge le ressentait par vagues intermittentes. Leurs montures â des rancors â sâarrĂȘtĂšrent, permettant aux cavaliĂšres de la jauger plus SorciĂšres de Dathomir donnĂšrent lâimpression de savoir Ă qui elles avaient affaire. Certaines brandirent des lances dans sa direction, dâautres des Ă©pĂ©es ou des blasters dâun temps ancien. Aucune ne semblait vouloir lâaccueillir Ă bras ouverts. Une confrontation ne tournerait pas Ă son pourquoi elle leva les mains, paumes tournĂ©es vers lâavant, en guise de bonne Je viens en avait parlĂ© dans lâancien dialecte de lâEmpire paecien, disparu plusieurs siĂšcles auparavant, qui dominait sans ce partage, ce systĂšme. Comme elle sây attendait, elle avait prise de court les amazones qui Ă©changeaient des regards Ă©tonnĂ©s. Une Ă©trangĂšre hors-monde qui prononçait des mots semblables aux leurs, voilĂ qui ne manqua pas dâattiser leur si leur hostilitĂ© restait une des femmes se dĂ©tacha des rangs, ordonnant Ă ses consĆurs dâattendre dâun mouvement de lance. Son rancor lâamena face Ă la Jedi twiâlek, quâelle dĂ©visagea avec sĂ©vĂ©ritĂ©. Puis la dathomirienne sauta avec souplesse aux pieds de sa monture, usant dâun sort oral pour ordonner Ă la crĂ©ature de rester retira son capuchon, dĂ©voilant le visage dâune zabrak, Proche Humaine Ă la peau mate et Ă la tĂȘte hĂ©rissĂ©e de minuscules cornes. Ă lâarriĂšre de la nuque, une queue de cheval flottait dans le Tu parles notre langue, Ă©trangĂšre inclina le buste pour lui tĂ©moigner son Jâaime apprendre, rĂ©pondit-elle avec affabilitĂ© malgrĂ© la rudesse de lâautochtone Ă son Ton accent est semblable Ă lâhaleine dâune bouse de cherchait Ă la Moins pestilentielle que vos maniĂšres, zabrak fronça les sourcils, suite Ă la Qui es-tu ?- Je suis Rachi Sitra, Chevalier Jedi. Je viens vous proposer de rejoindre lâAlliance pour combattre la tyrannie de lâEmpire sur Dathomir et dans la galaxie toute entiĂšre. Jâaimerais mâentretenir avec votre la fixa avec encore plus de froideur, sâappuyant sur sa lance quâelle ficha dans le sol par le Un Jedi est venu apporter la guerre sanglante sur notre monde, il y a plusieurs printemps. Il sâappelait Oreste Tissan et il a provoquĂ© notre chute au profit des SĆurs de la Nuit et de lâEmpire que tu prĂ©tends twiâlek ne put se retenir dâĂ©prouver une infinie tristesse, en entendant le nom de ce jeune Jedi corellien qui avait trouvĂ© refuge sur Dathomir aprĂšs la Purge. Il y avait lancĂ© sa rĂ©bellion dont lâEmpire en avait fait ses choux gras pour justifier sa traque des derniers membres de la confrĂ©rie. Les SorciĂšres possĂ©daient la mĂ©moire longue et la rancune tenace. Elle comprit lâampleur de la difficultĂ© de sa rĂ©parer le mal que Oreste avait causĂ© ?- Je suis dĂ©solĂ©e des pertes que vous avez subies, mais nous ne devons pas laisser le passĂ© dĂ©terminer notre avenir. Nous devons au contraire en tirer des De belles paroles, Jedi, cracha la non humaine. Mais nous nâen Ă©couterons pas davantage, quitte les lieux songea Ă ce quâelle avait perdu depuis la Guerre des Clones, lâavĂšnement de lâ Jâai pris beaucoup de risques pour venir ici. Je ne partirai pas avant dâavoir parlĂ© Ă votre deux femmes se mesurĂšrent du regard, avant que la zabrak ne crispa les doigts sur le manche de son arme. En deux battements de cils, lâautochtone retira subitement sa lance du sol, la fit danser au-dessus de sa tĂȘte et frappa de taille la visiteuse, au niveau des hanches. pas assez pour prendre la Jedi au dĂ©pourvu. La twiâlek recula dâun pas et le fer frĂŽla son corps avant quâelle ne dĂ©plia sa jambe comme un ressort, enfonçant sa botte dans lâestomac de la dathomirienne. Celle-ci tituba avant de pousser un cri de traits farouches grimaçants, la zabrak se jeta de nouveau, maniant sa lance Ă deux mains pour la transpercer Ă la poitrine. Rachi saisit alors la crosse de son sabre et lâactiva. Dans un sifflement familier, la lame bleue azur prit vie et intercepta la lance quâelle fendit adroitement en deux par le elle pivota sur son pied dâappui pour balayer les chevilles de la zabrak avec son mollet. Celle-ci chuta lourdement sur le sol et elle fut tenue en respect par la lame crĂ©pitante dont la pointe rĂ©chauffait son Jâexige de parler Ă votre matriarche. On continue la dĂ©monstration ou on arrĂȘte les frais ?Elle espĂ©rait pendant quelques instants que la zabrak entendrait raison mais elle fut dĂ©trompĂ©e lorsque lâamazone cria en direction des siennes - Mes SĆurs, tuez lâĂ©trangĂšre !ImmĂ©diatement, Rachi sâĂ©carta dâelle pour faire face aux autres dathomiriennes. Celles-ci sâavancĂšrent, juchĂ©es sur la nuque de leur rancor, Ă©tendant leur formation pour lâencercler. La plus proche braqua son blaster et pressa la bloqua les tirs avec sa lame avant de sentir lâattaque du rancor de la zabrak. Le rugissement guttural de la bĂȘte prĂ©cĂ©da le mouvement de son bras gigantesque qui laboura, lĂ oĂč se trouvait la twiâlek. Elle avait esquivĂ© dâun long salto arriĂšre qui lâĂ©loigna tant du prĂ©dateur furieux que des autres guerriĂšres qui la dâelles lui projeta sa lance quâelle arrĂȘta en pleine course Ă lâaide de la Force. Puis la twiâlek accumula ses pouvoirs quâelle relĂącha en une puissante vague tĂ©lĂ©kinĂ©tique qui fit chanceler tous les rancors, au point de faire chuter certaines de leurs zabrak, de nouveau debout, Ă©leva ses mains en soufflant un choix mĂ©lodieux. Elle usait de la Force, que les SorciĂšres appelaient dans leur dialecte, la Magie dâAllya. Une partie du sol se souleva autour dâelle et deux blocs compacts fusĂšrent vers la Jedi pour la percuter et lâĂ©craser. Rachi leva la paume Ă son tour et rejeta les blocs sur les cĂŽtĂ©s alors que les autres amazones se qui avaient Ă©tĂ© jetĂ©es du haut de leur monture, se relevaient indemnes sauf deux qui furent hors de combat, le bras fracturĂ©. Ces dathomiriennes coururent vers la Jedi pour en finir au corps Ă corps. Les autres restĂšrent en arriĂšre, assises sur leur monture et tentaient de maĂźtriser les rancors privĂ©s de contrĂŽle, en chantant des sorts de domination se prĂ©cipita Ă la rencontre de ses ennemies, sa lame ardente trancha la garde de lâĂ©pĂ©e de duracier rouillĂ© de la premiĂšre. Elle brisa le blaster de la deuxiĂšme dâun coup latĂ©ral, rejeta la troisiĂšme et la quatriĂšme dâune PoussĂ©e de cinquiĂšme restĂ©e en arriĂšre-garde, avait dĂ©butĂ© un chant pour invoquer une TempĂȘte de Force. Mais le talon haut de la twiâlek qui la cogna Ă la tempe, la stoppa en lâassommant avant quâelle nâait pu achever le sort. SâĂ©tant dĂ©barrassĂ©e de ses ennemies immĂ©diates, la Jedi fit face aux rancors et Ă leurs dâentre elles ordonna Ă son rancor dâarracher une partie du sol avec ses bras puissants et de lancer les dĂ©bris imposants sur lâĂ©trangĂšre. Rachi se servit de la Force pour bondir dans les airs et se rĂ©ceptionner sur le dos de la crĂ©ature, Ă la stupĂ©faction de la cavaliĂšre qui la fixa, les yeux Ă©carquillĂ©s. Finalement la dathomirienne se redressa pour la chasser mais elle ne fit pas le poids face Ă la twiâ dĂ©gaina son Ă©pĂ©e mais la Jedi la dĂ©sarma dâun mouvement tournoyant de la jambe droite avant de pivoter pour propulser son autre pied dans la poitrine, qui catapulta son adversaire et la fit chuter au pied de sa monture. De sa position haute, elle entendit le cri de la dathomirienne qui gisait au sol, la cheville de sa cavaliĂšre, le rancor se dressa en lĂąchant un mugissement inquiĂ©tant. Rachi sentit son agressivitĂ© grandissante, qui avait Ă©tĂ© jusque-lĂ tenu en laisse. Il ouvrit la gueule, dĂ©voilant ses crocs terrifiants, dans lâidĂ©e de vouloir sâen prendre Ă dâautres rancors ou Ă qui quiconque se trouvait sur son la cavaliĂšre qui se trouvait sous lui et qui menaçait dâĂȘtre piĂ©tinĂ©e. Rachi sentit la dĂ©tresse de celle-ci et dĂ©cida dâagir avant que la situation ne devienne hors de contrĂŽle. Elle invoqua la Force pour apaiser le rancor, se connectant Ă son comprit Ă quel point cette crĂ©ature disposait dâune grande intelligence, malgrĂ© sa bestialitĂ© naturelle. Elle ne chercha point Ă le dominer mais Ă le convaincre quâelle Ă©tait son Doucement, chuchota-t-elle. Je ne te veux aucun zabrak perçut le pouvoir qui Ă©manait dâelle et comprit enfin que lâaffrontement avait assez durĂ©. Elle courut vers ses consĆurs qui voulaient encore en Assez !Sa voix porta et les plus dĂ©terminĂ©es baissĂšrent les armes. Rachi le comprit et Ă©teignit Ă son tour, son sabre-laser. Sâassurant que le rancor Ă©tait de nouveau paisible, elle sauta Ă terre avec souplesse et entoura de ses bras les Ă©paules de la dathomirienne Ă la cheville foulĂ©e, pour lâaider Ă se relever. La zabrak se plaça face Ă elle, tandis que les autres SorciĂšres sâoccupaient de leurs blessĂ©es et regroupaient les ses yeux, la Jedi y lut du Tu aurais pu les bien plus une remarque quâun Je ne lâai pas fait car ce nâĂ©tait pas nĂ©cessaire, expliqua la twiâlek. Je pouvais les tuer mais jâai choisi de les zabrak demeura impassible mais son hostilitĂ© avait disparu dans la Câest la voie des Jedi ?- La seule, appuya dathomirienne acquiesça dâune inclinaison du mention avant de se prĂ©senter - Je mâappelle Magash Drashi et je tâamĂšnerai devant notre MĂšre. Elle dĂ©cidera de ton sort au nom de Jâ sâassura que tout le monde Ă©tait prĂȘt Ă repartir. Les blessĂ©es furent hissĂ©es sur les rancors et le signal du dĂ©part fut j'espĂšre que cela vous a plu !Allez, Ă la prochaine ! mat-vador Jedi SWU Messages 3169EnregistrĂ© le 24 Mai 2016 RĂ©pondre en citant le message par mat-vador » Mer 03 AoĂ» 2022 - 2134 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Bonsoir, j'ai une bonne nouvelle !VoilĂ , je viens de terminer cette chronique qui fait 91 pages, trĂ©s longue chronique finalement ... du coup, il reste encore 25 pages Ă poster !Ce qui va me permettre de dĂ©buter un projet trĂšs important sur les Origines de Jedi corellien, ni plus ni moins que le tome 3 qui va narrer l'Ă©popĂ©e du Chu'unthor, sous l'Ancienne RĂ©publique et qui fera Ă©cho au tome 1 des Origines, qui a Ă©voquĂ© un ancĂȘtre de Oreste Tissan !Bref, j'aurai l'occasion de vous en dire plus prochainement courant aout et septembre !A plus ! mat-vador Jedi SWU Messages 3169EnregistrĂ© le 24 Mai 2016 RĂ©pondre en citant le message par L2-D2 » Jeu 04 AoĂ» 2022 - 1953 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Extrait lu! Ahah! Rachi a donc survĂ©cu Ă l'Ordre 66! Mieux, elle a ralliĂ© la RĂ©bellion naissante de Mon Mothma! Mais sa mission risque fort de lui faire apprendre des vertes et des pas mĂ»res au sujet de son ancien condisciple Oreste... Et bravo pour ton futur projet! Quelle imagination! Je serai bien Ă©videmment lĂ pour suivre ça ! Que Monsieur m'excuse, mais cette unitĂ© D2 est en parfait Ă©tat. Une affaire en or. C-3PO Ă Luke SkywalkerStaffeur fan-fictions & publications VF littĂ©raires L2-D2 ModĂ©rateur Messages 7841EnregistrĂ© le 26 FĂ©v 2013Localisation NĂźmes RĂ©pondre en citant le message par mat-vador » Ven 05 AoĂ» 2022 - 2120 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Merci pour le retour, L2 !L2-D2 a Ă©critAhah! Rachi a donc survĂ©cu Ă l'Ordre 66! Mieux, elle a ralliĂ© la RĂ©bellion naissante de Mon Mothma! Mais sa mission risque fort de lui faire apprendre des vertes et des pas mĂ»res au sujet de son ancien condisciple Oreste... Elle va en apprendre des choses !L2-D2 a Ă©critEt bravo pour ton futur projet! Quelle imagination! Je serai bien Ă©videmment lĂ pour suivre ça ! ! Merci !! Je posterai le synopsis dans le courant de la semaine prochaine ! mat-vador Jedi SWU Messages 3169EnregistrĂ© le 24 Mai 2016 RĂ©pondre en citant le message par mat-vador » Mar 09 AoĂ» 2022 - 2227 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Bonsoir, comment allez-vous ?Allez, c'est l'heure de la suite avec Rachi Sitra et les SorciĂšres de Dathomir !Le convoi ainsi formĂ© mit deux heures Ă atteindre la forteresse de la Montagne Qui Chante. BĂątie au pied du Pic Sombre qui perçait le ciel, leur village se trouvait au sommet dâun plateau, surplombant le sol Ă plusieurs centaines de mĂštres dâaltitude. Empruntant un sentier raide, le groupe traversa les rangs de sentinelles qui ne jetĂšrent qu'un bref coup dâĆil en direction de la twiâlek juchĂ©e Ă lâarriĂšre du rancor de quelques-unes attardĂšrent leur regard et plissĂšrent les paupiĂšres, lâaccoutrement de lâĂ©trangĂšre Ă©veillant leur mĂ©fiance instinctive. Rachi Ă©vita soigneusement leur regard, prĂ©fĂ©rant fixer lâhorizon devant devant lâentrĂ©e de la forteresse, les SorciĂšres descendirent de leurs montures, veillant Ă ce que les blessĂ©es de lâaffrontement rĂ©cent avec la Jedi puissent ĂȘtre prises en charge par les guĂ©risseuses du clan. Les rancors furent ramenĂ©s Ă lâenclos, laissant Rachi avec la sorciĂšre zabrak. Cette derniĂšre leva la main vers les gardes postĂ©es sur les remparts, qui firent ouvrir les grandes portes Ă leur Par ici, indiqua la entrĂšrent dans le village, remontant les rues jusquâĂ la demeure de la matriarche. Elles croisĂšrent des groupes dâenfants, principalement composĂ©es de filles dont Rachi percevait la sensibilitĂ© Ă la Force et des hommes qui Ă©taient assignĂ©s aux travaux les plus ingrats, vĂȘtus de façon gardaient la tĂȘte baissĂ©e, concentrĂ©s sur leurs travaux tel cet autochtone qui tractait Ă la force de ses bras une charrue rustique que les deux femmes contournĂšrent. La Jedi Ă©tait parfaitement au fait des coutumes locales qui rabaissaient les hommes au rang de simples reproducteurs. Ce qui ne manquerait pas de faire lever quelques sourcils au sein de lâAlliance si les SorciĂšres se ralliaient Ă leur dathomiriennes Ă©tudiĂšrent la twiâlek, Ă©tonnĂ©e de la prĂ©sence dâun membre de cette espĂšce quâelles ne croisaient que rarement. GrĂące Ă ses sens, Rachi entendait leurs murmures conspirateurs, sur la raison de sa venue sur leur monde isolĂ©. Elle ne se retourna pas un seul instant, jusquâĂ ce quâelle se retrouve face aux gardes qui gardaient le palais de la leur expliqua rapidement quâelle souhaitait une audience auprĂšs de la MĂšre de clan et les protectrices les autorisĂšrent Ă entrer. Elles traversĂšrent le vestibule puis montĂšrent les marches qui menaient aux Ă©tages la lueur des torches accrochĂ©es aux murs, le style Ă©tait Ă©lĂ©gant et Ă©purĂ©, Ă lâimage de la noblesse sur un monde aux conditions rudes. Alors que Magash conduisait Rachi jusquâaux appartements de la matriarche, la Jedi perçut une prĂ©sence qui la son Ă©paule, elle aperçut une petite fille de dix ans aux cheveux roux qui la suivait avec curiositĂ©, la fixant effrontĂ©ment avec ses grands yeux verts. La zabrak sâarrĂȘta devant une porte et murmura un chant pour lâ invita la visiteuse Ă entrer. Une femme qui respirait lâautoritĂ© Ă©tait assise sur un siĂšge, observant le foyer qui consumait dans une cheminĂ©e. Elle portait une tiare brillante, dâoĂč sâĂ©chappaient de fins cheveux immaculĂ©s et une longue toge blanche des Ă©paules aux pieds. Rachi ressentait sa prĂ©sence dans la Force comme un phare sâavança lentement et sâarrĂȘta Ă distance respectueuse pour rendre son rapport de patrouille et les circonstances agitĂ©es de la rencontre avec la Jedi. Celle-ci comprit quâelle Ă©tait devant la matriarche, Ă qui la zabrak narrait les dĂ©tails de lâaffrontement et sa la fin de son rapport, la matriarche se leva de son siĂšge et tourna vers son attention vers la twiâlek qui MĂšre Augwynne Djo, voici Rachi Sitra, guerriĂšre et sorciĂšre des twiâlek inclina le buste vers la chef de clan, qui lui rendit la Laisse-nous, zabrak obĂ©it, laissant les deux femmes seules. Augwynne Djo usa de la Magie dâAllya pour amener un siĂšge devant la non Je vous en prirent place face Ă face et se jaugĂšrent pendant quelques Vous ĂȘtes une nâĂ©tait pas une Vous en avez dĂ©jĂ rencontrĂ©, devina twiâlek songea furtivement Ă Oreste qui avait laissĂ© une rĂ©putation controversĂ©e chez les habitants. Comme si elle avait lu dans ses pensĂ©es, la matriarche poursuivit - Vous nâĂȘtes pas tourmentĂ©e par lâ Je connais lâhistoire du Jedi Noir de Dathomir, trancha la twiâlek. Du moins ce que la propagande de lâEmpire a laissĂ© Est-ce la raison de votre venue ?- Non. Oreste Tissan fait partie du Djo plaça sa main plus prĂšs du feu et les flammes sâĂ©levĂšrent sensiblement, rĂ©chauffant subitement la piĂšce avant de perdre de lâamplitude peu Ce passĂ© vous hante, fit la doyenne du Ce serait vous mentir dâaffirmer que je lâai oubliĂ©, reconnut la twiâlek. Mais je mâefforce de me tourner vers lâ matriarche sâenfonça dans son siĂšge, la fixant intensĂ©ment. Alors la twiâlek mit les pieds dans le Je reprĂ©sente les intĂ©rĂȘts de la rĂ©bellion contre la tyrannie de lâEmpire qui oppresse la galaxie et Dathomir. Je souhaite proposer au Clan de la Montagne Qui Chante, une alliance qui garantira la libertĂ© pour nous masqua Ă peine sa perplexitĂ© dans la Quelles garanties nous sont offertes ?- Si vous acceptez lâĂ©tablissement dâune base, nous vous donnerons les moyens de chasser les impĂ©riaux de votre planĂšte, expliqua la twiâ comprit rapidement que cet argument Ă©tait Nous devrions faire la guerre, devint Ă©vident pour Rachi que la nĂ©gociation Ă©tait mal engagĂ©e. La matriarche ne tĂ©moignait pas beaucoup dâenthousiasme Ă la perspective dâun conflit ouvert avec lâ Je ne vois pas lâEmpire accepter de partir pacifiquement mais avec le soutien de lâAlliance, je ne doute pasâŠLa matriarche lâinterrompit fermement dâun geste de la Un Jedi nous a dĂ©jĂ entraĂźnĂ©es dans une guerre sans issue, il y a plusieurs printemps. Les Filles dâAllya ont payĂ© un prix trĂšs Ă©levĂ© et nous ne sommes plus que lâombre de ce que nous reprĂ©sentions autrefois. LâEmpire a maintenu sa prĂ©sence ici et les SĆurs de la Nuit ont pris lâ VoilĂ pourquoi un traitĂ© est dans votre intĂ©rĂȘt, insista la twiâlek. Vous ne pouvez pas accepter que cette situation Nous ne pouvons pas accepter de perdre le peu quâil nous reste encore, rĂ©torqua Augwynne Djo. Jusquâici, lâEmpire ne sâintĂ©resse pas de trop prĂšs Ă nos affaires et nous faisons de mĂȘme avec eux. Il est dans lâintĂ©rĂȘt de mon clan que cette neutralitĂ© de fait, se ressemblait Ă une fin de non-recevoir. Rachi Ă©prouvait la frustration dâun voyage quâelle avait effectuĂ© jusquâici. Avec tous les risques quâelle avait encouru, elle ne pouvait se dĂ©faire de ce sentiment de Tissan avait indirectement et involontairement sabotĂ© sa mission. La portĂ©e de ses actes continuait de resserra sa bure autour de son corps, se prĂ©parant Ă tirer sa Ă moins queâŠLes mots de la matriarche retinrent son Ă moins que ? Si vous offrez des gages de votre bonne foi, je pourrais considĂ©rer votre fut soulagĂ©e dây voir le signe dâune ouverture. Il ne lui fut pas difficile de deviner ce que pouvait ĂȘtre un gage de bonne En quoi puis-je vous aider, MĂšre de clan ?Augwynne Djo fixa les braises du foyer, sâaccordant un long silence LâEmpire nâest pas ma principale source dâinquiĂ©tude. Ce nâest pas le cas des SĆurs qui ont choisi dâembrasser lâobscuritĂ©, en dehors du Livre de la Loi dâ Les SĆurs de la Nuit ?Rachi se souvint de ce quâelle avait lu dans les Archives du Temple sur cette confrĂ©rie du CĂŽtĂ© Obscur, qui se rĂ©clamaient comme les vraies hĂ©ritiĂšres du sombre hĂ©ritage dâAllya. Dans les derniĂšres annĂ©es de la RĂ©publique, elles avaient tentĂ© dâaccĂ©der aux secrets des antiques Kwa, et leur maĂźtrise des Portails de lâ plans dĂ©jouĂ©s par Quinlan Vos, avaient failli provoquer la destruction de Leur puissance a grandi Ă mesure que la nĂŽtre cause de Oreste, songea Rachi avec Ces derniers temps, des rumeurs ont couru sur lâune dâelles qui aurait acquis des savoirs interdits par le Livre de la Loi. Un pouvoir Jedi nota la nervositĂ© dans le ton posĂ© de la matriarche. MalgrĂ© sa maĂźtrise de la Force et de la Magie dâAllya, elle craignait cette SĆur de la Elle pratique lâAmitiĂ© des Animaux pour ses intĂ©rĂȘts et contre ses SĆurs, y compris celles que nous avons bannies et exilĂ©es comme rĂ©alisa en quoi consistait ce pouvoir. Cette SĆur de la Nuit avait domptĂ© la faune et la flore de Dathomir pour les retourner contre les autres magiciennes. Avec des consĂ©quences potentiellement Elle se nomme Kyrisa et nous savons quâelle est partie vers les Ă©toiles. Nous ignorons oĂč, prĂ©cisa la Je ne comprends pas ce que vous me demandez, MĂšre de clan. Si cette Kyrisa nâest plus sur Dathomir, elle ne reprĂ©sente plus de danger immĂ©diat pour la Montagne Qui Chante et les autres clans, y compris les SĆurs de la Nous avons appris que lâEmpire sâintĂ©resse beaucoup Ă elle depuis son dĂ©part. Un Ă©tranger hors-monde est venu demander audience auprĂšs de moi. Jâai Ă©courtĂ© notre conversation et il nâa pas insistĂ©. Jâai perçu sa noirceur et ses intentions twiâlek se Qui Ă©tait cet homme ?- Il a prĂ©tendu ĂȘtre Namman Cha, un Jedi qui travaille pour lâ frisson dĂ©sagrĂ©able parcourut lâĂ©chine de Rachi. Elle avait dĂ©jĂ eu affaire Ă cet ennemi, vouĂ© Ă traquer et Ă dĂ©truire ce qui restait de lâ Cet homme est un inquisiteur, chargĂ© de dĂ©truire les Jedi au nom de lâEmpire, crut-elle bon de corriger. Ă votre avis, cherche-t-il Ă lâĂ©liminer ?- Il ne mâa pas donnĂ© cette impression. Je pense quâil voulait la rallier Ă sa ne doutait pas que si cet inquisiteur rĂ©ussissait sa mission, la perspective dâune magicienne aux terribles pouvoirs servant lâEmpire, ne pouvait quâaccentuer les difficultĂ©s de la Je dois la retrouver avant La retrouver et lâĂ©liminer, insista lourdement Augwynne Djo. Si vous rĂ©ussissez, jâaccepterai de considĂ©rer votre offre dâ accord Ă©tait finalement conclu. La twiâlek se leva avec souplesse et sâinclina pour saluer la matriarche avant de partir. Mais la dathomirienne lâarrĂȘta Ă nouveau, pour la Vous ĂȘtes liĂ©e Ă Oreste Tissan, je sens Ă quel point cela vous affecte dâapprendre que ses actes ont eu de terribles consĂ©quences pour Je prĂ©fĂšre ne songer quâĂ lâavenir, je ne peux rien changer Ă ce qui sâest passĂ©, MĂšre Mais vous avez besoin que votre esprit soit apaisĂ© et libĂ©rĂ© de cette culpabilitĂ©. Le Gardien des Murmures vous Le Gardien des Murmures ? Questionna Rachi en fronçant les sourcils. Comment le trouverai-je ?- Parlez Ă la SĆur Solitaire au sommet du Pic Sombre. Elle vous y conduira, que Allya bĂ©nisse votre quĂȘte, twiâlek voulut en savoir plus mais Augwynne Djo se dĂ©tourna vers le foyer mourant, ayant dĂ©jĂ occultĂ© sa prĂ©sence. Elle avait abusĂ© assez de lâhospitalitĂ© de la Montagne Qui j'espĂšre que cela vous a plu !Allez, Ă la prochaine ! mat-vador Jedi SWU Messages 3169EnregistrĂ© le 24 Mai 2016 RĂ©pondre en citant le message par L2-D2 » Mer 10 AoĂ» 2022 - 1123 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Extrait lu !On aurait pu craindre que Rachi ait fait tout cela pour rien, mais non ! Et outre le placement chronologique de cette sĂ©quence Ă peu prĂšs entre La Revanche des Sith et Un nouvel Espoir, on apprend surtout que l'ex-Jedi va devoir retrouver et abattre ? Pas trĂšs Jedi, ça... une SĆur de la Nuit elle-mĂȘme recherchĂ©e par un certain Nammam Cha, Inquisiteur ! Inconnu au bataillon me concernant, d'ailleurs, est-ce une nouvelle crĂ©ation originale de ta part ou existe-t-il dĂ©jĂ dans l'UE LĂ©gendes ? je sens que tu vas me ressortir une obscure rĂ©fĂ©rence .Mais d'abord, direction le Pic Sombre ! Qui va-t-elle trouver sur place, hmm ? Peut-ĂȘtre une ancienne amante d'Oreste, qui sait ? Vivement la suite ! Que Monsieur m'excuse, mais cette unitĂ© D2 est en parfait Ă©tat. Une affaire en or. C-3PO Ă Luke SkywalkerStaffeur fan-fictions & publications VF littĂ©raires L2-D2 ModĂ©rateur Messages 7841EnregistrĂ© le 26 FĂ©v 2013Localisation NĂźmes RĂ©pondre en citant le message par mat-vador » Mer 10 AoĂ» 2022 - 2233 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Merci pour le retour !L2-D2 a Ă©critOn aurait pu craindre que Rachi ait fait tout cela pour rien, mais non ! Et outre le placement chronologique de cette sĂ©quence Ă peu prĂšs entre La Revanche des Sith et Un nouvel Espoir, on apprend surtout que l'ex-Jedi va devoir retrouver et abattre ? Pas trĂšs Jedi, ça... une SĆur de la Nuit elle-mĂȘme recherchĂ©e par un certain Nammam Cha, Inquisiteur ! Inconnu au bataillon me concernant, d'ailleurs, est-ce une nouvelle crĂ©ation originale de ta part ou existe-t-il dĂ©jĂ dans l'UE LĂ©gendes ? je sens que tu vas me ressortir une obscure rĂ©fĂ©rence .Une obscure rĂ©fĂ©rence ? . Attends voir ... voilĂ ...L2-D2 a Ă©critMais d'abord, direction le Pic Sombre ! Qui va-t-elle trouver sur place, hmm ? Peut-ĂȘtre une ancienne amante d'Oreste, qui sait ? Ce sera une rencontre hmm trĂšs intĂ©ressante !Allez, Ă la prochaine ! mat-vador Jedi SWU Messages 3169EnregistrĂ© le 24 Mai 2016 RĂ©pondre en citant le message par Mandoad » Mar 16 AoĂ» 2022 - 1338 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! C'est bon ! C'est enfin lu et retard rattrapĂ© avec, tout d'abord, une partie sur Oreste et du bon gros Dark Tissan faudra que je me relise un peu sa premiĂšre apparition dans "Les Origines", parce que, si je me souvenais que c'Ă©tait pas un chic type, je ne me rappelais plus qu'il avait Ă©tĂ© une vĂ©ritable ordure lors de la Guerre. Contre l'ennemi d'abord, puis contre le village, avec Oreste qui succombe Ă ses pulsions, persuadĂ©s d'agir correctement. En un sens, heureusement qu'il y a eu l'Ordre 66, sinon il y aurait eu quelques petits problĂšmes en revenant au Temple AprĂšs, l'avantage de ce genre de partie, c'est qu'on s'embarque dans du combat, du dark et du manque de pitiĂ©, exercice dans lequel tu excelles au niveau de l'Ă©criture, donc il y avait du tout bon niveau durant toute cette phase. Ensuite, retour sur Rachi qu'on se rĂ©jouti enfin moi en tout cas de retrouver. C'est vraiment un personnage que j'aime bien de par son franc-parlĂ© et sa moins grande hypochrisie en comparaison aux autres personnages forceux de ton rĂ©cit. Ce fut Ă©galement trĂšs sympa de la voir se rendre sur Dathomir oĂč l'on a pu trouver quelques tĂȘtes connues d'ailleurs mais de Tzipah... encore, parce que la fin laisse prĂ©sager de sa rencontre. On retrouve encore le Gardien des Murmures qui fait Ă©cho au passage sur Liars et, malgrĂ© la mort d'Oreste, on continue donc cette histoire suite ! Mandoad Jedi SWU Messages 1411EnregistrĂ© le 28 Nov 2014 RĂ©pondre en citant le message par mat-vador » Mar 16 AoĂ» 2022 - 1354 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Merci pour le retour, Mandoad !Mandoad a Ă©crit du bon gros Dark Tissan faudra que je me relise un peu sa premiĂšre apparition dans "Les Origines", parce que, si je me souvenais que c'Ă©tait pas un chic type,A peine le tome 1 a-t-il commencĂ© qu'on le voit Ă©trangler son capitaine clone... oups .Mandoad a Ă©crit je ne me rappelais plus qu'il avait Ă©tĂ© une vĂ©ritable ordure lors de la Guerre. Contre l'ennemi d'abord, puis contre le village, avec Oreste qui succombe Ă ses pulsions, persuadĂ©s d'agir correctement. En un sens, heureusement qu'il y a eu l'Ordre 66, sinon il y aurait eu quelques petits problĂšmes en revenant au Temple Oui, on va dire que pour Oreste, l"Ordre 66 a Ă©tĂ© un mal pour un bien, finalement. Mandoad a Ă©critAprĂšs, l'avantage de ce genre de partie, c'est qu'on s'embarque dans du combat, du dark et du manque de pitiĂ©, exercice dans lequel tu excelles au niveau de l'Ă©criture, donc il y avait du tout bon niveau durant toute cette phase. C'est le genre d'Ă©criture que jâaffectionne !Mandoad a Ă©critEnsuite, retour sur Rachi qu'on se rĂ©jouti enfin moi en tout cas de retrouver. C'est vraiment un personnage que j'aime bien de par son franc-parlĂ© et sa moins grande hypochrisie en comparaison aux autres personnages forceux de ton rĂ©cit. Ce fut Ă©galement trĂšs sympa de la voir se rendre sur Dathomir oĂč l'on a pu trouver quelques tĂȘtes connues d'ailleurs mais de Tzipah... encore, parce que la fin laisse prĂ©sager de sa rencontre. On retrouve encore le Gardien des Murmures qui fait Ă©cho au passage sur Liars et, malgrĂ© la mort d'Oreste, on continue donc cette histoire un personnage dont j'ai trouvĂ© la fiche encyclopĂ©dique SWU trĂšs sympa. Je suis tombĂ© sous le charme... bon euh aussi, parce que c'est une twi'lek . Oui, oui, je sais ...Mandoad a Ă©critLa suite !Ce sera ce soir ! mat-vador Jedi SWU Messages 3169EnregistrĂ© le 24 Mai 2016 RĂ©pondre en citant le message par mat-vador » Mar 16 AoĂ» 2022 - 2309 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Bonsoir Ă tous, comment allez-vous ?On continue avec la Jedi Rachi Sitra qui fait une rencontre hum intĂ©ressante !Rachi quitta la forteresse du clan et emprunta le sentier raide et Ă©troit, qui montait jusquâau sommet de la montagne surplombant le village. Celle que lâon connaissait comme la SĆur Solitaire, vivait recluse dans une grotte, dans un confort la twiâlek se trouva face Ă elle, elle Ă©prouvait une Ă©trange impression de familiaritĂ© comme si elle lâavait dĂ©jĂ croisĂ© dans une autre vie. Elle remarqua alors la poignĂ©e du sabre-laser, suspendu Ă sa Que voulez-vous ? Demanda la dathomirienne avec rudesse, en posant la main sur la garde de sa casque en bronzinium lui recouvrait la tĂȘte, lui confĂ©rant un aspect farouche et intimidant, en plus de lâarmure du mĂȘme matĂ©riau qui lui recouvrait le torse. Les muscles saillaient de ses bras et de ses jambes laissĂ©es Ă nu, qui tĂ©moignaient de sa bonne condition Je voudrais voir le Gardien des Ă©carta la paume de son arme, tout en soutenant son Pourquoi vous emmĂšnerai-je jusquâĂ lui ?La twiâlek projeta ses perceptions vers elle, pour dĂ©celer une once de ses sentiments enfouis en elle. En se concentrant, elle dĂ©tecta de la colĂšre et beaucoup de tristesse. Ă son tour, elle envoya un reflet des Ă©motions qui la traversaient en cet remords qui remontaient Ă sa rupture dĂ©finitive avec Oreste pendant la guerre, la culpabilitĂ© dâavoir survĂ©cu Ă la Purge alors que tant dâautres avaient succombĂ©. La tristesse du sort de Oreste qui sâĂ©tait laissĂ© sombrĂ© aprĂšs la mort de sa famille sur Parce que je me sens⊠de la dathomirienne se Alors cela nous fait un point commun, Ă©trangĂšre. Nous partons sur le deux redescendirent le Pic Sombre avec quelques affaires de voyage, vers lâenclos des rancors qui appartenait au clan de la Montagne Qui Chante. AprĂšs une Ăąpre nĂ©gociation oĂč la SĆur Solitaire sâengagea Ă payer Ă la gardienne, la location dâun rancor Ă douze peaux de reptile, elles quittĂšrent le territoire du clan en direction de la vaste forĂȘt de grands sur la nuque du rancor derriĂšre la SĆur Solitaire, Rachi lâentendit lui dire - Nous ferons attention aux patrouilles des SĆurs de la Nuit et des hors-monde impĂ©riaux. Le chemin est long jusquâĂ lâEnclos des LĂ oĂč rĂ©side le Gardien. Quand y serons-nous ?- Dans deux jours, si Allya nous est entrĂšrent dans la forĂȘt, se faufilant entre les pins dont les branches Ă©pineuses couvraient la lumiĂšre du soleil, ce qui causait une pĂ©nombre persistante qui nimbait les sous-bois. MalgrĂ© elle, Rachi baissa les yeux vers le sabre-laser de la SĆur DâoĂč tenez-vous ce sabre, SĆur Solitaire ?- Tzipah, rĂ©pondit lâ Pardon ?- Je mâappelais Tzipah parmi les SĆurs des Chutes Brumeuses, mon ancien Vous avez Ă©tĂ© bannie ? Interrogea la twiâ Je suis partie Ă cause de⊠dĂ©saccords. La matriarche de la Montagne Qui Chante a acceptĂ© de me percevait sa rĂ©ticence Ă lui rĂ©pondre. Mais elle Ă©tait bien dĂ©cidĂ©e Ă en dĂ©couvrir davantage sur sa nouvelle Je connais ce sabre-laser, vous lâavez donc connu, soupira, tout en maintenant le contrĂŽle mental sur lâesprit du rancor qui les portait toutes les deux Ă travers la Nous Ă©tions tristesse et sa nostalgie affluaient par vagues, la disparition de Oreste lâayant affectĂ© plus que Rachi ne le pressentait. La twiâlek se souvint des sentiments quâelle avait Ă©prouvĂ©s pour le corellien et quâelle lui avait avouĂ© le jour de leur blessure dans son cĆur nâavait jamais complĂštement disparu. Si elle nâavait pas rompu leur amitiĂ©, aurait-il rĂ©sistĂ© Ă lâattrait du CĂŽtĂ© Obscur qui avait fait de lui, le Jedi Noir de Dathomir ? Ce doute persistant ne cessait de la Et vous, vous lâaviez connu ? Demanda la Oui. Nous Ă©tions twiâlek avait souhaitĂ© que son amitiĂ© avec Oreste Ă©volue vers un lien plus fusionnel, mĂȘme si le Code de lâOrdre lâinterdisait. Tout en se demandant si cela avait Ă©tĂ© possible, compte tenu de la rĂ©serve quâil manifestait Ă son Ă©gard malgrĂ© leur Je sais quâil aimait une autre femme, de son monde natal, confia Beliem, prĂ©cisa Rachi. LâEmpire lâa assassinĂ© sur Corellia, ainsi que sa dathomirienne Sa vengeance contre lâEmpire, lâa amenĂ© Ă commettre des choses Quelles choses ? Sâenquit guide se referma comme une coquille et elles nâĂ©changĂšrent plus aucun mot jusquâĂ la tombĂ©e de la nuit. Elles freinĂšrent au sommet dâune colline pour sây installer. AussitĂŽt descendue du rancor, Tzipah chanta un sort de Dissimulation pour masquer leur prĂ©sence aux patrouilles des SĆurs de la ramassa du bois mort pour les poser ensemble, au milieu du campement sommaire rapidement emmĂ©nagĂ©. BientĂŽt, le feu fut nourri pour les Ă©clairer et les rĂ©chauffer, tenant en respect le froid et la nuit sombre ponctuĂ©e de rugissements de bĂȘtes dĂźnĂšrent dâun ragoĂ»t local fortifiant puis commencĂšrent Ă sâallonger sur une paillasse faite en liane. Rachi percevait depuis quelques minutes, la fĂ©brilitĂ© inexplicable de la dathomirienne jusquâĂ ce que celle-ci bondisse sur ses appuis pour lâ par sa requĂȘte, la twiâlek se redressa sur les coudes pour la dĂ©visager attentivement. Tzipah tenait la crosse de son sabre-laser dans le poing, en position de dĂ©fi. Lâarme de Oreste Tissan⊠elle nâĂ©tait pas motivĂ©e Ă lâidĂ©e dâaffronter dâanciens Il se fait tard, lui fit-elle Je nâattendrai pas jusquâĂ Sitra pensa Ă lâune des premiĂšres leçons prodiguĂ©es par son ancien maĂźtre, Even Piell. Lorsquâelle avait dĂ©clinĂ© un entraĂźnement, le Jedi lannik lâavait admonestĂ©e sans ennemis nâattendront pas que tu veuilles te battre, ils tâattaqueront aussitĂŽt dĂšs quâils penseront que tu auras baissĂ© ta pourquoi, elle se leva en dĂ©gainant Ă son tour, son sabre-laser. Les deux femmes prirent du champ, se tenant Ă bonne distance du campement. Face Ă face, elles patientĂšrent, invoquant chacune la elles activĂšrent leur arme. Rachi ressentit lâĂ©motion qui la prit, en voyant face Ă elle, la lame verte Ă©meraude naĂźtre dans un crĂ©pitements familier. Elle crut voir mĂȘme le visage du corellien, Ă la place de cligna des yeux, lâhallucination sâĂ©vaporant aussi. Lâautre amazone remarqua son trouble PrĂȘte ? Lâ AprĂšs vous, rĂ©pondit la abaissa sa lame bleue vers le sol, conformĂ©ment Ă la philosophie Jedi de lâattente et de la patience, inculpĂ©e par son mentor disparu. Tzipah comprit quâelle nâattaquerait jamais la premiĂšre, et dĂ©cida de prendre lâ lame verte dansa dans sa main, avant quâelle ne lâabattit sur la twiâlek. Celle-ci sâĂ©carta dâun pas sur le cĂŽtĂ© mais elle fut surprise de la vivacitĂ© du coup suivant quâelle para de justesse, prĂšs de son flanc. Elle rejeta la lame verte Ă©meraude en arriĂšre mais la dathomirienne exĂ©cuta un nouveau mouvement offensif qui faillit lui arracher la garde de son cacha sa surprise de la maĂźtrise dont faisait preuve Tzipah dans le maniement de ce sabre-laser. Oreste lui avait-il enseignĂ© la Voie des Jedi ? La dathomirienne lui donnait cette Ă©trange impression. Ce nâĂ©tait pas parce quâelle avait dominĂ© outrageusement les guerriĂšres de la Montagne Qui Chante, quâelle prendrait facilement le dessus, cette twiâlek devait davantage sâemployer dans ce duel. Ce dernier devint trĂšs disputĂ©, Rachi recula pied Ă pied, Tzipah alternant acrobaties et frappes agressives avec sabre-laser, pied et poing. La dathomirienne enchaĂźna ainsi deux coups de talon au niveau de la poitrine puis de la tĂȘte, que la Jedi bloqua avec lâ fur et Ă mesure, ce style de combat lui Ă©tait maintenant familier. Ces sĂ©quences lui rappelaient celles que pratiquait le corellien au Temple Jedi. Elle pouvait le tourner Ă son avantage. Elle para de plus en plus efficacement, les assauts puissants mais Ă©puisants de lâautochtone, qui commençait Ă serrer les mouvements dĂ©fensifs Ă©taient basiques et limitĂ©s. Tzipah reperdit peu Ă peu le terrain quâelle avait gagnĂ© initialement. Rachi la poussa dans ses derniers retranchements, mĂ©thodiquement. JusquâĂ ce que la SĆur Solitaire demanda grĂące, en Ă©teignant son sabre-laser. Elle reconnut sans mal, sa dĂ©faite et lui prĂ©senta lâarme de Prenez-le, vous lâavez Ă©leva son Ă©pĂ©e en guise de salut respectueux envers son adversaire. Elle lui rĂ©pondit aprĂšs avoir raccrochĂ© son sabre Ă©teint Ă la ceinture - Non, hĂ©sita avant dâapprouver. Toutes deux revinrent vers le foyer du camp, et sâinstallĂšrent pour regarder les branches craquer en se consumant. Alors que la nuit rĂ©sonnait des hurlements des bĂȘtes alentour, elles gardaient le Votre façon de vous battre, commença Rachi. Il vit Ă travers vous, il nâest pas vraiment mort comme sâil nâĂ©tait quâun yeux de la dathomirienne sâembuĂšrent au souvenir du corellien qui lui manquait et dont elle avait serrĂ© le cadavre entre les bras, lorsque sa fin Ă©tait Je Vous ne porteriez pas son sabre, sâil ne reprĂ©sentait rien pour vous, SorciĂšre bannie des Chutes Brumeuses, tourna enfin la tĂȘte vers Câest⊠compliquĂ©, avoua-t-elle avec une mine Oreste nâa jamais Ă©tĂ© facile Ă cerner, dĂ©clara la twiâlek, mĂȘme si ses Ă©motions nâĂ©taient pas vraiment secrĂštes. Jâavais lâimpression de le connaĂźtre mais aussi dâavoir face Ă moi, un Je comprends ce que vous voulez dire, avait lâoccasion de pouvoir soulager le fardeau qui pesait sur elle. Et dâaider la twiâlek Ă faire de Lors de notre premiĂšre rencontre, raconta la dathomirienne, je lâavais capturĂ© et ramenĂ© Ă mon clan pour en faire le pĂšre de mes filles, qui Ă leur tour, deviendraient de puissantes SorciĂšres. Cela faisait partie de nos coutumes de chasser les hommes comme Ă©talons, pour nous Connaissant Oreste, il ne devait pas ĂȘtre sourit cette fois avec malice et Je me souviens de son⊠absence dâ Ă©clata de rire, sâimaginant parfaitement la tĂȘte dâun Oreste prisonnier dâune jeune sauvageonne qui lui avait annoncĂ©, vouloir sâunir Ă lui contre son Je me souviens aussi dâavoir Ă©tĂ© convaincue de lâinfaillibilitĂ© de nos traditions qui reposait sur lâasservissement des hommes. Oreste et ses compagnons mâont changĂ©e bien plus profondĂ©ment que ce que jâimaginais. Ils mâont ouvert les yeux sur les contradictions apportĂ©es par le Livre de la Loi. Allya justifiait lâesclavage des hommes tout en enseignant la compassion et la maĂźtrise des appuya le regard, comme pour demander son avis Ă Je vois, fit la Jedi. Je comprends que cela vous ait fait douter. Il ne peut y avoir de compassion en rabaissant des ĂȘtres conscients plus bas que de simples meubles. Comment Oreste a-t-il rĂ©ussi Ă vous persuader que vous faisiez fausse route ?- Il me suffisait de lâaimer, pour ce quâil paraissait ĂȘtre. Pour ce quâil Ă©tait vraiment, Ă la toute yeux se perdirent dans le vague, au-delĂ des flammes. Que pouvait-elle fixer dans le lointain, Ă travers les ombres ? Rachi se demandait si elle voyait le corellien disparu, Ă lâaide de la Force. Un sceptre flou, dĂ©livrĂ© des brumes du passĂ©, qui la considĂ©rait avec Qui Ă©tait-il pour vous, Tzipah ?- Il nâĂ©tait pas un homme parfait. Il ressentait de la colĂšre, de la peine, la volontĂ© de rĂ©parer les choses. Il possĂ©dait une telle passion, une telle obstination de retourner le mal contre ceux qui le lui avaient infligĂ©. Je pensais que je pouvais lâaider car je sentais ses sentiments pour moi. JâespĂ©rais quâils seraient assez forts pour le dĂ©tourner de la voie de la Mais il a basculĂ© du CĂŽtĂ© Obscur, indiqua la twiâ dathomirienne arracha une branche enflammĂ©e, grignotĂ©e petit Ă petit et rĂ©duite en cendres pendant sa combustion. Elle la relĂącha ensuite dans le brasier avant de se faire brĂ»ler les Il a trahi ses croyances, il a commis des actes terribles et cruels. Je lâai haĂŻ lorsquâil sâest justifiĂ© en prĂ©tendant mâaimer. Je nâai pourtant pas eu le courage de le Vous avez fait preuve de Je lâai banni au nom de tous les clans pour lui laisser une chance de se racheter. Et il lâa saisi, Jedi digĂ©rait lâhistoire que lui racontait sa camarade. Elle se laissa gagner Ă son tour par la nostalgie. Elle se souvint des derniers mots quâelle avait Ă©changĂ©s avec Oreste, le jour qui avait signifiĂ© la fin de leur amitiĂ©. Elle lui en voulait encore au fonds dâelle-mĂȘme, quâil nâait jamais Ă©prouvĂ© de sentiments aussi forts pour elle que pour cette ne mâas-tu jamais aimĂ© aussi fort, Oreste ? Jâaurais pu tâaider contre cette Rachi ?- Je veux que vous ne mâĂ©pargnez aucun dĂ©tail, Tzipah. Le bien ou le mal quâil a apportĂ© sur Nous devrions dormir, lâEnclos des Murmures est encore loin, suggĂ©ra sa Je veux ĂȘtre prĂȘte quand je serai face au Gardien des Tzipah passa une bonne partie de la nuit, Ă raconter Oreste Tissan. Rachi consentit ensuite Ă sâendormir mais ce fut un sommeil agitĂ©. Elle nâarrivait pas Ă trouver la j'espĂšre que cela vous a plu !Allez, Ă la prochaine ! mat-vador Jedi SWU Messages 3169EnregistrĂ© le 24 Mai 2016 RĂ©pondre en citant le message par L2-D2 » Mer 17 AoĂ» 2022 - 1641 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Extrait lu !Tzipah est de retour ! Il y a quelque chose d'Ă©mouvant Ă voir ces deux femmes se rencontrer, elles qui ont toutes les deux Ă©taient si affectĂ©es par leur rencontre avec Oreste Tissan ! Reste Ă voir maintenant ce que va donner la rencontre avec le Gardien... Vivement la suite ! Que Monsieur m'excuse, mais cette unitĂ© D2 est en parfait Ă©tat. Une affaire en or. C-3PO Ă Luke SkywalkerStaffeur fan-fictions & publications VF littĂ©raires L2-D2 ModĂ©rateur Messages 7841EnregistrĂ© le 26 FĂ©v 2013Localisation NĂźmes RĂ©pondre en citant le message par mat-vador » Ven 19 AoĂ» 2022 - 2122 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Merci pour le retour, L2 !L2-D2 a Ă©critIl y a quelque chose d'Ă©mouvant Ă voir ces deux femmes se rencontrer, elles qui ont toutes les deux Ă©taient si affectĂ©es par leur rencontre avec Oreste Tissan ! Reste Ă voir maintenant ce que va donner la rencontre avec le Gardien... Concernant le Gardien, j'ai rĂ©servĂ© une petite surprise !Allez, Ă mardi ! mat-vador Jedi SWU Messages 3169EnregistrĂ© le 24 Mai 2016 RĂ©pondre en citant le message par mat-vador » Mar 23 AoĂ» 2022 - 2203 Sujet Re Les Origines de Jedi corellien OS inĂ©dits! Bonsoir Ă tous, comment ça va ?On poursuit et on finit avec Rachi Sitra !Les deux voyageuses parvinrent Ă lâEnclos des Murmures, le surlendemain matin. Il sâagissait dâun vallon isolĂ©, aux pieds dâune chaĂźne de montagnes, non loin du territoire du clan des Collines Rouges. Un ruisseau paisible coulait en son creux, abreuvant et nourrissant la vĂ©gĂ©tation anarchique qui camouflait des cratĂšres sombres et des Ă©paves dâun autre descendit du rancor de Tzipah, pour mettre pied Ă terre et observer les lieux. La Force rĂ©sonnait ici dâune Ă©nergie particuliĂšre, bien plus prononcĂ©e et tourmentĂ©e que sur le reste de la dathomirienne la rejoignit et expliqua ce quâavait reprĂ©sentĂ© ce lieu pour les SorciĂšres. Un pĂšlerinage pour se former auprĂšs des esprits de celles qui avait Ă©tĂ© instruites par Allya, Ă lâusage de la Magie. Pendant des gĂ©nĂ©rations, des SorciĂšres venaient se recueillir pour communier avec les Ăąmes de leurs aĂŻeules et la nature le Jedi Noir de Dathomir avait souillĂ© cette harmonie, corrompu par le CĂŽtĂ© Obscur et la haine quâil Ă©prouvait Ă lâĂ©gard de lâEmpire. Rachi arpentait le vallon, sâouvrant davantage Ă la Force. Des voix entremĂȘlĂ©es pĂ©nĂ©trĂšrent subitement son nous sommes maudits ! Oui, il faut fuir ! Fuir !Vous nâĂȘtes pas une Ăąme perdue comme nous, ne restez pas ici !Pourquoi sommes-nous morts ? Car nous avons Ă©tĂ© trahis ! Trahis ! Il nous a entraĂźnĂ©s dans sa guerre, il nous a promis la libertĂ© mais il nous a menti ! Que le nom des Tissan soit Ă jamais synonyme dâinfamie !Rachi, assaillie par ces voix, sâĂ©croula un genou Ă terre, en gĂ©missant. Tzipah se pencha vers elle, pour lâentourer de ses bras musclĂ©s et lâaider Ă se Quand je suis revenue, il y a deux printemps, les esprits mâont aussi attaquĂ©, tenta de la rĂ©conforter la SĆur Jedi se releva et reprit sa marche. Elle vit des armures enveloppant des squelettes, des armes de guerre Ă moitiĂ© enfouies, des machines de combat Ă©ventrĂ©es et noircies. Ă ses pieds, un grand fusil gisait et elle le fit lĂ©viter Ă lâaide de la Force. Elle le reconnut comme un fusil blaster de la Grande ArmĂ©e de la RĂ©publique, un vestige remontant Ă la Guerre des le lui avait narrĂ© la dathomirienne, une grande bataille avait dĂ©vastĂ© ces lieux autrefois lâĂ©carta dâelle, le laissant retomber au Cet endroit est dangereux ?- Les SĆurs de la Nuit et les impĂ©riaux le croient, lui assura Tzipah. Nous ne serons pas Pourquoi lâĂ©vitent-ils ?- On raconte que ceux qui ont eu le malheur dây mettre les pieds, ont Ă©tĂ© en proie Ă dâeffroyables Jedi entendait toujours ces voix pressantes mais elle parvint Ă attĂ©nuer leur Effroyables ?- Suffisamment dissuasifs pour les empĂȘcher de revenir. Cet endroit fait ressortir lâhorreur de nos pĂ©chĂ©s, Cela a Ă©tĂ© le cas pour vous ?- Non, jâentends seulement les voix comme vous. Seuls ceux qui suivent la voie de la sagesse, ne subissent pas ces twiâlek se rappela alors la raison de sa OĂč trouverai-je le Gardien des Murmures ?- Venez, suivirent le ruisseau sur une vingtaine de mĂštres puis le franchirent pour longer lâautre cĂŽtĂ© de la forĂȘt. Elles sâarrĂȘtĂšrent prĂšs de lâĂ©pave dâun bipode impĂ©rial renversĂ© et Câest ici quâil est apparu, avoua Quand doit-il arriver ?La dathomirienne parut gĂȘnĂ©e par la Je⊠lâignore. Il est venu instantanĂ©ment comme si ma prĂ©sence lâavait attirĂ©. Dâautres ont attendu plus longtemps. Plusieurs heures⊠plusieurs Si longtemps ? sâexclama la twiâlek. Mais je nâai pas de temps Ă perdre !Elle fut sur le point de parler de sa mission confiĂ©e par Augwynne Djo mais elle reprit son Je dois vous laisser. Le Gardien des Murmures nâapparaĂźt quâĂ ceux qui le Jedi observa la SĆur Solitaire sâĂ©loigner et disparaĂźtre entre les pins. Elle lutta contre la frustration et son agacement. Une sĂ©ance de mĂ©ditation lâaiderait Ă rĂ©apprendre la patience, et Ă Ă©viter des amĂ©nagea rapidement le sol Ă ses pieds pour sâasseoir, le sabre-laser Ă©teint posĂ© devant elle. Puis elle sâimmergea dans les courants de la Force, les paupiĂšres closes. De nouveau, les voix revinrent Ă la de dĂ©sespoir, de ressentiment contre le Jedi Noir de Dathomir qui avait menĂ© les clans de SorciĂšres les plus puissants dans un combat stĂ©rile et inutile contre lâEmpire naissant. Il les avait conduits Ă une mort certaine dans un maelstrom de violence et de de Tissan ! TraĂźtre de Tissan ! Quâil soit maudit pour toujours ! travers la Force, Rachi leur demanda te montrer lâĂ©tendue de sa revit alors la bataille de lâEnclos des Murmures, la furie des combats qui avaient dĂ©vastĂ© ce vallon paisible. Des silhouettes en armure blanche qui marchaient mĂ©caniquement vers leurs ennemis, en rangs impeccables. Les explosions et les tirs les dĂ©cimaient, puis des rancors montĂ©s par des SorciĂšres les chargeaient pour les piĂ©tiner et renverser leurs cĂŽtĂ©s des SorciĂšres, des hors mondes libĂ©rĂ©s de la prison de Dathomir et rĂ©armĂ©s, vinrent au contact des clones pour un furieux corps-Ă -corps. MalgrĂ© leurs pertes, les soldats impĂ©riaux nâen avaient que faire et continuaient dâattaquer pour Ă©craser les insurgĂ©s sous le le Jedi Noir de Dathomir apparut. Rachi remarqua lâartefact quâil brandissait dans son poing gauche en mĂȘme temps que son sabre-laser. Un sceptre droit surmontĂ© dâun pommeau qui Ă©mettait une lueur mauve twiâlek qui avait Ă©tudiĂ© lâhistoire et lâarchĂ©ologie, reconnut le BĂąton Obscur de Dark Rivan. Elle connaissait sa fonction avant que des Ă©clairs ne jaillissent du pommeau pour frapper les soldats clones qui barraient le chemin du Jedi Noir. Cet artefact avait Ă©tĂ© conçu pour absorber les Ăąmes et les emprisonner Ă traits de son utilisateur Ă©taient figĂ©s, impassibles avec un sourire froid et quâes-tu devenu ? GĂ©mit Rachi Ce que jâĂ©tais destinĂ© Ă voix dĂ©sincarnĂ©e qui sâĂ©leva dans son dos, lâexpulsa de sa transe. Les visions sâĂ©vaporĂšrent et ses paupiĂšres ouvertes fixaient le vallon dĂ©sert et figĂ©, sans comprendre pourquoi elle sentait une prĂ©sence si proche dâ Il nâest pas judicieux de troubler la quiĂ©tude de ces lieux, poursuivit la Jedi bondit en un Ă©clair sur ses appuis, rappelant son sabre dans la main. Ses yeux fouillĂšrent dans toutes les directions, sans trouver la moindre silhouette, le moindre Ă elle, son mystĂ©rieux interlocuteur se matĂ©rialisa enfin, surgi des nimbes de la Force. Un Jedi grand et mince, revĂȘtu de la bure et de la tunique verte marĂ©cage des utilisateurs de la Force, originaires de cĆur bondit lorsquâelle reconnut Oreste Tissan, ou plutĂŽt lâĂ©manation spectrale que la Force lui accordait de bon Que fais-tu lĂ ? Lui demanda-t-elle regretta un peu tard sa rudesse mais il ne semblait pas sâen Pas ravie de me revoir malgrĂ© le temps Je sais ce qui tâest arrivĂ©. Tout, martela-t-elle dâun ton lourd de sous-entendus. Ta survie Ă la Purge, la perte de ta famille et de celle de ta bien aimĂ©e sur Corellia. Ton destin de Jedi Noir de fantĂŽme de Oreste croisa les bras, gĂȘnĂ© par la hargne de la twiâlek Ă son Es-tu lĂ pour me juger ?- Tu as fait ce que tu as jugĂ© bon dâaccomplir de juste, Oreste. Je nâai plus de rancĆur envers toi, jâen ai fini. Je suis lĂ pour rencontrer le Gardien des Ă©trange sourire flotta sur les lĂšvres du Dans ce cas, ta quĂȘte est twiâlek fronça les sourcils, Je ne peux pas croire que tu sois le Gardien des Murmures. Pas aprĂšs tout le mal que tu as causĂ© Ăa semble pourtant logique. Ă moins que tu refuse de croire que lâon puisse se racheter de ses Ne me dis pas ce en quoi je dois croire, Oreste. Tzipah mâa racontĂ© les crimes dont tu tâes rendu coupable. Tu as massacrĂ© toute une tribu, dans le but de rallier dâautres clans de SorciĂšres dans ta rĂ©bellion contre lâEmpire. Tu devrais avoir honte !Son Ă©clat fit vaciller le FantĂŽme de Force du corellien, qui dĂ©tourna les yeux un bref Tu as trahi les enseignements de Halcyon et de MaĂźtre Mundi. Le Oreste Tissan que jâai connu au Temple, seul, perdu, que jâaimais prendre par la main⊠celui Ă qui jâai eu la faiblesse dâavouer mes sentiments. Cet Oreste Ă©tait-il un mensonge ?- Tu connaissais pourtant mes faiblesses, Rachi. Tu le savais mais cela ne signifie pas que tu dois te sentir Je ne me sens pas coupable de ce qui tâest arrivĂ©, Si, Rachi. Pour quelle autre raison, voudrais-tu parler au Gardien des Murmures ? Me parler ? Ce que jâai fait, te hante Jedi baissa la tĂȘte, une larme coulait sur sa Je pense Ă ce jour oĂč je tâai quittĂ©, quand je tâai confiĂ© ce que je ressentais pour toi. Quand jâai compris que ton cĆur appartenait Ă une autre femme. Cela mâa blessĂ©e, profondĂ©ment. Mon orgueil, ma fiertĂ© mâont aveuglĂ©e. Si jâĂ©tais restĂ©e Ă tes cĂŽtĂ©s, je tâaurais aidĂ©. Si tu as basculĂ© du CĂŽtĂ© Obscur, câest deâŠ- De ta faute ? Non, Rachi. Tu ne lâaurais pas Ce qui sâest passĂ© sur Dathomir, ne serait jamais exprima sa dĂ©nĂ©gation dâun mouvement du Tu ne lâaurais pas empĂȘchĂ©, jâĂ©tais destinĂ© Ă devenir le Jedi Noir de Dathomir. Le CĂŽtĂ© Obscur a toujours suivi mes pas. Cesse de porter ce fardeau qui nâappartient quâĂ moi. Tu es innocente, je suis le seul FantĂŽme sâapprocha de la twiâlek. Celle-ci sentit lâesprit de Oreste se connecter au sien pour lui faire entrevoir les multiples possibilitĂ©s. Elle se vit rester Ă ses cĂŽtĂ©s malgrĂ© sa dĂ©ception et se proposer de lâaccompagner sur les champs de bataille de la Guerre des Clones, de Metalorn jusquâĂ scĂ©narios montraient inĂ©vitablement⊠sa mort au combat, peu importait le lieu. Dans les bras de Oreste, qui se sentait coupable. Et qui en fin de compte, basculait dans le CĂŽtĂ© Obscur, devenant un flĂ©au comme lâ Tu ne pouvais pas lâempĂȘcher, insista soupira, Ă la fois fataliste et soulagĂ©e. Un grand poids venait de partir, allĂ©geant son Oreste⊠je suis Il ne faut pas. Comment te sens-tu ?La twiâlek regarda le sabre-laser dans sa paume puis serra les doigts autour de la crosse. Elle ppuvait maintenant se consacrer Ă sa mission. Retrouver la SĆur de la Nuit Kyrisa avant que lâEmpire ne la En Alors va, lâencouragea Oreste. Nous nous retrouverons lorsque ton heure sera Le plus tard possible aprĂšs un bref silence . Ce que tu as fait ne sera jamais Câest pourquoi je dois rester ici. Je dois soulager les Ăąmes de ceux et celles qui sont morts ici, par ma faute. Et qui mâont maudit dans leur dernier Adieu, Oreste. Merci de mâavoir rendu la Que la Force soit avec toi. Tu en auras besoin, twiâlek rangea son sabre Ă la ceinture et se dĂ©tourna. Le FantĂŽme de Oreste demeura immobile, la regardant disparaĂźtre. CâĂ©tait leur derniĂšre conversation mais le corellien nâavait pas Ă Ă©prouver de autre sceptre blafard apparut Ă ses cĂŽtĂ©s. Celui dâune femme chauve et pĂąle, encapuchonnĂ©e, qui le considĂ©ra avec un grand Une vieille amie ? Qui avait besoin dâapaiser sa conscience, Une bonne chose de faite, mais il nous reste beaucoup de travail. Des milliers dâĂąmes qui ne demandent quâĂ ĂȘtre Je suis le Gardien et je dois expier cela. Je suis heureux de ne pas ĂȘtre le seul Ă accomplir cette tĂąche et de bĂ©nĂ©ficier dâun peu dâ Câest le rĂŽle de la Dame du deux FantĂŽmes de Force sâĂ©loignĂšrent Ă leur tour, pour arpenter lâEnclos des Murmures et rĂ©conforter toutes ces Ăąmes, restĂ©es j'espĂšre que cela vous a plu !Allez, Ă la prochaine ! mat-vador Jedi SWU Messages 3169EnregistrĂ© le 24 Mai 2016 Retourner vers Fan-Fictions Qui est en ligne Utilisateurs parcourant ce forum Aucun utilisateur enregistrĂ© et 2 invitĂ©s ModĂ©rateurs Jagen Eripsa, L2-D2, ZĂšd-3 Ăt
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Emile Zola L'Argent I Onze heures venaient de sonner Ă la Bourse, lorsque Saccard entra chez Champeaux, dans la salle blanc et or, dont les deux hautes fenĂÂȘtres donnent sur la place. D'un coup d'oeil, il parcourut les rangs de petites tables, oĂÂč les convives affamĂ©s se serraient coude Ă coude ; et il parut surpris de ne pas voir le visage qu'il cherchait. Comme, dans la bousculade du service, un garçon passait, chargĂ© de plats " Dites donc, M. Huret n'est pas venu ? - Non, monsieur, pas encore. " Alors, Saccard se dĂ©cida, s'assit Ă une table que quittait un client, dans l'embrasure d'une des fenĂÂȘtres. Il se croyait en retard ; et, tandis qu'on changeait la serviette, ses regards se portĂšrent au-dehors, Ă©piant les passants du trottoir. MĂÂȘme, lorsque le couvert fut rĂ©tabli, il ne commanda pas tout de suite, il demeura un moment les yeux sur la place, toute gaie de cette claire journĂ©e des premiers jours de mai. A cette heure oĂÂč le monde dĂ©jeunait, elle Ă©tait presque vide sous les marronniers, d'une verdure tendre et neuve, les bancs restaient inoccupĂ©s ; le long de la grille, Ă la station des voitures, la file des fiacres s'allongeait, d'un bout Ă l'autre ; et l'omnibus de la Bastille s'arrĂÂȘtait au bureau, Ă l'angle du jardin, sans laisser ni prendre de voyageurs. Le soleil tombait d'aplomb, le monument en Ă©tait baignĂ©, avec sa colonnade, ses deux statues, son vaste perron, en haut duquel il n'y avait encore que l'armĂ©e des chaises, en bon ordre. Mais Saccard, s'Ă©tant tournĂ©, reconnut Mazaud, l'agent de change, Ă la table voisine de la sienne Il tendit la main. " Tiens ! c'est vous. Bonjour ! - Bonjour ! " rĂ©pondit Mazaud, en donnant une poignĂ©e de main distraite. Petit, brun, trĂšs vif, joli homme, il venait d'hĂ©riter de la charge d'un de ses oncles, Ă trente-deux ans. Et il semblait tout au convive qu'il avait en face de lui, un gros monsieur Ă figure rouge et rasĂ©e, le cĂ©lĂšbre Amadieu, que la Bourse vĂ©nĂ©rait, depuis son fameux coup sur les Mines de Selsis. Lorsque les titres Ă©taient tombĂ©s Ă quinze francs, et que l'on considĂ©rait tout acheteur comme un fou, il avait mis dans l'affaire sa fortune, deux cent mille francs, au hasard, sans calcul ni flair, par un entĂÂȘtement de brute chanceuse. Aujourd'hui que la dĂ©couverte de filons rĂ©els et considĂ©rables avait fait dĂ©passer aux titres le cours de mille francs, il gagnait une quinzaine de millions ; et son opĂ©ration imbĂ©cile qui aurait dĂ» le faire enfermer autrefois, le haussait maintenant au rang des vastes cerveaux financiers. Il Ă©tait saluĂ©, consultĂ© surtout. D'ailleurs, il ne donnait plus d'ordres, comme satisfait, trĂÂŽnant dĂ©sormais dans son coup de gĂ©nie unique et lĂ©gendaire. Mazaud devait rĂÂȘver sa clientĂšle. Saccard, n'ayant pu obtenir d'Amadieu mĂÂȘme un sourire, salua la table d'en face, oĂÂč se trouvaient rĂ©unis trois spĂ©culateurs de sa connaissance, Pillerault, Moser et Salmon. " Bonjour ! ça va bien ? - Oui, pas mal... Bonjour ! " Chez ceux-ci encore, il sentit la froideur, l'hostilitĂ© presque. Pillerault pourtant, trĂšs grand, trĂšs maigre, avec des gestes saccadĂ©s et un nez en lame de sabre, dans un visage osseux de chevalier errant, avait d'habitude la familiaritĂ© d'un joueur qui Ă©rigeait en principe le casse-cou, dĂ©clarant qu'il culbutait dans des catastrophes, chaque fois qu'il s'appliquait Ă rĂ©flĂ©chir. Il Ă©tait d'une nature exubĂ©rante de haussier, toujours tournĂ© Ă la victoire, tandis que Moser, au contraire, de taille courte, le teint jaune, ravagĂ© par une maladie de foie, se lamentait sans cesse, en proie Ă de continuelles craintes de cataclysme. Quant Ă Salmon, un trĂšs bel homme luttant contre la cinquantaine, Ă©talant une barbe superbe, d'un noir d'encre, il passait pour un gaillard extraordinairement fort. Jamais il ne parlait, il ne rĂ©pondait que par des sourires, on ne savait dans quel sens il jouait, ni mĂÂȘme s'il jouait ; et sa façon d'Ă©couter impressionnait tellement Moser, que souvent celui-ci, aprĂšs lui avoir fait une confidence, courait changer un ordre, dĂ©montĂ© per son silence. Dans cette indiffĂ©rence qu'on lui tĂ©moignait, Saccard Ă©tait restĂ© les regards fiĂ©vreux et provocants, achevant le tour de la salle. Et il nĂąâŹâąĂ©changea plus un signe de tĂÂȘte qu'avec un grand jeune homme, assis a trois tables de distance, le beau Sabatani, un Levantin, Ă la face longue et brune, qu'Ă©clairaient des yeux noirs magnifiques, mais qu'une bouche mauvaise, inquiĂ©tante, gĂÂątait. L'amabilitĂ© de ce garçon acheva de l'irriter quelque exĂ©cutĂ© d'une Bourse Ă©trangĂšre, un de ces gaillards mystĂ©rieux aimĂ© des femmes, tombĂ© depuis le dernier automne sur le marchĂ©, qu'il avait dĂ©jĂ vu Ă l'oeuvre comme prĂÂȘte-nom dans un dĂ©sastre de banque, et qui peu Ă peu conquĂ©rait la confiance de la corbeille et de la coulisse, par beaucoup de correction et une bonne grĂÂące infatigable, mĂÂȘme pour les plus tarĂ©s. Un garçon Ă©tait debout devant Saccard. " Qu'est-ce que monsieur prend ? - Ah ! oui... Ce que vous voudrez, une cĂÂŽtelette, des asperges. " Puis, il rappela le garçon. " Vous ĂÂȘtes sĂ»r que M. Huret n'est pas venu avant moi et n'est pas reparti ? - Oh ! absolument sĂ»r ! " Ainsi, il en Ă©tait lĂ , aprĂšs la dĂ©bĂÂącle qui, en octobre, l'avait forcĂ© une fois de plus Ă liquider sa situation, Ă vendre son hĂÂŽtel du parc Monceau, pour louer un appartement les Sabatanis seuls le saluaient, son entrĂ©e dans un restaurant, oĂÂč il avait rĂ©gnĂ©, ne faisait plus tourner toutes les tĂÂȘtes, tendre toutes les mains. Il Ă©tait beau joueur, il restait sans rancune, Ă la suite de cette derniĂšre affaire de terrains, scandaleuse et dĂ©sastreuse, dont il n'avait guĂšre sauvĂ© que sa peau. Mais une fiĂšvre de revanche s'allumait dans son ĂÂȘtre ; et l'absence d'Huret qui avait formellement promis d'ĂÂȘtre lĂ , dĂšs onze heures, pour lui rendre compte de la dĂ©marche dont il s'Ă©tait chargĂ© prĂšs de son frĂšre Rougon, le ministre alors triomphant, l'exaspĂ©rait surtout contre ce dernier. Huret, dĂ©putĂ© docile, crĂ©ature du grand homme, n'Ă©tait qu'un commissionnaire. Seulement, Rougon, lui qui pouvait tout, Ă©tait-ce possible qu'il l'abandonnĂÂąt ainsi ? Jamais il ne s'Ă©tait montrĂ© bon frĂšre. Qu'il se fĂ»t fĂÂąchĂ© aprĂšs la catastrophe, qu'il eĂ»t rompu ouvertement pour n'ĂÂȘtre point compromis lui-mĂÂȘme, cela s'expliquait ; mais, depuis six mois, n'aurait-il pas dĂ» lui venir secrĂštement en aide et, maintenant, allait-il avoir le coeur de refuser le suprĂÂȘme coup d'Ă©paule qu'il lui faisait demander par un tiers, n'osant le voir en personne, craignant quelque crise de colĂšre qui l'emporterait ? Il n'avait qu'un mot Ă dire, il le remettrait debout, avec tout ce lĂÂąche et grand Paris sous les talons. " Quel vin dĂ©sire monsieur ? demanda le sommelier. - Votre bordeaux ordinaire. " Saccard, qui laissait refroidir sa cĂÂŽtelette, absorbĂ©, sans faim, leva les yeux, en voyant une ombre passer sur la nappe. C'Ă©tait Massias, un gros garçon rougeaud, un remisier qu'il avait connu besogneux, et qui se glissait entre les tables, sa cote Ă la main. Il fut ulcĂ©rĂ© de le voir filer devant lui, sans s'arrĂÂȘter, pour aller tendre la cote Ă Pillerault et Ă Moser. Distraits, engagĂ©s dans une discussion, ceux-ci y jetĂšrent Ă peine un coup d'oeil non, ils n'avaient pas d'ordre Ă donner, ce serait pour une autre fois, Massias, n'osant s'attaquer au cĂ©lĂšbre Amadieu, penchĂ© au-dessus d'une salade de homard, en train de causer Ă voix basse avec Mazaud, revint vers Salmon, qui prit la cote, l'Ă©tudia longuement, puis la rendit, sans un mot. La salle s'animait. D'autres remisiers, Ă chaque minute, en faisaient battre les portes. Des paroles hautes s'Ă©changeaient de loin, toute une passion d'affaires montait, Ă mesure que s'avançait l'heure. Et Saccard, dont les regards retournaient sans cesse au-dehors, voyait aussi la place se remplir peu Ă peu, les voitures et les piĂ©tons affluer ; tandis que, sur les marches de la Bourse, Ă©clatantes de soleil, des taches noires, des hommes se montraient dĂ©jĂ , un Ă un. " Je vous rĂ©pĂšte, dit Moser de sa voix dĂ©solĂ©e, que ces Ă©lections complĂ©mentaires du 20 mars sont un symptĂÂŽme des plus inquiĂ©tants... Enfin, c'est aujourd'hui Paris tout entier acquis Ă l'opposition. " Mais Pillerault haussait les Ă©paules. Carnot et Garnier-PagĂ©s de plus sur les bancs de la gauche, quĂąâŹâąest-ce que ça pouvait faire ? " C'est comme la question des duchĂ©s, reprit Moser, eh bien, elle est grosse de complications... Certainement ! vous avez beau rire. Je ne dis pas que nous devions faire la guerre Ă la Prusse, pour l'empĂÂȘcher de s'engraisser aux dĂ©pens du Danemarck ; seulement, il y avait des moyens d'action... Oui, oui, lorsque les gros se mettent Ă manger les petits, on ne sait jamais oĂÂč ça s'arrĂÂȘte... Et, quant au Mexique... Pillerault, qui Ă©tait dans un de ses jours de satisfaction universelle, l'interrompit d'un Ă©clat de rire " Ah ! non, mon cher, ne vous ennuyez plus, avec vos terreurs sur le Mexique... Le Mexique, ce sera la page glorieuse du rĂšgne... OĂÂč diable prenez-vous que lĂąâŹâąempire soit malade ? Est-ce qu'en janvier l'emprunt de trois cents millions n'a pas Ă©tĂ© couvert plus de quinze fois ? Un succĂšs Ă©crasant !... Tenez ! je vous donne rendez-vous en 67, oui, dans trois ans d'ici, lorsqu'on ouvrira l'Exposition universelle que l'empereur vient de dĂ©cider. - Je vous dis que tout va mal ! affirma dĂ©sespĂ©rĂ©ment Moser. - Eh ! fichez-nous la paix, tout va bien ! " Salmon les regardait l'un aprĂšs l'autre, en souriant de son air profond. Et Saccard, qui les avait Ă©coutĂ©s, ramenait aux difficultĂ©s de sa situation personnelle cette crise oĂÂč l'empire semblait entrer. Lui, une fois encore, Ă©tait par terre est-ce que cet empire, qui l'avait fait, allait comme lui culbuter, croulant tout d'un coup de la destinĂ©e la plus haute Ă la plus misĂ©rable ? Ah ! depuis douze ans, qu'il l'avait aimĂ© et dĂ©fendu, ce rĂ©gime oĂÂč il s'Ă©tait senti vivre, pousser, se gorger de sĂšve, ainsi que l'arbre dont les racines plongent dans le terreau qui lui convient. Mais, si son frĂšre voulait l'en arracher, si on le retranchait de ceux qui Ă©puisaient le sol gras des jouissances, que tout fĂ»t donc emportĂ©, dans la grande dĂ©bĂÂącle finale des nuits de fĂÂȘte ! Maintenant, il attendait ses asperges, absent de la salle oĂÂč l'agitation croissait sans cesse, envahi par des souvenirs. Dans une large glace, en face, il venait d'apercevoir son image ; et elle l'avait surpris. L'ĂÂąge ne mordait pas sur sa petite personne, ses cinquante ans n'en paraissaient guĂšre que trente-huit, il gardait une maigreur, une vivacitĂ© de jeune homme. MĂÂȘme, avec les annĂ©es, son visage noir et creusĂ© de marionnette, au nez pointu, aux minces yeux luisants, s'Ă©tait comme arrangĂ©, avait pris le charme de cette jeunesse persistante, si souple, si active, les cheveux touffus encore, sans un fil blanc. Et, invinciblement, il se rappelait son arrivĂ©e Ă Paris, au lendemain du coup d'Etat, le soir d'hiver oĂÂč il Ă©tait tombĂ© sur le pavĂ©, les poches vides, affamĂ©, ayant toute une rage d'appĂ©tits Ă satisfaire. Ah ! cette premiĂšre course Ă travers les rues, lorsque, avant mĂÂȘme de dĂ©faire sa malle, il avait eu le besoin de se lancer par la ville, avec ses bottes Ă©culĂ©es, son paletot graisseux, pour la conquĂ©rir ! Depuis cette soirĂ©e, il Ă©tait souvent montĂ© trĂšs haut, un fleuve de millions avait coulĂ© entre ses mains, sans que jamais il eĂ»t possĂ©dĂ© la fortune en esclave, ainsi qu'une chose Ă soi, dont on dispose, qu'on tient sous clef, vivante, matĂ©rielle. Toujours le mensonge, la fiction avait habitĂ© ses caisses, que des trous inconnus semblaient vider de leur or. Puis, voilĂ qu'il se retrouvait sur le pavĂ©, comme Ă l'Ă©poque lointaine du dĂ©part, aussi jeune, aussi affamĂ©, inassouvi toujours, torturĂ© du mĂÂȘme besoin de jouissances et de conquĂÂȘtes. Il avait goĂ»tĂ© Ă tout, et il ne s'Ă©tait pas rassasiĂ©, n'ayant pas eu l'occasion ni le temps, croyait-il, de mordre assez profondĂ©ment dans les personnes et dans les choses. A cette heure, il se sentait cette misĂšre d'ĂÂȘtre, sur le pavĂ©, moins qu'un dĂ©butant, qu'auraient soutenu l'illusion et l'espoir. Et une fiĂšvre le prenait de tout recommencer pour tout reconquĂ©rir, de monter plus haut qu'il n'Ă©tait jamais montĂ©, de poser enfin le pied sur la citĂ© conquise. Non plus la richesse menteuse de la façade, mais l'Ă©difice solide de la fortune, la vraie royautĂ© de l'or trĂÂŽnant sur des sacs pleins ! La voix de Moser qui s'Ă©levait de nouveau, aigre et trĂšs aiguĂ, tira un instant Saccard de ses rĂ©flexions. " L'expĂ©dition du Mexique coĂ»te quatorze millions par mois, c'est Thiers qui l'a prouvĂ©... Et il faut vraiment ĂÂȘtre aveugle pour ne pas voir que, dans la Chambre, la majoritĂ© est Ă©branlĂ©e. Ils sont trente et quelques maintenant, Ă gauche. L'empereur lui-mĂÂȘme comprend bien que le pouvoir absolu devient impossible, puisqu'il se fait le promoteur de la libertĂ©. " Pillerault ne rĂ©pondait plus, se contentait de ricaner d'un air de mĂ©pris. " Oui, je sais, le marchĂ© vous paraĂt solide, les affaires marchent. Mais attendez la fin... On a trop dĂ©moli et trop reconstruit, Ă Paris, voyez-vous ! Les grands travaux ont Ă©puisĂ© l'Ă©pargne. Quant aux puissantes maisons de crĂ©dit qui vous semblent si prospĂšres, attendez qu'une d'elles fasse le saut, et vous les verrez toutes culbuter Ă la file... Sans compter que le peuple se remue. Cette Association internationale des travailleurs, qu'on vient de fonder pour amĂ©liorer la condition des ouvriers, m'effraie beaucoup, moi. Il y a, en France, une protestation, un mouvement rĂ©volutionnaire qui s'accentue chaque jour... Je vous dis que le ver est dans le fruit. Tout crĂšvera. " Alors ce fut une protestation bruyante. Ce sacrĂ© Moser avait sa crise de foie, dĂ©cidĂ©ment. Mais lui-mĂÂȘme, en parlant, ne quittait pas des yeux la table voisine, oĂÂč Mazaud et Amadieu continuaient, dans le bruit, Ă causer trĂšs bas. Peu Ă peu, la salle entiĂšre s'inquiĂ©tait de ces longues confidences. Qu'avaient-ils Ă se dire, pour chuchoter ainsi ? Sans doute, Amadieu donnait des ordres, prĂ©parait un coup. Depuis trois jours, de mauvais bruits couraient sur les travaux de Suez. Moser cligna les yeux, baissa Ă©galement la voix. " Vous savez, les Anglais veulent empĂÂȘcher qu'on travaille lĂ -bas. On pourrait bien avoir la guerre. " Cette fois, Pillerault fut Ă©branlĂ©, par l'Ă©normitĂ© mĂÂȘme de la nouvelle. C'Ă©tait incroyable, et tout de suite le mot vola de table en table, acquĂ©rant la force d'une certitude l'Angleterre avait envoyĂ© un ultimatum, demandant la cessation immĂ©diate des travaux. Amadieu, Ă©videmment, ne causait que de ça avec Mazaud, Ă qui il donnait l'ordre de vendre tous ses Suez. Un bourdonnement de panique s'Ă©leva dans l'air chargĂ© d'odeurs grasses, au milieu du bruit croissant des vaisselles remuĂ©es. Et, Ă ce moment, ce qui porta l'Ă©motion Ă son comble, ce fut l'entrĂ©e brusque d'un commis de l'agent de change, le petit Flory, un garçon Ă figure tendre, mangĂ©e d'une Ă©paisse barbe chĂÂątaine. Il se prĂ©cipita, un paquet de fiches Ă la main, et les remit au patron, en lui parlant Ă l'oreille. " Bon ! " rĂ©pondit simplement Mazaud, qui classa les fiches dans son carnet. Puis, tirant sa montre " BientĂÂŽt midi ! Dites Ă Berthier de m'attendre. Et soyez lĂ vous- mĂÂȘme, montez chercher les dĂ©pĂÂȘches. " Lorsque Flory s'en fut allĂ©, il reprit sa conversation avec Amadieu, tira d'autres fiches de sa poche, qu'il posa sur la nappe, Ă cĂÂŽtĂ© de son assiette ; et, Ă chaque minute, un client qui partait se penchait au passage, lui disait un mot, qu'il inscrivait rapidement sur un des bouts de papier, entre deux bouchĂ©es. La fausse nouvelle, venue on ne savait d'oĂÂč, nĂ©e de rien, grossissait comme une nuĂ©e d'orage. " Vous vendez, n'est-ce pas ? " demanda Moser Ă Salmon.. Mais le muet sourire de ce dernier fut si aiguisĂ© de finesse, qu'il en resta anxieux, doutant maintenant de cet ultimatum de l'Angleterre, qu'il ne savait mĂÂȘme pas avoir inventĂ©. " Moi, j'achĂšte tant qu'on voudra " , conclut Pillerault, avec sa tĂ©mĂ©ritĂ© vaniteuse de joueur sans mĂ©thode. Les tempes chauffĂ©es par la griserie du jeu, que fouettait cette fin bruyante de dĂ©jeuner, dans l'Ă©troite salle, Saccard s'Ă©tait dĂ©cidĂ© Ă manger ses asperges, en s'irritant de nouveau contre Huret, sur lequel il ne comptait plus. Depuis des semaines, lui, si prompt Ă se rĂ©soudre, il hĂ©sitait, combattu d'incertitudes. Il sentait bien l'impĂ©rieuse nĂ©cessitĂ© de faire peau neuve, et il avait rĂÂȘvĂ© d'abord une vie toute nouvelle, dans la haute administration ou dans la politique. Pourquoi le Corps lĂ©gislatif ne lĂąâŹâąaurait-il pas menĂ© au conseil des ministres, comme son frĂšre ? Ce qu'il reprochait Ă la spĂ©culation, c'Ă©tait la continuelle instabilitĂ©, les grosses sommes aussi vite perdues que gagnĂ©es jamais il n'avait dormi sur le million rĂ©el, ne devant rien Ă personne. Et, Ă cette heure oĂÂč il faisait son examen de conscience, il se disait qu'il Ă©tait peut-ĂÂȘtre trop passionnĂ© pour cette bataille de l'argent, qui demandait tant de sang-froid. Cela devait expliquer comment, aprĂšs une vie si extraordinaire de luxe et de gĂÂȘne, il sortait vidĂ©, brĂ»lĂ©, de ces dix annĂ©es de formidables trafics sur les terrains du nouveau Paris, dans lesquels tant d'autres, plus lourds, avaient ramassĂ© de colossales fortunes. Oui, peut-ĂÂȘtre s'Ă©tait-il trompĂ© sur ses vĂ©ritables aptitudes, peut-ĂÂȘtre triompherait-il d'un bond, dans la bagarre politique, avec son activitĂ©, sa foi ardente. Tout allait dĂ©pendre de la rĂ©ponse de son frĂšre. Si celui-ci le repoussait, le rejetait au gouffre de l'agio, eh bien ! ce serait sans doute tant pis pour lui et les autres, il risquerait le grand coup dont il ne parlait encore Ă personne, l'affaire Ă©norme qu'il rĂÂȘvait depuis des semaines et qui l'effrayait lui-mĂÂȘme, tellement elle Ă©tait vaste, faite, si elle rĂ©ussissait ou si elle croulait, pour remuer le monde. Pillerault Ă©levait la voix. " Mazaud, est-ce fini, l'exĂ©cution de Schlosser ? - Oui, rĂ©pondit l'agent de change, l'affiche sera mise aujourd'hui... Que voulez-vous ? c'est toujours ennuyeux, mais j'avais reçu les renseignements les plus inquiĂ©tants et je l'ai escomptĂ© le premier. Il faut bien, de temps Ă autre, donner un coup de balai. - On m'a affirmĂ©, dit Moser, que vos collĂšgues, Jacoby et Delarocque, y Ă©taient pour des sommes rondes. " L'agent eut un geste vague. " Bah ! c'est la part du feu... Ce Schlosser devait ĂÂȘtre d'une bande, et il en sera quitte pour aller Ă©cumer la Bourse de Berlin ou de Vienne. " Les yeux de Saccard s'Ă©taient portĂ©s sur Sabatani, dont un hasard lui avait rĂ©vĂ©lĂ© l'association secrĂšte avec Schlosser tous deux jouaient le jeu connu, l'un Ă la hausse, l'autre Ă la baisse sur une mĂÂȘme valeur, celui qui perdait en Ă©tant quitte pour partager le bĂ©nĂ©fice de l'autre, et disparaĂtre. Mais le jeune homme payait tranquillement l'addition du dĂ©jeuner fin qu'il venait de faire. Puis, avec sa grĂÂące caressante d'Oriental mĂÂątinĂ© d'Italien, il vint serrer la main de Mazaud, dont il Ă©tait le client. Il se pencha, donna un ordre, que celui-ci Ă©crivit sur une fiche. " Il vend ses Suez " , murmura Moser. Et, tout haut, cĂ©dant Ă un besoin, malade de doute " Hein ? que pensez-vous du Suez ? " Un silence se fit dans le brouhaha des voix, toutes les tĂÂȘtes des tables voisines se tournĂšrent. La question rĂ©sumait lĂąâŹâąanxiĂ©tĂ© croissante. Mais le dos dĂąâŹâąArnadieu qui avait simplement invitĂ© Mazaud pour lui recommander un de ses neveux, restait impĂ©nĂ©trable, n'ayant rien Ă dire ; tandis que l'agent, que les ordres de vente qu'il recevait commençaient Ă Ă©tonner, se contentait de hocher la tĂÂȘte, par une habitude professionnelle de discrĂ©tion. " Le Suez, c'est trĂšs bon ! " dĂ©clara de sa voix chantante Sabatani, qui, avant de sortir, se dĂ©rangea de son chemin, pour serrer galamment la main de Saccard. Et Saccard garda un moment la sensation de cette poignĂ©e de main, si souple, si fondante, presque fĂ©minine.. Dans son incertitude de la route Ă prendre, de sa vie Ă refaire, il les traitait tous de filous, ceux qui Ă©taient lĂ . Ah ! si on l'y forçait, comme il les traquerait, comme il les tondrait, les Moser trembleurs, les Pillerault vantards, et ces Salmon plus creux que des courges, et ces Amadieu dont le succĂšs a fait le gĂ©nie ! Le bruit des assiettes et des verres avait repris, les voix s'enrouaient, les portes battaient plus fort, dans la hĂÂąte qui les dĂ©vorait tous d'ĂÂȘtre lĂ -bas, au jeu, si une dĂ©bĂÂącle devait se produire sur le Suez. Et, par la fenĂÂȘtre, au milieu de la place sillonnĂ©e de fiacres, encombrĂ©e de piĂ©tons, il voyait les marches ensoleillĂ©es de la Bourse comme mouchetĂ©es maintenant d'une montĂ©e continue d'insectes humains, des hommes correctement vĂÂȘtus de noir, qui peu Ă peu garnissaient la colonnade ; pendant que, derriĂšre les grilles, apparaissaient quelques femmes, vagues, rĂÂŽdant sous les marronniers. Brusquement, au moment oĂÂč il entamait le fromage qu'il venait de commander, une grosse voix lui fit lever la tĂÂȘte. " Je vous demande pardon, mon cher. Il mĂąâŹâąa Ă©tĂ© impossible de venir plus tĂÂŽt. " Enfin, cĂąâŹâąĂ©tait Huret, un normand du Calvados, une figure Ă©paisse et large de paysan rusĂ©, qui jouait lĂąâŹâąhomme simple. Tout de suite, il se fit servir nĂąâŹâąimporte quoi, le plat du jour, avec un lĂ©gume. " Eh bien " demanda sĂšchement Saccard, qui se contenait. Mais lĂąâŹâąautre ne se pressait pas, le regardait en homme finassier et prudent. Puis, en se mettant Ă manger, avançant la face et baissant la voix " Et bien, jĂąâŹâąai vu le grand homme... Oui, chez lui, ce matin... Oh ! il a Ă©tĂ© trĂšs gentil, trĂšs gentil pour vous. " Il sĂąâŹâąarrĂÂȘta, but un grand verre de vin, se mit une pomme de terre dans la bouche. " Alors ? - Alors, mon cher, voici... Il veut bien faire pour vous tout ce quĂąâŹâąil pourra, il vous trouvera une trĂšs jolie situation, mais pas en France... Ainsi, par exemple, gouverneur dans une de nos colonies, une des bonnes. Vous y seriez le maĂtre, un vrai petit prince. " Saccard Ă©tait devenu blĂÂȘme. " Dites donc, cĂąâŹâąest pour rire, vous vous fichez du monde !... Pourquoi pas tout de suite la dĂ©portation !... Ah ! Il veut se dĂ©barrasser de moi. QuĂąâŹâąil prenne garde que je finisse par le gĂÂȘner pour de bon ! " Huret restait la bouche pleine, conciliant. " Voyons, voyons, on ne veut que votre bien, laissez-nous faire. - Que je me laisse supprimer, nĂąâŹâąest-ce pas ?... Tenez ! tout Ă lĂąâŹâąheure, on disait que lĂąâŹâąempire nĂąâŹâąaurait bientĂÂŽt plus une faute Ă commettre. Oui, la guerre dĂąâŹâąItalie, le Mexique, lĂąâŹâąattitude vis-Ă -vis de la Prusse. Ma parole, cĂąâŹâąest la vĂ©ritĂ© !... Vous ferez tant de bĂÂȘtises et de folies, que la France entiĂšre se lĂšvera pour vous flanquer dehors " Du coup, le dĂ©putĂ©, la fidĂšle crĂ©ature du ministre, sĂąâŹâąinquiĂ©ta, palissant, regardant autour de lui. " Ah ! permettez, permettez, je ne peux pas vous suivre... Rougon est un honnĂÂȘte homme, il n'y a pas de danger, tant qu'il sera lĂ ... Non, n'ajoutez rien, vous le mĂ©connaissez, je tiens Ă le dire. " Violemment, Ă©touffant sa voix entre ses dents serrĂ©es, Saccard l'interrompit. " Soit, aimez-le, faites votre cuisine ensemble... Oui ou non, veut- il me patronner ici, Ă Paris ? - A Paris, jamais ! " Sans ajouter un mot, il se leva, appela le garçon, pour payer, tandis que, trĂšs calme, Huret, qui connaissait ses colĂšres, continuait Ă avaler de grosses bouchĂ©es de pain et le laissait aller, de peur d'un esclandre. Mais, Ă ce moment, dans la salle, il y eut une forte Ă©motion. Gundermann venait d'entrer, le banquier roi, le maĂtre de la Bourse et du monde, un homme de soixante ans, dont l'Ă©norme tĂÂȘte chauve, au nez Ă©pais, aux yeux ronds, Ă fleur de tĂÂȘte, exprimait un entĂÂȘtement et une fatigue immenses. Jamais il n'allait Ă la Bourse, affectant mĂÂȘme de n'y pas envoyer de reprĂ©sentant officiel ; jamais non plus il ne dĂ©jeunait dans un lieu public. Seulement, de loin en loin, il lui arrivait, comme ce jour-lĂ , de se montrer au restaurant Champeaux, oĂÂč il s'asseyait Ă une des tables pour se faire simplement servir un verre d'eau de Vichy, sur une assiette. Souffrant depuis vingt ans d'une maladie d'estomac, il ne se nourrissait absolument que de lait. Tout de suite, le personnel fut en l'air pour apporter le verre d'eau, et tous les convives prĂ©sents s'aplatirent. Moser, l'air anĂ©anti, contemplait cet homme qui savait les secrets, qui faisait Ă son grĂ© la hausse ou la baisse, comme Dieu fait le tonnerre. Pillerault lui-mĂÂȘme le saluait, n'ayant foi qu'en la force irrĂ©sistible du milliard. Il Ă©tait midi et demi, et Mazaud, qui lĂÂąchait vivement Amadieu, revint, se courba devant le banquier, dont il avait parfois l'honneur de recevoir un ordre. Beaucoup de boursiers Ă©taient ainsi en train de partir, qui restĂšrent debout, entourant le dieu, lui faisant une cour dĂąâŹâąĂ©chines respectueuses, au milieu de la dĂ©bandade des nappes salies ; et ils le regardaient avec vĂ©nĂ©ration prendre le verre d'eau, d'une main tremblante, et le porter Ă ses lĂšvres dĂ©colorĂ©es. Autrefois, dans les spĂ©culations sur les terrains de la plaine Monceau ; Saccard avait eu des discussions, toute une brouille mĂÂȘme avec Gundermann. Ils ne pouvaient sĂąâŹâąentendre, l'un passionnĂ© et jouisseur, l'autre sobre et dĂąâŹâąune froide logique. Aussi le premier, dans sa colĂšre, exaspĂ©rĂ© encore par cette entrĂ©e triomphale, sĂąâŹâąen allait-il, lorsque l'autre l'appela. " Dites donc, mon bon ami, est-ce vrai ? vous les affaires... Ma foi, vous faites bien, ça vaut mieux. " Ce fut, pour Saccard, un coup de fouet en plein visage. Il redressa sa petite taille, il rĂ©pliqua d'une voie aiguĂ comme une Ă©pĂ©e " Je fonde une maison de crĂ©dit au capital de vingt-cinq millions, et je compte aller vous voir bientĂÂŽt. " Et il sortit, laissant derriĂšre lui le brouhaha ardent de la salle, oĂÂč tout le monde se bousculait, pour ne pas manquer l'ouverture de la Bourse. Ah ! rĂ©ussir enfin, remettre le talon sur ces gens qui lui tournaient lui tournaient le dos, et lutter de puissance avec ce roi de l'or, et l'abattre peut-ĂÂȘtre un jour ! Il n'Ă©tait pas dĂ©cidĂ© Ă lancer sa grande affaire, il demeurait surpris de la phrase que le besoin de rĂ©pondre lui avait tirĂ©e. Mais pourrait-il tenter la fortune ailleurs, maintenant que son frĂšre l'abandonnait et que les hommes et les choses le blessaient pour le rejeter Ă la lutte, comme le taureau saignant est ramenĂ© dans l'arĂšne ? Un instant, il resta frĂ©missant, au bord du trottoir. C'Ă©tait l'heure active oĂÂč la vie de Paris semble affluer sur cette place centrale, entre la rue Montmartre et la rue Richelieu, les deux artĂšres engorgĂ©es qui charrient la foule. Des quatre carrefours, ouverts aux quatre angles de la place, des flots ininterrompus de voitures coulaient, sillonnant le pavĂ©, au milieu des remous d'une cohue de piĂ©tons. Sans arrĂÂȘt, les deux files de fiacres de la station, le long des grilles, se rompaient et se reformaient ; tandis que, sur la rue Vivienne, les victorias des remisiers s'allongeaient en un rang pressĂ©, que dominaient les cochers, guides en main, prĂÂȘts Ă fouetter au premier ordre. Envahis, les marches et le pĂ©ristyle Ă©taient noirs d'un fourmillement de redingotes ; et, de la coulisse, installĂ©e dĂ©jĂ sous l'horloge et fonctionnant, montait la clameur de l'offre et de la demande, ce bruit de marĂ©e de l'agio, victorieux du grondement de la ville. Des passants tournaient la tĂÂȘte, dans le dĂ©sir et la crainte de ce qui se faisait lĂ , ce mystĂšre des opĂ©rations financiĂšres oĂÂč peu de cervelles françaises pĂ©nĂštrent, ces ruines, ces fortunes brusques, qu'on ne s'expliquait pas, parmi cette gesticulation et ces cris barbares. Et lui, au bord du ruisseau, assourdi par les voix lointaines, coudoyĂ© par la bousculade des gens pressĂ©s, il rĂÂȘvait une fois de plus la royautĂ© de l'or, dans ce quartier de toutes les fiĂšvres, oĂÂč la Bourse, d'une heure Ă trois, bat comme un coeur Ă©norme, au milieu. Mais, depuis sa dĂ©confiture, il n'avait point osĂ© rentrer Ă la Bourse ; et, ce jour-lĂ encore, un sentiment de vanitĂ© souffrante, la certitude d'y ĂÂȘtre accueilli, en vaincu, l'empĂÂȘchait de monter les marches. Comme les amants chassĂ©s de l'alcĂÂŽve d'une maĂtresse, qu'ils dĂ©sirent davantage, mĂÂȘme en croyant l'exĂ©crer, il revenait fatalement lĂ , il faisait le tour de la colonnade sous des prĂ©textes, traversant le jardin, marchant d'un pas de promeneur, Ă lĂąâŹâąombre des marronniers. Dans cette sorte de square poussiĂ©reux, sans gazon ni fleurs, oĂÂč grouillait sur les bancs, parmi les urinoirs et les kiosques Ă journaux, un mĂ©langĂ© de spĂ©culateurs louches et de femmes du quartier, en cheveux, allaitant des poupons, il affectait une flĂÂąnerie dĂ©sintĂ©ressĂ©e, levait les yeux, guettait, avec la furieuse pensĂ©e qu'il faisait le siĂšge du monument, qu'il l'enserrait d'un cercle Ă©troit, pour y rentrer un jour en triomphateur. Il pĂ©nĂ©tra dans l'angle de droite, sous les arbres qui font face Ă la rue de la Banque, et tout de suite il tomba sur la petite bourse des valeurs dĂ©classĂ©es les " Pieds humides " , comme on appelle avec un ironique mĂ©pris ces joueurs de la brocante, qui cotent en plein vent, dans la boue des jours pluvieux, les titres des compagnies mortes. Il y avait lĂ , en un groupe tumultueux, toute une juiverie malpropre, de grasses faces luisantes, des profils dessĂ©chĂ©s d'oiseaux voraces, une extraordinaire rĂ©union de nez typiques, rapprochĂ©s les uns des autres, ainsi que sur une proie, s'acharnant au milieu de cris gutturaux, et comme prĂšs de se dĂ©vorer entre eux. Il passait, lorsqu'il aperçut un peu Ă l'Ă©cart un gros homme, en train de regarder au soleil un rubis, qu'il levait en l'air, dĂ©licatement, entre ses doigts Ă©normes et sales. " Tiens, Busch !... Vous me faites songer que je voulais monter chez vous. " Busch, qui tenait un cabinet d'affaires, rue Feydeau, au coin de la rue Vivienne, lui avait, Ă plusieurs reprises, Ă©tĂ© d'une utilitĂ© grande, en des circonstances difficiles. Il restait extasiĂ©, Ă examiner l'eau de la pierre prĂ©cieuse, sa large face plate renversĂ©e, ses gros yeux gris comme Ă©teints par la lumiĂšre vive ; et l'on voyait, roulĂ©e en corde, la cravate blanche qu'il portait toujours ; tandis que sa redingote d'occasion, anciennement superbe, mais extraordinairement rĂÂąpĂ©e et, maculĂ©e de taches, remontait jusque dans ses cheveux pĂÂąles, qui tombaient en mĂšches rares et rebelles de son crĂÂąne nu. Son chapeau, roussi par le soleil, lavĂ© par les averses, n'avait plus d'ĂÂąge. Enfin, il se dĂ©cida Ă redescendre sur terre. " Ah ! monsieur Saccard, vous faites un petit tour par ici.. - Oui... C'est une lettre en langue russe, une lettre d'un banquier russe, Ă©tabli Ă Constantinople. Alors, j'ai pensĂ© Ă votre frĂšre, pour me la traduire. " Busch, qui, d'un mouvement inconscient et tendre, roulait toujours le rubis dans sa main droite, tendit la gauche, en disant que, le soir mĂÂȘme, la traduction serait envoyĂ©e. Mais Saccard expliqua qu'il s'agissait seulement de dix lignes. " Je vais monter, votre frĂšre me lira ça tout de suite... " Et il fut interrompu par l'arrivĂ©e d'une femme Ă©norme, Mme MĂ©chain, bien connue des habituĂ©s de la Bourse, une de ces enragĂ©es et misĂ©rables joueuses, dont les mains grasses tripotent dans toutes sortes de louches besognes. Son visage de pleine lune, bouffi et rouge, aux minces yeux bleus, au petit nez perdu, Ă la petite bouche d'oĂÂč sortait une voix flĂ»tĂ©e d'enfant, semblait dĂ©border du vieux chapeau mauve, nouĂ© de travers par des brides grenat ; et la gorge gĂ©ante, et le ventre hydropique, crevaient la robe de popeline verte, mangĂ©e de boue, tournĂ©e au jaune. Elle tenait au bras un antique sac de cuir noir, immense, aussi profond qu'une valise, qu'elle ne quittait jamais. Ce jour-lĂ , le sac gonflĂ©, plein Ă crever, la tirait Ă droite, penchĂ©e comme un arbre. " Vous voilĂ , dit Busch qui devait l'attendre. - Oui, et j'ai reçu les papiers de VendĂÂŽme, je les apporte. - Bon ! filons chez moi... Rien Ă faire aujourd'hui, ici " Saccard avait eu un regard vacillant sur le vaste sac de cuir. Il savait que, fatalement, allaient tomber lĂ les titres dĂ©lassĂ©s, les actions des sociĂ©tĂ©s mises en faillite, sur lesquelles les Pieds humides agiotent encore, des actions de cinq cents francs qu'ils se disputent Ă vingt sous, Ă dix sous, dans le vague espoir d'un relĂšvement improbable, ou plus pratiquement comme une marchandise scĂ©lĂ©rate, qu'ils cĂšdent avec bĂ©nĂ©fice aux banquiers dĂ©sireux de gonfler leur passif. Dans les batailles meurtriĂšres de la finance, la MĂ©chain Ă©tait le corbeau qui suivait les armĂ©es en marche ; pas une compagnie, pas une grande maison de crĂ©dit ne se fondait, sans qu'elle apparĂ»t, avec son sac, sans qu'elle flairĂÂąt l'air, attendant les cadavres, mĂÂȘme aux heures prospĂšres des Ă©missions triomphantes ; car elle savait bien que la dĂ©route Ă©tait fatale, que le jour du massacre viendrait, oĂÂč il y aurait des morts Ă manger, des titres Ă ramasser pour rien dans la boue et dans le sang. Et lui, qui roulait son grand projet d'une banque, eut un lĂ©ger frisson, fut traversĂ© d'un pressentiment, Ă voir ce sac, ce charnier des valeurs dĂ©prĂ©ciĂ©es, dans lequel passait tout le sale papier balayĂ© de la Bourse. Comme Busch emmenait la vieille femme, Saccard le retint. " Alors, je puis monter, je suis certain de trouver votre frĂšre ? " Les yeux du juif s'adoucirent, exprimĂšrent une surprise inquiĂšte. " Mon frĂšre, mais certainement ! OĂÂč voulez-vous quĂąâŹâąil soit ? - TrĂšs bien, Ă tout Ă l'heure ! " Et, Saccard, les laissant s'Ă©loigner, poursuivit sa marche lente, le long des arbres, vers la rue Notre-Dame des Victoires. Ce cĂÂŽtĂ© de la place est un des plus frĂ©quentĂ©s, occupĂ© par des fonds de commerce, des industries en chambre, dont les enseignes d'or flambaient sous le soleil. Des stores battaient aux balcons, toute une famille de province restait bĂ©ante, Ă la fenĂÂȘtre d'un hĂÂŽtel meublĂ©. Machinalement, il avait levĂ© la tĂÂȘte, regardĂ© ces gens dont l'ahurissement le faisait sourire, en le rĂ©confortant par cette pensĂ©e qu'il y aurait toujours, dans les dĂ©partements, des actionnaires. DerriĂšre son dos, la clameur de la Bourse, le bruit de la marĂ©e lointaine continuait, l'obsĂ©dait, ainsi qu'une menace d'engloutissement qui allait le rejoindre. Mais une nouvelle rencontre l'arrĂÂȘta. " Comment, Jordan, vous Ă la Bourse ? " s'Ă©cria-t-il, en serrant la main d'un grand jeune homme brun, aux petites moustaches, Ă l'air dĂ©cidĂ© et volontaire. Jordan, dont le pĂšre, un banquier de Marseille, s'Ă©tait autrefois suicidĂ©, Ă la suite de spĂ©culations dĂ©sastreuses, battait depuis dix ans le pavĂ© de Paris, enragĂ© de littĂ©rature, dans une lutte brave contre la misĂšre noire. Un de ses cousins, installĂ© Ă Plassans, oĂÂč il connaissait la famille de Saccard, l'avait autrefois recommandĂ© Ă ce dernier, lorsque celui-ci recevait tout Paris, dans son hĂÂŽtel du parc Monceau. " Oh ! Ă la Bourse, jamais ! " rĂ©pondĂt le jeune homme, avec un geste violent, comme s'il chassait le souvenir tragique de son pĂšre. Puis, se remettant Ă sourire " Vous savez que je me suis mariĂ©... Oui, avec une petite amie d'enfance. On nous avait fiancĂ©s aux jours oĂÂč j'Ă©tais riche, et elle s'est entĂÂȘtĂ©e Ă vouloir quand mĂÂȘme du pauvre diable que je suis devenu. - Parfaitement, j'ai reçu la lettre de faire part, dit Saccard. Et imaginez-vous que j'ai Ă©tĂ© en rapport, autrefois, avec votre beau-pĂšre, M. Maugendre, lorsqu'il avait sa manufacture de bĂÂąches, Ă la Villette. Il a dĂ» y gagner une jolie fortune. " Cette conversation avait lieu prĂ©s d'un banc, et Jordan lĂąâŹâąinterrompit, pour prĂ©senter un monsieur gros et court, Ă l'aspect militaire, qui se trouvait assis, et avec lequel il causait, lors de la rencontre. " Monsieur le capitaine Chave, un oncle de ma femme... Mme Maugendre, ma belle-mĂšre, est une Chave, de Marseille " Le capitaine s'Ă©tait levĂ©, et Saccard salua. Celui-ci connaissait de vue cette figure apoplectique, au cou raidi par l'usage du col de crin, un de ces types d'infimes joueurs au comptant, qu'on Ă©tait certain de rencontrer tous les jours lĂ , d'une heure Ă trois. C'est un jeu de gagne-petit, un gain presque assurĂ© de quinze Ă vingt francs, qu'il faut rĂ©aliser dans la mĂÂȘme Bourse. Jordan avait ajoutĂ© avec son bon rire expliquant sa prĂ©sence " Un boursier fĂ©roce, mon oncle, dont je ne fais, parfois, que serrer la main en passant. - Dame ! dit simplement le capitaine, il faut bien jouer, puisque le gouvernement, avec sa pension, me laisse crever de faim. " Ensuite, Saccard, que le jeune homme intĂ©ressait par sa bravoure Ă vivre, lui demanda si les choses de la littĂ©rature marchaient. Et Jordan, s'Ă©gayant encore, raconta l'installation de son pauvre mĂ©nage Ă un cinquiĂšme de l'avenue de Clichy ; car les Maugendre, qui se dĂ©fiaient d'un poĂšte, croyant avoir beaucoup fait en consentant au mariage, n'avaient rien donnĂ©, sous le prĂ©texte que leur fille, aprĂšs eux, aurait leur fortune intacte, engraissĂ©e d'Ă©conomies. Non, la littĂ©rature ne nourrit pas son homme, il avait en projet un roman qu'il ne trouvait pas le temps d'Ă©crire, et il Ă©tait entrĂ© forcĂ©ment dans le journalisme, oĂÂč il bĂÂąclait tout ce qui concernait son Ă©tat, depuis des chroniques, jusqu'Ă des comptes rendus de tribunaux et mĂÂȘme des faits divers. " Eh bien, dit Saccard, si je monte ma grande affaire, j'aurai peut- ĂÂȘtre besoin de vous. Venez donc me voir. " AprĂšs avoir saluĂ©, il tourna derriĂšre la Bourse. LĂ , enfin, la clameur lointaine, les abois du jeu cessĂšrent, ne furent qu'une rumeur vague, perdue dans le grondement de la place. De ce cĂÂŽtĂ©, les marches Ă©taient Ă©galement envahies de monde ; mais le cabinet des agents de change, dont on voyait les tentures rouges par les hautes fenĂÂȘtres, isolait du vacarme de la grande salle la colonnade, oĂÂč des spĂ©culateurs, les dĂ©licats, les riches, s'Ă©taient assis commodĂ©ment Ă l'ombre, quelques-uns seuls, d'autres par petits groupes, transformant en une sorte de club ce vaste pĂ©ristyle ouvert au plein ciel. C'Ă©tait un peu, ce derriĂšre du monument, comme l'envers d'un thĂ©ĂÂątre, l'entrĂ©e des artistes, avec la rue louche et relativement tranquille, cette rue Notre-Dame-des-Victoires, occupĂ©e toute par des marchands de vin, des cafĂ©s, des brasseries, des tavernes, grouillant d'une clientĂšle spĂ©ciale, Ă©trangement mĂÂȘlĂ©e. Les enseignes indiquaient aussi la vĂ©gĂ©tation mauvaise, poussĂ©e au bord d'un grand cloaque voisin des compagnies d'assurances mal famĂ©es, des journaux financiers de brigandage, des sociĂ©tĂ©s, des banques, des agences, des comptoirs, la sĂ©rie entiĂšre des modestes coupe-gorge, installĂ©s dans des boutiques ou Ă des entresols, larges comme la main. Sur les trottoirs, au milieu de la chaussĂ©e partout, des hommes rĂÂŽdaient, attendaient, ainsi qu'Ă la corne d'un bois. Saccard s'Ă©tait arrĂÂȘtĂ© Ă l'intĂ©rieur des grilles. Levant les yeux sur la porte qui conduit au cabinet des agents de d'ange, avec le regard aigu d'un chef d'armĂ©e examinant sous toutes ses faces la place dont il veut tenter l'assaut, lorsquĂąâŹâąun grand gaillard, qui sortait d'une taverne, traversa la rue et vint s'incliner trĂšs bas. " Ah ! monsieur Saccard, n'avez-vous rien pour moi ? J'ai quittĂ© dĂ©finitivement le CrĂ©dit mobilier, je cherche une situation. " Jantrou Ă©tait un ancien professeur, venu de Bordeaux Ă Paris, Ă la suite d'une histoire restĂ©e louche. ObligĂ© de quitter l'UniversitĂ©, dĂ©classĂ©, mais beau garçon avec sa barbe noire en Ă©ventail et sa calvitie prĂ©coce, d'ailleurs lettrĂ©, intelligent et aimable, il Ă©tait dĂ©barquĂ© Ă la Bourse vers vingt-huit ans, s'y Ă©tait traĂnĂ© et sali pendant dix annĂ©es comme remisier, en n'y gagnant guĂšre que l'argent nĂ©cessaire a ses vices. Et, aujourd'hui, tout Ă fait chauve, se dĂ©solant ainsi qu'une fille dont les rides menacent le gagne-pain, il attendait toujours l'occasion qui devait le lancer au succĂšs, Ă la fortune. Saccard, Ă le voir si humble, se rappela avec amertume, le salut de Sabatani, chez Champeaux dĂ©cidĂ©ment, les tarĂ©s et les ratĂ©s seuls lui restaient. Mais il n'Ă©tait pas sans estime pour l'intelligence vive de celui-ci, et il savait bien qu'on fait les troupes les plus braves avec les dĂ©sespĂ©rĂ©s, ceux qui osent tout, ayant tout Ă gagner. Il se montra bonhomme. " Une situation, rĂ©pĂ©ta-t-il. Eh ! ça peut se trouver. Venez me voir. - Rue Saint-Lazare, maintenant, n'est-ce pas ? - Oui, rue Saint-Lazare. Le matin. " Ils causĂšrent. Jantrou Ă©tait trĂšs animĂ© contre la Bourse, rĂ©pĂ©tant qu'il fallait ĂÂȘtre un coquin pour y rĂ©ussir, avec la rancune d'un homme qui n'avait pas eu la coquinerie chanceuse. C'Ă©tait fini, il voulait tenter autre chose, il lui semblait que, grĂÂące Ă sa culture universitaire, Ă sa connaissance du monde, il pouvait se faire une belle place dans lĂąâŹâąadministration. Saccard l'approuvait d'un hochement de tĂÂȘte. Et, comme ils Ă©taient sortis des grilles, longeant le trottoir jusqu'Ă la rue Brongniart, tous deux s'intĂ©ressĂšrent Ă un coupĂ© sombre, d'un attelage trĂšs correct, qui Ă©tait arrĂÂȘtĂ© dans cette rue, le cheval tournĂ© vers la rue Montmartre. Tandis que le dos du cocher, haut perchĂ©, demeurait d'une immobilitĂ© de pierre, ils avaient remarquĂ© qu'une tĂÂȘte de femme, Ă deux reprises, paraissait a la portiĂšre et disparaissait, vivement. Tout d'un coup, la tĂÂȘte se pencha, s'oublia, avec un long regard d'impatience en arriĂšre, du cĂÂŽtĂ© de la Bourse. " La baronne Sandorff " , murmura Saccard. C'Ă©tait une tĂÂȘte brune trĂšs Ă©trange, des yeux noirs brĂ»lants sous des paupiĂšres meurtries, un visage de passion Ă la bouche saignante, et que gĂÂątait seulement un nez trop long. Elle semblait fort jolie, d'une maturitĂ© prĂ©coce, pour ses vingt-cinq ans, avec son air de bacchante habillĂ©e par les grands couturiers du rĂšgne. " Oui, la baronne, rĂ©pĂ©ta Jantrou. Je l'ai connue, quand elle Ă©tait jeune fille, chez son pĂšre, le comte de Ladricourt. Oh ! un enragĂ© joueur, et d'une brutalitĂ© rĂ©voltante. J'allais prendre ses ordres chaque matin, il a failli me battre un jour. Je ne l'ai pas pleurĂ©, celui-lĂ , quand il est mort d'un coup de sang, ruinĂ©, Ă la suite d'une sĂ©rie de liquidations lamentables... La petite alors Ă dĂ» se rĂ©soudre Ă Ă©pouser le baron Sandorff, conseiller Ă l'ambassade d'Autriche, qui avait trente-cinq ans de plus qu'elle, et qu'elle avait positivement rendu fou, avec ses regards de feu. - Je sais " , dit simplement Saccard. De nouveau, la tĂÂȘte de la baronne avait replongĂ© dans le coupĂ©. Mais, presque aussitĂÂŽt, elle reparut, plus ardente, le cou tordu pour voir au loin, sur la place. " Elle joue, n'est-ce pas ? - Oh ! comme une perdue ! Tous les jours de crise, on peut la voir la, dans sa voiture, guettant les cours, prenant fiĂ©vreusement des notes sur son carnet, donnant des ordres... Et, tenez ! c'Ă©tait Massias qu'elle attendait le voici qui la rejoint. " En effet, Massias courait de toute la vitesse de ses jambes courtes, sa cote a la main, et ils le virent qui s'accoudait a la portiĂšre du coupĂ©, y plongeant la tĂÂȘte a son tour, en grande confĂ©rence avec la baronne. Puis, comme ils s'Ă©cartaient un peu, pour ne pas ĂÂȘtre surpris dans leur espionnage, et comme le remisier revenait, toujours courant, ils l'appelĂšrent. Lui, d'abord, jeta un regard de cĂÂŽtĂ©, s'assurant que le coin de la rue le cachait ; ensuite, il s'arrĂÂȘta net, essoufflĂ©, son visage fleuri congestionnĂ©, gai quand mĂÂȘme, avec ses gros yeux bleus d'une limpiditĂ© enfantine. " Mais qu'est-ce qu'ils ont ? cria-t-il. VoilĂ le Suez qui dĂ©gringole. On parle d'une guerre avec l'Angleterre. Une nouvelle qui les rĂ©volutionne, et qui vient on ne sait d'oĂÂč... Je vous le demande un peu, la guerre ! qui est-ce qui peut bien avoir inventĂ© ça ? A moins que ça ne se soit inventĂ© tout seul... Enfin, un vrai coup de chien. " Jantrou cligna des yeux. " La dame mord toujours ? - Oh ! enragĂ©e ! Je porte ses ordres a Nathansohn. " Saccard, qui Ă©coutait, fit tout haut une rĂ©flexion. " Tiens ! c'est vrai, on m'a dit que Nathansohn Ă©tait entrĂ© Ă la coulisse. - Un garçon trĂšs gentil, Nathansohn, dĂ©clara Jantrou, et qui mĂ©rite de rĂ©ussir. Nous avons Ă©tĂ© ensemble au CrĂ©dit mobilier... Mais il arrivera, lui, car il est juif. Son pĂšre, un Autrichien, est Ă©tabli Ă Besançon, horloger, je crois... Vous savez que ça l'a pris un jour, lĂ - bas, au CrĂ©dit, en voyant comment ça se manigançait. Il s'est dit que ce n'Ă©tait pas si malin, qu'il n'y avait qu'Ă avoir une chambre et Ă ouvrir un guichet ; et il a ouvert un guichet... Vous ĂÂȘtes content, vous, Massias ? - Oh ! content ! Vous y avez passĂ©, vous avez raison de dire qu'il faut ĂÂȘtre juif ; sans ça, inutile de chercher Ă comprendre, on n'y a pas la main, c'est la dĂ©veine noire... Quel sale mĂ©tier ! Mais on y est, on y reste. Et puis, j'ai encore de bonnes jambes, jĂąâŹâąespĂšre tout de mĂÂȘme. " Et il repartit, courant et riant. On le disait fils d'un magistrat de Lyon, frappĂ© d'indignitĂ©, tombĂ© lui-mĂÂȘme Ă la Bourse, aprĂšs la disparition de son pĂšre, n'ayant pas voulu continuer ses Ă©tudes de droit. Saccard et Jantrou, Ă petits pas, revinrent vers la rue Brongniart ; et ils y retrouvĂšrent le coupĂ© de la baronne ; mais les glaces Ă©taient levĂ©es, la voiture mystĂ©rieuse paraissait vide, tandis que l'immobilitĂ© du cocher semblait avoir grandi, dans cette attente qui se prolongeait souvent jusqu'au dernier cours. " Elle est diablement excitante, reprit brutalement Saccard. Je comprends le vieux baron. " Jantrou eut un sourire singulier. " Oh ! le baron, il y a longtemps qu'il en a assez, je crois. Il est trĂšs ladre, dit-on... Alors, vous savez avec qui elle s'est mise, pour payer ses factures, le jeu ne suffisant jamais ? - Non. - Avec Delcambre. - Delcambre, le procureur gĂ©nĂ©ral ! ce grand homme sec, si jaune, si rigide !... Ah ! je voudrais bien les voir ensemble ! " Et tous deux, trĂšs Ă©gayĂ©s, trĂšs allumĂ©s, se sĂ©parĂšrent avec une vigoureuse poignĂ©e de main, aprĂšs que lĂąâŹâąun ait rappelĂ© Ă l'autre qu'il se permettrait d'aller le voir prochainement. DĂšs qu'il se retrouva seul, Saccard fut repris par la voix haute de la Bourse, qui dĂ©ferlait avec lĂąâŹâąentĂÂȘtement du flux Ă son retour. Il avait tournĂ© le coin, il descendait vers la rue Vivienne, par ce cĂÂŽtĂ© de la place que l'absence de cafĂ©s rend sĂ©vĂšre. Il longea commerce, le bureau de poste, les grandes agences dĂąâŹâąannonces, de plus en plus assourdi et enfiĂ©vrĂ©, Ă mesure quĂąâŹâąil revenait devant la façade principale ; et, quand il put enfiler le pĂ©ristyle d'un regard oblique, il fit une nouvelle pause comme s'il ne voulait pas encore achever le tour de la colonnade, cette sorte d'investissement passionnĂ© dont il l'enserrait. LĂ , sur cet Ă©largissement du pavĂ©, la vie s'Ă©talait, Ă©clatait un flot de consommateurs envahissait les cafĂ©s, la boutique du pĂÂątissier ne dĂ©semplissait pas, les Ă©talages attroupaient la foule, celui dĂąâŹâąun orfĂšvre surtout, flambant de grosses piĂšces d'argenterie. Et, par les quatre angles, les quatre carrefours, il semblait que le fleuve des fiacres et des piĂ©tons augmentĂÂąt, dans un enchevĂÂȘtrement inextricable ; tandis que le bureau des omnibus aggravait les embarras et que les voitures des remisiers, en ligne, barraient le trottoir presque dĂąâŹâąun bout Ă l'autre de la grille. Mais ses yeux sĂąâŹâąĂ©taient fixĂ©s sur les marches hautes, oĂÂč des redingotes sĂąâŹâąĂ©grenaient au plein soleil. Puis, ils remontĂšrent vers les colonnes dans la masse compacte, un grouillement noir, Ă peine Ă©clairĂ© par les taches pĂÂąles des visages. Tous Ă©taient debout, on ne voyait pas les chaises, le rond que faisait la coulisse, assise sous l'horloge, ne se devinait quĂąâŹâąĂ une sorte de bouillonnement, une furie de gestes et de paroles dont l'air frĂ©missait. Vers la gauche, le groupe des banquiers occupĂ©s Ă des arbitrages, Ă des opĂ©rations sur le change et sur les chĂšques anglais, restait plus calme, sans cesse traversĂ© par la queue de monde qui entrait, allant au tĂ©lĂ©graphe. Jusque sous les galeries latĂ©rales, les spĂ©culateurs dĂ©bordaient, s'Ă©crasaient ; et, entre les colonnes, appuyĂ©s aux rampes de fer, il y en avait qui prĂ©sentaient le ventre ou le dos, comme chez eux, contre le velours d'une loge. La trĂ©pidation, le grondement de machine sous vapeur, grandissait, agitait la Bourse entiĂšre, dans un vacillement de flamme. Brusquement, il reconnut le remisier Massias qui descendait les marches Ă toutes jambes, puis qui sauta dans sa voiture, dont le cocher lança le cheval au galop. Alors, Saccard sentit ses poings se serrer. Violemment, il s'arracha, il tourna dans la rue Vivienne, traversant la chaussĂ©e pour gagner le coin de la rue Feydeau, oĂÂč se trouvait la maison de Busch. Il venait de se rappeler la lettre russe qu'il avait Ă se faire traduire. Mais, comme il entrait, un jeune homme, plantĂ© devant la boutique du papetier qui occupait le rez-de-chaussĂ©e, le salua ; et il reconnut Gustave SĂ©dille, le fils d'un fabricant de soie de la rue des JeĂ»neurs, que son pĂšre avait placĂ© chez Mazaud, pour Ă©tudier le mĂ©canisme des affaires financiĂšres. Il sourit paternellement Ă ce grand garçon Ă©lĂ©gant, se doutant bien de ce qu'il faisait lĂ , en faction. La papeterie Conin fournissait de carnets toute la Bourse, depuis que la petite Mme Conin y aidait son mari, le gros Conin, qui, lui, ne sortait jamais de son arriĂšre-boutique, s'occupait de la fabrication, tandis qu'elle, toujours, allait et venait, servant au comptoir, faisant les courses dehors. Elle Ă©tait grasse, blonde, rose, un vrai petit mouton frisĂ©, avec des cheveux de soie pĂÂąle, trĂšs gracieuse, trĂšs cĂÂąline, et d'une continuelle gaietĂ©. Elle aimait bien son mari, disait-on, ce qui ne l'empĂÂȘchait pas, quand un boursier de la clientĂšle lui plaisait, d'ĂÂȘtre tendre ; mais pas pour de l'argent, uniquement pour le plaisir, et une seule fois, dans une maison amie du voisinage, Ă ce que racontait la lĂ©gende. En tout cas, les heureux qu'elle faisait devaient se montrer discrets et reconnaissants, car elle restait adorĂ©e, fĂÂȘtĂ©e, sans un vilain bruit autour d'elle. Et la papeterie continuait de prospĂ©rer, c'Ă©tait un coin de vrai bonheur. En passant, Saccard aperçut Mme Conin qui souriait Ă Gustave Ă travers les vitres. Quel joli petit mouton ! Il en eut une sensation dĂ©licieuse de caresse. Enfin ; il monta. Depuis vingt ans, Busch occupait tout en haut, au cinquiĂšme Ă©tage, un Ă©troit logement composĂ© de deux chambres et d'une cuisine. NĂ© Ă Nancy, de parents allemands, il Ă©tait dĂ©barquĂ© lĂ de sa ville natale, il y avait peu Ă peu Ă©tendu son cercle d'affaires, d'une extraordinaire complication, sans Ă©prouver le besoin d'un cabinet plus grand, abandonnant Ă son frĂšre Sigismond la piĂšce sur la rue, se contentant de la petite piĂšce sur la cour, oĂÂč les paperasses ; les dossiers, les paquets de toutes sortes s'empilaient tellement, que la place d'une unique chaise, contre le bureau, se trouvait rĂ©servĂ©e. Une de ses grosses affaires Ă©tait bien le trafic sur les valeurs dĂ©prĂ©ciĂ©es ; il les centralisait, il servait dĂąâŹâąintermĂ©diaire entre la petite Bourse et les " Pieds humides " et les banqueroutiers, qui ont des trous Ă combler dans leur bilan ; aussi suivait-il les cours, achetant directement parfois, alimentĂ© surtout par les stocks qu'on lui apportait. Mais, outre l'usure et tout un commerce cachĂ© sur les bijoux et les pierres prĂ©cieuses, il s'occupait particuliĂšrement de l'achat des crĂ©ances. C'Ă©tait lĂ ce qui emplissait son cabinet Ă en faire craquer les murs, ce qui le lançait dans Paris, aux quatre coins, flairant, guettant, avec des intelligences dans tous les mondes. DĂšs qu'il apprenait une faillite, il accourait, rĂÂŽdait autour du syndic, finissait par acheter tout ce dont on ne pouvait rien tirer de bon immĂ©diatement. Il surveillait les Ă©tudes de notaire, attendait les ouvertures de successions difficiles, assistait aux adjudications des crĂ©ances dĂ©sespĂ©rĂ©es. Lui-mĂÂȘme publiait des annonces, attirait les crĂ©anciers impatients qui aimaient mieux toucher quelques sous tout de suite que de courir le risque de poursuivre leurs dĂ©biteurs. Et, de ces sources multiples, du papier arrivait, de vĂ©ritables hottes, le tas sans cesse accru d'un chiffonnier de la dette billets impayĂ©s, traitĂ©s inexĂ©cutĂ©s, reconnaissances restĂ©es vaines, engagements non tenus. Puis, lĂ -dedans, commençait le triage, le coup de fourchette dans cet arlequin gĂÂątĂ©, ce qui demandait un flair spĂ©cial, trĂšs dĂ©licat. Dans cette mer de crĂ©anciers disparus ou insolvables, il fallait faire un choix, pour ne pas trop Ă©parpiller son effort. En principe, il professait que toute crĂ©ance, mĂÂȘme la plus compromise, peut redevenir bonne, et il avait une sĂ©rie de dossiers admirablement classĂ©s, auxquels correspondait un rĂ©pertoire des noms, qu'il relisait de temps Ă autre, pour s'entretenir la mĂ©moire. Mais, parmi les insolvables, il suivait naturellement de plus prĂšs ceux qu'il sentait avoir des chances de fortune prochaine son enquĂÂȘte dĂ©nudait les gens, pĂ©nĂ©trait les secrets de famille, prenait note des parentĂ©s riches, des moyens d'existence, des nouveaux emplois surtout, qui permettaient de lancer des oppositions. Pendant des annĂ©es souvent, il laissait ainsi mĂ»rir un homme, pour l'Ă©trangler au premier succĂšs. Quant aux dĂ©biteurs disparus, ils le passionnaient plus encore, le jetaient dans une fiĂšvre de recherches continuelles, l'oeil sur les enseignes et sur les noms que les journaux imprimaient, quĂÂȘtant les adresses comme un chien quĂÂȘte le gibier. Et, dĂšs qu'il les tenait, les disparus et les insolvables, il devenait fĂ©roce, les mangeait de frais, les vidait jusqu'au sang, tirant cent francs de ce qu'il avait payĂ© dix sous, en expliquant brutalement ses risques de joueur, forcĂ© de gagner avec ceux qu'il empoignait ce qu'il prĂ©tendait perdre sur ceux qui lui filaient entre les doigts, ainsi qu'une fumĂ©e. Dans cette chasse aux dĂ©biteurs, la MĂ©chain Ă©tait une des aides que Busch aimait le mieux Ă employer ; car, s'il devait avoir ainsi une petite troupe de rabatteurs Ă ses ordres, il vivait dans la dĂ©fiance de ce personnel, mal famĂ© et affamĂ© ; tandis que la MĂ©chain avait pignon sur rue, possĂ©dait derriĂšre la butte Montmartre toute une citĂ©, la CitĂ© de Naples, un vaste terrain plantĂ© de huttes branlantes qu'elle louait au mois un coin d'Ă©pouvantable misĂšre, des meurt-de-faim en tas dans l'ordure, des trous Ă pourceau qu'on se disputait et dont elle balayait sans pitiĂ© les locataires avec leur fumier, dĂšs qu'ils ne payaient plus. Ce qui la dĂ©vorait, ce qui lui mangeait les bĂ©nĂ©fices de sa citĂ©, c'Ă©tait sa passion malheureuse du jeu. Et elle avait aussi le goĂ»t des plaies d'argent, des ruines, des incendies, au milieu desquels on peut voler des bijoux fondus. Lorsque Busch la chargeait d'un renseignement Ă prendre, d'un dĂ©biteur Ă dĂ©loger, elle y mettait parfois du sien, se dĂ©pensait pour le plaisir. Elle se disait veuve, mais personne n'avait connu son mari. Elle venait on ne savait d'oĂÂč, et elle paraissait avoir eu toujours cinquante ans, dĂ©bordante, avec sa mince voix de petite fille. Ce jour-lĂ , dĂšs que la MĂ©chain se trouva assise sur l'unique chaise, le cabinet fut plein, comme bouchĂ© par ce dernier paquet de chair, tombĂ© Ă cette place. Devant son bureau, Busch, prisonnier, semblait enfoui, ne laissant Ă©merger que sa tĂÂȘte carrĂ©e, au-dessus de la mer des dossiers. " Voici, dit-elle en vidant son vieux sac de l'Ă©norme tas de papiers qui le gonflait, voici ce que Fayeux m'envoie de VendĂÂŽme... Il a tout achetĂ© pour vous, dans cette faillite Charpier que vous m'aviez dit de lui signaler... Cent dix francs. Fayeux, qu'elle appelait son cousin, venait d'installer lĂ -bas un bureau de receveur de rentes. Il avait pour nĂ©goce avouĂ© de toucher les coupons des petits rentiers du pays ; et, dĂ©positaire de ces coupons et de l'argent, il jouait frĂ©nĂ©tiquement. " ĂâĄa ne vaut pas grand-chose, la province, murmura Busch, mais on y fait des trouvailles tout de mĂÂȘme. " Il flairait les papiers, les triait dĂ©jĂ d'une main experte, les classait en gros d'aprĂšs une premiĂšre estimation, Ă l'odeur. Sa face plate se rembrunissait, il eut une moue dĂ©sappointĂ©e. " Hum ! il n'y a pas gras, rien Ă mordre. Heureusement que ça n'a pas coĂ»tĂ© cher... Voici des billets... Encore des billets... Si ce sont des jeunes gens, et s'ils sont venus Ă Paris, nous les rattraperons peut- ĂÂȘtre... " Mais il eut une lĂ©gĂšre exclamation de surprise. " Tiens ! qu'est-ce que c'est que ça ? " Il venait de lire, au bas d'une feuille de papier timbre, la signature du comte de Beauvilliers, et la feuille ne portait que trois lignes, d'une grosse Ă©criture sĂ©nile. " Je m'engage Ă payer la somme de dix mille francs mademoiselle LĂ©onie Cron, le jour de sa majoritĂ©. " " Le comte de Beauvilliers, reprit-il lentement, rĂ©flĂ©chissant tout haut, oui, il a eu des fermes, tout un domaine, du cĂÂŽtĂ© de VendĂÂŽme... Il est mort d'un accident de chasse, il a laissĂ© une femme et deux enfants dans la gĂÂȘne. J'ai eu des billets autrefois, qu'ils ont payĂ©s difficilement... Un farceur, un pas-grand-chose... " Tout d'un coup, il Ă©clata d'un gros rire, reconstruisant l'histoire. " Ah ! le vieux filou, c'est lui qui a fichu dedans la petite !... Elle ne voulait pas, et il l'aura dĂ©cidĂ©e avec ce chiffon de papier, qui Ă©tait lĂ©galement sans valeur. Puis, il est mort... Voyons, c'est datĂ© de 1854, il y a dix ans. La fille doit ĂÂȘtre majeure, que diable ! Comment cette reconnaissance pouvait-elle se trouver entre les mains de Charpier ?... Un marchand de grains, ce Charpier, qui prĂÂȘtait Ă la petite semaine. Sans doute la fille lui a laissĂ© ça en dĂ©pĂÂŽt pour quelques Ă©cus ; ou bien peut-ĂÂȘtre s'Ă©tait-il chargĂ© du recouvrement... - Mais, interrompit la MĂ©chain, c'est trĂšs bon, ça, un vrai coup ! Busch haussa dĂ©daigneusement les Ă©paules. " Eh ! non, je vous dis qu'en droit ça ne vaut rien... Que je prĂ©sente ça aux hĂ©ritiers, et ils peuvent m'envoyer promener, car il faudrait faire la preuve que l'argent est rĂ©ellement dĂ»... Seulement, si nous retrouvons la fille, j'espĂšre les amener Ă ĂÂȘtre gentils et Ă s'entendre avec nous, pour Ă©viter un tapage dĂ©sagrĂ©able... Comprenez- vous ? cherchez cette LĂ©onie Cron, Ă©crivez Ă Fayeux pour qu'il nous dĂ©niche lĂ -bas. Ensuite, nous verrons Ă rire. " Il avait fait des papiers deux tas qu'il se promettait d'examiner Ă fond, quand il serait seul, et il restait immobile, les mains ouvertes, une sur chaque tas. AprĂšs un silence, la MĂ©chain reprit " Je me suis occupĂ©e des billets Jordan... J'ai bien cru que j'avais retrouvĂ© notre homme. Il a Ă©tĂ© employĂ© quelque part, il Ă©crit maintenant dans les journaux. Mais on vous reçoit si mal, dans les journaux ; on refuse de vous donner les adresses. Et puis, je crois qu'il ne signe pas ses articles de son vrai nom. " Sans une parole, Busch avait allongĂ© le bras pour prendre, Ă sa place alphabĂ©tique, le dossier Jordan. C'Ă©taient six billets de cinquante francs, datĂ©s de cinq annĂ©es dĂ©jĂ et Ă©chelonnĂ©s de mois en mois, une somme totale de trois cents francs, que le jeune homme avait souscrite Ă un tailleur, aux jours de misĂšre. ImpayĂ©s Ă leur prĂ©sentation, les billets s'Ă©taient grossis de frais Ă©normes, et le dossier dĂ©bordait d'une formidable procĂ©dure. A cette heure, la dette atteignait sept cent trente francs quinze centimes. " Si c'est un garçon d'avenir, murmura Busch, nous le pincerons toujours. " Puis, une liaison d'idĂ©es se faisant sans doute en lui, il s'Ă©cria " Et dites donc, l'affaire Sicardot, nous l'abandonnons ? " La MĂ©chain leva au ciel ses gros bras Ă©plorĂ©s. Toute sa monstrueuse personne en eut un remous de dĂ©sespoir. " Ah ! Seigneur Dieu ! gĂ©mit-elle de sa voix de flĂ»te, j'y laisserai ma peau ! " L'affaire Sicardot Ă©tait toute une histoire romanesque qu'elle aimait conter. Une petite-cousine Ă elle, Rosalie Chavaille, la fille tardive d'une soeur de son pĂšre avait Ă©tĂ© prise Ă seize ans, un soir, sur les marches de l'escalier, dans une maison de la rue de la Harpe, oĂÂč elle et sa mĂšre occupaient un petit logement au sixiĂšme. Le pis Ă©tait que le monsieur, un homme mariĂ©, dĂ©barquĂ© depuis huit jours Ă peine, avec sa femme, dans une chambre que sous-louait une dame du second, s'Ă©tait montrĂ© si amoureux, que la pauvre Rosalie, renversĂ©e d'une main trop prompte contre l'angle d'une marche, avait eu l'Ă©paule dĂ©mise. De lĂ , juste colĂšre de la mĂšre, qui avait failli faire un esclandre affreux, malgrĂ© les larmes de la petite, avouant qu'elle avait bien voulu, que c'Ă©tait un accident et qu'elle aurait trop de peine, si l'on envoyait le monsieur en prison. Alors, la mĂšre, se taisant, s'Ă©tait contentĂ©e d'exiger de celui-ci une somme de six cents francs, rĂ©partie en douze billets, cinquante francs par mois, pendant une annĂ©e ; et il n'avait pas eu de marchĂ© vilain, cĂąâŹâąĂ©tait mĂÂȘme modeste, car sa fille, qui finissait son apprentissage de couturiĂšre, ne gagnait plus rien, malade, au lit, coĂ»tant gros, si mal soignĂ©e d'ailleurs, que, les muscles de son bras s'Ă©tant rĂ©tractĂ©s, elle devenait infirme. Avant la fin du premier mois, le monsieur avait disparu, sans laisser son adresse. Et les malheurs continuaient, tapaient dru comme grĂÂȘle " Rosalie accouchait d'un garçon, perdait sa mĂšre, tombait Ă une sale vie, Ă une misĂšre noire. EchouĂ©e Ă la CitĂ© de Naples, chez sa petite-cousine, elle avait traĂnĂ© les rues jusqu'Ă vingt-six ans, ne pouvant se servir de son bras, vendant parfois des citrons aux Halles, disparaissant pendant des semaines avec des hommes, qui la renvoyaient ivre et bleue de coups. Enfin, l'annĂ©e d'auparavant, elle avait eu la chance de crever, des suites d'une bordĂ©e plus aventureuse que les autres. Et la MĂ©chain avait dĂ» garder l'enfant, Victor ; et il ne restait de toute cette aventure que les douze billets unpayĂ©s, signĂ©s Sicardot. On n'avait jamais pu en savoir davantage le monsieur s'appelait Sicardot. DĂąâŹâąun nouveau geste, Busch prit le dossier Sicardot, une mince chemise de papier gris. Aucun frais n'avait Ă©tĂ© fait, il n'y avait lĂ que les douze billets. " Encore si Victor Ă©tait gentil ! expliquait lamentablement la vieille femme. Mais imaginez-vous, un enfant Ă©pouvantable... Ah ! c'est dur de faire des hĂ©ritages pareils, un gamin qui finira sur l'Ă©chafaud, et ces morceaux de papier dont jamais je ne tirerai rien ! " Busch tenait ses gros yeux pĂÂąles obstinĂ©ment fixĂ©s sur les billets. Que de fois il les avait Ă©tudiĂ©s ainsi, espĂ©rant, dans un dĂ©tail inaperçu, dans la forme des lettres, jusque dans le grain du papier timbrĂ©, dĂ©couvrir un indice. Il prĂ©tendait que cette Ă©criture pointue et fine ne devait pas lui ĂÂȘtre inconnue. " C'est curieux, rĂ©pĂ©tait-il une fois encore, j'ai certainement vu dĂ©jĂ des a et des o pareils, si allongĂ©s, qu'ils ressemblent Ă des i . " Juste Ă ce moment, on frappa ; et il pria la MĂ©chain d'allonger la main pour ouvrir ; car la piĂšce donnait directement sur l'escalier. Il fallait la traverser si l'on voulais gagner l'autre, celle qui avait vue sur la rue. Quant Ă la cuisine, un trou sans air, elle se trouvait de l'autre cĂÂŽtĂ© du palier. " Entrez, monsieur. " Et ce fut Saccard qui entra. Il souriait, Ă©gayĂ© intĂ©rieurement par la plaque de cuivre, vissĂ©e sur la porte et portant en grosses lettres noires le mot Contentieux. " Ah ! oui, monsieur Saccard, vous venez pour cette traduction... Mon frĂšre est lĂ , dans l'autre piĂšce... Entrez, entrez donc. " Mais la MĂ©chain bouchait absolument le passage, et elle dĂ©visageait le nouveau venu, l'air de plus en plus surpris. Il fallut tout une manoeuvre lui recula dans l'escalier, elle-mĂÂȘme sortit, s'effaçant sur le palier, de façon qu'il pĂ»t entrer et gagner enfin la chambre voisine, oĂÂč il disparut. Pendant ces mouvements compliquĂ©s, elle ne l'avait pas quittĂ© des yeux. " Oh ! souffla-t-elle, oppressĂ©e, ce M. Saccard, je ne l'avais jamais tant vu... Victor est tout son portrait. " Busch sans comprendre d'abord, la regardait. Puis, une brusque illumination se fit, il eut un juron Ă©touffĂ©. " Tonnerre de Dieu ! c'est ça, je savais bien que j'avais vu ça quelque part ! " Et, cette fois, il se leva, bouleversa les dossiers, finit par trouver une lettre que Saccard lui avait Ă©crite, l'annĂ©e prĂ©cĂ©dente, pour lui demander du temps en faveur d'une dame insolvable. Vivement, il compara l'Ă©criture des billets Ă celle de cette lettre c'Ă©taient bien les mĂÂȘmes a et les mĂÂȘmes o , devenus avec le temps plus aigus encore et il y avait aussi une identitĂ© de majuscules Ă©vidente. " C'est lui, c'est lui, rĂ©pĂ©tait-il. Seulement, voyons, pourquoi Sicardot, pourquoi pas Saccard ? " Mais, dans sa mĂ©moire, une histoire confuse sĂąâŹâąĂ©veillait, le passĂ© de Saccard, qu'un agent d'affaires Larsonneau, millionnaire aujourd'hui, lui avait contĂ©. Saccard tombant Ă Paris au lendemain du coup dĂąâŹâąEtat, venant exploiter la puissance naissante de son frĂšre Rougon, et dĂąâŹâąabord sa misĂšre dans les rues noires de lĂąâŹâąancien Quartier latin, et ensuite sa fortune rapide, Ă la faveur d'un louche mariage quand il avait eu la chance dĂąâŹâąenterrer sa femme. C'Ă©tait lors de ces dĂ©buts difficiles quĂąâŹâąil avait changĂ© son nom de Rougon contre celui de Saccard, en transformant simplement le nom de cette premiĂšre femme, qui se nommait Sicardot. " Oui, oui, Sicardot, je me souviens parfaitement, murmura Busch. Il a eu le front de signer le nom du nom de sa femme. Sans doute le mĂ©nage avait donnĂ© ce nom, en descendant rue de la Harpe. Et puis, le bougre prenait toutes sortes de prĂ©cautions, devait dĂ©mĂ©nager Ă la moindre alerte... Ah ! il ne guettait pas que les Ă©cus, il culbutait aussi les gamines dans les escaliers ! C'est bĂÂȘte, ça finira par lui jouer un vilain tour. - Chut ! chut, reprit la MĂ©chain. Nous le tenons, et on peut bien dire qu'il y a un bon Dieu. Enfin, je vas donc ĂÂȘtre rĂ©compensĂ©e de tout ce que j'ai fait pour ce pauvre petit Victor, que j'aime bien tout de mĂÂȘme, allez, quoiqu'il soit indĂ©crottable. " Elle rayonnait, ses yeux minces pĂ©tillaient dans la graisse fondante de son visage. Mais Busch, aprĂšs le coup de fiĂšvre de cette solution longtemps cherchĂ©e, que le hasard lui apportait, se refroidissait Ă la rĂ©flexion, hochait la tĂÂȘte. Sans doute Saccard, bien que ruinĂ© pour le moment, Ă©tait encore bon Ă tondre. On pouvait tomber sur un pĂšre moins avantageux. Seulement, il ne se laisserait pas ennuyer, il avait la dent terrible. Et puis, quoi ? il ne savait certainement pas lui-mĂÂȘme qu'il avait un fils, il pourrait nier, malgrĂ© cette ressemblance extraordinaire qui stupĂ©fiait la MĂ©chain. Du reste, il Ă©tait une seconde fois veuf, libre, il ne devait compte de son passĂ© Ă personne, de sorte que, mĂÂȘme s'il acceptait le petit, aucune peur, aucune menace n'Ă©tait Ă exploiter contre lui. Quant Ă ne tirer de sa paternitĂ© que les six cents francs des billets, c'Ă©tait en vĂ©ritĂ© trop misĂ©rable, ça ne valait pas la peine d'avoir Ă©tĂ© si miraculeusement aidĂ© par le hasard. Non, non ! il fallait rĂ©flĂ©chir, nourrir ça, trouver le moyen de couper la moisson en pleine maturitĂ©. " Ne nous pressons pas, conclut Busch. D'ailleurs, il est par terre, laissons-lui le temps de se relever. " Et, avant de congĂ©dier la MĂ©chain, il acheva d'examiner avec elle les menues affaires dont elle Ă©tait chargĂ©e, une jeune femme qui avait engagĂ© ses bijoux pour un amant, un gendre dont la dette serait payĂ©e par sa belle-mĂšre, sa maĂtresse, si l'on savait s'y prendre, enfin les variĂ©tĂ©s les plus dĂ©licates du recouvrement si complexe et si difficile des crĂ©ances. Saccard, en entrant dans la chambre voisine, Ă©tait restĂ© quelques secondes Ă©bloui par la clartĂ© blanche de la fenĂÂȘtre, aux vitres ensoleillĂ©es, sans rideaux. Cette piĂšce, tapissĂ©e d'un papier pĂÂąle Ă fleurettes bleues, Ă©tait nue simplement un petit lit de fer dans un coin, une table de sapin au milieu, et deux chaises de paille. Le long de la cloison de gauche, des planches Ă peine rabotĂ©es servaient de bibliothĂšque, chargĂ©es de livres, de brochures, de journaux, de papiers de toutes sortes. Mais la grande lumiĂšre du ciel, Ă ces hauteurs, mettait dans cette nuditĂ© comme une gaietĂ© de jeunesse, un rire de fraĂcheur ingĂ©nue. Et le frĂšre de Busch, Sigismond, un garçon de trente- cinq ans, imberbe, aux cheveux chĂÂątains, longs et rares, se trouvait lĂ , assis devant la table, son vaste front bossu dans sa maigre main, si absorbĂ© par la lecture d'un manuscrit, qu'il ne tourna point la tĂÂȘte, n'ayant pas entendu la porte s'ouvrir. C'Ă©tait une intelligence, ce Sigismond, Ă©levĂ© dans les universitĂ©s allemandes, qui, outre le français, sa langue maternelle, parlait l'allemand, l'anglais et le russe. En 1849, Ă Cologne, il avait connu Karl Marx, Ă©tait devenu le rĂ©dacteur le plus aimĂ© de sa Nouvelle Gazette rhĂ©nane ; et, dĂšs ce moment, sa religion s'Ă©tait fixĂ©e, il professait le socialisme avec une foi ardente, ayant fait le don de sa personne entiĂšre Ă l'idĂ©e d'une prochaine rĂ©novation sociale, qui devait assurer le bonheur des pauvres et des humbles. Depuis que son maĂtre, banni d'Allemagne, forcĂ© de s'exiler de Paris Ă la suite des journĂ©es de Juin, vivait Ă Londres, Ă©crivait, s'efforçait d'organiser le parti, lui vĂ©gĂ©tait de son cĂÂŽtĂ©, dans ses rĂÂȘves, tellement insoucieux de sa vie matĂ©rielle, qu'il serait sĂ»rement mort de faim, si son frĂšre ne l'avait recueilli, rue Feydeau, prĂšs de la Bourse, en lui donnant la pensĂ©e d'utiliser sa connaissance des langues pour s'Ă©tablir traducteur. Ce frĂšre aĂnĂ© adorait son cadet, d'une passion maternelle, loup fĂ©roce aux dĂ©biteurs, trĂšs capable de voler dix sous dans le sang d'un homme, mais tout de suite attendri aux larmes, d'une tendresse passionnĂ©e et minutieuse de femme, dĂšs qu'il s'agissait de ce grand garçon distrait, restĂ© enfant. Il lui avait donnĂ© la belle chambre sur la rue, il le servait comme une bonne, menait leur Ă©trange mĂ©nage, balayant, faisant les lits, s'occupant de la nourriture qu'un petit restaurant du voisinage montait deux fois par jour. Lui, si actif, la tĂÂȘte bourrĂ©e de mille affaires, le tolĂ©rait oisif, car les traductions ne marchaient pas, entravĂ©es de travaux personnels ; et il lui dĂ©fendait mĂÂȘme de travailler, inquiet d'une petite toux mauvaise ; et malgrĂ© son dur amour de l'argent, sa cupiditĂ© assassine qui mettait dans la conquĂÂȘte de l'argent l'unique raison de vivre, il souriait indulgemment des thĂ©ories du rĂ©volutionnaire, il lui abandonnait le capital comme un joujou Ă un gamin, quitte Ă le lui voir briser. Sigismond, de son cĂÂŽtĂ©, ne savait mĂÂȘme pas ce que son frĂšre faisait dans la piĂšce voisine. Il ignorait tout de cet effroyable nĂ©goce sur les valeurs dĂ©classĂ©es et sur l'achat des crĂ©ances, il vivait plus haut, dans un songe souverain de justice. L'idĂ©e de charitĂ© le blessait, le jetait hors de lui la charitĂ©, c'Ă©tait l'aumĂÂŽne, l'inĂ©galitĂ© consacrĂ©e par la bontĂ© ; et il n'admettait que la justice ; les droits de chacun reconquis, posĂ©s en immuables principes de la nouvelle organisation sociale. Aussi, Ă la suite de Karl Marx, avec lequel il Ă©tait en continuelle correspondance, Ă©puisait-il ses jours Ă Ă©tudier cette organisation, modifiant, amĂ©liorant sans cesse sur le papier la sociĂ©tĂ© de demain, couvrant de chiffres d'immenses pages, basant sur la science l'Ă©chafaudage compliquĂ© de l'universel bonheur. Il retirait le capital aux uns pour le rĂ©partir entre tous les autres, il remuait les milliards, dĂ©plaçait d'un trait de plume la fortune du monde ; et cela, dans cette chambre nue, sans une autre passion que son rĂÂȘve, sans un besoin de jouissance Ă satisfaire, d'une frugalitĂ© telle, que son frĂšre devait se fĂÂącher pour qu'il bĂ»t du vin et mangeĂÂąt de la viande. Il voulait que le travail de tout homme, mesurĂ© selon ses forces, assurĂÂąt le contentement de ses appĂ©tits lui, se tuait Ă la besogne et vivait de rien. Un vrai sage, exaltĂ© dans l'Ă©tude, dĂ©gagĂ© de la vie matĂ©rielle, trĂšs doux et trĂšs pur. Depuis le dernier automne, il toussait de plus en plus, la phtisie l'envahissant qu'il daignĂÂąt mĂÂȘme s'en apercevoir et se soigner. Mais Saccard ayant fait un mouvement, Sigismond enfin leva ses grands yeux vagues, et s'Ă©tonna, bien qu'il connĂ»t le visiteur. " C'est pour une lettre Ă traduire. " La surprise du jeune homme augmentait, car il avait dĂ©couragĂ© les clients, les banquiers, les spĂ©culateurs, les agents de change, tout ce monde de la Bourse, qui reçoit particuliĂšrement d'Angleterre et d'Allemagne, une correspondance nombreuse, des circulaires, des statuts de sociĂ©tĂ©. " Oui, une lettre en langue russe. Oh ! dix lignes seulement. " Alors, il tendit la main, le russe Ă©tant restĂ© sa spĂ©cialitĂ©, lui seul le traduisant couramment, au milieu des autres traducteurs du quartier, qui vivaient de l'allemand et de l'anglais. La raretĂ© des documents russes, sur le marchĂ© de Paris, expliquait ses longs chĂÂŽmages. Tout haut, il lut la lettre, en français. C'Ă©tait, en trois phrases, une rĂ©ponse favorable d'un banquier de Constantinople, un simple oui, dans une affaire. " Ah ! merci " , s'Ă©cria Saccard, qui parut enchantĂ©. Et il pria Sigismond d'Ă©crire les quelques lignes de la traduction au revers de la lettre. Mais celui-ci fut pris d'un terrible accĂšs de toux, qu'il Ă©touffa dans son mouchoir, pour ne pas dĂ©ranger son frĂšre, qui accourait, dĂšs qu'il l'entendait tousser ainsi. Puis, la crise passĂ©e, il se leva, alla ouvrir la fenĂÂȘtre toute grande, Ă©touffant, voulant respirer l'air. Saccard, qui l'avait suivi, jeta un coup d'oeil dehors, eut une lĂ©gĂšre exclamation. " Tiens ! vous voyez la Bourse. Oh ! qu'elle est drĂÂŽle, dĂąâŹâąici " Jamais, en effet, il ne l'avait vue sous un si singulier aspect, Ă vol d'oiseau, avec les quatre vastes pentes de zinc de sa toiture, extraordinairement dĂ©veloppĂ©es, hĂ©rissĂ©es d'une forĂÂȘt de tuyaux. Les pointes des paratonnerres se dressaient, pareilles Ă des lances gigantesques menaçant le ciel. Et le monument lui-mĂÂȘme n'Ă©tait plus qu'un cube de pierre, striĂ© rĂ©guliĂšrement par les colonnes, un cube d'un gris sale, nu et laid, plantĂ© d'un drapeau en loques. Mais, surtout, les marches et le pĂ©ristyle l'Ă©tonnaient, piquetĂ©s de fourmis noires, toute une fourmiliĂšre en rĂ©volution, s'agitant, se donnant un mouvement Ă©norme, qu'on ne s'expliquait plus, de si haut, et qu'on prenait en pitiĂ©. " Comme ça rapetisse ! reprit-il. On dirait qu'on va tous les prendre dans la main, d'une poignĂ©e. " Puis, connaissant les idĂ©es de son interlocuteur, il ajouta en riant " Quand balayez-vous tout ça, d'un coup de pied ? " Sigismond haussa les Ă©paules. " A quoi bon ? vous vous dĂ©molissez bien vous-mĂÂȘmes. " Et, peu Ă peu, il s'anima, il dĂ©borda du sujet dont il Ă©tait plein. Un besoin de prosĂ©lytisme le lançait, au moindre mot, dans l'exposition de son systĂšme. " Oui, oui, vous travaillez pour nous, sans vous en douter... Vous ĂÂȘtes lĂ quelques usurpateurs, qui expropriez la masse du peuple ; et quand vous serez gorgĂ©s, nous n'aurons qu'Ă vous exproprier Ă notre tour... Tout accaparement, toute centralisation conduit au collectivisme. Vous nous donnez une leçon pratique, de mĂÂȘme que les grandes propriĂ©tĂ©s absorbant les lopins de terre, les grands producteurs dĂ©vorant les ouvriers en chambre, les grandes maisons de crĂ©dit et les grands magasins tuant toute concurrence, s'engraissant de la ruine des petites banques et des petites boutiques, sont un acheminement lent, mais certain, vers le nouvel Ă©tat social... Nous attendons que tout craque, que le mode de production actuelle ait abouti au malaise intolĂ©rable des ses derniĂšres consĂ©quences. Alors, les bourgeois et les paysans eux-mĂÂȘmes nous aideront. " Saccard, intĂ©ressĂ©, le regardait avec une vague inquiĂ©tude, bien quĂąâŹâąil le prĂt pour un fou. " Mais enfin, expliquez-moi, quĂąâŹâąest-ce que cĂąâŹâąest que votre collectivisme ? Le collectivisme, cĂąâŹâąest la transformation des capitaux privĂ©s, vivant des luttes de la concurrence, en un capital social unitaire, exploitĂ© par le travail de tous.... Imaginez une sociĂ©tĂ© oĂÂč les instruments de la production sont la propriĂ©tĂ© de tous, oĂÂč tout le monde travaille selon son intelligence et sa vigueur, et oĂÂč les produits de cette coopĂ©ration sociale sont distribuĂ©s Ă chacun, au prorata de son effort. Rien nĂąâŹâąest plus simple, nĂąâŹâąest-ce pas ? une production commune dans les usines, les chantiers et les ateliers de la nation ; puis, un Ă©change, un paiement en nature. Si il y a surcroĂt de production, on le met dans des entrepĂÂŽts publics, dĂąâŹâąoĂÂč il est repris pour combler les dĂ©ficits qui peuvent se produire. C'est une balance Ă faire... Et cela, comme dĂąâŹâąun coup de hache, abat lĂąâŹâąarbre pourri. Plus de concurrence, plus de capital privĂ©, donc plus dĂąâŹâąaffaires dĂąâŹâąaucune sorte, ni commerce, ni marchĂ©s, ni Bourses. LĂąâŹâąidĂ©e de gain nĂąâŹâąa plus aucun sens. Les sources de la spĂ©culation, les rentes gagnĂ©es sans travail, sont taries. Oh ! oh ! interrompit Saccard, ça changerait diablement les habitudes de bien du monde ! Mais ceux qui ont des rentes aujourdĂąâŹâąhui, quĂąâŹâąen faite vous ? Ainsi, Gundermann, vous lui prenez son milliard ? - Nullement, nous ne sommes pas des voleurs. Nous le rachĂšterions son milliard, toutes ses valeurs, ses titres de rente, par de bons de jouissance, divisĂ©s en annuitĂ©s. Et vous imaginez-vous ce capital immense remplacĂ© ainsi par une richesse suffocante de moyens de consommation en moins de cent annĂ©es, les descendants de votre Gundermann seraient rĂ©duits, comme les autres citoyens, au travail personnel ; car les annuitĂ©s finiraient bien par s'Ă©puiser, et ils n'auraient pu capitaliser leurs Ă©conomies forcĂ©es, le trop-plein de cet Ă©crasement de provisions, en admettant mĂÂȘme qu'on conserve intact le droit d'hĂ©ritage... Je vous dis que cela balaie d'un coup, non seulement les affaires individuelles, les sociĂ©tĂ©s d'actionnaires, les associations de capitaux privĂ©s, mais encore toutes les sources indirectes de rentes, tous les systĂšmes de crĂ©dit, prĂÂȘts, loyers, fermages... Il n'y a plus, comme mesure de la valeur, que le travail. Le salaire se trouve naturellement supprimĂ©, n'Ă©tant pas, dans l'Ă©tat capitaliste actuel, Ă©quivalent au produit exact du travail, puisqu'il ne reprĂ©sente jamais que ce qui est strictement nĂ©cessaire au travailleur pour son entretien quotidien. Et il faut reconnaĂtre que l'Ă©tat actuel est seul coupable, que le patron le plus honnĂÂȘte est bien forcĂ© de suivre la dure loi de la concurrence, d'exploiter ses ouvriers, s'il veut vivre. C'est notre systĂšme social entier Ă dĂ©truire... Ah ! Gundermann Ă©touffant sous l'accablement de ses bons de jouissance ! les hĂ©ritiers de Gundermann n'arrivant pas Ă tout manger, obligĂ©s de donner aux autres et de reprendre la pioche ou l'outil, comme les camarades ! " Et Sigismond Ă©clata d'un bon rire d'enfant en rĂ©crĂ©ation, toujours debout prĂšs de la fenĂÂȘtre, les regards sur la Bourse, oĂÂč grouillait la noire fourmiliĂšre du jeu. Des rougeurs ardentes montaient Ă ses pommettes, il n'avait d'autre amusement que de s'imaginer ainsi les plaisantes ironies de la justice de demain. Le malaise de Saccard avait grandi. Si ce rĂÂȘveur Ă©veillĂ© disait vrai, pourtant ? s'il avait devinĂ© l'avenir ? Il expliquait des choses qui semblaient trĂšs claires et sensĂ©es. " Bah ! murmura-t-il pour se rassurer, tout ça n'arrivera pas l'annĂ©e prochaine. - Certes ! reprit le jeune homme, redevenu grave et las. Nous sommes dans la pĂ©riode transitoire, la pĂ©riode d'agitation. Peut-ĂÂȘtre y aura-t- il des violences rĂ©volutionnaires, elles sont souvent inĂ©vitables. Mais les exagĂ©rations, les emportements sont passagers... Oh ! je ne me dissimule pas les grandes difficultĂ©s immĂ©diates. Tout cet avenir rĂÂȘvĂ© semble impossible, on n'arrive pas Ă donner aux gens une idĂ©e raisonnable de cette sociĂ©tĂ© future, cette sociĂ©tĂ© de juste travail, dont les moeurs seront si diffĂ©rentes des nĂÂŽtres. C'est comme un autre monde dans une autre planĂšte... Et puis, il faut bien le confesser, la rĂ©organisation n'est pas prĂÂȘte, nous cherchons encore. Moi, qui ne dors plus guĂšre, j'y Ă©puise mes nuits. Par exemple, il est certain qu'on peut nous dire " Si les choses sont ce qu'elles sont, c'est que la logique des faits humains les a faites ainsi. " DĂšs lors, quel labeur pour ramener le fleuve Ă sa source et le diriger dans une autre vallĂ©e !... Certainement, l'Ă©tat social actuel a dĂ» sa prospĂ©ritĂ© sĂ©culaire au principe individualiste, que l'Ă©mulation, l'intĂ©rĂÂȘt personnel rend d'une fĂ©conditĂ© de production sans cesse renouvelĂ©e. Le collectivisme arrivera-t-il jamais Ă cette fĂ©conditĂ©, et par quel moyen activer la fonction productive du travailleur, quand l'idĂ©e de gain sera dĂ©truite ? LĂ est, pour moi, le doute, l'angoisse, le terrain faible oĂÂč il faut que nous nous battions, si nous voulons que la victoire du socialisme s'y dĂ©cide un jour... Mais nous vaincrons, parce que nous sommes la justice. Tenez ! vous voyez ce monument devant vous... Vous le voyez ? " - La Bourse ? dit Saccard. Parbleu ! oui, je la vois ! - Eh bien, ce serait bĂÂȘte de la faire sauter, qu'on la rebĂÂątirait ailleurs... Seulement, je vous prĂ©dis qu'elle sautera d'elle-mĂÂȘme, quand l'Etat l'aura expropriĂ©e, devenu logiquement l'unique et universelle banque de la nation ; et, qui sait ? elle servira alors d'entrepĂÂŽt public Ă nos richesses trop grandes, un des greniers d'abondance oĂÂč nos petits-fils trouveront le luxe de leurs jours de fĂÂȘte ! " D'un geste large, Sigismond ouvrait cet avenir de bonheur gĂ©nĂ©ral et moyen. Et il s'Ă©tait tellement exaltĂ©, qu'un nouvel accĂšs de toux le secoua, revenu Ă sa table, les coudes parmi ses papiers, la tĂÂȘte entre les mains, pour Ă©touffer le rĂÂąle dĂ©chirĂ© de sa gorge. Mais, cette fois, il ne se calmait pas. Brusquement, la porte s'ouvrit, Busch accourut, ayant congĂ©diĂ© la MĂ©chain, l'air bouleversĂ©, souffrant lui-mĂÂȘme de cette toux abominable. Tout de suite, il s'Ă©tait penchĂ©, avait pris son frĂšre dans ses grands bras, comme un enfant dont on berce la douleur. " Voyons, mon petit, qu'est-ce que tu as encore, Ă t'Ă©trangler ? Tu sais, je veux que tu fasses venir un mĂ©decin. Ce n'est pas raisonnable... Tu auras trop causĂ©, cĂąâŹâąest sĂ»r. " Et il regardait d'un oeil oblique Saccard, restĂ© au milieu de la piĂšce, dĂ©cidĂ©ment bousculĂ© par ce qu'il venait d'entendre, dans la bouche de ce grand diable, si passionnĂ© et si malade, qui, de sa fenĂÂȘtre, lĂ -haut, devait jeter un sort sur la Bourse, avec ses histoires de tout balayer pour tout reconstruire. " Merci, je vous laisse, dit le visiteur, ayant hĂÂąte d'ĂÂȘtre dehors. Envoyez-moi ma lettre, avec les dix lignes de traduction... J'en attends d'autres, nous rĂ©glerons le tout ensemble. " Mais, la crise Ă©tant finie, Busch le retint un instant encore. " A propos, la dame qui Ă©tait lĂ tout Ă lĂąâŹâąheure vous a connu autrefois, oh, il y a longtemps. - Ah ! OĂÂč donc ? - Rue de la harpe, en 52 " Si maĂtre qu'il fĂ»t de lui, Saccard devint pĂÂąle. Un tic nerveux tira sa bouche. Ce n'Ă©tait point qu'il se rappelĂÂąt Ă cette minute, la gamine culbutĂ©e dans l'escalier il ne lĂąâŹâąavait mĂÂȘme pas sue enceinte, il ignorait l'existence de l'enfant. Mais le rappel des misĂ©rables annĂ©es de ses dĂ©buts lui Ă©tait toujours dĂ©sagrĂ©able. " Rue de la Harpe, oh ! je n'y ai habitĂ© que huit jours lors de mon arrivĂ©e Ă Paris, le temps de rechercher un logement... Au revoir ! ! - Au revoir ! " accentua Busch, qui se trompa, voyant un aveu dans cet embarras, et qui dĂ©jĂ cherchait de quelle façon large il exploiterait l'aventure. De nouveau dans la rue, Saccard retourna machinalement vers la place de la Bourse. Il Ă©tait tout frissonnant, il ne regarda mĂÂȘme pas la petite Mme Conin, dont la jolie figure blonde souriait, Ă la porte de la papeterie. Sur la place, l'agitation avait grandi, la clameur du jeu venait battre les trottoirs grouillant de monde, avec la violence dĂ©bridĂ©e d'une marĂ©e haute. C'Ă©tait le coup de gueule de trois heures moins un quart, la bataille des derniers cours, l'enragement Ă savoir qui s'en irait les mains pleines. Et, debout Ă l'angle de la rue de la Bourse en face du pĂ©ristyle, il croyait reconnaĂtre, dans la bousculade confuse, sous les colonnes, le baissier Moser et le haussier Pillerault, tous les deux aux prises ; tandis quĂąâŹâąil s'imaginait entendre, sortie du fond de la grande salle, la voix aiguĂ de l'agent de change Mazaud, que couvraient par moments les Ă©clats de Nathansohn, assis sous lĂąâŹâąhorloge, Ă la coulisse. Mais une voiture, qui rasait le ruisseau, faillit l'Ă©clabousser. Massias sauta, avant mĂÂȘme que le cocher eĂ»t arrĂÂȘtĂ©, monta les marches d'un bond, apportant, hors d'haleine, le dernier ordre d'un client. Et lui, toujours immobile et debout, les yeux sur la mĂÂȘlĂ©e, lĂ -haut, remĂÂąchait sa vie, hantĂ© par le souvenir de ses dĂ©buts, que la question de Busch venait de rĂ©veiller. Il se rappelait la rue de la Harpe, puis la rue Saint-Jacques, oĂÂč il avait traĂnĂ© ses bottes Ă©culĂ©es d'aventurier conquĂ©rant, dĂ©barquĂ© Ă Paris pour le soumettre ; et une fureur le reprenait, Ă l'idĂ©e qu'il ne l'avait pas soumis encore, qu'il Ă©tait de nouveau sur le pavĂ©, guettant la fortune, inassouvi, torturĂ© d'une faim de jouissance telle, que jamais il n'en avait souffert davantage. Ce fou de Sigismond le disait avec raison le travail ne peut faire vivre, les misĂ©rables et les imbĂ©ciles travaillent seuls, pour engraisser les autres. Il n'y avait que le jeu, le jeu qui, du soir au lendemain, donne d'un coup le bien- ĂÂȘtre, le luxe, la vie large, la vie tout entiĂšre. Si ce vieux monde social devait crouler un jour, est-ce qu'un homme comme lui n'allait pas encore trouver le temps et la place de combler ses dĂ©sirs, avant l'effondrement ? Mais un passant le coudoya, qui ne se retourna mĂÂȘme pas pour s'excuser. Il reconnut Gundermann faisant sa petite promenade de santĂ©, il le regarda entrer chez un confiseur, d'oĂÂč ce roi de l'or rapportait parfois une boĂte de bonbons d'un franc Ă ses petites-filles. Et ce coup de coude, Ă cette minute, dans la fiĂšvre dont lĂąâŹâąaccĂšs montait en lui, depuis qu'il tournait ainsi autour de la Bourse, coude, Ă cette minute, dans la fiĂšvre dont l'accĂšs montait fut comme le cinglement, la poussĂ©e derniĂšre qui le dĂ©cida. Il avait achevĂ© d'enserrer la place, il donnerait l'assaut. C'Ă©tait le serment d'une lutte sans merci il ne quitterait pas la France, il braverait son frĂšre, il jouerait la partie suprĂÂȘme, une bataille de terrible audace, qui lui mettrait Paris sous les talons, ou qui le jetterait au ruisseau, les reins cassĂ©s. Jusqu'Ă la fermeture, Saccard s'entĂÂȘta, debout Ă son poste d'observation et de menace. Il regarda le pĂ©ristyle se vider, les marches se couvrir de la lente dĂ©bandade de tout ce monde Ă©chauffĂ© et las. Autour de lui, l'encombrement du pavĂ© et des trottoirs continuait, un flot ininterrompu de gens, l'Ă©ternelle foule Ă exploiter, les actionnaires de demain, qui ne pouvaient passer devant cette grande loterie de la spĂ©culation, sans tourner la tĂÂȘte, dans le dĂ©sir et la crainte de ce qui se faisait lĂ , ce mystĂšre des opĂ©rations financiĂšres, d'autant plus attirant pour les cervelles françaises, que trĂšs peu d'entre elles le pĂ©nĂštrent. II - AprĂšs sa derniĂšre et dĂ©sastreuse affaire de terrains, lorsque Saccard dut quitter son palais du parc Monceau, qu'il abandonnait Ă ses crĂ©anciers, pour Ă©viter une catastrophe plus grande, son idĂ©e fut d'abord de se rĂ©fugier chez son fils Maxime. Celui-ci, depuis la mort de sa femme, qui dormait dans un petit cimetiĂšre de la Lombardie, occupait seul un hĂÂŽtel de l'avenue de l'ImpĂ©ratrice, oĂÂč il avait organisĂ© sa vie avec un sage et fĂ©roce Ă©goĂÂŻsme ; il y mangeait la fortune de la morte sans une faute, en garçon de faible santĂ© que le vice avait prĂ©cocement mĂ»ri ; et, d'une voix nette, il refusa Ă son pĂšre de le prendre chez lui, pour continuer Ă vivre tous deux en bon accord, expliquait-il de son air souriant et avisĂ©. DĂšs lors, Saccard songea Ă une autre retraite. Il allait louer une petite maison Ă Passy, un asile bourgeois de commerçant retirĂ©, lorsqu'il se souvint que le rez-de-chaussĂ©e et le premier Ă©tage de l'hĂÂŽtel d'Orviedo, rue Saint-Lazare, n'Ă©taient toujours pas occupĂ©s, portes et fenĂÂȘtres closes. La princesse d'Orviedo, installĂ©e dans trois chambres du second depuis la mort de son mari, n'avait pas mĂÂȘme fait mettre d'Ă©criteau Ă la porte cochĂšre, que les herbes envahissaient. Une porte basse, Ă l'autre bout de la façade, menait au deuxiĂšme Ă©tage, par un escalier de service. Et, souvent en rapport d'affaires avec la princesse, dans les visites qu'il lui rendait, il s'Ă©tait Ă©tonnĂ© de la nĂ©gligence qu'elle apportait Ă tirer un parti convenable de son immeuble. Mais elle hochait la tĂÂȘte, elle avait sur les choses de l'argent des idĂ©es Ă elle. Pourtant, lorsqu'il se prĂ©senta pour louer en son nom, elle consentit tout de suite, elle lui cĂ©da, moyennant un loyer dĂ©risoire de dix mille francs, ce rez-de-chaussĂ©e et ce premier Ă©tage somptueux, d'installation princiĂšre, qui en valait certainement le double. On se souvenait du faste affichĂ© par le prince d'Orviedo. C'Ă©tait dans le coup de fiĂšvre de son immense fortune financiĂšre, lorsqu'il Ă©tait venu d'Espagne, dĂ©barquant Ă Paris au milieu d'une pluie de millions, qu'il avait achetĂ© et fait rĂ©parer cet hĂÂŽtel, en l'attendant le palais de marbre et d'or dont il rĂÂȘvait d'Ă©tonner le monde. La construction datait du siĂšcle dernier, une de ces maisons de plaisance, bĂÂąties au milieu de vastes jardins par des seigneurs galants ; mais, dĂ©molie en partie, rebĂÂątie dans de plus sĂ©vĂšres proportions, elle n'avait gardĂ©, de son parc d'autrefois, qu'une large cour bordĂ©e d'Ă©curies et de remises, que la rue projetĂ©e du Cardinal-Fesch allait sĂ»rement emporter. Le prince la tenait de la succession d'une demoiselle Saint-Germain, dont la propriĂ©tĂ© s'Ă©tendait jadis jusqu'Ă la rue des Trois-FrĂšres, l'ancien prolongement de la rue Taitbout. D'ailleurs, l'hĂÂŽtel avait conservĂ© son entrĂ©e sur la rue Saint-Lazare, cĂÂŽte Ă cĂÂŽte avec une grande bĂÂątisse de la mĂÂȘme Ă©poque, la Folie-Beauvilliers d'autrefois, que les Beauvilliers occupaient encore, Ă la suite d'une ruine lente ; et eux possĂ©daient un reste d'admirable jardin, des arbres magnifiques, condamnĂ©s aussi Ă disparaĂtre, dans le bouleversement prochain du quartier. Au milieu de son dĂ©sastre, Saccard traĂnait une queue de serviteurs, les dĂ©bris de son trop nombreux personnel un valet de chambre, un chef de cuisine et sa femme, chargĂ©e de la lingerie, une autre femme restĂ©e on ne savait pourquoi, un cocher et deux palefreniers ; et il encombra les Ă©curies et les remises, y mit deux chevaux, trois voitures, installa au rez-de-chaussĂ©e un rĂ©fectoire pour ses gens. C'Ă©tait l'homme qui n'avait pas cinq cents francs solides dans sa caisse, mais qui vivait sur un pied de deux ou trois cent mille francs par an. Aussi trouva-t-il le moyen de remplir de sa personne les vastes appartements du premier Ă©tage, les trois salons, les cinq chambres Ă coucher, sans compter l'immense salle Ă manger, oĂÂč l'on dressait une table de cinquante couverts. LĂ , autrefois, une porte ouvrait sur un escalier intĂ©rieur, conduisant au second Ă©tage, dans une autre salle Ă manger, plus petite ; et la princesse, qui avait rĂ©cemment louĂ© cette partie du second Ă un ingĂ©nieur, M. Hamelin, un cĂ©libataire vivant avec sa soeur, s'Ă©tait contentĂ©e de faire condamner la porte, Ă l'aide de deux fortes vis. Elle partageait ainsi l'ancien escalier de service avec ce locataire, tandis que Saccard avait seul la jouissance du grand escalier. Il meubla en partie quelques piĂšces de ses dĂ©pouilles du parc Monceau, laissa les autres vides, parvint quand mĂÂȘme Ă rendre la vie Ă cette enfilade de murailles tristes et nues, dont une main obstinĂ©e semblait avoir arrachĂ© jusqu'aux moindres bouts de tenture, dĂšs le lendemain de la mort du prince. Et il put recommencer le rĂÂȘve d'une grande fortune. La princesse d'Orviedo Ă©tait alors une des curieuses physionomies de Paris. Il y avait quinze ans, elle s'Ă©tait rĂ©signĂ©e Ă Ă©pouser le prince, qu'elle n'aimait point, pour obĂ©ir Ă un ordre formel de sa mĂšre, la duchesse de Combeville. A cette Ă©poque, cette jeune fille de vingt ans avait un grand renom de beautĂ© et de sagesse, trĂšs religieuse, un peu trop grave, bien qu'aimant le monde avec passion. Elle ignorait les singuliĂšres histoires qui couraient sur le prince, les origines de sa royale fortune Ă©valuĂ©e Ă trois cents millions, toute une vie de vols effroyables, non plus au coin des bois, Ă main armĂ©e, comme les nobles aventuriers de jadis, mais en correct bandit moderne, au clair soleil de la Bourse, dans la poche du pauvre monde crĂ©dule, parmi les effondrements et la mort. LĂ -bas en Espagne, ici en France, le prince s'Ă©tait, pendant vingt annĂ©es, fait sa part du lion dans toutes les grandes canailleries restĂ©es lĂ©gendaires. Bien que ne soupçonnant rien de la boue et du sang oĂÂč il venait de ramasser tant de millions, elle avait Ă©prouvĂ© pour lui, dĂšs la premiĂšre rencontre, une rĂ©pugnance que sa religion devait rester impuissante Ă vaincre ; et, bientĂÂŽt, une rancune sourde, grandissante, s'Ă©tait jointe Ă cette antipathie, celle de n'avoir pas un enfant de ce mariage subi par obĂ©issance. La maternitĂ© lui aurait suffi, elle adorait les enfants, elle en arrivait Ă la haine contre cet homme qui, aprĂšs avoir dĂ©sespĂ©rĂ© l'amante, ne pouvait mĂÂȘme contenter la mĂšre. C'Ă©tait Ă ce moment qu'on avait vu la princesse se jeter dans un luxe inouĂÂŻ, aveugler Paris de l'Ă©clat de ses fĂÂȘtes, mener un train fastueux, que les Tuileries, disait-on, jalousaient. Puis, brusquement, au lendemain de la mort du prince, foudroyĂ© par une apoplexie, l'hĂÂŽtel de la rue Saint-Lazare Ă©tait tombĂ© Ă un silence absolu, Ă une nuit complĂšte. Plus une lumiĂšre, plus un bruit, les portes et les fenĂÂȘtres demeuraient closes, et la rumeur se rĂ©pandait que la princesse, aprĂšs avoir dĂ©mĂ©nagĂ© violemment le rez-de-chaussĂ©e et le premier Ă©tage, s'Ă©tait retirĂ©e comme une recluse, dans trois petites piĂšces du second, avec une ancienne femme de chambre de sa mĂšre, la vielle Sophie, qui l'avait Ă©levĂ©e. Quand elle avait reparu, elle Ă©tait vĂÂȘtue d'une simple robe de laine noire, les cheveux cachĂ©s sous un fichu de dentelle, petite et grasse toujours, avec son front Ă©troit, son joli visage rond aux dents de perles entre des lĂšvres serrĂ©es, mais ayant dĂ©jĂ le teint jaune, le visage muet, enfoncĂ© dans une volontĂ© unique, d'une religieuse cloĂtrĂ©e depuis longtemps. Elle venait d'avoir trente ans, elle n'avait plus vĂ©cu depuis lors que pour des oeuvres immenses de charitĂ©. Dans Paris, la surprise Ă©tait grande, et il circula toutes sortes d'histoires extraordinaires. La princesse avait hĂ©ritĂ© de la fortune totale, les fameux trois cents millions dont la chronique des journaux eux-mĂÂȘmes s'occupait. Et la lĂ©gende qui finit par s'Ă©tablir fut romantique. Un homme, un inconnu vĂÂȘtu de noir, racontait-on, comme la princesse allait se mettre au lit, Ă©tait un soir apparu tout d'un coup dans sa chambre, sans qu'elle eĂ»t jamais compris par quelle porte secrĂšte il avait pu entrer ; et ce que cet homme lui avait dit, personne au monde ne le savait ; mais il devait lui avoir rĂ©vĂ©lĂ© l'origine abominable des trois cents millions, en exigeant peut-ĂÂȘtre d'elle le serment de rĂ©parer tant d'iniquitĂ©s, si elle voulait Ă©viter d'affreuses catastrophes. Ensuite, l'homme avait disparu. Depuis cinq ans qu'elle se trouvait veuve, Ă©tait-ce en effet pour obĂ©ir Ă un ordre venu de l'au- delĂ , Ă©tait-ce plutĂÂŽt dans une simple rĂ©volte d'honnĂÂȘtetĂ©, lorsqu'elle avait eu en main le dossier de sa fortune ? la vĂ©ritĂ© Ă©tait qu'elle ne vivait plus que dans une ardente fiĂšvre de renoncement et de rĂ©paration. Chez cette femme qui n'avait pas Ă©tĂ© amante et qui n'avait pu ĂÂȘtre mĂšre, toutes les tendresses refoulĂ©es, surtout l'amour avortĂ© de l'enfant, s'Ă©panouissaient en une vĂ©ritable passion pour les pauvres, pour les faibles, les dĂ©shĂ©ritĂ©s, les souffrants, ceux dont elle croyait dĂ©tenir les millions volĂ©s, ceux Ă qui elle jurait de les restituer royalement, en pluie d'aumĂÂŽnes. DĂšs lors, l'idĂ©e fixe s'empara d'elle, le clou de l'obsession entra dans son crĂÂąne elle ne se considĂ©ra plus que comme un banquier, chez qui les pauvres avaient dĂ©posĂ© trois cents millions, pour qu'ils fussent employĂ©s au mieux de leur usage ; elle ne fut plus qu'un comptable, un homme d'affaires, vivant dans les chiffres, au milieu d'un peuple de notaires, d'ouvriers et d'architectes. Au-dehors, elle avait installĂ© tout un vaste bureau avec une vingtaine d'employĂ©s. Chez elle, dans ses trois piĂšces Ă©troites, elle ne recevait que quatre ou cinq intermĂ©diaires, ses lieutenants ; et elle passait lĂ ses journĂ©es, Ă un bureau, comme un directeur de grandes entreprises, cloĂtrĂ©e loin des importuns, parmi un amoncellement paperasses qui la dĂ©bordait. Son rĂÂȘve Ă©tait de soulager toutes les misĂšres, depuis l'enfant qui souffre d'ĂÂȘtre nĂ© jusqu'au vieillard qui ne peut mourir sans souffrance. Pendant ces cinq annĂ©es, jetant l'or Ă pleines mains, elle avait fondĂ©, Ă la Villette, la CrĂšche Sainte-Marie, avec des berceaux blancs pour les tout-petits, des lits bleus pour les plus grands, une vaste et claire installation que frĂ©quentaient dĂ©jĂ trois cents enfants ; un orphelinat Ă Saint-MandĂ©, l'Orphelinat Saint-Joseph, oĂÂč cent garçons et cent filles recevaient une Ă©ducation et une instruction telles qu'on les donne dans les familles bourgeoises ; enfin, un asile pour les vieillards Ă ChĂÂątillon, pouvant admettre cinquante hommes et cinquante femmes, et un hĂÂŽpital de deux cents lits dans un faubourg, l'HĂÂŽpital Saint-Marceau, dont on venait seulement d'ouvrir les salles. Mais son oeuvre prĂ©fĂ©rĂ©e, celle qui absorbait en ce moment tout son coeur, Ă©tait l'Oeuvre du Travail, une crĂ©ation Ă elle, une maison qui devait remplacer la maison de correction, oĂÂč trois cents enfants, cent cinquante filles et cent cinquante garçons, ramassĂ©s sur le pavĂ© de Paris, dans la dĂ©bauche et dans le crime, Ă©taient rĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s par de bons soins et par l'apprentissage d'un mĂ©tier. Ces diverses fondations, des dons considĂ©rables, une prodigalitĂ© folle dans la charitĂ©, lui avaient dĂ©vorĂ© prĂšs de cents millions en cinq ans. Encore quelques annĂ©es de ce train, et elle serait ruinĂ©e, sans avoir rĂ©servĂ© mĂÂȘme la petite rente nĂ©cessaire au pain et au lait dont elle vivait maintenant. Lorsque sa vieille bonne, Sophie, sortant de son continuel silence, la grondait d'un mot rude, en lui prophĂ©tisant qu'elle mourrait sur la paille, elle avait un faible sourire, le seul qui parĂ»t dĂ©sormais sur ses lĂšvres dĂ©colorĂ©es, un divin sourire d'espĂ©rance. Ce fut justement Ă l'occasion de l'Oeuvre du Travail que Saccard fit la connaissance de la princesse d'Orviedo. Il Ă©tait un des propriĂ©taires du terrain qu'elle acheta pour cette oeuvre, un ancien jardin plantĂ© de beaux arbres, qui touchait au parc de Neuilly et qui se trouvait en bordure, le long du boulevard Bineau. Il l'avait sĂ©duite par la façon vive dont il traitait les affaires, elle voulut le revoir, Ă la suite de certaines difficultĂ©s avec ses entrepreneurs. Lui-mĂÂȘme s'Ă©tait intĂ©ressĂ© aux travaux, l'imagination prise, charmĂ© du plan grandiose qu'elle imposait Ă l'architecte deux ailes monumentales, l'une pour les garçons, l'autre pour les filles, reliĂ©es entre elles par un corps de logis, contenant la chapelle, la communautĂ©, l'administration, tous les services ; et chaque aile avait son prĂ©au immense, ses ateliers, ses dĂ©pendances de toutes sortes. Mais surtout ce qui le passionnait, dans son propre goĂ»t du grand et du fastueux, c'Ă©tait le luxe dĂ©ployĂ©, la construction Ă©norme et faite de matĂ©riaux Ă dĂ©fier les siĂšcles, les marbres prodiguĂ©s, une cuisine revĂÂȘtue de faĂÂŻence oĂÂč l'on aurait fait cuire un boeuf, des rĂ©fectoires gigantesques aux riches lambris de chĂÂȘne, des dortoirs inondĂ©s de lumiĂšre, Ă©gayĂ©s de claires peintures, une lingerie, une salle de bains, une infirmerie installĂ©es avec des raffinements excessifs ; et, partout, des dĂ©gagements vastes, des escaliers, des corridors, aĂ©rĂ©s l'Ă©tĂ©, chauffĂ©s l'hiver ; et la maison entiĂšre baignant dans le soleil, une gaietĂ© de jeunesse, un bien-ĂÂȘtre de grosse fortune. Quand l'architecte, inquiet, trouvant toute cette magnificence inutile, parlait de la dĂ©pense, la princesse l'arrĂÂȘtait d'un mot elle avait eu le luxe, elle voulait le donner aux pauvres, pour qu'ils en jouissent Ă leur tour, eux qui font le luxe des riches. Son idĂ©e fixe Ă©tait faite de ce rĂÂȘve combler les misĂ©rables, les coucher dans les lits, les asseoir Ă la table des heureux de ce monde, non plus l'aumĂÂŽne d'une croĂ»te de pain, d'un grabat de hasard, mais la vie large au travers de palais oĂÂč ils seraient chez eux, prenant leur revanche, goĂ»tant les jouissances des triomphateurs. Seulement, dans ce gaspillage, au milieu des devis Ă©normes, elle Ă©tait abominablement volĂ©e ; une nuĂ©e d'entrepreneurs vivaient d'elle, sans compter les pertes dues Ă la mauvaise surveillance ; on dilapidait le bien des pauvres. Et ce fut Saccard qui lui ouvrit les yeux, en la priant de le laisser tirer les comptes au clair, absolument dĂ©sintĂ©ressĂ© d'ailleurs, pour l'unique plaisir de rĂ©gler cette folle danse de millions qui l'enthousiasmait. Jamais il ne s'Ă©tait montrĂ© si scrupuleusement honnĂÂȘte. Il fut, dans cette affaire colossale et compliquĂ©e, le plus actif, le plus probe des collaborateurs, donnant son temps, son argent mĂÂȘme, simplement rĂ©compensĂ© par cette joie des sommes considĂ©rables qui lui passaient entre les mains. On ne connaissait guĂšre que lui Ă l'Oeuvre du Travail, oĂÂč la princesse n'allait jamais, pas plus qu'elle n'allait visiter ses autres fondations, cachĂ©e au fond de ses trois petites piĂšces, comme la bonne dĂ©esse invisible ; et lui, adorĂ©, il y Ă©tait bĂ©ni, accablĂ© de toute la reconnaissance dont elle semblait ne pas vouloir. Sans doute, depuis cette Ă©poque, Saccard nourrissait un vague projet, qui, tout d'un coup, lorsqu'il fut installĂ© dans l'hĂÂŽtel d'Orviedo comme locataire, prit la nettetĂ© aiguĂ d'un dĂ©sir. Pourquoi ne se consacrerait-il pas tout entier Ă l'administration des bonnes oeuvres de la princesse ? Dans l'heure de doute oĂÂč il Ă©tait, vaincu de la spĂ©culation, ne sachant quelle fortune refaire, cela lui apparaissait comme une incarnation nouvelle, une brusque montĂ©e d'apothĂ©ose devenir le dispensateur de cette royale charitĂ©, canaliser ce flot d'or qui coulait sur Paris. Il restait deux cents millions, quelles oeuvres Ă crĂ©er encore, quelle citĂ© du miracle Ă faire sortir du sol ! Sans compter que, lui, les ferait fructifier, ces millions, les doublerait, les triplerait, saurait si bien les employer qu'il en tirerait un monde. Alors, avec sa passion, tout s'Ă©largit, il ne vĂ©cut plus que de cette pensĂ©e grisante, les rĂ©pandre en aumĂÂŽnes sans fin, en noyer la France heureuse ; et il s'attendrissait, car il Ă©tait d'une probitĂ© parfaite, pas un sou ne lui demeurait aux doigts. Ce fut, dans son crĂÂąne de visionnaire, une idylle gĂ©ante, l'idylle d'un inconscient, oĂÂč ne se mĂÂȘlait aucun dĂ©sir de racheter ses anciens brigandages financiers. D'autant plus que, tout de mĂÂȘme, au bout, il y avait le rĂÂȘve de sa vie entiĂšre, sa conquĂÂȘte de Paris. Etre le roi de la charitĂ©, le Dieu adorĂ© de la multitude des pauvres, devenir unique et populaire, occuper de lui le monde, cela dĂ©passait son ambition. Quels prodiges ne rĂ©aliserait-il pas, s'il employait Ă ĂÂȘtre bon ses facultĂ©s d'homme d'affaires, sa ruse, son obstination, son manque complet de prĂ©jugĂ©s ! Et il aurait la force irrĂ©sistible qui gagne les batailles, l'argent, l'argent Ă pleins coffres, l'argent qui fait tant de mal souvent et qui ferait tant de bien, le jour oĂÂč l'on mettrait Ă donner son orgueil et son plaisir ! Puis, agrandissant encore son projet, Saccard en arriva Ă se demander pourquoi il n'Ă©pouserait pas la princesse d'Orviedo. Cela fixerait les positions, empĂÂȘcherait les interprĂ©tations mauvaises. Pendant un mois, il manoeuvra adroitement, exposa des plans superbes, crut se rendre indispensable ; et un jour, d'une voix tranquille, redevenu naĂÂŻf, il fit sa proposition, dĂ©veloppa son grand projet. C'Ă©tait une vĂ©ritable association qu'il offrait, il se donnait comme le liquidateur des sommes volĂ©es par le prince, il s'engageait Ă les rendre aux pauvres, dĂ©cuplĂ©es. D'ailleurs, la princesse, dans son Ă©ternelle robe noire, avec son fichu de dentelle sur la tĂÂȘte, l'Ă©couta attentivement, sans qu'une Ă©motion quelconque animĂÂąt sa face jaune. Elle Ă©tait trĂšs frappĂ©e des avantages que pourrait avoir une association pareille, indiffĂ©rente, du reste, aux autres considĂ©rations. Puis, ayant remis sa rĂ©ponse au lendemain, elle finit par refuser sans doute elle avait rĂ©flĂ©chi qu'elle ne serait plus seule maĂtresse de ses aumĂÂŽnes, et elle entendait en disposer en souveraine absolue, mĂÂȘme follement. Mais elle expliqua qu'elle serait heureuse de le garder comme conseiller, elle montra combien prĂ©cieuse elle estimait sa collaboration, en le priant de continuer Ă s'occuper de l'Oeuvre du Travail, dont il Ă©tait le vĂ©ritable directeur. Toute une semaine, Saccard Ă©prouva un violent chagrin, ainsi qu'Ă la perte d'une idĂ©e chĂšre ; non pas qu'il se sentĂt retomber au gouffre du brigandage ; mais, de mĂÂȘme qu'une romance sentimentale met des larmes aux yeux des ivrognes les plus abjects, cette colossale idylle du bien fait Ă coups de millions avait attendri sa vieille ĂÂąme de corsaire. Il tombait une fois encore, et de trĂšs haut il lui semblait ĂÂȘtre dĂ©trĂÂŽnĂ©. Par l'argent, il avait toujours voulu, en mĂÂȘme temps que la satisfaction de ses appĂ©tits, la magnificence d'une vie princiĂšre ; et jamais il ne l'avait eue, assez haute. Il s'enrageait, Ă mesure que chacune de ses chutes emportait un espoir. Aussi, lorsque son projet croula devant le refus tranquille et net de la princesse, se trouva-t-il rejetĂ© Ă une furieuse envie de bataille. Se battre, ĂÂȘtre le plus fort dans la dure guerre de la spĂ©culation, manger les autres pour ne pas qu'ils vous mangent, c'Ă©tait, aprĂšs sa soif de splendeur et de jouissance, la grande cause, l'unique cause de sa passion des affaires. S'il ne thĂ©saurisait pas, il avait l'autre joie, la lutte des gros chiffres, les fortunes lancĂ©es comme des corps d'armĂ©e, les chocs des millions adverses, avec les dĂ©routes, avec les victoires, qui le grisaient. Et tout de suite reparut sa haine de Gundermann, son effrĂ©nĂ© besoin de revanche abattre Gundermann, cela le hantait d'un dĂ©sir chimĂ©rique, chaque fois qu'il Ă©tait par terre, vaincu. S'il sentait l'enfantillage d'une pareille tentative, ne pourrait-il du moins l'entamer, se faire une place en face de lui, le forcer au partage, comme ces monarques de contrĂ©es voisines et d'Ă©gale puissance, qui se traitent de cousins ? Ce fut alors que, de nouveau, la Bourse l'attira, la tĂÂȘte emplie d'affaires Ă lancer, sollicitĂ© en tous sens par des projets contraires, dans une telle fiĂšvre, qu'il ne sut que dĂ©cider, jusqu'au jour oĂÂč une idĂ©e suprĂÂȘme, dĂ©mesurĂ©e, se dĂ©gagea des autres et s'empara peu Ă peu de lui tout entier. Depuis qu'il habitait l'hĂÂŽtel d'Orviedo, Saccard apercevait parfois la soeur de l'ingĂ©nieur Hamelin qui habitait le petit appartement du second, une femme d'une taille admirable, Mme Caroline, comme on la nommait familiĂšrement. Surtout, ce qui l'avait frappĂ©, Ă la premiĂšre rencontre, c'Ă©tait ses cheveux blancs superbes, une royale couronne de cheveux blancs, d'un si singulier effet sur ce front de femme jeune encore, ĂÂągĂ©e de trente-six ans Ă peine. DĂšs vingt-cinq ans, elle Ă©tait ainsi devenue toute blanche. Ses sourcils, restĂ©s noirs et trĂšs fournis, gardaient une jeunesse, une Ă©trangetĂ© vive Ă son visage encadrĂ© d'hermine. Elle n'avait jamais Ă©tĂ© jolie, avec son menton et son nez trop forts, sa bouche large dont les grosses lĂšvres exprimaient une bontĂ© exquise. Mais, certainement, cette toison blanche, cette blancheur envolĂ©e de fins cheveux de soie, adoucissait sa physionomie un peu dure, lui donnait un charme souriant de grand-mĂšre, dans une fraĂcheur et une force de belle amoureuse. Elle Ă©tait grande, solide, la dĂ©marche franche et trĂšs noble. Chaque fois qu'il la rencontrait, Saccard, plus petit qu'elle, la suivait des yeux, intĂ©ressĂ©, enviant sourdement cette taille haute, cette carrure saine. Et, peu Ă peu, par l'entourage, il connut toute l'histoire des Hamelin. Ils Ă©taient, Caroline et Georges, les enfants d'un mĂ©decin de Montpellier, savant remarquable, catholique exaltĂ©, mort sans fortune. Lorsque le pĂšre s'en alla, la fille avait dix-huit ans, le garçon dix-neuf ; et, comme celui-ci venait d'entrer Ă l'Ecole polytechnique, elle le suivit Ă Paris, oĂÂč elle se plaça institutrice. Ce fut elle qui lui glissa des piĂšces de cent sous, qui l'entretint d'argent de poche, pendant les deux annĂ©es de cours ; plus tard, lorsque, sorti dans un mauvais rang, il dut battre le pavĂ©, ce fut elle encore qui le soutint, en attendant qu'il trouvĂÂąt une situation. Ces deux enfants s'adoraient, faisaient le rĂÂȘve de ne se quitter jamais. Pourtant, un mariage inespĂ©rĂ© s'Ă©tant prĂ©sentĂ©, la bonne grĂÂące et l'intelligence vive de la jeune fille ayant conquis un brasseur millionnaire, dans la maison oĂÂč elle Ă©tait en place, Georges voulut qu'elle acceptĂÂąt ce dont il se repentit cruellement, car, au bout de quelques annĂ©es de mĂ©nage, Caroline fut obligĂ©e d'exiger une sĂ©paration pour ne pas ĂÂȘtre tuĂ©e par son mari, qui buvait et la poursuivait avec un couteau, dans des crises d'imbĂ©cile jalousie. Elle Ă©tait alors ĂÂągĂ©e de vingt-six ans, elle se retrouvait pauvre, s'Ă©tant obstinĂ©e Ă ne rĂ©clamer aucune pension de l'homme qu'elle quittait. Mais son frĂšre avait enfin, aprĂšs bien des tentatives, mis la main sur une besogne qui lui plaisait il allait partir pour l'Egypte, avec la Commission chargĂ©e des premiĂšres Ă©tudes du canal de Suez ; et il emmena sa soeur, elle s'installa vaillamment Ă Alexandrie, recommença Ă donner des leçons, pendant que lui courait le pays. Ils restĂšrent ainsi en Egypte jusqu'en 1859, ils assistĂšrent aux premiers coups de pioche sur la plage de Port- SaĂÂŻd une maigre Ă©quipe de cent cinquante terrassiers Ă peine, perdue au milieu des sables, commandĂ©e par une poignĂ©e d'ingĂ©nieurs. Puis, Hamelin, envoyĂ© en Syrie pour assurer les approvisionnements, y resta, Ă la suite d'une fĂÂącherie avec ses chefs. Il fit venir Caroline Ă Beyrouth, oĂÂč d'autres Ă©lĂšves l'attendaient, il se lança dans une grosse affaire, patronnĂ©e par une compagnie française, le tracĂ© d'une route carrossable de Beyrouth Ă Damas, la premiĂšre, l'unique voie ouverte Ă travers les gorges du Liban ; et ils vĂ©curent encore trois annĂ©es lĂ , jusqu'Ă l'achĂšvement de la route, lui visitant les montagnes, s'absentant deux mois pour un voyage Ă Constantinople, Ă travers le Taurus, elle le suivant dĂšs qu'elle pouvait s'Ă©chapper, Ă©pousant les projets de rĂ©veil qu'il faisait, Ă battre cette vieille terre endormie sous la cendre des civilisations mortes. Il avait amassĂ© tout un portefeuille dĂ©bordant d'idĂ©es et de plans, il sentait l'impĂ©rieuse nĂ©cessitĂ© de rentrer en France, s'il voulait donner un corps Ă ce vaste ensemble d'entreprises, former des sociĂ©tĂ©s, trouver des capitaux. Et, aprĂšs neuf annĂ©es de sĂ©jour en Orient, ils partirent, ils eurent la curiositĂ© de repasser par l'Egypte, oĂÂč les travaux du canal de Suez les enthousiasmĂšrent une ville avait poussĂ© en quatre ans dans les sables de la plage de Port-SaĂÂŻd, tout un peuple s'agitait lĂ , les fourmis humaines s'Ă©taient multipliĂ©es, changeaient la face de la terre. Mais, Ă Paris, une malchance noire attendait Hamelin. Depuis quinze mois, il s'y dĂ©battait avec ses projets, sans pouvoir communiquer sa foi Ă personne, trop modeste, peu bavard, Ă©chouĂ© Ă ce deuxiĂšme Ă©tage de l'hĂÂŽtel d'Orviedo, dans un petit appartement de cinq piĂšces qu'il louait douze cents francs, plus loin du succĂšs que lorsqu'il courait les monts et les plaines de l'Asie. Leurs Ă©conomies s'Ă©puisaient rapidement, le frĂšre et la soeur en arrivaient Ă une grande gĂÂȘne. Ce fut mĂÂȘme ce qui intĂ©ressa Saccard, cette tristesse croissante de Mme Caroline, dont la belle gaietĂ© s'assombrissait du dĂ©couragement oĂÂč elle voyait tomber son frĂšre. Dans leur mĂ©nage, elle Ă©tait un peu l'homme. Georges, qui lui ressemblait beaucoup physiquement, en plus frĂÂȘle, avec des facultĂ©s de travail rares ; mais il s'absorbait dans ses Ă©tudes, il ne fallait point l'en sortir. Jamais il n'avait voulu se marier, n'en Ă©prouvant pas le besoin, adorant sa soeur, ce qui lui suffisait. Il devait avoir des maĂtresses d'un jour, qu'on ne connaissait pas. Et cet ancien piocheur de l'Ecole polytechnique, aux conceptions si vastes, d'un zĂšle si ardent pour tout ce qu'il entreprenait, montrait parfois une telle naĂÂŻvetĂ©, qu'on l'aurait jugĂ© un peu sot. ElevĂ© dans le catholicisme le plus Ă©troit, il avait gardĂ© sa religion d'enfant, il pratiquait, trĂšs convaincu ; tandis que sa soeur s'Ă©tait reprise par une lecture immense, par toute la vaste instruction qu'elle se donnait Ă son cĂÂŽtĂ©, aux longues heures oĂÂč il s'enfonçait dans ses travaux techniques. Elle parlait quatre langues, elle avait lu les Ă©conomistes, les philosophes, passionnĂ©e un instant pour les thĂ©ories socialistes et Ă©volutionnistes ; mais elle s'Ă©tait calmĂ©e, elle devait surtout Ă ses voyages, Ă son long sĂ©jour parmi des civilisations lointaines, une grande tolĂ©rance, un bel Ă©quilibre de sagesse. Si elle ne croyait plus, elle demeurait trĂšs respectueuse de la foi de son frĂšre. Entre eux, il y avait eu une explication, et jamais ils n'en avaient reparlĂ©. Elle Ă©tait une intelligence, dans sa simplicitĂ© et sa bonhomie ; et, d'un courage Ă vivre extraordinaire, d'une bravoure joyeuse qui rĂ©sistait aux cruautĂ©s du sort, elle avait coutume de dire qu'un seul chagrin Ă©tait restĂ© saignant en elle, celui de n'avoir pas eu d'enfant. Saccard put rendre Ă Hamelin un service, un petit travail qu'il lui procura, des commanditaires qui avaient besoin d'un ingĂ©nieur pour un rapport sur le rendement d'une machine nouvelle. Et il força ainsi l'intimitĂ© du frĂšre et de la soeur, il monta frĂ©quemment passer une heure entre eux, dans leur salon, leur seule grande piĂšce, qu'ils avaient transformĂ©e en cabinet de travail. Cette piĂšce restait d'une nuditĂ© absolue, meublĂ©e seulement d'une longue table Ă dessiner, d'une autre table plus petite, encombrĂ©e de papiers, et d'une demi-douzaine de chaises. Sur la cheminĂ©e, des livres s'empilaient. Mais, aux murs, une dĂ©coration improvisĂ©e Ă©gayait ce vide, une sĂ©rie de plans, une suite d'aquarelles claires, chaque feuille fixĂ©e avec quatre clous. C'Ă©tait son portefeuille de projets qu'Hamelin avait ainsi Ă©talĂ©, les notes prises en Syrie, toute sa fortune future ; et les aquarelles Ă©taient de Mme Caroline, des vues de lĂ -bas, des types, des costumes, ce qu'elle avait remarquĂ© et croquĂ© en accompagnant son frĂšre, avec un sens trĂšs personnel de coloriste, sans aucune prĂ©tention d'ailleurs. Deux larges fenĂÂȘtres, ouvrant sur le jardin de l'hĂÂŽtel Beauvilliers, Ă©clairaient d'une lumiĂšre vive cette dĂ©bandade de dessins, qui Ă©voquait une vie autre, le rĂÂȘve d'une antique sociĂ©tĂ© tombant en poudre, que les Ă©pures, aux lignes fermes et mathĂ©matiques, semblaient vouloir remettre debout, comme sous l'Ă©tayement du solide Ă©chafaudage de la science moderne. Et quand il se fut rendu utile, avec cette dĂ©pense d'activitĂ© qui le faisait charmant, Saccard s'oublia surtout devant les plans et les aquarelles, sĂ©duit, demandant sans cesse de nouvelles explications. Dans sa tĂÂȘte, tout un vaste lançage germait dĂ©jĂ . Un matin, il trouva Mme Caroline seule, assise Ă la petite table dont elle avait fait son bureau. Elle Ă©tait mortellement triste, les mains abandonnĂ©es parmi les papiers. " Que voulez-vous ? cela tourne dĂ©cidĂ©ment mal... je suis brave pourtant. Mais tout va nous manquer Ă la fois ; et ce qui me navre, c'est l'impuissance ou le malheur rĂ©duit mon pauvre frĂšre, car il n'est vaillant, il n'a de force qu'au travail... J'avais songĂ© Ă me replacer institutrice quelque part, pour l'aider au moins. J'ai cherchĂ© et je n'ai rien trouvĂ©... Pourtant, je ne puis pas me mettre Ă faire des mĂ©nages. " Jamais Saccard ne l'avait vue ainsi dĂ©montĂ©e, abattue. " Que diable ! vous n'en ĂÂȘtes pas lĂ ! " cria-t-il. Elle hocha la tĂÂȘte, elle se montrait amĂšre contre la vie, qu'elle acceptait d'habitude si gaillardement, mĂÂȘme mauvaise. Et Hamelin Ă©tant rentrĂ© Ă ce moment, rapportant la nouvelle d'un dernier Ă©chec, elle eut de grosses larmes lentes, elle ne parla plus, les poings serrĂ©s, Ă sa table, les yeux perdus devant elle. " Et dire, laissa Ă©chapper Hamelin, qu'il y a, lĂ -bas, des millions qui nous attendent, si quelqu'un voulait seulement m'aider Ă les gagner ! " Saccard s'Ă©tait plantĂ© devant une Ă©pure reprĂ©sentant l'Ă©lĂ©vation d'un pavillon construit au centre de vastes magasins. " Qu'est-ce donc ? demanda-t-il. - Oh ! je me suis amusĂ©, expliqua l'ingĂ©nieur. C'est un projet d'habitation " lĂ -bas, Ă Beyrouth, pour le directeur de la Compagnie que j'ai rĂÂȘvĂ©e, vous savez, la Compagnie gĂ©nĂ©rale des Paquebots rĂ©unis. " Il s'animait, il donna de nouveaux dĂ©tails. Pendant son sĂ©jour en Orient, il avait constatĂ© combien le service des transports Ă©tait dĂ©fectueux. Les quelques sociĂ©tĂ©s, installĂ©es Ă Marseille, se tuaient par la concurrence, n'arrivaient pas Ă avoir le matĂ©riel suffisant et confortable ; et une de ses premiĂšres idĂ©es, Ă la base mĂÂȘme de tout l'ensemble de ses entreprises, Ă©tait de syndiquer ces sociĂ©tĂ©s, de les rĂ©unir en une vaste Compagnie, pourvue de millions, qui exploiterait la MĂ©diterranĂ©e entiĂšre et s'en assurerait la royautĂ©, en Ă©tablissant des lignes pour tous les ports de l'Afrique, de l'Espagne, de l'Italie, de la GrĂšce, de l'Egypte, de l'Asie, jusqu'au fond de la mer Noire. Rien n'Ă©tait Ă la fois, d'un organisateur de plus de flair, ni d'un meilleur citoyen c'Ă©tait l'Orient conquis, donnĂ© Ă la France, sans compter qu'il rapprochait ainsi la Syrie, oĂÂč allait s'ouvrir le vaste champ de ses opĂ©rations. " Les syndicats, murmura Saccard, l'avenir semble ĂÂȘtre lĂ , aujourd'hui... C'est une forme si puissante de l'association ! Trois ou quatre petites entreprises, qui vĂ©gĂštent isolĂ©ment, deviennent d'une vitalitĂ© et d'une prospĂ©ritĂ© irrĂ©sistibles, si elles se rĂ©unissent... Oui, demain est aux gros capitaux, aux efforts centralisĂ©s des grandes masses. Toute l'industrie, tout le commerce finiront par n'ĂÂȘtre qu'un immense bazar unique, oĂÂč l'on s'approvisionnera de tout. " Il s'Ă©tait arrĂÂȘtĂ© encore, debout cette fois devant une aquarelle qui reprĂ©sentait un site sauvage, une gorge aride, que bouchait un Ă©croulement gigantesque de rochers, couronnĂ©s de broussailles. " Oh ! oh ! reprit-il, voici le bout du monde. On ne doit pas ĂÂȘtre coudoyĂ© par les passants dans ce coin-lĂ . - Une gorge du Carmel, rĂ©pondit Hamelin Ma soeur a pris ça, pendant les Ă©tudes que j'ai faites de ce cĂÂŽtĂ©. " Et il ajouta simplement " Tenez ! entre les calcaires crĂ©tacĂ©s et les porphyres qui ont relevĂ© ces calcaires, sur tout le flanc de la montagne, il y a lĂ un filon d'argent sulfurĂ© considĂ©rable, oui ! une mine d'argent dont l'exploitation, d'aprĂšs mes calculs, assurerait des bĂ©nĂ©fices Ă©normes. - Une mine d'argent " , rĂ©pĂ©ta vivement Saccard. Mme Caroline, les yeux toujours au loin, dans sa tristesse, avait entendu ; et, comme si une vision se fĂ»t Ă©voquĂ©e " Le Carmel, ah ! quel dĂ©sert, quelles journĂ©es de solitude ! C'est plein de myrtes et de genĂÂȘts, cela sent bon l'air tiĂšde en est embaumĂ©. Et il y a des aigles, sans cesse, qui planent trĂšs haut... Mais tout cet argent qui dort dans ce sĂ©pulcre, Ă cĂÂŽtĂ© de tant de misĂšre. On voudrait des foules heureuses, des chantiers, des villes naissantes, un peuple rĂ©gĂ©nĂ©rĂ© par le travail. - Une route serait facilement ouverte du Carmel Ă Saint-Jean-d'Acre, continua Hamelin. Et je crois bien qu'on dĂ©couvrirait Ă©galement du fer, car il abonde dans les montagnes du pays... J'ai aussi Ă©tudiĂ© un nouveau mode d'extraction, qui rĂ©aliserait d'importantes Ă©conomies. Tout est prĂÂȘt, il ne s'agit plus que de trouver des capitaux. - La SociĂ©tĂ© des mines d'argent du Carmel ! " murmura Saccard. Mais c'Ă©tait maintenant l'ingĂ©nieur qui, les regards levĂ©s, allait d'un plan Ă l'autre, repris par le labeur de toute sa vie, enfiĂ©vrĂ© Ă la pensĂ©e de l'avenir Ă©clatant qui dormait lĂ , pendant que la gĂÂȘne le paralysait. " Et ce ne sont que les petites affaires du dĂ©but, reprit-il. Regardez cette sĂ©rie de plans, c'est ici le grand coup, tout un systĂšme de chemins de fer traversant l'Asie Mineure, de part en part... Le manque de communications commodes et rapides, telle est la cause premiĂšre de la stagnation oĂÂč croupit ce pays si riche. Vous n'y trouveriez pas une voie carrossable, les voyages et les transports s'y font toujours Ă dos de mulet ou de chameau... Imaginez alors quelle rĂ©volution, si des lignes ferrĂ©es pĂ©nĂ©traient jusqu'aux confins du dĂ©sert ! Ce serait l'industrie et le commerce dĂ©cuplĂ©s, la civilisation victorieuse, l'Europe s'ouvrant enfin les portes de l'Orient... Oh ! pour peu que cela vous intĂ©resse, nous en causerons en dĂ©tail. Et vous verrez, vous verrez ! " Tout de suite, du reste, il ne put s'empĂÂȘcher d'entrer dans des explications. C'Ă©tait surtout pendant son voyage Ă Constantinople, qu'il avait Ă©tudiĂ© le tracĂ© de son systĂšme de chemins de fer. La grande, l'unique difficultĂ© se trouvait dans la traversĂ©e des monts Taurus ; mais il avait parcouru les diffĂ©rents cols, il affirmait la possibilitĂ© d'un tracĂ© direct et relativement peu dispendieux. D'ailleurs, il ne songeait pas Ă exĂ©cuter d'un coup le systĂšme complet. Lorsqu'on aurait obtenu du sultan la concession totale, il serait sage de n'entreprendre d'abord que la branche mĂšre, la ligne de Brousse Ă Beyrouth par Angora et Alep. Plus tard, on songerait Ă l'embranchement de Smyrne Ă Angora, et Ă celui de TrĂ©bizonde Ă Angora, par Erzeroum et Sivas. " Plus tard, plus tard encore... " , continua-t-il. Et il n'acheva pas, il se contentait de sourire, n'osant dire jusqu'oĂÂč il avait poussĂ© l'audace de ses projets. C'Ă©tait le rĂÂȘve. " Ah ! les plaines au pied du Taurus, reprit Mme Caroline de sa voix lente de dormeuse Ă©veillĂ©e, quel paradis dĂ©licieux ! On n'a qu'Ă gratter la terre, les moissons poussent, dĂ©bordantes. Les arbres fruitiers, les pĂÂȘchers, les cerisiers, les figuiers, les amandiers, cassent sous les fruits. Et quels champs d'oliviers et de mĂ»riers, pareils Ă de grands bois ! Et quelle existence naturelle et facile, dans cet air lĂ©ger, constamment bleu ! " Saccard se mit Ă rire, de ce rire aigu de bel appĂ©tit, qu'il avait lorsqu'il flairait la fortune. Et, comme Hamelin parlait encore d'autres projets, notamment de la crĂ©ation d'une banque Ă Constantinople, en disant un mot des relations toutes-puissantes qu'il y avait laissĂ©es, surtout prĂšs du grand vizir, il l'interrompit gaiement. " Mais c'est un pays de cocagne, on en vendrait ! " Puis, trĂšs familier, appuyant les deux mains aux Ă©paules de Mme Caroline, toujours assise " Ne vous dĂ©sespĂ©rez donc pas, madame ! Je vous aime bien, vous verrez que je ferai avec votre frĂšre quelque chose de trĂšs bon pour nous tous... Ayez de la patience. Attendez. " Pendant le mois qui suivit, Saccard procura de nouveau Ă l'ingĂ©nieur quelques petits travaux ; et, s'il ne reparlait plus des grandes affaires, il devait y penser constamment, prĂ©occupĂ©, hĂ©sitant devant l'ampleur Ă©crasante des entreprises. Mais ce qui resserra davantage le lien naissant de leur intimitĂ©, ce fut la façon toute naturelle dont Mme Caroline vint Ă s'occuper de son intĂ©rieur d'homme seul, dĂ©vorĂ© de frais inutiles, d'autant plus mal servi qu'il avait davantage de serviteurs. Lui, si habile au-dehors, rĂ©putĂ© pour sa main vigoureuse et adroite dans le gĂÂąchis des grands vols, laissait aller chez lui tout Ă la dĂ©bandade, insoucieux du coulage effrayant qui triplait ses dĂ©penses ; et l'absence d'une femme se faisait aussi cruellement sentir, jusque dans les plus petites choses. Lorsque Mme Caroline s'aperçut du pillage, elle lui donna d'abord des conseils, puis finit par s'entremettre et lui faire rĂ©aliser deux ou trois Ă©conomies ; si bien qu'en riant, un jour, il lui offrit d'ĂÂȘtre son intendante pourquoi pas ? elle avait cherchĂ© une place d'institutrice, elle pouvait bien accepter une situation honorable pour elle, qui lui permettrait d'attendre. L'offre, faite en maniĂšre de plaisanterie, devint sĂ©rieuse. N'Ă©tait-ce pas une façon de s'occuper, de soulager son frĂšre, avec les trois cents francs que Saccard voulait donner par mois ? Et elle accepta, elle rĂ©forma la maison en huit jours, renvoya le chef et sa femme pour ne prendre qu'une cuisiniĂšre, qui, avec le valet de chambre et le cocher, devait suffire au service. Elle ne garda aussi qu'un cheval et une voiture, prit la haute main sur tout, examina les comptes avec un soin si scrupuleux, qu'Ă la fin de la premiĂšre quinzaine elle avait obtenu une rĂ©duction de moitiĂ©. Il Ă©tait ravi, il plaisantait en disant que c'Ă©tait lui qui la volait maintenant, et qu'elle aurait dĂ» exiger un tant pour cent sur tous les bĂ©nĂ©fices qu'elle lui faisait faire. Alors, une vie trĂšs Ă©troite avait commencĂ©. Saccard venait d'avoir l'idĂ©e de faire enlever les vis qui condamnaient la porte de communication entre les deux appartements, et l'on remontait librement, d'une salle Ă manger dans l'autre, par l'escalier intĂ©rieur ; de sorte que, pendant que son frĂšre travaillait en haut, enfermĂ© du matin au soir pour mettre en ordre ses dossiers d'Orient, Mme Caroline, laissant son propre mĂ©nage aux soins de l'unique bonne qui les servait, descendait Ă chaque heure de la journĂ©e, donner des ordres, comme chez elle. C'Ă©tait devenu la joie de Saccard, la continuelle apparition de cette grande belle femme, qui traversait les piĂšces de son pas solide et superbe, avec la gaietĂ© toujours inattendue de ses cheveux blancs, envolĂ©s autour de son jeune visage. Elle Ă©tait de nouveau trĂšs gaie, elle avait retrouvĂ© sa bravoure Ă vivre, depuis qu'elle se sentait utile, occupant ses heures, continuellement debout. Sans affectation de simplicitĂ©, elle ne portait plus qu'une robe noire, dans la poche de laquelle on entendait la sonnerie claire du trousseau de clefs ; et cela l'amusait certainement, elle la savante, la philosophe, de n'ĂÂȘtre plus qu'une bonne femme de mĂ©nage, la gouvernante d'un prodigue, qu'elle se mettait Ă aimer, comme on aime les enfants mauvais sujets. Lui, un instant trĂšs sĂ©duit, calculant qu'il n'y avait aprĂšs tout qu'une diffĂ©rence de quatorze ans entre eux, s'Ă©tait demandĂ© ce qu'il arriverait, s'il la prenait un beau soir entre ses bras. Etait-il admissible que, depuis dix ans, depuis sa fuite forcĂ©e de chez son mari, dont elle avait reçu autant de coups que de caresses, elle eĂ»t vĂ©cu en guerriĂšre voyageuse, sans voir un homme ? Peut-ĂÂȘtre les voyages l'avaient-ils protĂ©gĂ©e. Cependant, il savait qu'un ami de son frĂšre, un M. Beaudoin, un nĂ©gociant restĂ© Ă Beyrouth, et dont le retour Ă©tait prochain, l'avait beaucoup aimĂ©e, au point d'attendre pour l'Ă©pouser la mort de son mari, qu'on venait d'enfermer dans une maison de santĂ©, fou d'alcoolisme. Evidemment, ce mariage n'aurait fait que rĂ©gulariser une situation bien excusable, presque lĂ©gitime. DĂšs lors, puisqu'il devait y en avoir eu un, pourquoi n'aurait-il pas Ă©tĂ© le second ? Mais Saccard en restait au raisonnement, la trouvant si bonne camarade, que la femme souvent disparaissait. Lorsque, Ă la voir passer, avec sa taille admirable, il se posait sa question savoir ce qu'il arriverait s'il l'embrassait, il se rĂ©pondait qu'il arriverait des choses fort ordinaires, ennuyeuses peut-ĂÂȘtre ; et il remettait l'expĂ©rience Ă plus tard, il lui donnait des poignĂ©es de main vigoureuses, heureux de sa cordialitĂ©. Puis, tout d'un coup, Mme Caroline retomba Ă un grand chagrin. Un matin, elle descendit abattue, trĂšs pĂÂąle, les yeux gros ; et il ne put rien apprendre d'elle ; il cessa de l'interroger devant son obstination Ă dire qu'elle n'avait rien, qu'elle Ă©tait comme tous les jours. Ce fut le lendemain seulement qu'il comprit, en trouvant en haut une lettre de faire part, la lettre qui annonçait le mariage de M. Beaudoin avec la fille d'un consul anglais, trĂšs jeune et immensĂ©ment riche. Le coup avait dĂ» ĂÂȘtre d'autant plus dur, que la nouvelle Ă©tait arrivĂ©e par cette lettre banale, sans aucune prĂ©paration, sans mĂÂȘme un adieu. C'Ă©tait tout un Ă©croulement dans l'existence de la malheureuse femme, la perte de l'espoir lointain oĂÂč elle se raccrochait, aux heures de dĂ©sastre. Et, le hasard ayant, lui aussi, des cruautĂ©s abominables, elle avait justement appris, l'avant-veille, que son mari Ă©tait mort, elle venait enfin de croire, pendant quarante-huit heures, Ă la rĂ©alisation prochaine de son rĂÂȘve. Sa vie s'effondrait, elle en restait anĂ©antie. Le soir mĂÂȘme, une autre stupeur l'attendait comme, Ă son habitude, avant de remonter se coucher, elle entrait chez Saccard causer des ordres du lendemain, il lui parla de son malheur, si doucement, qu'elle Ă©clata en sanglots ; puis, dans cet attendrissement invincible, dans une sorte de paralysie de sa volontĂ©, elle se trouva entre ses bras, elle lui appartint, sans joie ni pour l'un ni pour l'autre. Quand elle se reprit, elle n'eut pas de rĂ©volte, mais sa tristesse en fut accrue, Ă l'infini. Pourquoi avait- elle laissĂ© s'accomplir cette chose ? elle n'aimait pas cet homme, lui- mĂÂȘme ne devait pas l'aimer. Ce n'Ă©tait point qu'il lui parĂ»t d'un ĂÂąge et d'une figure indignes de tendresse ; sans beautĂ© certes, et vieux dĂ©jĂ , il l'intĂ©ressait par la mobilitĂ© de ses traits, par l'activitĂ© de toute sa petite personne noire ; et, l'ignorant encore, elle voulait le croire serviable, d'une intelligence supĂ©rieure, capable de rĂ©aliser les grandes entreprises de son frĂšre, avec l'honnĂÂȘtetĂ© moyenne de tout le monde. Seulement, quelle chute imbĂ©cile ! Elle, si sage, si instruite par la dure expĂ©rience, si maĂtresse d'elle-mĂÂȘme, avoir ainsi succombĂ©, sans savoir pourquoi ni comment, dans une crise de larmes, en grisette sentimentale ! Le pis Ă©tait qu'elle le sentait, autant qu'elle, Ă©tonnĂ©, presque fĂÂąchĂ© de l'aventure. Lorsque, cherchant Ă la consoler, il lui avait parlĂ© de M. Beaudoin comment d'un amant ancien, dont la basse trahison ne mĂ©ritait que l'oubli, et qu'elle s'Ă©tait rĂ©criĂ©e, en jurant que jamais rien ne s'Ă©tait passĂ© entre eux, il avait d'abord cru qu'elle mentait, par une fiertĂ© de femme ; mais elle Ă©tait revenue sur ce serment avec tant de force, elle montrait des yeux si beaux, si clairs de franchise, qu'il avait fini par ĂÂȘtre convaincu de la vĂ©ritĂ© de cette histoire, elle par droiture et dignitĂ© se gardant pour le jour des noces, l'homme patientant deux annĂ©es, puis se lassant et en Ă©pousant une autre, quelque occasion trop tentante de jeunesse et de richesse. Et le singulier Ă©tait que cette dĂ©couverte, cette conviction qui aurait dĂ» passionner Saccard, l'emplissait au contraire d'une sorte d'embarras, tellement il comprenait la fatalitĂ© sotte de sa bonne fortune. Du reste, ils ne recommencĂšrent pas, puisque ni l'un ni l'autre ne paraissait en avoir l'envie. Pendant quinze jours, Mme Caroline resta ainsi affreusement triste. La force de vivre, cette impulsion qui fait de la vie une nĂ©cessitĂ© et une joie, l'avait abandonnĂ©e. Elle vaquait Ă ses occupations si multiples, mais comme absente, sans s'illusionner mĂÂȘme sur la raison et l'intĂ©rĂÂȘt des choses. C'Ă©tait la machine humaine travaillant dans le dĂ©sespoir du nĂ©ant de tout. Et, au milieu de ce naufrage de sa bravoure et de sa gaietĂ©, elle ne goĂ»tait qu'une distraction, celle de passer toutes ses heures libres le front aux vitres d'une fenĂÂȘtre du grand cabinet de travail, les regards fixĂ©s sur le jardin de l'hĂÂŽtel voisin, cet hĂÂŽtel Beauvilliers, oĂÂč, depuis les premiers jours de son installation, elle devinait une dĂ©tresse, une de ces misĂšres cachĂ©es, si navrantes dans leur effort Ă sauvegarder les apparences. Il y avait lĂ aussi des ĂÂȘtres qui souffraient, et son chagrin Ă©tait comme trempĂ© de ces larmes, elle agonisait de mĂ©lancolie, jusqu'Ă se croire insensible et morte dans la douleur des autres. Ces Beauvilliers, qui autrefois, sans compter leurs immenses domaines de la Touraine et de l'Anjou, possĂ©daient, rue de Grenelle, un hĂÂŽtel magnifique, n'avaient plus Ă Paris que cette ancienne maison de plaisance, bĂÂątie en dehors de la ville au commencement du siĂšcle dernier, et qui se trouvait aujourd'hui enclavĂ©e parmi les constructions noires de la rue Saint-Lazare. Les quelques beaux arbres du jardin restaient lĂ comme au fond d'un puits, la mousse mangeait les marches du perron, Ă©miettĂ© et fendu. On eĂ»t dit un coin de nature mis en prison, un coin doux et morne, d'une muette dĂ©sespĂ©rance, oĂÂč le soleil ne descendait plus qu'en un jour verdĂÂątre, dont le frisson glaçait les Ă©paules. Et, dans cette paix humide de cave, en haut de ce perron disjoint, la premiĂšre personne que Mme Caroline avait aperçue Ă©tait la comtesse de Beauvilliers, une grande femme maigre de soixante ans, toute blanche, l'air trĂšs noble, un peu surannĂ©e. Avec son grand nez droit, ses lĂšvres minces, son cou particuliĂšrement long, elle avait l'air d'un cygne trĂšs ancien, d'une douceur dĂ©solĂ©e. Puis, derriĂšre elle, presque aussitĂÂŽt, s'Ă©tait montrĂ©e sa fille, Alice de Beauvilliers, ĂÂągĂ©e de vingt-cinq ans, mais si appauvrie, qu'on l'aurait prise pour une fillette, sans le teint gĂÂątĂ© et les traits dĂ©jĂ tirĂ©s du visage. C'Ă©tait la mĂšre encore, chĂ©tive, moins l'aristocratique noblesse, le cou allongĂ© jusqu'Ă la disgrĂÂące, n'ayant plus que le charme pitoyable d'une fin de grande race. Les deux femmes vivaient seules, depuis que le fils, Ferdinand de Beauvilliers, s'Ă©tait engagĂ© dans les zouaves pontificaux, Ă la suite de la bataille de Castelfidardo, perdue par LamoriciĂšre. Tous les jours, lorsqu'il ne pleuvait pas, elles apparaissaient ainsi, l'une derriĂšre l'autre, elles descendaient le perron, faisaient le tour de l'Ă©troite pelouse centrale, sans Ă©changer une parole ; il n'y avait que des bordures de lierre, les fleurs n'auraient pas poussĂ©, ou peut-ĂÂȘtre auraient-elles coĂ»tĂ© trop cher. Et cette promenade lente, sans doute une simple promenade de santĂ©, par ces deux femmes si pĂÂąles, sous ces arbres centenaires qui avaient vu tant de fĂÂȘtes et que les bourgeoises maisons du voisinage Ă©touffaient, prenait une mĂ©lancolique douleur, comme si elles eussent promenĂ© le deuil des vieilles choses mortes. Alors, intĂ©ressĂ©e, Mme Caroline avait guettĂ© ses voisines par une sympathie tendre, sans curiositĂ© mauvaise ; et, peu Ă peu, dominant le jardin, elle pĂ©nĂ©tra leur vie, qu'elles cachaient avec un soin jaloux, sur la rue. Il y avait toujours un cheval dans l'Ă©curie, une voiture sous la remise, que soignait un vieux domestique, Ă la fois valet de chambre, cocher et concierge ; de mĂÂȘme qu'il y avait une cuisiniĂšre, qui servait aussi de femme de chambre ; mais, si la voiture sortait de la grand-porte, correctement attelĂ©e, menant ces dames Ă leurs courses, si la table gardait un certain luxe, l'hiver, aux dĂners de quinzaine oĂÂč venaient quelques amis, par quels longs jeĂ»nes, par quelles sordides Ă©conomies de chaque heure Ă©tait achetĂ©e cette apparence menteuse de fortune ! Dans un petit hangar, Ă l'abri des yeux, c'Ă©taient de continuels lavages, pour rĂ©duire la note de la blanchisseuse, de pauvres nippes usĂ©es par le savon, rapiĂ©cĂ©es fil Ă fil ; c'Ă©taient quatre lĂ©gumes Ă©pluchĂ©s pour le repas du soir, du pain qu'on faisait rassir sur une planche, afin d'en manger moins ; c'Ă©taient toutes sortes de pratiques avaricieuses, infimes et touchantes, le vieux cocher recousant les bottines trouĂ©es de mademoiselle, la cuisiniĂšre noircissant a l'encre les bouts de gants trop dĂ©fraĂchis de madame ; et les robes de la mĂšre qui passaient Ă la fille aprĂšs d'ingĂ©nues transformations, et les chapeaux qui duraient des annĂ©es, grĂÂące Ă des Ă©changes de fleurs et de rubans. Lorsqu'on n'attendait personne, les salons de rĂ©ception, au rez-de-chaussĂ©e, Ă©taient fermĂ©s soigneusement, ainsi que les grandes chambres du premier Ă©tage ; car, de toute cette vaste habitation, les deux femmes n'occupaient plus qu'une Ă©troite piĂšce, dont elles avaient fait leur salle Ă manger et leur boudoir. Quand la fenĂÂȘtre s'entrouvrait, on pouvait apercevoir la comtesse raccommodant son linge, comme une petite bourgeoise besogneuse ; tandis que la jeune fille, entre son piano et sa boĂte d'aquarelle, tricotait des bas et des mitaines pour sa mĂšre. Un jour de gros orage, toutes deux furent vues descendant au jardin, ramassant le sable que la violence de la pluie emportait. Maintenant, Mme Caroline savait leur histoire. La comtesse de Beauvilliers avait beaucoup souffert de son mari, qui Ă©tait un dĂ©bauchĂ©, et dont elle ne s'Ă©tait jamais plainte. Un soir, on le lui avait rapportĂ©, Ă VendĂÂŽme, rĂÂąlant, avec un coup de feu au travers du corps. On avait parlĂ© d'un accident de chasse quelque balle envoyĂ©e par un garde jaloux, dont il devait avoir pris la femme ou la fille. Et le pis Ă©tait que s'anĂ©antissait avec lui cette fortune des Beauvilliers, autrefois colossale, assise sur des terres immenses, des domaines royaux, que la RĂ©volution avait dĂ©jĂ trouvĂ©e amoindrie, et que son pĂšre et lui venaient d'achever. De ces vastes biens fonciers, une seule ferme demeurait, les Aublets, Ă quelques lieues de VendĂÂŽme, rapportant environ quinze mille francs de rente, l'unique ressource de la veuve et de ses deux enfants. L'hĂÂŽtel de la rue de Grenelle Ă©tait depuis longtemps vendu, celui de la rue Saint-Lazare mangeait la grosse part des quinze mille francs de la ferme, Ă©crasĂ© d'hypothĂšques, menacĂ© d'ĂÂȘtre mis en vente Ă son tour, si l'on ne payait pas les intĂ©rĂÂȘts ; et il ne restait guĂšre que six ou sept mille francs pour l'entretien de quatre personnes, ce train d'une noble famille qui ne voulait pas abdiquer. Il y avait dĂ©jĂ huit ans, lorsqu'elle Ă©tait devenue veuve, avec un garçon de vingt ans et une fille de dix-sept, au milieu de l'Ă©croulement de sa maison, la comtesse s'Ă©tait raidie dans son orgueil nobiliaire, en se jurant qu'elle vivrait de pain plutĂÂŽt que de dĂ©choir. DĂšs lors, elle n'avait plus eu qu'une pensĂ©e, se tenir debout Ă son rang, marier sa fille Ă un homme d'Ă©gale noblesse, faire de son fils un soldat. Ferdinand lui avait causĂ© d'abord de mortelles inquiĂ©tudes, Ă la suite de quelques folies de jeunesse, des dettes qu'il fallut payer ; mais, averti de leur situation en un solennel entretien, il n'avait pas recommencĂ©, coeur tendre au fond, simplement oisif et nul, Ă©cartĂ© de tout emploi, sans place possible dans la sociĂ©tĂ© contemporaine. Maintenant, soldat du pape, il Ă©tait toujours pour elle une cause d'angoisse secrĂšte, car il manquait de santĂ©, dĂ©licat sous son apparence fiĂšre, de sang Ă©puisĂ© et pauvre, ce qui lui rendait le climat de Rome dangereux. Quant au mariage d'Alice, il tardait tellement, que la triste mĂšre en avait les yeux pleins de larmes, quand elle la regardait, vieillie dĂ©jĂ , se flĂ©trissant Ă attendre. Avec son air d'insignifiance mĂ©lancolique, elle n'Ă©tait point sotte, elle aspirait ardemment Ă la vie, Ă un homme qui l'aurait aimĂ©e, Ă du bonheur ; mais, ne voulant pas dĂ©soler davantage la maison, elle feignait d'avoir renoncĂ© Ă tout, plaisantant le mariage, disant qu'elle avait la vocation d'ĂÂȘtre vieille fille ; et, la nuit, elle sanglotait dans son oreiller, elle croyait mourir de la douleur d'ĂÂȘtre seule. La comtesse, par ses miracles d'avarice, Ă©tait pourtant arrivĂ©e Ă mettre de cĂÂŽtĂ© vingt mille francs, toute la dot d'Alice ; elle avait Ă©galement sauvĂ© du naufrage quelques bijoux, un bracelet, des bagues, des boucles d'oreilles, qu'on pouvait estimer Ă une dizaine de mille francs ; dot bien maigre, corbeille de noces dont elle n'osait mĂÂȘme parler, Ă peine de quoi faire face aux dĂ©penses immĂ©diates, si l'Ă©pouseur attendu se prĂ©sentait. Et, cependant, elle ne voulait pas dĂ©sespĂ©rer, luttant quand mĂÂȘme, n'abandonnant pas un des privilĂšges de sa naissance, toujours aussi haute et de fortune convenable, incapable de sortir Ă pied et de retrancher un entre-mets un soir de rĂ©ception, mais rognant sur sa vie cachĂ©e, se condamnant Ă des semaines de pommes de terre sans beurre, pour ajouter cinquante francs Ă la dot Ă©ternellement insuffisante de sa fille. C'Ă©tait un douloureux et puĂ©ril hĂ©roĂÂŻsme quotidien, tandis que, chaque jour, la maison croulait un peu plus sur leurs tĂÂȘtes. Cependant, jusque-lĂ , Mme Caroline n'avait point eu l'occasion de parler Ă la comtesse et Ă sa fille. Elle finissait par connaĂtre les dĂ©tails les plus intimes de leur vie, ceux qu'elles croyaient cacher au monde entier, et il n'y avait eu encore entre elles que des Ă©changes de regards, ces regards qui se tournent dans une brusque sensation de sympathie, derriĂšre soi. La princesse d'Orviedo devait les rapprocher. Elle avait eu l'idĂ©e de crĂ©er, pour son Oeuvre du Travail, une sorte de commission de surveillance, composĂ©e de dix dames, qui se rĂ©unissaient deux fois par mois, visitaient l'Oeuvre en dĂ©tail, contrĂÂŽlaient tous les services. Comme elle s'Ă©tait rĂ©servĂ© de choisir elle-mĂÂȘme ces dames, elle avait dĂ©signĂ©, parmi les premiĂšres, Mme de Beauvilliers, une de ses grandes amies d'autrefois, devenue simplement sa voisine, aujourd'hui qu'elle s'Ă©tait retirĂ©e du monde. Et il Ă©tait arrivĂ© que, la commission de surveillance ayant brusquement perdu son secrĂ©taire, Saccard, qui gardait la haute main sur l'administration de l'Ă©tablissement, venait d'avoir l'idĂ©e de recommander Mme Caroline, comme un secrĂ©taire modĂšle, qu'on ne trouverait nulle part en effet, la besogne Ă©tait assez pĂ©nible, il y avait beaucoup d'Ă©critures, mĂÂȘme des soins matĂ©riels qui rĂ©pugnaient un peu Ă ces dames ; et, dĂšs le dĂ©but, Mme Caroline s'Ă©tait rĂ©vĂ©lĂ©e une hospitaliĂšre admirable, que sa maternitĂ© inassouvie, son amour dĂ©sespĂ©rĂ© des enfants, enflammait d'une tendresse active pour tous ces pauvres ĂÂȘtres, qu'on tĂÂąchait de sauver du ruisseau parisien. Donc, Ă la derniĂšre sĂ©ance de la commission, elle s'Ă©tait rencontrĂ©e avec la comtesse de Beauvilliers ; mais celle-ci ne lui avait adressĂ© qu'un salut un peu froid, cachant sa secrĂšte gĂÂȘne, ayant sans doute la sensation qu'elle avait en elle un tĂ©moin de sa misĂšre. Toutes deux, maintenant, se saluaient, chaque fois que leurs yeux se rencontraient et qu'il y aurait eu une trop grosse impolitesse Ă feindre de ne pas se reconnaĂtre. Un jour, dans le grand cabinet, pendant qu'Hamelin rectifiait un plan d'aprĂšs de nouveaux calculs, et que Saccard, debout, suivait son travail, Mme Caroline, devant la fenĂÂȘtre, comme Ă son habitude, regardait la comtesse et sa fille faire leur tour de jardin. Ce matin- lĂ , elle leur voyait, aux pieds, des savates qu'une chiffonniĂšre n'aurait pas ramassĂ©es contre une borne. " Ah ! les pauvres femmes ! murmura-t-elle, que cela doit ĂÂȘtre terrible, cette comĂ©die du luxe qu'elles se croient forcĂ©es de jouer. " Et elle se reculait, se cachait derriĂšre le rideau de vitrage, de peur que la mĂšre ne l'aperçût et ne souffrit davantage d'ĂÂȘtre ainsi guettĂ©e. Elle-mĂÂȘme s'Ă©tait apaisĂ©e, depuis trois semaines qu'elle s'oubliait, chaque matin, Ă cette fenĂÂȘtre le grand chagrin de son abandon s'endormait, il semblait que la vue du dĂ©sastre des autres lui fit accepter plus courageusement le sien, cet Ă©croulement qu'elle avait cru ĂÂȘtre celui de toute sa vie. De nouveau, elle se surprenait Ă rire. Un instant encore, elle suivit les deux femmes dans le jardin vert de mousse, d'un air de profonde songerie. Puis, se retournant vers Saccard, vivement " Dites-moi donc pourquoi je ne peux pas ĂÂȘtre triste... Non, ça ne dure pas, ça n'a jamais durĂ©, je ne peux pas ĂÂȘtre triste, quoi qu'il m'arrive... Est-ce de l'Ă©goĂÂŻsme ? Vraiment, je ne crois pas. Ce serait trop vilain, et d'ailleurs j'ai beau ĂÂȘtre gaie, j'ai le coeur fendu tout de mĂÂȘme au spectacle de la moindre douleur. Arrangez cela, je suis gaie et je pleurerais sur tous les malheurs qui passent, si je ne me retenais, comprenant que le moindre morceau de pain ferait bien mieux leur affaire que mes larmes inutiles. " En disant cela, elle riait de son beau rire de bravoure, en vaillante qui prĂ©fĂ©rait l'action aux apitoiements bavards. " Dieu sait pourtant, continua-t-elle, si j'ai eu lieu de dĂ©sespĂ©rer de tout. Ah ! la chance ne m'a pas gĂÂątĂ©e jusqu'ici... AprĂšs mon mariage, dans l'enfer oĂÂč je suis tombĂ©e, injuriĂ©e, battue, j'ai bien cru qu'il ne me restait qu'Ă me jeter Ă l'eau. Je ne m'y suis pas jetĂ©e, j'Ă©tais vibrante d'allĂ©gresse, gonflĂ©e d'un espoir immense, quinze jours aprĂšs, quand je suis partie avec mon frĂšre pour l'Orient... Et, lors de notre retour Ă Paris, lorsque tout a failli nous manquer, j'ai eu des nuits abominables, oĂÂč je nous voyais mourant de faim sur nos beaux projets. Nous ne sommes pas morts, je me suis remise Ă rĂÂȘver des choses Ă©normes, des choses heureuses qui me faisaient rire parfois toute seule... Et, derniĂšrement, quand j'ai reçu ce coup affreux dont je n'ose parler encore, mon coeur a Ă©tĂ© comme dĂ©racinĂ© ; oui, je l'ai positivement senti qui ne battait plus ; je l'ai cru fini, je me suis crue finie, anĂ©antie moi-mĂÂȘme. Puis, pas du tout ! voici que l'existence me reprend, je ris aujourd'hui, demain, j'espĂ©rerai ! je voudrai vivre encore, vivre toujours... Est-ce extraordinaire, de ne pas pouvoir ĂÂȘtre triste longtemps ! " Saccard, qui riait lui aussi, haussa les Ă©paules. " Bah ! vous ĂÂȘtes comme tout le monde. C'est l'existence, ça. - Croyez-vous, s'Ă©cria-t-elle, Ă©tonnĂ©e. Il me semble, Ă moi, qu'il y a des gens si tristes, qui ne sont jamais gais, qui se rendent la vie impossible, tellement ils se la peignent en noir... Oh ! ce n'est pas que je m'abuse sur la douceur et la beautĂ© qu'elle offre. Elle a Ă©tĂ© trop dure, je l'ai trop vue de prĂšs, partout et librement. Elle est exĂ©crable, quand elle n'est pas ignoble. Mais, que voulez-vous ! je l'aime. Pourquoi ? je n'en sais rien. Autour de moi, tout a beau pĂ©ricliter, s'effondrer, je suis quand mĂÂȘme, dĂšs le lendemain, gaie et confiante sur les ruines... J'ai pensĂ© souvent que mon cas est, en petit, celui de l'humanitĂ©, qui vit, certes, dans une misĂšre affreuse, mais que ragaillardit la jeunesse de chaque gĂ©nĂ©ration. A la suite de chacune des crises qui m'abattent, c'est comme jeunesse nouvelle, un printemps dont les promesses de sĂšve me rĂ©chauffent et me relĂšvent le coeur. Cela est tellement vrai, que, aprĂšs une grosse peine, si je sors dans la rue, au soleil, tout de suite je me remets Ă aimer, Ă espĂ©rer, Ă ĂÂȘtre heureuse. Et l'ĂÂąge n'a pas de prise sur moi, j'ai la naĂÂŻvetĂ© de vieillir sans m'en apercevoir... Voyez-vous, j'ai beaucoup trop lu pour une femme, je ne sais plus du tout oĂÂč je vais, pas plus, d'ailleurs, que ce vaste monde ne le sait lui-mĂÂȘme. Seulement, c'est malgrĂ© moi, il me semble que je vais, que nous allons tous Ă quelque chose de trĂšs bien et de parfaitement gai. " Elle finissait par tourner Ă la plaisanterie, Ă©mue pourtant, voulant cacher l'attendrissement de son espoir ; tandis que son frĂšre, qui avait levĂ© la tĂÂȘte, la regardait avec une adoration pleine de gratitude. " Oh ! toi, dĂ©clara-t-il, tu es faite pour les catastrophes, tu es l'amour de la vie ! " Dans ces quotidiennes causeries du matin, une fiĂšvre s'Ă©tait peu Ă peu dĂ©clarĂ©e, et si Mme Caroline retournait Ă cette joie naturelle, inhĂ©rente Ă sa santĂ© mĂÂȘme, cela provenait du courage que leur apportait Saccard, avec sa flamme active des grandes affaires. C'Ă©tait chose presque dĂ©cidĂ©e, on allait exploiter le fameux portefeuille. Sous les Ă©clats de sa voix aiguĂ, tout s'animait, s'exagĂ©rait. D'abord, on mettait la main sur la MĂ©diterranĂ©e, on la conquĂ©rait, par la Compagnie gĂ©nĂ©rale des Paquebots rĂ©unis ; et il Ă©numĂ©rait les ports de tous les pays du littoral oĂÂč l'on crĂ©erait des stations, et il mĂÂȘlait des souvenirs classiques effacĂ©s Ă son enthousiasme d'agioteur, cĂ©lĂ©brant cette mer, la seule que le monde ancien eĂ»t connue, cette mer bleue autour de laquelle la civilisation a fleuri, dont les flots ont baignĂ© les antiques villes, AthĂšnes, Rome, Tyr, Alexandrie, Carthage, Marseille, toutes celles qui ont fait l'Europe. Puis, lorsqu'on s'Ă©tait assurĂ© ce vaste chemin de l'Orient, on dĂ©butait lĂ -bas, en Syrie, par la petite affaire de la SociĂ©tĂ© des mines d'argent du Carmel, rien que quelques millions Ă gagner en passant, mais un excellent lançage, car cette idĂ©e d'une mine d'argent, de l'argent trouvĂ© dans la terre, ramassĂ© Ă la pelle, Ă©tait toujours passionnante pour le public, surtout quand on pouvait y accrocher l'enseigne d'un nom prodigieux et retentissant comme celui du Carmel. Il y avait aussi lĂ -bas des mines de charbon, du charbon Ă fleur de roche, qui vaudrait de l'or, lorsque le pays se couvrirait d'usines ; sans compter les autres menues entreprises qui serviraient d'entractes, des crĂ©ations de banques, des syndicats pour les industries florissantes, une exploitation des vastes forĂÂȘts du Liban, dont les arbres gĂ©ants pourrissent sur place, faute de routes. Enfin, il arrivait au gros morceau, Ă la Compagnie des chemins de fer d'Orient, et lĂ , il dĂ©lirait, car ce rĂ©seau de lignes ferrĂ©es, jetĂ© d'un bout Ă l'autre sur l'Asie Mineure, comme un filet, c'Ă©tait pour lui la spĂ©culation, la vie de l'argent, prenant d'un coup ce vieux monde, ainsi qu'une proie nouvelle, encore intacte, d'une richesse incalculable, cachĂ©e sous l'ignorance et la crasse des siĂšcles. Il en flairait le trĂ©sor, il hennissait comme un cheval de guerre, Ă l'odeur de la bataille. Mme Caroline, d'un bon sens si solide, trĂšs rĂ©fractaire d'habitude aux imaginations trop chaudes, se laissait pourtant aller Ă cet enthousiasme, n'en voyait plus nettement l'outrance. A la vĂ©ritĂ©, cela caressait en elle sa tendresse pour l'Orient, son regret de cet admirable pays, oĂÂč elle s'Ă©tait crue heureuse ; et, sans calcul, par un contre-effet logique, c'Ă©tait elle, ses descriptions colorĂ©es, ses renseignements dĂ©bordants, qui fouettaient de plus en plus la fiĂšvre de Saccard. Quand elle parlait de Beyrouth, elle avait habitĂ© trois ans, elle ne tarissait pas Beyrouth, au pied du Liban, sur sa langue de terre, entre des grĂšves de sable rouge et des Ă©croulements de rochers, Beyrouth avec ses maisons en amphithĂ©ĂÂątre, au milieu de vastes jardins, un paradis dĂ©licieux plantĂ© d'orangers, de citronniers et de palmiers. Puis, c'Ă©taient toutes les villes de la cĂÂŽte, au nord Antioche, dĂ©chue de sa splendeur, au sud Saida, l'ancienne Sidon, Saint-Jean-d'Acre, Jaffa et Tyr, la Sour actuelle, qui les rĂ©sume toutes, Tyr dont les marchands Ă©taient des rois, dont les marins avaient fait le tour de l'Afrique, et qui, aujourd'hui, avec son port comblĂ© par les sables, n'est plus qu'un champ de ruines, une poussiĂšre de palais, oĂÂč ne se dressent, misĂ©rables et Ă©parses, que quelques cabanes de pĂ©cheurs. Elle avait accompagnĂ© son frĂšre partout, elle connaissait Alep, Angora, Brousse, Smyrne, jusqu'Ă TrĂ©zibonde ; elle avait vĂ©cu un mois Ă JĂ©rusalem, endormie dans le trafic des lieux saints, puis deux autres mois Ă Damas, la reine de l'Orient, au centre de sa vaste plaine, la ville commerçante et industrielle, dont les caravanes de La Mecque et de Bagdad font un centre grouillant de foule. Elle connaissait aussi les vallĂ©es et les montagnes, les villages des Maronites et des Druses perchĂ©s sur les plateaux, perdus au fond des gorges, les champs cultivĂ©s et les champs stĂ©riles. Et, des moindres coins, des dĂ©serts muets comme des grandes villes, elle avait rapportĂ© la mĂÂȘme admiration pour l'inĂ©puisable, la luxuriante nature, la mĂÂȘme colĂšre contre les hommes stupides et mauvais. Que de richesses naturelles dĂ©daignĂ©es ou gĂÂąchĂ©es ! Elle disait les charges qui Ă©crasent le commerce et l'industrie, cette loi imbĂ©cile qui empĂÂȘche de consacrer les capitaux Ă l'agriculture, au- delĂ d'un certain chiffre, et la routine qui laisse aux mains du paysan la charrue dont on se sert avant JĂ©sus-Christ, et l'ignorance oĂÂč croupissent encore de nos jours ces millions d'hommes, pareils Ă des enfants idiots, arrĂÂȘtĂ©s dans leur croissance. Autrefois, la cĂÂŽte se trouvait trop petite, les villes se touchaient ; maintenant, la vie s'en est allĂ©e vers l'Occident, il semble qu'on traverse un immense cimetiĂšre abandonnĂ©. Pas d'Ă©coles, pas de routes, le pire des gouvernements, la justice vendue, un personnel administratif exĂ©crable, des impĂÂŽts trop lourds, des lois absurdes, la paresse, le fanatisme ; sans compter les continuelles secousses des guerres viles, des massacres qui emportent des villages entiers. Alors, elle se fĂÂąchait, elle demandait s'il Ă©tait permis de gĂÂąter ainsi l'oeuvre de la nature, une terre bĂ©nie, d'un charme exquis, oĂÂč tous les climats se retrouvaient, les plaines ardentes, les flancs tempĂ©rĂ©s des montagnes, les neiges Ă©ternelles des hauts sommets. Et son amour de la vie, sa vivace espĂ©rance la faisaient se passionner, Ă l'idĂ©e du coup de baguette tout-puissant dont la science et la spĂ©culation pouvaient frapper cette vieille terre endormie, pour la rĂ©veiller. " Tenez ! criait Saccard, cette gorge du Carmel, que vous avez dessinĂ©e lĂ , oĂÂč il n'y a que des pierres et des lentisques, eh bien, dĂšs que la mine d'argent sera en exploitation, il y poussera d'abord un village, puis une ville... Et tous ces ports encombrĂ©s de sable, nous les nettoierons, nous les protĂ©gerons de fortes jetĂ©es. Des navires de haut bord stationneront oĂÂč des barques n'osent s'amarrer aujourd'hui... Et, dans ces plaines dĂ©peuplĂ©es, ces cols dĂ©serts, que nos lignes ferrĂ©es traverseront, vous verrez toute une rĂ©surrection, oui ! les champs se dĂ©fricher, des routes et des canaux s'Ă©tablir, des citĂ©s nouvelles sortir du sol, la vie enfin revenir comme elle revient Ă un corps malade, lorsque, dans les veines appauvries, on active la circulation d'un sang nouveau... Oui ! l'argent fera des prodiges. " Et, devant l'Ă©vocation de cette voix perçante, Mme Caroline voyait rĂ©ellement se lever la civilisation prĂ©dite. Ces Ă©pures sĂšches, ces tracĂ©s linĂ©aires s'animaient, se peuplaient c'Ă©tait le rĂÂȘve qu'elle avait fait parfois d'un Orient dĂ©barbouillĂ© de sa crasse, tirĂ© de son ignorance, jouissant du sol fertile, du ciel charmant, avec tous les raffinement de la science. DĂ©jĂ , elle avait assistĂ© au miracle, ce Port- SaĂÂŻd qui, en si peu d'annĂ©es, venait de pousser sur une plage nue, d'abord des cabanes pour abriter les quelques ouvriers de la premiĂšre heure, puis la citĂ© de deux mille ĂÂąmes, la citĂ© de dix mille ĂÂąmes, des maisons, des magasins immenses, une jetĂ©e gigantesque, de la vie et du bien-ĂÂȘtre créés avec entĂÂȘtement par les fourmis humaines. Et c'Ă©tait bien cela qu'elle voyait se dresser de nouveau, la marche en avant, irrĂ©sistible, la poussĂ©e sociale qui se rue au plus de bonheur possible, le besoin d'agir, d'aller devant soi, sans savoir au juste oĂÂč l'on va, mais d'aller plus Ă l'aise, dans des conditions meilleures ; et le globe bouleversĂ© par la fourmiliĂšre qui refait sa maison, et le continuel travail, de nouvelles jouissances conquises, le pouvoir de l'homme dĂ©cuplĂ©, la terre lui appartenant chaque jour davantage. L'argent, aidant la science, faisait le progrĂšs. Hamelin, qui Ă©coutait en souriant, avait eu alors un mot sage. " Tout cela, c'est la poĂ©sie des rĂ©sultats, et nous n'en sommes mĂÂȘme pas Ă la prose de la mise en oeuvre. " Mais Saccard ne s'Ă©chauffait que par l'outrance de ses conceptions, et ce fut pis le jour oĂÂč, s'Ă©tant mis Ă lire des livres sur l'Orient, il ouvrit une histoire de l'expĂ©dition d'Egypte. DĂ©jĂ , le souvenir des Croisades le hantait, ce retour de l'Occident vers l'Orient, son berceau, ce grand mouvement qui avait ramenĂ© l'extrĂÂȘme Europe aux pays d'origine, en pleine floraison encore, et oĂÂč il y avait tant Ă apprendre. Seulement, la haute figure de NapolĂ©on le frappa davantage, allant guerroyer lĂ -bas, dans un but grandiose et mystĂ©rieux. S'il parlait de conquĂ©rir l'Egypte, d'y installer un Ă©tablissement français, de donner ainsi Ă la France le commerce du Levant, il ne disait certainement pas tout ; et Saccard voulait voir, dans le cĂÂŽtĂ© de l'expĂ©dition qui est restĂ© vague et Ă©nigmatique, il ne savait au juste quel projet de colossale ambition, un immense empire reconstruit, NapolĂ©on couronnĂ© Ă Constantinople, empereur d'Orient et des Indes, rĂ©alisant le rĂÂȘve d'Alexandre, plus grand que CĂ©sar et Charlemagne. Ne disait-il pas, Ă Sainte-HĂ©lĂšne, en parlant de Sidney, le gĂ©nĂ©ral anglais qui l'avait arrĂÂȘtĂ© devant Saint-Jean-d'Acre " Cet homme m'a fait manquer ma fortune ? " Et ce que les Croisades avaient tentĂ©, ce que NapolĂ©on n'avait pu accomplir, c'Ă©tait cette pensĂ©e gigantesque de la conquĂÂȘte de l'Orient qui enflammait Saccard, mais une conquĂÂȘte raisonnĂ©e, rĂ©alisĂ©e par la double force de la science et de l'argent. Puisque la civilisation Ă©tait allĂ©e de l'est en l'ouest, pourquoi donc ne reviendrait-elle pas vers l'est, retournant au premier jardin de l'humanitĂ©, Ă cet Eden de la presqu'Ăle hindoustanique, qui dormait dans la fatigue des siĂšcles ? Ce serait une nouvelle jeunesse, il galvanisait le paradis terrestre, le refaisait habitable par la vapeur et l'Ă©lectricitĂ©, replaçait l'Asie Mineure comme centre du vieux monde, comme point de croisement des grands chemins naturels qui relient les continents. Ce n'Ă©taient plus des millions Ă gagner, mais des milliards et des milliards. DĂšs lors, chaque matin, Hamelin et lui eurent de longues confĂ©rences. Si l'espoir Ă©tait vaste, les difficultĂ©s se prĂ©sentaient, nombreuses, Ă©normes. L'ingĂ©nieur, qui justement Ă©tait Ă Beyrouth, en 1862, pendant l'horrible boucherie que les Druses firent des chrĂ©tiens maronites, et qui nĂ©cessita l'intervention de la France, ne cachait pas les obstacles qu'on rencontrerait parmi ces populations en continuelle bataille, livrĂ©es au bon plaisir des autoritĂ©s locales. Seulement, il avait, Ă Constantinople, de puissantes relations, il s'Ă©tait assurĂ© l'appui du grand vizir, Fuad-Pacha, homme de rĂ©el mĂ©rite, partisan dĂ©clarĂ© des rĂ©formes ; et il se flattait d'obtenir de lui toutes les concessions nĂ©cessaires. D'autre part, bien qu'il prophĂ©tisĂÂąt la banqueroute fatale de l'empire Ottoman, il voyait plutĂÂŽt une circonstance favorable dans ce besoin effrĂ©nĂ© d'argent, ces emprunts qui se suivaient d'annĂ©e en annĂ©e un gouvernement besogneux, s'il n'offre pas de garantie personnelle, est tout prĂÂȘt Ă s'entendre avec les entreprises particuliĂšres, dĂšs qu'il y trouve le moindre bĂ©nĂ©fice. Et n'Ă©tait-ce pas une maniĂšre pratique de trancher l'Ă©ternelle et encombrante question d'Orient, en intĂ©ressant l'empire Ă de grands travaux civilisateurs, en l'amenant au progrĂšs, pour qu'il ne fĂ»t plus cette monstrueuse borne, plantĂ©e entre l'Europe et l'Asie ? Quel beau rĂÂŽle patriotique joueraient lĂ des compagnies françaises ! Puis, un matin, tranquillement, Hamelin aborda le programme secret auquel il faisait parfois allusion, ce qu'il appelait, en souriant, le couronnement de l'Ă©difice. " Alors, quand nous serons les maĂtres, nous referons le royaume de Palestine, et nous y mettrons le pape... D'abord, on pourra se contenter de JĂ©rusalem, avec Jaffa comme port de mer. Puis, la Syrie sera dĂ©clarĂ©e indĂ©pendante, et on la joindra... Vous savez que les temps sont proches oĂÂč la papautĂ© ne pourra rester dans Rome, sous les rĂ©voltantes humiliations qu'on lui prĂ©pare. C'est pour ce jour-lĂ qu'il nous faudra ĂÂȘtre prĂÂȘts. " Saccard, bĂ©ant, l'Ă©coutait dire ces choses d'une voix simple, avec sa foi profonde de catholique. Lui-mĂÂȘme ne reculait pas devant les imaginations extravagantes, mai jamais il ne serait allĂ© jusqu'Ă celle- ci. Cet homme de science, d'apparence si froide, le stupĂ©fiait. Il cria " C'est fou ! La Porte ne donnera pas JĂ©rusalem. - Oh ! pourquoi ? reprit paisiblement Hamelin. Elle a tant besoin d'argent ! JĂ©rusalem l'ennuie, ce sera un bon dĂ©barras. Souvent, elle ne sait quel parti prendre, entre les diverses communions qui se disputent la possession des sanctuaires... D'ailleurs, le pape aurait en Syrie un vĂ©ritable appui parmi les Maronites, car vous n'ignorez pas qu'il a installĂ©, Ă Rome, un collĂšge pour leurs prĂÂȘtres... Enfin, j'ai bien rĂ©flĂ©chi, j'ai tout prĂ©vu, et ce sera l'Ăšre nouvelle, l'Ăšre triomphale du catholicisme. Peut-ĂÂȘtre dira-t-on que c'est aller trop loin, que le pape se trouvera comme sĂ©parĂ©, dĂ©sintĂ©ressĂ© des affaires de l'Europe. Mais de quel Ă©clat, de quelle autoritĂ© ne rayonnera-t-il pas, lorsqu'il trĂÂŽnera aux lieux saints, parlant au nom du Christ, de la terre sacrĂ©e oĂÂč le Christ a parlĂ© ! C'est lĂ qu'est son patrimoine, c'est lĂ que doit ĂÂȘtre son royaume. Et, soyez tranquille, nous le ferons puissant et solide, ce royaume, nous le mettrons Ă l'abri des perturbations politiques, en basant son budget, avec la garantie des ressources du pays, sur une vaste banque dont les catholiques du monde entier se disputeront les actions. " Saccard, qui s'Ă©tait mis a sourire, dĂ©jĂ sĂ©duit par l'Ă©normitĂ© du projet, sans ĂÂȘtre convaincu, ne put s'empĂÂȘcher de baptiser cette banque, dans un cri joyeux de trouvaille. " Le trĂ©sor du Saint-SĂ©pulcre, hein ? superbe ! l'affaire est lĂ ! " Mais il rencontra le regard raisonnable de Mme Caroline, qui souriait elle aussi, sceptique, un peu fĂÂąchĂ©e mĂÂȘme ; et il eut honte de son enthousiasme. " N'importe, mon cher Hamelin, nous ferons bien de tenir secret ce couronnement de l'Ă©difice, comme vous dites. On se moquerait de nous. Et puis, notre programme est dĂ©jĂ terriblement chargĂ©, il est bon d'en rĂ©server les consĂ©quences extrĂÂȘmes, la fin glorieuse, aux seuls initiĂ©s. - Sans doute, telle a toujours Ă©tĂ© mon intention, dĂ©clara l'ingĂ©nieur. Ceci sera le mystĂšre. " Et ce fut sur ce mot, ce jour-lĂ , que l'exploitation du portefeuille, la mise en oeuvre de toute l'Ă©norme sĂ©rie des projets fut dĂ©finitivement rĂ©solue. On commencerait par crĂ©er une modeste maison de crĂ©dit pour lancer les premiĂšres affaires ; puis, le succĂšs aidant, peu Ă peu on se rendrait maĂtre du marchĂ©, on conquerrait le monde. Le lendemain, comme Saccard Ă©tait montĂ© chez la princesse d'Orviedo, pour prendre un ordre au sujet de l'Oeuvre du Travail, le souvenir lui revint du rĂÂȘve qu'il avait caressĂ© un moment, d'ĂÂȘtre le prince Ă©poux de cette reine de l'aumĂÂŽne, simple dispensateur et administrateur de la fortune des pauvres. Et il sourit, car il trouvait cela un peu niais, Ă cette heure. Il Ă©tait bĂÂąti pour faire de la vie et non pour panser les blessures que la vie a faites. Enfin, il allait se retrouver sur son chantier, en plein dans la bataille des intĂ©rĂÂȘts, dans cette course au bonheur qui a Ă©tĂ© la marche mĂÂȘme de l'humanitĂ©, de siĂšcle en siĂšcle, vers plus de joie et plus de lumiĂšre. Ce mĂÂȘme jour, il trouva Mme Caroline seule, dans le cabinet aux Ă©pures. Elle Ă©tait debout devant une des fenĂÂȘtres, retenue lĂ par une apparition de la comtesse de Beauvilliers et de sa fille, dans le jardin voisin, Ă une heure inaccoutumĂ©e. Les deux femmes lisaient une lettre, d'un air de grande tristesse sans doute une lettre du fils, de Ferdinand, dont la situation ne devait pas ĂÂȘtre brillante, Ă Rome. " Regardez, dit Mme Caroline, en reconnaissant Saccard. Encore quelque chagrin pour ces malheureuses. Les pauvresses, dans la rue, me font moins de peine. - Bah ! s'Ă©cria-t-il gaiement, vous les prierez de venir me voir. Nous les enrichirons, elles aussi, puisque nous allons faire la fortune de tout le monde. " Et, dans sa fiĂšvre heureuse, il chercha ses lĂšvres, pou les baiser. Mais, d'un mouvement brusque, elle avait retirĂ© la tĂÂȘte, devenue grave et pĂÂąlie d'un involontaire malaise. " Non, je vous en prie. " C'Ă©tait la premiĂšre fois qu'il tentait de la reprendre, depuis qu'elle s'Ă©tait abandonnĂ©e Ă lui, dans une minute de complĂšte inconscience. Les affaires sĂ©rieuses arrangĂ©es, il pensait Ă sa bonne fortune, voulant aussi, de ce cĂÂŽtĂ©, rĂ©gler la situation. Ce vif mouvement de recul l'Ă©tonna. " Bien vrai, cela vous ferait de la peine ? - Oui, beaucoup de peine. " Elle se calmait, elle souriait Ă son tour. " D'ailleurs, avouez que vous-mĂÂȘme n'y tenez guĂšre. - Oh ! moi, je vous adore. - Non, ne dites pas ça, vous allez ĂÂȘtre si occupĂ© ! Et puis, je vous assure que je suis prĂÂȘte Ă avoir de la vraie amitiĂ© pour vous, si vous ĂÂȘtes l'homme actif que je crois, et si vous faites toutes les grandes choses que vous dites... Voyons, c'est bien meilleur, l'amitiĂ© ! " Il l'Ă©coutait, souriant toujours, gĂÂȘnĂ© et combattu pourtant. Elle le refusait, c'Ă©tait ridicule de ne l'avoir eue qu'une fois, par surprise. Mais sa vanitĂ© seule en souffrait. " Alors ? amis seulement ? - Oui, je serai votre camarade, je vous aiderai... Amis, grands amis ! " Elle tendit ses joues, et, conquis, trouvant qu'elle avait raison, il y posa deux gros baisers. III - La lettre du banquier russe de Constantinople, que Sigismond avait traduite, Ă©tait une rĂ©ponse favorable, attendue pour mettre Ă Paris l'affaire en branle ; et, dĂšs le sur-lendemain, Saccard, Ă son rĂ©veil, eut l'inspiration qu'il fallait agir ce jour-lĂ mĂÂȘme, qu'il devait avoir, d'un, coup, avant la nuit, formĂ© le syndicat dont il voulait ĂÂȘtre sĂ»r, pour placer Ă l'avance les cinquante mille actions de cinq cents francs de sa sociĂ©tĂ© anonyme, lancĂ©e au capital de vingt-cinq millions. En sautant du lit, il venait de trouver enfin le titre de cette sociĂ©tĂ©, l'enseigne qu'il cherchait depuis longtemps. Les mots la Banque universelle, avaient brusquement flambĂ© devant lui, comme en caractĂšres de feu, dans la chambre encore noire. " La Banque universelle, ne cessa-t-il de rĂ©pĂ©ter, tout en s'habillant, la Banque universelle, c'est simple, c'est grand, ça englobe tout, ça couvre le monde... Oui, oui, excellent ! la Banque universelle ! " Jusqu'Ă neuf heures et demie, il marcha Ă travers les vastes piĂšces, absorbĂ©, ne sachant par oĂÂč il commencerait sa chasse aux millions, dans Paris. Vingt-cinq millions, cela se trouve encore au tournant d'une rue ; mĂÂȘme, c'Ă©tait l'embarras du choix qui le faisait rĂ©flĂ©chir, car il y voulait mettre quelque mĂ©thode. Il but une tasse de lait, il ne se fĂÂącha pas, lorsque le cocher monta lui expliquer que le cheval n'Ă©tait pas bien, Ă la suite d'un refroidissement sans doute, et qu'il serait plus sage de faire venir le vĂ©tĂ©rinaire. " C'est bon, faites... Je prendrai un fiacre. " Mais, sur le trottoir, il fut surpris par le vent aigre qui soufflait un brusque retour de l'hiver, dans ce mai si doux la veille encore. Il ne pleuvait pourtant pas, de gros nuages montaient Ă l'horizon. Et il ne prit pas de fiacre, pour se rĂ©chauffer en marchant ; il se dit qu'il descendrait d'abord Ă pied chez Mazaud, l'agent de change, rue de la Banque ; car l'idĂ©e lui Ă©tait venue de le sonder sur Daigremont, le spĂ©culateur bien connu, l'homme heureux de tous les syndicats, seulement, rue Vivienne, du ciel envahi de nuĂ©es livides, une telle giboulĂ©e creva, mĂÂȘlĂ©e de grĂÂȘle, qu'il se rĂ©fugia sous une porte cochĂšre. Depuis une minute, Saccard Ă©tait lĂ , Ă regarder tomber l'averse, lorsque, dominant le roulement de l'eau, une claire sonnerie de piĂšces d'or lui fit dresser l'oreille. Cela semblait sortir des entrailles de la terre, continu, lĂ©ger et musical, comme dans un conte des Mille et une Nuits . Il tourna la tĂÂȘte, se reconnut, vit qu'il se trouvait sous la porte de la maison Kolb, un banquier qui s'occupait surtout d'arbitrages sur l'or, achetant le numĂ©raire dans les Etats oĂÂč il Ă©tait Ă bas cours, puis le fondant, pour vendre les lingots ailleurs, dans les pays oĂÂč l'or Ă©tait en hausse ; et, du matin au soir, les jours de fonte, montait du sous-sol ce bruit cristallin des piĂšces d'or, remuĂ©es Ă la pelle, prises dans des caisses, jetĂ©es dans le creuset. Les passants du trottoir en ont les oreilles qui tintent, d'un bout de l'annĂ©e Ă l'autre. Maintenant, Saccard souriait complaisamment Ă cette musique, qui Ă©tait comme la voix souterraine de ce quartier de la Bourse, il y vit un heureux prĂ©sage. La pluie ne tombait plus, il traversa la place, se trouva tout de suite chez Mazaud. Par une exception, le jeune agent de change avait son domicile personnel, au premier Ă©tage, dans la maison mĂÂȘme oĂÂč les bureaux de sa charge Ă©taient installĂ©s, occupant tout le second. Il avait simplement repris l'appartement de son oncle, lorsque, Ă la mort de celui-ci, il s'Ă©tait entendu avec ses cohĂ©ritiers pour racheter la charge. Dix heures sonnaient, et Saccard monta directement aux bureaux, Ă la porte desquels il se rencontra avec Gustave SĂ©dille. " Est-ce que M. Mazaud est lĂ ? - Je ne sais pas, monsieur, j'arrive. " Le jeune homme souriait, toujours en retard, prenant Ă l'aise son emploi de simple amateur, qu'on ne payait pas, rĂ©signĂ© Ă passer lĂ un an ou deux pour faire plaisir Ă son pĂšre, le fabricant de soie de la rue des JeĂ»neurs. Saccard traversa la caisse, saluĂ© par le caissier d'argent et par le caissier des titres ; puis, il entra dans le cabinet des deux fondĂ©s de pouvoirs, oĂÂč il ne trouva que Berthier, celui des deux qui Ă©tait chargĂ© des relations avec les clients et qui accompagnait le patron Ă la Bourse. " Est-ce que M. Mazaud est lĂ ? - Mais je le pense, je sors de son cabinet... Tiens non, il n'y est plus... C'est qu'il est dans le bureau du comptant. " Il avait poussĂ© une porte voisine, il faisait du regard le tour d'une assez vaste piĂšce, oĂÂč cinq employĂ©s travaillaient, sous les ordres du premier commis. " Non, c'est particulier !... Voyez donc vous-mĂÂȘme Ă la liquidation, lĂ , Ă cĂÂŽtĂ©. " Saccard entra dans le bureau de la liquidation. C'Ă©tait lĂ que le liquidateur, le pivot de la charge, aidĂ© de sept employĂ©s, dĂ©pouillait le carnet que lui remettait l'agent chaque jour, aprĂšs la Bourse, puis appliquait aux clients les affaires faites selon les ordres reçus, en s'aidant de fiches, conservĂ©es pour savoir les noms ; car le carnet ne porte pas les noms, ne contient que l'indication brĂšve de l'achat ou de la vente telle valeur, telle quantitĂ©, tel cours, de tel agent. " Est-ce que vous avez vu M. Mazaud ? " demanda Saccard. Mais on ne lui rĂ©pondit mĂÂȘme pas. Le liquidateur Ă©tant sorti, trois employĂ©s lisaient leur journal, deux autres regardaient en l'air ; tandis que l'entrĂ©e de Gustave SĂ©dille venait d'intĂ©resser vivement le petit Flory, qui, le matin, faisait des Ă©critures, Ă©changeait des engagements, et qui, l'aprĂšs-midi, Ă la Bourse, Ă©tait chargĂ© des tĂ©lĂ©grammes. NĂ© Ă Saintes, d'un pĂšre employĂ© Ă l'enregistrement, d'abord commis Ă Bordeaux chez un banquier, tombĂ© ensuite Ă Paris chez Mazaud, vers la fin du dernier automne, il n'y avait d'autre avenir que d'y doubler peut-ĂÂȘtre ses appointements, en dix annĂ©es. Jusque-lĂ , il s'y Ă©tait bien conduit, rĂ©gulier, consciencieux. Seulement depuis un mois que Gustave Ă©tait entrĂ© Ă la charge, il se dĂ©rangeait, entraĂnĂ© par son nouveau camarade, trĂšs Ă©lĂ©gant, trĂšs lancĂ©, pourvu d'argent, et qui lui avait fait connaĂtre des femmes. Flory, le visage mangĂ© de barbe, avait lĂ -dessous un nez Ă passions, une bouche aimable, des yeux tendres ; et il en Ă©tait aux petites parties fines, pas chĂšres, avec Mlle Chuchu, une figurante des VariĂ©tĂ©s, une maigre sauterelle du pavĂ© parisien, la fille ensauvĂ©e d'une concierge de Montmartre, amusante avec sa figure de papier mĂÂąchĂ©, oĂÂč luisaient de grands yeux bruns admirables. Gustave, avant mĂÂȘme d'ĂÂŽter son chapeau, lui contait sa soirĂ©e. " Oui, mon cher, j'ai bien cru que Germaine me flanquerait dehors, parce que Jacoby est venu. Mais c'est lui qu'elle a trouvĂ© le moyen de mettre Ă la porte, ah ! je ne sais comment, par exemple ! Et je suis restĂ©. " Tous deux s'Ă©touffĂšrent de rire. Il s'agissait de Germaine Coeur, une superbe fille de vingt-cinq ans, un peu indolente et molle, dans l'opulence de sa gorge, qu'un collĂšgue de Mazaud, le juif Jacoby, entretenait au mois. Elle avait toujours Ă©tĂ© avec des boursiers, et toujours au mois, ce qui est commode pour des hommes trĂšs occupĂ©s, la tĂÂȘte embarrassĂ©e de chiffres, payant l'amour comme le reste, sans trouver le temps d'une vraie passion. Elle Ă©tait agitĂ©e d'un souci unique, dans son petit appartement de la rue de la MichodiĂšre, celui d'Ă©viter les rencontres entre les messieurs qui pouvaient se connaĂtre. " Dites donc, questionna Flory, je croyais que vous vous rĂ©serviez pour la jolie papetiĂšre ? " Mais cette allusion Ă Mme Conin rendit Gustave sĂ©rieux. Celle-ci, on la respectait c'Ă©tait une femme honnĂÂȘte ; et, quand elle voulait bien, il n'y avait pas d'exemple qu'un homme se fĂ»t montrĂ© bavard, tellement on restait bons amis. Aussi, ne voulant pas rĂ©pondre, Gustave posa-t-il Ă son tour une question. " Et Chuchu, vous l'avez menĂ©e Ă Mabille ? - Ma foi, non ! c'est trop cher. Nous sommes rentrĂ©s, nous avons fait du thĂ©. " DerriĂšre les jeunes gens, Saccard avait entendu ces noms de femme, qu'ils chuchotaient d'une voix rapide. Il eut un sourire. Il s'adressa Ă Flory. " Est-ce que vous n'avez pas vu M. Mazaud ? - Si, monsieur, il est venu me donner un ordre, et il est redescendu Ă son appartement... Je crois que son petit garçon est malade, on l'a averti que le docteur Ă©tait lĂ ... Vous devriez sonner chez lui, car il peut trĂšs bien sortir, sans remonter. " Saccard remercia, se hĂÂąta de descendre un Ă©tage. Mazaud Ă©tait un des plus jeunes agents de change, comblĂ© par le sort, ayant eu cette chance de la mort de son oncle, qui l'avait rendu titulaire d'une des plus fortes charges de Paris, Ă un ĂÂąge oĂÂč l'on apprend encore les affaires. Dans sa petite taille, il Ă©tait de figure agrĂ©able, avec de minces moustaches brunes, des yeux noirs perçants ; et il montrait une grande activitĂ©, l'intelligence trĂšs alerte, elle aussi. On le citait dĂ©jĂ , Ă la corbeille, pour cette vivacitĂ© d'esprit et de corps, si nĂ©cessaire dans le mĂ©tier, et qui, jointe Ă beaucoup de flair, Ă une intuition remarquable, allait le mettre au premier rang ; sans compter qu'il avait une voix aiguĂ, des renseignements de Bourses Ă©trangĂšres de premiĂšre main, des relations chez tous les grands banquiers, enfin un arriĂšre- cousin, disait-on, Ă l'agence Havas. Sa femme, Ă©pousĂ©e par amour, lui avait apportĂ© douze cent mille francs de dot, une jeune femme charmante dont il avait dĂ©jĂ deux enfants, une fillette de trois ans et un petit garçon de dix-huit mois. Justement, Mazaud reconduisait jusqu'au palier le docteur, qui le rassurait, en riant. " Entrez donc, dit-il Ă Saccard. C'est vrai, avec ces petits ĂÂȘtres, on s'inquiĂšte tout de suite, on les croit perdus pour le moindre bobo. " Et il l'introduisit ainsi dans le salon, oĂÂč sa femme se trouvait encore, tenant le bĂ©bĂ© sur ses genoux, tandis que la petite fille, heureuse de voir sa mĂšre gaie, se haussait pour l'embrasser. Tous les trois Ă©taient blonds, d'une fraĂcheur de lait, la jeune mĂšre d'air aussi dĂ©licat et ingĂ©nu que les enfants. Il lui mit un baiser sur les cheveux. " Tu vois bien que nous Ă©tions fous. - Ah ! ça ne fait rien, mon ami, je suis si contente qu'il nous ait rassurĂ©s ! " Devant ce grand bonheur, Saccard s'Ă©tait arrĂÂȘtĂ©, en saluant. La piĂšce, luxueusement meublĂ©e, sentait bon la vie heureuse de ce mĂ©nage, que rien encore n'avait dĂ©suni ; Ă peine, depuis quatre ans qu'il Ă©tait mariĂ©, donnait-on Ă Mazaud une courte curiositĂ© pour une chanteuse de l'opĂ©ra-Comique. Il restait un mari fidĂšle, de mĂÂȘme qu'il avait la rĂ©putation de ne pas encore trop jouer pour son compte, malgrĂ© la fougue de sa jeunesse. Et cette bonne odeur de chance, de fĂ©licitĂ© sans nuage, se respirait rĂ©ellement dans la paix discrĂšte des tapis et des tentures, dans le parfum dont un gros bouquet de roses, dĂ©bordant d'un vase de Chine, avait imprĂ©gnĂ© toute la piĂšce. Mme Mazaud, qui connaissait un peu Saccard, lui dit gaiement " N'est-ce pas, monsieur, qu'il suffit de le vouloir pour ĂÂȘtre toujours heureux ? - J'en suis convaincu, madame, rĂ©pondit-il. Et puis, il y a des personnes si belles et si bonnes, que le malheur n'ose jamais les toucher. " Elle s'Ă©tait levĂ©e, rayonnante. Elle embrassa Ă son tour son mari, elle s'en alla, emportant le petit garçon, suivie de la fillette, qui s'Ă©tait pendue au cou de son pĂšre. Celui-ci, voulant cacher son Ă©motion, se retourna vers le visiteur, avec un mot de blague parisienne. " Vous voyez, on ne s'embĂÂȘte pas, ici. " Puis, vivement " Vous avez quelque chose Ă me dire ?... Montons, voulez-vous ? nous serons mieux. " En haut, devant la caisse, Saccard reconnut Sabatani, qui venait toucher des diffĂ©rences ; et il fut surpris de la poignĂ©e de main cordiale que l'agent Ă©changea avec son client. D'ailleurs, dĂšs qu'il fut assis dans le cabinet, il expliqua sa visite, en le questionnant sur, les formalitĂ©s, pour faire admettre une valeur Ă la cote officielle. NĂ©gligemment, il dit l'affaire qu'il allait lancer, la Banque universelle, au capital de vingt-cinq millions. Oui, une maison de crĂ©dit créée surtout dans le but de patronner de grandes entreprises, qu'il indiqua d'un mot. Mazaud l'Ă©coutait, ne bronchait pas ; et, avec une obligeance parfaite, il expliqua les formalitĂ©s Ă remplir. Mais il n'Ă©tait pas dupe, il se doutait que Saccard ne se serait pas dĂ©rangĂ© pour si peu. Aussi, lorsque ce dernier prononça enfin le nom de. Daigremont, eut-il un sourire involontaire. Certes, Daigremont avait l'appui d'une fortune colossale ; on disait bien qu'il n'Ă©tait pas d'une fidĂ©litĂ© trĂšs sĂ»re ; seulement, qui Ă©tait fidĂšle, en affaires et en amour ? personne ! Du reste, lui, Mazaud, se serait fait un scrupule de dire la vĂ©ritĂ© sur Daigremont, aprĂšs leur rupture, qui avait occupĂ© toute la Bourse. Celui-ci, maintenant, donnait la plupart de ses ordres Ă Jacoby, un juif de Bordeaux, un grand gaillard de soixante ans, Ă large figure gaie, dont la voix mugissante Ă©tait cĂ©lĂšbre, mais qui devenait lourd, le ventre empĂÂątĂ© ; et c'Ă©tait comme une rivalitĂ© qui se posait entre les deux agents, le jeune favorisĂ© par la chance, le vieux arrivĂ© Ă l'anciennetĂ©, ancien fondĂ© de pouvoirs Ă qui des commanditaires avaient enfin permis d'acheter la charge de son patron, d'une pratique et d'une ruse extraordinaires, perdu malheureusement par une passion du jeu, toujours Ă la veille d'une catastrophe, malgrĂ© des gains considĂ©rables. Tout se fondait dans les liquidations. Germaine Coeur ne lui coĂ»tait que quelques billets de mille francs, et on ne voyait jamais sa femme. " Enfin, dans cette affaire de Caracas, conclut Mazaud, cĂ©dant Ă la rancune malgrĂ© sa grande correction, il est certain que Daigremont a trahi et qu'il a raflĂ© les bĂ©nĂ©fices... Il est trĂšs dangereux. " Puis, aprĂšs un silence " Mais pourquoi ne vous adressez-vous pas Ă Gundermann ? - Jamais ! " cria Saccard, que la passion emportait. A ce moment, Berthier, le fondĂ© de pouvoirs, entra et chuchota quelques mots Ă l'oreille de l'agent. C'Ă©tait la baronne Sandorff qui venait payer des diffĂ©rences et qui soulevait toutes sortes de chicanes, pour rĂ©duire son compte. D'habitude, Mazaud s'empressait, recevait lui-mĂÂȘme la baronne ; mais, quand elle avait perdu, il l'Ă©vitait comme la peste, certain d'un trop rude assaut Ă sa galanterie. Il n'y a pires clientes que les femmes, d'une mauvaise foi plus absolue, dĂšs qu'il s'agit de payer. " Non, non, dites que je n'y suis pas, rĂ©pondit-il avec humeur. Et ne faites pas grĂÂące d'un centime, entendez-vous ! " Et, lorsque Berthier fut parti, voyant au sourire de Saccard qu'il avait entendu. " C'est vrai, mon cher, elle est trĂšs gentille, celle-lĂ , mais vous n'avez pas idĂ©e de cette rapacitĂ©... Ah ! les clients, comme ils nous aimeraient, s'ils gagnaient toujours ! Et plus ils sont riches, plus ils sont du beau monde, Dieu me pardonne ! plus je me mĂ©fie, plus je tremble de n'ĂÂȘtre pas payĂ©... Oui, il y a des jours oĂÂč, en dehors des grandes maisons, j'aimerais mieux n'avoir qu'une clientĂšle de province. " La porte s'Ă©tait rouverte, un employĂ© lui remit un dossier qu'il avait demandĂ© le matin, et sortit. " Tenez ! ça tombe bien. Voici un receveur de rentes, installĂ© Ă VendĂÂŽme, un sieur Fayeux... Eh bien, vous n'avez pas idĂ©e de la quantitĂ© d'ordres que je reçois de ce correspondant. Sans doute, ces ordres sont de peu d'importance, venant de petits bourgeois, de petits commerçants, de fermiers. Mais il y a le nombre... En vĂ©ritĂ©, le meilleur de nos maisons, le fond mĂÂȘme est fait des joueurs modestes, de la grande foule anonyme qui joue. " Une association d'idĂ©es se fit, Saccard se rappela Sabatani au guichet de la caisse. " Vous avez donc Sabatani, maintenant ? demanda-t-il. - Depuis un an, je crois, rĂ©pondit l'agent d'un air d'aimable indiffĂ©rence. C'est un gentil garçon, n'est-ce pas ? il a commencĂ© petitement, il est trĂšs sage et il fera quelque chose. " Ce qu'il ne disait point, ce dont il ne se souvenait mĂÂȘme plus, c'Ă©tait que Sabatani avait seulement dĂ©posĂ© chez lui une couverture de deux mille francs. De lĂ le jeu si modĂ©rĂ© du dĂ©but. Sans doute, comme tant d'autres, le Levantin attendait que la mĂ©diocritĂ© de cette garantie fĂ»t oubliĂ©e ; et il donnait des preuves de sagesse, il n'augmentait que graduellement l'importance de ses ordres, en attendant le jour oĂÂč, culbutant dans une grosse liquidation, il disparaĂtrait. Comment montrer de la dĂ©fiance vis-Ă -vis d'un charmant garçon dont on est devenu l'ami ? comment douter de sa solvabilitĂ©, lorsqu'on le voit gai, d'apparence riche, avec cette tenue Ă©lĂ©gante qui est indispensable, comme l'uniforme mĂÂȘme du vol Ă la Bourse ? " TrĂšs gentil, trĂšs intelligent " rĂ©pĂ©ta Saccard, qui prit soudain la rĂ©solution de songer Ă Sabatani, le jour oĂÂč il aurait besoin d'un gaillard discret et sans scrupules. Puis, se levant et prenant congĂ© " Allons, adieu !... Lorsque nos titres seront prĂÂȘts, je vous reverrai, avant de tĂÂącher de les faire admettre Ă la cote. " Et comme Mazaud, sur le seuil du cabinet, lui serrait la main, en disant " Vous avez tort, voyez donc Gundermann pour votre syndicat. - Jamais ! " cria-t-il de nouveau, l'air furieux. Enfin, il sortait, lorsqu'il reconnut devant le guichet de la caisse Moser et Pillerault le premier empochait d'un air navrĂ© son gain de la quinzaine, sept ou huit billets de mille francs ; tandis que l'autre, qui avait perdu, payait une dizaine de mille francs, avec des Ă©clats de voix, l'air agressif et superbe, comme aprĂšs une victoire. L'heure du dĂ©jeuner et de la Bourse approchait, la charge allait se vider en partie ; et, la porte du bureau de la liquidation s'Ă©tant entrouverte, des rires s'en Ă©chappĂšrent, le rĂ©cit que Gustave faisait Ă Flory d'une partie de canot, dans laquelle la barreuse, tombĂ©e Ă la Seine, avait perdu jusqu'Ă ses bas. Dans la rue, Saccard regarda sa montre. Onze heures, que de temps perdu ! Non, il n'irait pas chez Daigremont ; et, bien qu'il se fĂ»t emportĂ© au seul nom de Gundermann, il se dĂ©cida brusquement Ă monter le voir. D'ailleurs, ne l'avait-il pas prĂ©venu de sa visite, chez Champeaux, en lui annonçant sa grande affaire, pour lui clouer aux lĂšvres son mauvais rire ? Il se donna mĂÂȘme comme excuse qu'il n'en voulait rien tirer, qu'il dĂ©sirait seulement le braver, triompher de lui, qui affectait de le traiter en petit garçon. Et, une nouvelle giboulĂ©e s'Ă©tant mise Ă battre le pavĂ© d'un ruissellement de fleuve, il sauta dans un fiacre, il cria l'adresse au cocher, rue de Provence. Gundermann occupait lĂ un immense hĂÂŽtel, tout juste assez grand pour son innombrable famille. Il avait cinq filles et quatre garçons, dont trois filles et trois garçons mariĂ©s, qui lui avaient dĂ©jĂ donnĂ© quatorze petits-enfants. Lorsque, au repas du soir, cette descendance se trouvait rĂ©unie, ils Ă©taient, en les comptant, sa femme et lui, trente et un Ă table. Et, Ă part deux de ses gendres qui n'habitaient pas l'hĂÂŽtel, tous les autres avaient lĂ leurs appartements, dans les ailes de gauche et de droite, ouvertes sur le jardin ; tandis que le bĂÂątiment central Ă©tait pris entiĂšrement par l'installation des vastes bureaux de la banque. En moins d'un siĂšcle, la monstrueuse fortune d'un milliard Ă©tait nĂ©e, avait poussĂ©, dĂ©bordĂ© dans cette famille, par l'Ă©pargne, par l'heureux concours aussi des Ă©vĂ©nements. Il y avait lĂ comme une prĂ©destination, aidĂ©e d'une intelligence vive, d'un travail acharnĂ©, d'un effort prudent et invincible, continuellement tendu vers le mĂÂȘme but. Maintenant, tous les fleuves de l'or allaient Ă cette mer, les millions se perdaient dans ces millions, c'Ă©tait un engouffrement de la richesse publique au fond de cette richesse d'un seul, toujours grandissante ; et Gundermann Ă©tait le vrai maĂtre, le roi tout-puissant, redoutĂ© et obĂ©i de Paris et du monde. Pendant que Saccard montait le large escalier de pierre, aux marches usĂ©es par le continuel va-et-vient de la foule, plus usĂ©es dĂ©jĂ que le seuil des vieilles Ă©glises, il se sentait contre cet homme un soulĂšvement d'une inextinguible haine. Ah ! le juif ! il avait contre le juif l'antique rancune de race, qu'on trouve surtout dans le midi de la France ; et c'Ă©tait comme une rĂ©volte de sa chair mĂÂȘme, une rĂ©pulsion de peau qui, Ă l'idĂ©e du moindre contact, l'emplissait de dĂ©goĂ»t et de violence, en dehors de tout raisonnement, sans qu'il pĂ»t se vaincre. Mais le singulier Ă©tait que lui, Saccard, ce terrible brasseur d'affaires, ce bourreau d'argent aux mains louches, perdait la conscience de lui-mĂÂȘme, dĂšs qu'il s'agissait d'un juif, en parlait avec une ĂÂąpretĂ©, avec des indignations vengeresses d'honnĂÂȘte homme, vivant du travail de ses bras, pur de tout nĂ©goce usuraire. Il dressait le rĂ©quisitoire contre la race, cette race maudite qui n'a plus de patrie, plus de prince, qui vit en parasite chez les nations, feignant de reconnaĂtre les lois, mais en rĂ©alitĂ© n'obĂ©issant qu'Ă son Dieu de vol, de sang et de colĂšre ; et il la montrait remplissant partout la mission de fĂ©roce conquĂÂȘte que ce Dieu lui a donnĂ©e, s'Ă©tablissant chez chaque peuple, comme l'araignĂ©e au centre de sa toile, pour guetter sa proie, sucer le sang de tous, s'engraisser de la vie des autres. Est-ce qu'on a jamais vu un juif faisant oeuvre de ses dix doigts ? est-ce qu'il y a des juifs paysans, des juifs ouvriers ? Non, le travail dĂ©shonore, leur religion le dĂ©fend presque, n'exalte que l'exploitation du travail d'autrui. Ah ! les gueux ! Saccard semblait pris d'une rage d'autant plus grande, qu'il les admirait, qu'il leur enviait leurs prodigieuses facultĂ©s financiĂšres, cette science innĂ©e des chiffres, cette aisance naturelle dans les opĂ©rations les plus compliquĂ©es, ce flair et cette chance qui assurent le triomphe de tout ce qu'ils entreprennent. A ce jeu de voleurs, disait-il, les chrĂ©tiens ne sont pas de force, ils finissent toujours par se noyer ; tandis que prenez un juif qui ne sache mĂÂȘme pas la tenue des livres, jetez-le dans l'eau trouble de quelque affaire vĂ©reuse, et il se sauvera, et il emportera tout le gain sur son dos. C'est le don de la race, sa raison d'ĂÂȘtre Ă travers les nationalitĂ©s qui se font et se dĂ©font. Et il prophĂ©tisait avec emportement la conquĂÂȘte finale de tous les peuples par les juifs, quand ils auront accaparĂ© la fortune totale du globe, ce qui ne tarderait pas, puisqu'on leur laissait chaque jour Ă©tendre librement leur royautĂ©, et qu'on pouvait dĂ©jĂ voir, dans Paris, un Gundermann rĂ©gner sur un trĂÂŽne plus solide et plus respectĂ© que celui de l'empereur. En haut, au moment d'entrer dans la vaste antichambre, Saccard eut un mouvement de recul, en la voyant pleine de remisiers, de solliciteurs, d'hommes, de femmes, de tout un grouillement tumultueux de foule. Les remisiers surtout luttaient Ă qui arriverait le premier, dans l'espoir improbable d'emporter un ordre ; car le grand banquier avait ses agents Ă lui ; mais c'Ă©tait dĂ©jĂ un honneur, une recommandation que d'ĂÂȘtre reçu, et chacun d'eux voulait pouvoir s'en vanter. Aussi l'attente n'Ă©tait-elle jamais longue, les deux garçons de bureau ne servaient guĂšre qu'Ă organiser le dĂ©filĂ©, un dĂ©filĂ© incessant, un vĂ©ritable galop, par les portes battantes. Et, malgrĂ© la foule, Saccard presque tout de suite fut introduit dans le flot. Le cabinet de Gundermann Ă©tait une immense piĂšce, dont il n'occupait qu'un petit coin, au fond, prĂšs de la derniĂšre fenĂÂȘtre. Assis devant un simple bureau d'acajou, il se plaçait de façon Ă tourner, le dos Ă la lumiĂšre, il avait le visage complĂštement dans l'ombre. LevĂ© dĂšs cinq heures, il Ă©tait au travail, lorsque Paris dormait encore ; et quand, vers neuf heures, la bousculade des appĂ©tits se ruait, galopant devant lui, sa journĂ©e dĂ©jĂ Ă©tait faite. Au milieu du cabinet, Ă des bureaux plus vastes, deux de ses fils et un de ses gendres l'aidaient, rarement assis, s'agitant au milieu des allĂ©es et venues d'un monde d'employĂ©s. Mais c'Ă©tait lĂ le fonctionnement intĂ©rieur de la maison. La rue traversait toute la piĂšce, n'allait qu'Ă lui, au maĂtre, dans son coin modeste ; tandis que, durant des heures, jusqu'au dĂ©jeuner, l'air impassible et morne, il recevait, souvent d'un signe, parfois d'un mot, s'il voulait se montrer trĂšs aimable. DĂšs que Gundermann aperçut Saccard, sa figure s'Ă©claira d'un faible sourire goguenard. " Ah ! c'est vous, mon bon ami... Asseyez-vous donc un instant, si vous avez quelque chose Ă me dire. Je suis Ă vous tout Ă l'heure. " Ensuite, il affecta de l'oublier. Saccard, du reste, ne s'impatientait pas, intĂ©ressĂ© par le dĂ©filĂ© des remisiers, qui, les uns sur les talons des autres, entraient avec le mĂÂȘme salut profond, tiraient de leur redingote correcte le mĂÂȘme petit carton, leur cote portant les cours de la Bourse, qu'ils prĂ©sentaient au banquier du mĂÂȘme geste suppliant et respectueux. Il en passait dix, il en passait vingt. Le banquier, chaque fois, prenait la cote, y jetait un coup d'oeil, puis la rendait ; et rien n'Ă©galait sa patience, si ce n'Ă©tait son indiffĂ©rence complĂšte, sous cette grĂÂȘle d'offres. Mais Massias se montra, avec son air gai et inquiet de bon chien battu. On le recevait si mal parfois, qu'il en aurait pleurĂ©. Ce jour- lĂ , sans doute il Ă©tait Ă bout d'humilitĂ©, car il se permit une insistance inattendue. " Voyez donc, monsieur, le Mobilier est trĂšs bas... Combien faut-il que je vous en achĂšte ? " Gundermann, sans prendre la cote, leva ses yeux glauques sur ce jeune homme si familier. Et, rudement " Dites donc, mon ami, croyez-vous que ça m'amuse de vous recevoir ? - Mon Dieu ! monsieur, reprit Massias devenu pĂÂąle, ça m'amuse encore moins de venir chaque matin pour rien, depuis trois mois. - Eh bien, ne revenez pas. " Le remisier salua et se retira, aprĂšs avoir Ă©changĂ©, avec Saccard, le coup d'oeil furieux et navrĂ© d'un garçon qui avait la brusque conscience qu'il ne ferait jamais fortune. Saccard se demandait, en effet, quel intĂ©rĂÂȘt Gundermann pouvait avoir Ă recevoir tout ce monde. Evidemment, il avait une facultĂ© d'isolement spĂ©ciale, il s'absorbait, il continuait de penser ; sans compter qu'il devait y avoir lĂ une discipline, une façon de procĂ©der chaque matin Ă une revue du marchĂ©, dans laquelle il trouvait toujours un gain Ă faire, si minime fut-il. TrĂšs ĂÂąprement, il rabattit quatre-vingts francs Ă un coulissier, qu'il avait chargĂ© d'un ordre la veille, et qui le volait d'ailleurs. Puis, un marchand de curiositĂ©s arriva, avec une boite en or Ă©maillĂ© du dernier siĂšcle, un objet refait en partie, dont le banquier flaira immĂ©diatement le truquage. Ensuite, ce furent deux dames, une vieille Ă nez d'oiseau de nuit, une jeune, brune, trĂšs belle, qui avaient Ă lui montrer, chez elles, une commode Louis XV, qu'il refusa nettement d'aller voir. Il vint encore un bijoutier avec des rubis, deux inventeurs, des Anglais, des Allemands, des Italiens, toutes les langues, tous les sexes. Et le dĂ©filĂ© des remisiers se poursuivait quand mĂÂȘme, coupant les autres visites, s'Ă©ternisant, avec la reproduction du mĂÂȘme geste, la prĂ©sentation mĂ©canique de la cote ; pendant que le flot des employĂ©s, Ă mesure que l'heure de la Bourse approchait, traversait la piĂšce plus nombreux, apportant des dĂ©pĂÂȘches, venant demander des signatures. Mais ce fut le comble au tapage un petit garçon de cinq ou six ans, Ă cheval sur un bĂÂąton, fit irruption dans le cabinet en jouant de la trompette ; et, coup sur coup, il vint encore deux enfants, deux fillettes, l'une de trois ans, l'autre de huit, qui assiĂ©gĂšrent le fauteuil du grand-pĂšre, lui tirĂšrent les bras, se pendirent Ă son cou ; ce qu'il laissa faire placidement, les baisant lui-mĂÂȘme avec cette passion juive de la famille, de la lignĂ©e nombreuse qui fait la force et qu'on dĂ©fend. Tout d'un coup, il parut se souvenir de Saccard. " Ah ! mon bon ami, vous m'excuserez, vous voyez que je n'ai pas une minute Ă moi... Vous allez m'expliquer votre affaire. " Et il commençait Ă l'Ă©couter, lorsqu'un employĂ© qui avait introduit un grand monsieur blond, vint lui dire un nom Ă l'oreille, il se leva aussitĂÂŽt, sans hĂÂąte pourtant, alla confĂ©rer avec le monsieur devant une autre des fenĂÂȘtres, tandis qu'un de ses fils continuait Ă recevoir les remisiers et les coulissiers Ă sa place. MalgrĂ© sa sourde irritation, Saccard commençait Ă ĂÂȘtre envahi d'un respect. Il avait reconnu le monsieur blond, le reprĂ©sentant d'une des grandes puissances, plein de morgue aux Tuileries, ici la tĂÂȘte lĂ©gĂšrement inclinĂ©e, souriant en solliciteur. D'autres fois, c'Ă©taient de hauts administrateurs, des ministres de l'empereur eux-mĂÂȘmes, qui Ă©taient reçus ainsi debout dans cette piĂšce, publique comme une place, emplie d'un vacarme d'enfants. Et lĂ s'affirmait la royautĂ© universelle de cet homme qui avait des ambassadeurs Ă lui dans toutes les cours du monde, des consuls dans toutes les provinces, des agences dans toutes les villes et des vaisseaux sur toutes les mers. Il n'Ă©tait point un spĂ©culateur, un capitaine d'aventures, manoeuvrant les millions des autres, rĂÂȘvant, Ă l'exemple de Saccard, des combats hĂ©roĂÂŻques oĂÂč il vaincrait, oĂÂč il gagnerait pour lui un colossal butin, grĂÂące Ă l'aide de l'or mercenaire, engagĂ© sous ses ordres ; il Ă©tait, comme il le disait avec bonhomie, un simple marchand d'argent, le plus habile, le plus zĂ©lĂ© qui pĂ»t ĂÂȘtre. Seulement, pour asseoir sa puissance, il lui fallait bien dominer la Bourse ; et c'Ă©tait ainsi, Ă chaque liquidation, une nouvelle bataille, oĂÂč la victoire lui restait infailliblement, par la vertu dĂ©cisive des gros bataillons. Un instant, Saccard, qui le regardait, resta accablĂ© sous cette pensĂ©e que tout cet argent qu'il faisait mouvoir Ă©tait Ă lui, qu'il avait Ă lui, dans ses caves, sa marchandise inĂ©puisable, dont il trafiquait en commerçant rusĂ© et prudent, en maĂtre absolu, obĂ©i sur un coup d'oeil, voulant tout entendre, tout voir, tout faire par lui-mĂÂȘme. Un milliard Ă soi, ainsi manoeuvrĂ©, est une force inexpugnable. " Nous n'aurons pas une minute, mon bon ami, revint dire Gundermann. Tenez ! je vais dĂ©jeuner, passez donc avec moi dans la salle voisine. On nous laissera tranquilles peut-ĂÂȘtre. " C'Ă©tait la petite salle Ă manger de l'hĂÂŽtel celle du matin, oĂÂč la famille ne se trouvait jamais au complet. Ce jour-lĂ , ils n'Ă©taient que dix-neuf Ă table, dont huit enfants. Le banquier occupait le milieu, et il n'avait devant lui qu'un bol de lait. Il resta un instant les yeux fermĂ©s, Ă©puisĂ© de fatigue, la face trĂšs pĂÂąle et contractĂ©e, car il souffrait du foie et des reins ; puis, lorsqu'il eut, de ses mains tremblantes portĂ© le bol Ă ses lĂšvres et bu une gorgĂ©e, il soupira " Ah ! je suis Ă©reintĂ©, aujourd'hui ! - Pourquoi ne vous reposez-vous pas ? " demanda Saccard. Gundermann tourna vers lui des yeux stupĂ©faits ; et, naĂÂŻvement " Mais je ne peux pas ! " En effet, on ne le laissait pas mĂÂȘme boire son lait tranquille, car la rĂ©ception des remisiers avait repris, le galop maintenant traversait la salle Ă manger, tandis que les personnes de la famille, les hommes, les femmes, habituĂ©s Ă cette bousculade, riaient, mangeaient fortement des viandes froides et des pĂÂątisseries, et que les enfants excitĂ©s par deux doigts de vin pur, menaient un vacarme assourdissant. Et Saccard, qui le regardait toujours, s'Ă©merveillait de le voir avaler son lait Ă lentes gorgĂ©es, d'un tel effort, qu'il semblait ne devoir jamais atteindre le fond du bol. On l'avait mis au rĂ©gime du lait, il ne pouvait mĂÂȘme plus toucher Ă une viande, ni Ă un gĂÂąteau. Alors, Ă quoi bon un milliard ? Jamais non plus les femmes ne l'avaient tentĂ© durant quarante ans, il Ă©tait restĂ© d'une fidĂ©litĂ© stricte Ă la sienne, et, aujourd'hui, sa sagesse Ă©tait forcĂ©e, irrĂ©vocablement dĂ©finitive. Pourquoi donc se lever dĂšs cinq heures, faire ce mĂ©tier abominable, s'Ă©craser de cette fatigue immense, mener une vie de galĂ©rien que pas un loqueteux n'aurait acceptĂ©e, la mĂ©moire bourrĂ©e de chiffres, le crĂÂąne Ă©clatant de tout un monde de prĂ©occupations ? Pourquoi cet or inutile ajoutĂ© Ă tant d'or, lorsqu'on ne peut acheter et manger dans la rue une livre de cerises, emmener Ă une guinguette au bord de l'eau la fille qui passe, jouir de tout ce qui se vend, de la paresse et de la libertĂ© ? Et Saccard, qui, dans ses terribles appĂ©tits, faisait cependant la part de l'amour dĂ©sintĂ©ressĂ© de l'argent, pour la puissance qu'il donne, se sentait pris d'une sorte de terreur sacrĂ©e, Ă voir se dresser cette figure, non plus de l'avarice classique qui thĂ©saurise, mais de l'ouvrier impeccable, sans besoin de chair, devenu comme abstrait dans sa vieillesse souffreteuse, qui continuait Ă Ă©difier obstinĂ©ment sa tour de millions, avec l'unique rĂÂȘve de la lĂ©guer aux siens pour qu'ils la grandissent encore, jusqu'Ă ce qu'elle dominĂÂąt la terre. Enfin, Gundermann se pencha, se fit expliquer Ă demi-voix la crĂ©ation projetĂ©e de la Banque universelle. D'ailleurs, Saccard fut sobre de dĂ©tails, ne fit qu'une allusion aux projets du portefeuille d'Hamelin, ayant senti, dĂšs les premiers mots, que le banquier cherchait Ă le confesser, rĂ©solu d'avance Ă l'Ă©conduire ensuite. " Encore une banque, mon bon ami, encore une banque ! rĂ©pĂ©ta-t-il de son air narquois. Mais une affaire oĂÂč je mettrais plutĂÂŽt de l'argent, ce serait dans une machine, oui, une guillotine Ă couper le cou Ă toutes ces banques qui se fondent... Hein ? un rĂÂąteau Ă nettoyer la Bourse. Votre ingĂ©nieur n'a pas ça, dans ses papiers ? " Puis, affectant de se faire paternel, avec une cruautĂ© tranquille " Voyons, soyez raisonnable, vous savez ce que je vous ai dit... Vous avez tort de rentrer dans les affaires, c'est un vrai service que je vous rends, en refusant de lancer votre syndicat... Infailliblement, vous ferez la culbute, c'est mathĂ©matique, ça ; car vous ĂÂȘtes beaucoup trop passionnĂ©, vous avez trop d'imagination ; puis, ça finit toujours mal, quand on trafique avec l'argent des autres... Pourquoi votre frĂšre ne vous trouve-t-il pas une bonne place, hein ? une prĂ©fecture, ou bien une recette ; non, pas une recette, c'est trop dangereux... MĂ©fiez-vous, mĂ©fiez-vous, mon bon ami. " Saccard s'Ă©tait levĂ©, frĂ©missant. " C'est bien dĂ©cidĂ©, vous ne prendrez pas d'actions, vous ne voulez pas ĂÂȘtre avec nous ? - Avec vous, jamais de la vie !... Vous serez mangĂ© avant trois ans. " Il y eut un silence, gros de batailles, un Ă©change aigu de regards qui se dĂ©fiaient. " Alors, bonsoir... Je n'ai pas encore dĂ©jeunĂ© et j'ai trĂšs faim. Faudra voir qui est-ce qui sera mangĂ©. " Et il le laissa, au milieu de sa tribu qui finissait de se bourrer bruyamment de pĂÂątisseries, recevant les derniers courtiers attardĂ©s, fermant par instants les yeux de lassitude, pendant qu'il achevait son bol Ă petits coups, les lĂšvres toutes blanches de lait. Saccard se jeta dans son fiacre, en donnant l'adresse de la rue Saint-Lazare. Une heure sonnait, c'Ă©tait une journĂ©e perdue, il rentrait dĂ©jeuner, hors de lui. Ah ! le sale juif ! en voilĂ un, dĂ©cidĂ©ment, qu'il aurait eu du plaisir Ă casser d'un coup de dents, comme un chien casse un os ! Certes, le manger, c'Ă©tait un morceau terrible et trop gros. Mais est-ce qu'on savait ? les plus grands empires s'Ă©taient bien Ă©croulĂ©s, il y a toujours une heure oĂÂč les puissants succombent. Non, pas le manger, l'entamer d'abord, lui arracher des lambeaux de son milliard ; ensuite, le manger, oui ! pourquoi pas ? les dĂ©truire, dans leur roi incontestĂ©, ces juifs qui se croyaient les maĂtres du festin ! Et ces rĂ©flexions, cette colĂšre qu'il emportait de chez Gundermann, soulevaient Saccard d'un furieux zĂšle, d'un besoin de nĂ©goce, de succĂšs immĂ©diat il aurait voulu bĂÂątir d'un geste sa maison de banque, la faire fonctionner, triompher, Ă©craser les maisons rivales. Brusquement, le souvenir de Daigremont lui revint ; et, sans discuter, d'un mouvement irrĂ©sistible, il se pencha, il cria au cocher de monter la rue La Rochefoucauld. S'il voulait voir Daigremont, il devait se hĂÂąter, quitte Ă dĂ©jeuner plus tard, car il savait que celui-ci sortait vers une heure. Sans doute, ce chrĂ©tien-lĂ valait deux juifs, et il passait pour un ogre dĂ©vorateur des jeunes affaires qu'on mettait en garde chez lui. Mais, Ă cette minute, Saccard aurait traitĂ© avec Cartouche, pour la conquĂÂȘte, mĂÂȘme Ă la condition de partager. Plus tard, on verrait bien, il serait le plus fort. Cependant, le fiacre, qui montait avec peine la rude cĂÂŽte de la rue, s'arrĂÂȘta devant la haute porte monumentale d'un des derniers grands hĂÂŽtels de ce quartier, qui en a comptĂ© de fort beaux. Le corps de bĂÂątiments, au fond d'une vaste cour pavĂ©e, avait un air de royale grandeur ; et le jardin qui le suivait, plantĂ© encore d'arbres centenaires, restait un vĂ©ritable parc, isolĂ© des rues populeuses. Tout Paris connaissait cet hĂÂŽtel pour ses fĂÂȘtes splendides, surtout pour l'admirable collection de tableaux, que pas un grand-duc en voyage ne manquait de visiter. MariĂ© Ă une femme cĂ©lĂšbre par sa beautĂ©, comme ses tableaux, et qui remportait dans le monde de vifs succĂšs de cantatrice, le maĂtre du logis menait un train princier, Ă©tait aussi glorieux de son Ă©curie de course que de sa galerie, appartenait Ă un des grands clubs, affichait les femmes les plus coĂ»teuses, avait loge Ă l'OpĂ©ra, chaise Ă l'hĂÂŽtel Drouot et petit banc dans les lieux louches Ă la mode. Et toute cette large vie, ce luxe flambant dans une apothĂ©ose de caprice et d'art, Ă©tait uniquement payĂ© par la spĂ©culation, une fortune sans cesse mouvante, qui semblait infinie comme la mer, mais qui en avait le flux et le reflux, des diffĂ©rences de deux et trois cent mille francs, Ă chaque liquidation de quinzaine. Lorsque Saccard eut gravi le majestueux perron, un valet l'annonça, lui fit traverser trois salons encombrĂ©s de merveilles, jusqu'Ă un petit fumoir, oĂÂč Daigremont achevait un cigare, avant de sortir. AgĂ© dĂ©jĂ de quarante-cinq ans, celui-ci luttait contre l'embonpoint, de haute taille, trĂšs Ă©lĂ©gant avec sa coiffure soignĂ©e, ne portant que les moustaches et la barbiche, en fanatique des Tuileries. Il affectait une grande amabilitĂ©, d'une confiance absolue en soi, certain de vaincre. Tout de suite, il se prĂ©cipita. " Ah ! mon cher ami, que devenez-vous ? Je pensais encore Ă vous, l'autre jour... Mais n'ĂÂȘtes-vous pas mon voisin " Pourtant, il se calma, renonça Ă cette effusion qu'il gardait pour le troupeau, lorsque Saccard, jugeant les finesses de transition inutiles, aborda immĂ©diatement le but de sa visite. Il dit sa grande affaire, expliqua qu'avant de crĂ©er la Banque universelle, au capital de vingt- cinq millions, il cherchait Ă former un syndicat d'amis, de banquiers, d'industriels, qui assurerait Ă l'avance le succĂšs de l'Ă©mission, en s'engageant Ă prendre les quatre cinquiĂšmes de cette Ă©mission, soit quarante mille actions au moins. Daigremont Ă©tait devenu trĂšs sĂ©rieux, l'Ă©coutait, le regardait, comme s'il l'eĂ»t fouillĂ© jusqu'au fond de la cervelle, pour voir quel effort, quel travail utile Ă lui-mĂÂȘme, il pourrait encore tirer de cet homme, qu'il avait connu si actif, si plein de merveilleuses qualitĂ©s, dans sa fiĂšvre brouillonne. D'abord, il hĂ©sita. " Non, non, je suis accablĂ©, je ne veux rien entreprendre de nouveau. " Puis, tentĂ© pourtant, il posa des questions, voulut connaĂtre les projets que patronnerait la nouvelle maison de crĂ©dit, projets dont son interlocuteur avait la prudence de ne parler qu'avec la plus extrĂÂȘme rĂ©serve. Et, lorsqu'il connut la premiĂšre affaire qu'on lancerait, cette idĂ©e de syndiquer toutes les compagnies de transports de la MĂ©diterranĂ©e, sous la raison sociale de Compagnie gĂ©nĂ©rale des Paquebots rĂ©unis, il parut trĂšs frappĂ©, il cĂ©da tout d'un coup. - Eh bien, je consens Ă en ĂÂȘtre. Seulement, c'est Ă une condition... Comment ĂÂȘtes-vous avec votre frĂšre le ministre ? " Saccard, surpris, eut la franchise de montrer son amertume. " Avec mon frĂšre... Oh ! il fait ses affaires, et je fais les miennes. Il n'a pas la corde trĂšs fraternelle, mon frĂšre. " - Alors, tant pis ! dĂ©clara nettement Daigremont. Je ne veux ĂÂȘtre avec vous que si votre frĂšre y est aussi... Vous entendez bien, je ne veux pas que vous soyez fĂÂąchĂ©s. " D'un geste colĂšre d'impatience, Saccard protesta. Est-ce qu'on avait besoin de Rougon ? est-ce que ce n'Ă©tait pas aller chercher des chaĂnes, pour se lier pieds et mains ? Mais, en mĂÂȘme temps, une voix de sagesse, plus forte que son irritation, lui disait qu'il fallait au moins s'assurer de la neutralitĂ© du grand homme. Cependant, il refusait brutalement. " Non, non, il a toujours Ă©tĂ© trop cochon avec moi. Jamais je ne ferai le premier pas. - Ecoutez, reprit Daigremont j'attends Huret Ă cinq heures, pour une commission dont il s'est chargĂ©... Vous allez courir au Corps lĂ©gislatif, vous prendrez Huret dans un coin, vous lui conterez votre affaire, il en parlera tout de suite Ă Rougon, il saura ce que ce dernier en pense, et nous aurons la rĂ©ponse ici, Ă cinq heures... Hein ! rendez-vous Ă cinq heures ? " La tĂÂȘte basse, Saccard rĂ©flĂ©chissait. " Mon Dieu ! si vous y tenez ! - Oh ! absolument ! sans Rougon, rien ; avec Rougon, tout ce que vous voudrez. - C'est bon, j'y vais. " Il partait, aprĂšs une vigoureuse poignĂ©e de main, lorsque que l'autre le rappela. " Ah ! dites donc, si vous sentez que les choses s'emmanchent, passez donc, en revenant, chez le marquis de Bohain et chez SĂ©dille, faites- leur savoir que j'en suis et demandez-leur d'en ĂÂȘtre... Je veux qu'ils en soient ! " A la porte, Saccard retrouva son fiacre, qu'il avait gardĂ©, bien qu'il n'eĂ»t qu'Ă descendre le bout de la rue, pour ĂÂȘtre chez lui. Il le renvoya, comptant qu'il pourrait faire atteler, l'aprĂšs-midi ; et il rentra vivement dĂ©jeuner. On ne l'attendait plus, ce fut la cuisiniĂšre qui lui servit elle-mĂÂȘme un morceau de viande froide, qu'il dĂ©vora, tout en se querellant avec le cocher ; car, celui-ci, qu'il avait fait monter, lui ayant rendu compte de la visite du vĂ©tĂ©rinaire, il en rĂ©sultait qu'il fallait laisser le cheval se reposer trois ou quatre jours. Et, la bouche pleine, il accusait le cocher de mauvais soins, il le menaçait de Mme Caroline, qui mettrait ordre Ă tout ça. Enfin, il lui cria d'aller au moins chercher un fiacre. De nouveau, une ondĂ©e diluvienne balayait la rue, il dut attendre plus d'un quart d'heure la voiture, dans laquelle il monta, sous des torrents d'eau, en jetant l'adresse " Au Corps lĂ©gislatif ! " Son plan Ă©tait d'arriver avant la sĂ©ance, de façon Ă prendre Huret au passage et Ă l'entretenir tranquillement. Par malheur, on redoutait ce jour-lĂ un dĂ©bat passionnĂ©, car un membre de la gauche devait soulever l'Ă©ternelle question du Mexique ; et Rougon, sans doute, serait forcĂ© de rĂ©pondre. Comme Saccard entrait dans la salle des Pas-Perdus, il eut la chance de tomber sur le dĂ©putĂ©. Il l'entraĂna au fond d'un des petits salons voisins, ils s'y trouvĂšrent seuls, grĂÂące Ă la grosse Ă©motion qui rĂ©gnait dans les couloirs. L'opposition devenait de plus en plus redoutable, le vent de catastrophe commençait Ă souffler, qui devait grandir et tout abattre. Aussi, Huret, prĂ©occupĂ©, ne comprit-il pas d'abord, et se fit- il expliquer Ă deux reprises la mission dont on le chargeait. Son effarement s'en augmenta. " Oh ! mon cher ami, y pensez-vous ! parler Ă Rougon en ce moment ! il m'enverra coucher, c'est sĂ»r. " Puis, l'inquiĂ©tude de son intĂ©rĂÂȘt personnel se fit jour. Il n'existait, lui, que par le grand homme, Ă qui il devait sa candidature officielle, son Ă©lection, sa situation de domestique bon Ă tout faire, vivant des miettes de la faveur du maĂtre. A ce mĂ©tier, depuis deux ans, grĂÂące aux pots-de-vin, aux gains prudents ramassĂ©s sous la table, il arrondissait ses vastes terres du Calvados, avec la pensĂ©e de s'y retirer et d'y trĂÂŽner aprĂšs la dĂ©bĂÂącle. Sa grosse face de paysan malin s'Ă©tait assombrie, exprimait l'embarras oĂÂč le jetait cette demande d'intervention, sans qu'on lui donnĂÂąt le temps de se rendre compte s'il y aurait lĂ , pour lui, bĂ©nĂ©fice ou dommage. " Non, non ! je ne peux pas... Je vous ai transmis la volontĂ© de votre frĂšre, je ne peux pas aller le relancer encore. Que diable ! songez un peu Ă moi. Il n'est guĂšre tendre, quand on l'embĂÂȘte ; et, dame ! je n'ai pas envie de payer pour vous, en y laissant mon crĂ©dit. " Alors, Saccard, comprenant, ne s'attacha plus qu'Ă le convaincre des millions qu'il y aurait Ă gagner, dans le lancement de la Banque universelle. A larges traits, avec sa parole ardente qui transformait une affaire d'argent en un conte de poĂšte, il expliqua les entreprises superbes, le succĂšs certain et colossal. Daigremont, enthousiasmĂ©, se mettait Ă la tĂÂȘte du syndicat. Bohain et SĂ©dille avaient dĂ©jĂ demandĂ© d'en ĂÂȘtre. Il Ă©tait impossible que lui, Huret, n'en fĂ»t pas ces messieurs le voulaient absolument avec eux, Ă cause de sa haute situation politique. MĂÂȘme on espĂ©rait bien qu'il consentirait Ă faire partie du conseil d'administration, parce que son nom signifiait ordre et probitĂ©. A cette promesse d'ĂÂȘtre nommĂ© membre du conseil, le dĂ©putĂ© le regarda bien en face. " Enfin, qu'est-ce que vous dĂ©sirez de moi, quelle rĂ©ponse voulez- vous que je tire de Rougon ? - Mon Dieu ! reprit Saccard, moi, je me serais passĂ© volontiers de mon frĂšre. Mais c'est Daigremont qui exige que je me rĂ©concilie. Peut- ĂÂȘtre a-t-il raison... Alors, je crois que vous devez simplement parler de notre affaire au terrible homme, et obtenir, sinon qu'il nous aide, du moins qu'il ne soit pas contre nous. " Huret, les yeux Ă demi fermĂ©s, ne se dĂ©cidait toujours pas. " VoilĂ ! si vous apportez un mot gentil, rien qu'un mot gentil, entendez-vous ! Daigremont s'en contentera, et nous bĂÂąclons ce soir la chose Ă nous trois. - Eh bien, je vais essayer, dĂ©clara brusquement le dĂ©putĂ©, en affectant une rondeur paysanne ; mais il faut que ce soit pour vous, car il n'est pas commode, oh ! non, surtout quand la gauche le taquine... A cinq heures. - A cinq heures ! " Saccard resta prĂšs d'une heure encore, trĂšs inquiet des bruits de lutte qui couraient. Il entendit un des grands orateurs de l'opposition annoncer qu'il prendrait la parole. A cette nouvelle, il eut un instant l'envie de retrouver Huret, pour lui demander s'il ne serait pas sage de remettre au lendemain l'entretien avec Rougon. Puis, fataliste, croyant Ă la chance, il trembla de tout compromettre, s'il changeait ce qui Ă©tait arrĂÂȘtĂ©. Peut-ĂÂȘtre, dans la bousculade, son frĂšre lĂÂącherait-il plus facilement le mot attendu. Et, pour laisser aller les choses, il partit, il remonta dans son fiacre, qui reprenait dĂ©jĂ le pont de la Concorde, lorsqu'il se souvint du dĂ©sir exprimĂ© par Daigremont. " Cocher, rue de Babylone. " C'Ă©tait rue de Babylone que demeurait le marquis de Bohain. Il occupait les anciennes dĂ©pendances d'un grand hĂÂŽtel, un pavillon qui avait abritĂ© le personnel des Ă©curies, et dont on avait fait une trĂšs confortable maison moderne. L'installation Ă©tait luxueuse, avec un bel air d'aristocratie coquette. On ne voyait, du reste, jamais sa femme, souffrante, disait-il, retenue dans son appartement par des infirmitĂ©s. Cependant, la maison, les meubles Ă©taient Ă elle, il logeait en garni chez elle, n'ayant Ă lui que ses effets, une malle qu'il aurait pu emporter sur un fiacre, sĂ©parĂ© de biens depuis qu'il vivait du jeu. Dans deux catastrophes dĂ©jĂ , il avait refusĂ© nettement de payer ses diffĂ©rences, et le syndic, aprĂšs s'ĂÂȘtre rendu compte de la situation, ne s'Ă©tait pas mĂÂȘme donnĂ© la peine de lui envoyer du papier timbrĂ©. On passait l'Ă©ponge, simplement. Il empochait, tant qu'il gagnait. Puis, dĂšs qu'il perdait, il ne payait pas on le savait et on s'y rĂ©signait. Il avait un nom illustre, il Ă©tait extrĂÂȘmement dĂ©coratif dans les conseils d'administration ; aussi les jeunes compagnies, en quĂÂȘte d'enseignes dorĂ©es, se le disputaient-elles jamais il ne chĂÂŽmait. A la Bourse, il avait sa chaise, du cĂÂŽtĂ© de la rue Notre-Dame-des-Victoires, le cĂÂŽtĂ© de la spĂ©culation riche, qui affectait de se dĂ©sintĂ©resser des petits bruits du jour. On le respectait, on le consultait beaucoup. Souvent il avait influencĂ© le marchĂ©. Enfin, tout un personnage. Saccard, qui le connaissait bien, fut quand mĂÂȘme impressionnĂ© par la rĂ©ception hautement polie de ce beau vieillard de soixante ans, Ă la tĂÂȘte trĂšs petite posĂ©e sur un corps de colosse, la face blĂÂȘme, encadrĂ©e d'une perruque brune, du plus grand air. " Monsieur le marquis, je viens en vĂ©ritable solliciteur... " Il dit le motif de la visite, sans entrer d'abord dans les dĂ©tails. D'ailleurs, dĂšs les premiers mots, le marquis l'arrĂÂȘta. " Non, non, tout mon temps est pris, j'ai en ce moment dix propositions que je dois refuser. " Puis, comme Saccard, souriant, ajoutait " C'est Daigremont qui m'envoie, il a songĂ© Ă vous. " Il s'Ă©cria aussitĂÂŽt " Ah ! vous avez Daigremont lĂ -dedans... Bon ! bon ! si Daigremont en est, j'en suis. Comptez sur moi. " Et le visiteur ayant alors voulu lui fournir au moins quelques renseignements, pour lui apprendre dans quelle sorte d'affaire il allait entrer, il lui ferma la bouche, avec la dĂ©sinvolture aimable d'un grand seigneur qui ne descend pas Ă ces dĂ©tails et qui a une confiance naturelle dans la probitĂ© des gens. " Je vous en prie, n'ajoutez pas un mot... Je ne veux pas savoir. Vous avez besoin de mon nom, je vous le prĂÂȘte, et j'en suis trĂšs heureux, voilĂ tout... Dites seulement Ă Daigremont qu'il arrange ça comme il lui plaira. " En remontant dans son fiacre, Saccard, Ă©gayĂ©, riait d'un rire intĂ©rieur. " Il nous coĂ»tera cher, pensait-il, mais il est vraiment trĂšs bien. " Puis, Ă voix haute " Cocher, rue des JeĂ»neurs. " La maison SĂ©dille avait lĂ ses magasins et ses bureaux, tenant, au fond d'une cour, tout un vaste rez-de-chaussĂ©e. AprĂšs trente ans de travail, SĂ©dille, qui Ă©tait de Lyon et qui avait gardĂ© lĂ -bas des ateliers, venait enfin de faire de son commerce de soie un des mieux connus et des plus solides de Paris, lorsque la passion du jeu, Ă la suite d'un incident de hasard, s'Ă©tait dĂ©clarĂ©e et propagĂ©e en lui avec la violence destructive d'un incendie. Deux gains considĂ©rables, coup sur coup, l'avaient affolĂ©. A quoi bon donner trente ans de sa vie, pour gagner un pauvre million, lorsque, en une heure, par une simple opĂ©ration de Bourse, on peut le mettre dans sa poche ? DĂšs lors, il s'Ă©tait dĂ©sintĂ©ressĂ© peu Ă peu de sa maison qui marchait par la force acquise ; il ne vivait plus que dans l'espoir d'un coup d'agio triomphant ; et, comme la dĂ©veine Ă©tait venue, persistante, il engloutissait lĂ tous les bĂ©nĂ©fices de son commerce. A cette fiĂšvre, le pis est qu'on se dĂ©goĂ»te du gain lĂ©gitime, qu'on finit mĂÂȘme par perdre la notion exacte de l'argent. Et la ruine Ă©tait fatalement au bout, si les ateliers de Lyon rapportaient deux cent mille francs, lorsque le jeu en emportait trois cent mille. Saccard trouva SĂ©dille agitĂ©, inquiet, car celui-ci Ă©tait un joueur sans flegme, sans philosophie. Il vivait dans le remords, toujours espĂ©rant, toujours abattu, malade d'incertitude, et cela parce qu'il restait honnĂÂȘte au fond. La liquidation de la fin d'avril venait de lui ĂÂȘtre dĂ©sastreuse. Pourtant, sa face grasse, aux gros favoris blonds, se colora, dĂšs les premiĂšres paroles. " Ah ! mon cher, si c'est la chance que vous m'apportez, soyez le bienvenu ! " Ensuite, il fut pris d'une terreur. " Non, non ! ne me tentez pas. Je ferais mieux de m'enfermer avec mes piĂšces de soie et de ne plus bouger de mon comptoir. " Voulant le laisser se calmer, Saccard lui parla de son fils Gustave, qu'il dit avoir vu le matin, chez Mazaud. Mais c'Ă©tait, pour le nĂ©gociant, un autre sujet de chagrin, car il avait rĂÂȘvĂ© de se dĂ©charger de sa maison sur ce fils, et celui-ci mĂ©prisait le commerce, ĂÂąme de joie et de fĂÂȘte, apportant les dents blanches des fils de parvenu, bonnes seulement Ă croquer les fortunes faites. Son pĂšre l'avait mis chez Mazaud pour voir s'il mordrait aux questions de finance. " Depuis la mort de sa pauvre mĂšre, murmura-t-il, il m'a donnĂ© bien peu de satisfaction. Enfin, peut-ĂÂȘtre apprendra-t-il lĂ -bas, Ă la charge, des choses qui me seront utiles. - Eh bien, reprit brusquement Saccard, ĂÂȘtes-vous avec nous ? Daigremont m'a dit de venir vous dire qu'il en Ă©tait. " SĂ©dille leva au ciel des bras tremblants. Et, la voix altĂ©rĂ©e de dĂ©sir et de crainte " Mais oui ! j'en suis ! vous savez bien que je ne peux pas faire autrement que d'en ĂÂȘtre ! si je refusais et que votre affaire marchĂÂąt, j'en serais malade de regret... Dites Ă Daigremont que j'en suis. " Lorsque Saccard se retrouva dans la rue, il tira sa montre et vit qu'il Ă©tait Ă peine quatre heures. Le temps qu'il avait devant lui, l'envie qu'il Ă©prouvait de marcher un peu, lui firent lĂÂącher son fiacre. Il s'en repentit presque tout de suite, car il n'Ă©tait pas au boulevard, qu'une nouvelle averse, un dĂ©luge mĂÂȘlĂ© de grĂÂȘle, le força de nouveau Ă se rĂ©fugier sous une porte. Quel chien de temps, lorsqu'on avait Paris Ă battre ! AprĂšs avoir regardĂ© l'eau tomber pendant un quart d'heure, l'impatience le prit, il hĂ©la une voiture vide qui passait. C'Ă©tait une victoria, il eut beau ramener sur ses jambes le tablier de cuir, il arriva trempĂ© rue La Rochefoucauld, et en avance d'une grande demi- heure. Dans le fumoir oĂÂč le valet le laissa, en disant que monsieur n'Ă©tait pas rentrĂ© encore, Saccard marcha Ă petits pas, regardant les tableaux. Mais une voix de femme superbe, un contralto d'une puissance mĂ©lancolique et profonde, s'Ă©tant Ă©levĂ©e dans le silence de l'hĂÂŽtel, il s'approcha de la fenĂÂȘtre restĂ©e ouverte, pour Ă©couter c'Ă©tait madame qui rĂ©pĂ©tait, au piano, un morceau qu'elle devait sans doute chanter le soir, dans quelque salon. Puis, bercĂ© par cette musique, il en vint Ă songer aux histoires extraordinaires que l'on contait de Daigremont l'histoire de l'Hadamantine surtout, cet emprunt de cinquante millions dont il avait gardĂ© en main le stock entier, le faisant vendre et revendre cinq fois par des courtiers Ă lui, jusqu'Ă ce qu'il eĂ»t créé un marchĂ©, Ă©tabli un prix ; puis, la vente sĂ©rieuse, la dĂ©gringolade fatale de trois cents francs Ă quinze francs, les bĂ©nĂ©fices Ă©normes sur tout un petit monde de naĂÂŻfs, ruinĂ©s du coup. Ah ! il Ă©tait fort, un terrible monsieur ! La voix de dame continuait, exhalant une plainte de tendresse, Ă©perdue, d'une ampleur tragique ; tandis que Saccard, revenu au milieu de la piĂšce, s'Ă©tait arrĂÂȘtĂ© devant un Meissonier, qu'il estimait cent mille francs. Mais quelqu'un entra, et il fut surpris de reconnaĂtre Huret. " Comment, c'est dĂ©jĂ vous ? il n'est pas cinq heures... La sĂ©ance est donc finie ? - Ah ! oui, finie... Ils se chamaillent. " Et il expliqua que, le dĂ©putĂ© de l'opposition parlant toujours, Rougon, certainement, ne pourrait rĂ©pondre que le lendemain. Alors, quand il avait vu ça, il s'Ă©tait risquĂ© Ă relancer le ministre, pendant une courte suspension de sĂ©ance, entre deux portes. " Eh bien, demanda Saccard, nerveusement, qu'a-t-il dit, mon illustre frĂšre ? " Huret ne rĂ©pondit pas tout de suite. " Oh ! il Ă©tait d'une humeur de dogue... Je vous avoue que je comptais sur l'exaspĂ©ration oĂÂč je le voyais, espĂ©rant bien qu'il allait simplement m'envoyer promener... Donc, je lui ai lĂÂąchĂ© votre affaire, je lui ai dit que vous ne vouliez rien entreprendre sans son approbation. - Et alors ? - Alors, il m'a saisi par les deux bras, il m'a secouĂ©, en me criant dans la figure " Qu'il aille se faire pendre ! " Et il m'a plantĂ© lĂ . " Saccard, devenu blĂÂȘme, eut un rire forcĂ©. " C'est gentil. - Dame ! oui, c'est gentil, reprit le dĂ©putĂ©, d'un ton convaincu. Je n'en demandais pas tant... Avec ça, nous pouvons marcher. " Et, comme il entendit, dans le salon voisin, le pas de Daigremont qui rentrait, il ajouta tout bas " Laissez-moi faire. " Evidemment, Huret avait la plus grande envie de voir se fonder la Banque universelle, et d'en ĂÂȘtre. Sans doute, il s'Ă©tait dĂ©jĂ rendu compte du rĂÂŽle qu'il y pourrait jouer. Aussi, dĂšs qu'il eut serrĂ© la main de Daigremont, prit-il un visage rayonnant, en agitant un bras en l'air. " Victoire ! cria-t-il, victoire ! - Ah ! vraiment. Contez-moi donc ça. - Mon Dieu ! le grand homme a Ă©tĂ© ce qu'il devait ĂÂȘtre. Il m'a rĂ©pondu " Que mon frĂšre rĂ©ussisse ! " Du coup. Daigremont se pĂÂąma, trouva le mot charmant. " Qu'il rĂ©ussisse ! " ça contenait tout qu'il ne fasse pas la bĂÂȘtise de ne pas rĂ©ussir, ou je le lĂÂąche ; mais qu'il rĂ©ussisse, je l'aiderai. Exquis, en vĂ©ritĂ© ! " Et, mon cher Saccard, nous rĂ©ussirons, soyez tranquille... Nous allons faire tout ce qu'il faudra pour ça " Puis, comme les trois hommes s'Ă©taient assis, afin d'arrĂÂȘter les points principaux, Daigremont se releva et alla fermer la fenĂÂȘtre ; car la voix de madame, peu Ă peu enflĂ©e, jetait un sanglot d'une dĂ©sespĂ©rance infinie, qui les empĂÂȘchait de s'entendre. Et, mĂÂȘme la fenĂÂȘtre close, cette lamentation Ă©touffĂ©e les accompagna, pendant qu'ils dĂ©cidaient la crĂ©ation d'une maison de crĂ©dit, la Banque universelle, au capital de vingt-cinq millions, divisĂ© en cinquante mille actions de cinq cents francs. Il Ă©tait en outre entendu que Daigremont, Huret, SĂ©dille, le marquis de Bohain et quelques-uns de leurs amis, formaient un syndicat, qui, d'avance, prenait et se partageait les quatre cinquiĂšmes des actions, soit quarante mille ; de sorte que le succĂšs de l'Ă©mission Ă©tait assurĂ©, et que, plus tard, dĂ©tenant les titres, les rendant rares sur le marchĂ©, ils pourraient les faire monter Ă leur grĂ©. Seulement, tout faillit ĂÂȘtre rompu, lorsque Daigremont exigea une prime de quatre cent mille francs, Ă rĂ©partir sur les quarante mille actions, soit dix francs par action. Saccard se rĂ©cria, dĂ©clara qu'il n'Ă©tait pas raisonnable de faire crier la vache avant mĂÂȘme que de la traire. Les commencements seraient difficiles, pourquoi embarrasser la situation davantage ? Pourtant, il dut cĂ©der, devant l'attitude d'Huret qui, tranquillement, trouvait la chose toute naturelle, disant que ça se faisait toujours. Ils se sĂ©paraient, en prenant un rendez-vous pour le lendemain, rendez-vous auquel l'ingĂ©nieur Hamelin devait assister, lorsque Daigremont se frappa brusquement le front, d'un air de dĂ©sespoir. " Et Kolb que j'oubliais ! Oh ! il ne me le pardonnerait pas il faut qu'il en soit... Mon petit Saccard, si vous Ă©tiez gentil, vous iriez chez lui tout de suite. Il n'est pas six heures, vous le trouveriez encore... Oui, vous-mĂÂȘme, et pas demain, ce soir, parce que ça le touchera et qu'il peut nous ĂÂȘtre utile. " Docilement, Saccard se remit en marche, sachant que les journĂ©es de chance ne se recommencent pas. Mais il avait de nouveau renvoyĂ© son fiacre, espĂ©rant rentrer chez lui, Ă deux pas ; et, la pluie ayant l'air enfin de cesser, il descendit Ă pied, heureux de sentir sous ses talons ce pavĂ© de Paris, qu'il reconquĂ©rait. Rue Montmartre, quelques gouttes d'eau lui firent prendre par les passages. Il enfila le passage Verdeau, le passage Jouffroy ; puis, dans le passage des Panoramas, comme il suivait une galerie latĂ©rale pour raccourcir et tomber rue Vivienne, il fut surpris de voir sortir d'une allĂ©e obscure Gustave SĂ©dille, qui disparut, sans s'ĂÂȘtre retournĂ©. Lui, s'Ă©tait arrĂÂȘtĂ©, regardant la maison, un discret hĂÂŽtel meublĂ©, lorsque, dans une petite femme blonde, voilĂ©e, qui sortait Ă son tour, il reconnut positivement Mme Conin, la jolie papetiĂšre. C'Ă©tait donc lĂ , quand elle avait un coup de tendresse, qu'elle amenait ses amants d'un jour, tandis que son bon gros garçon de mari la croyait en course pour des factures ! Ce coin de mystĂšre, au beau milieu du quartier, Ă©tait fort gentiment choisi, et un hasard seul venait de livrer le secret. Saccard souriait, trĂšs Ă©gayĂ©, enviant Gustave Germaine Coeur le matin, Mme Conin l'aprĂšs-midi, il mettait les morceaux doubles, le jeune homme ! Et, Ă deux reprises, il regarda encore la porte, afin de la bien reconnaĂtre, tentĂ© d'en ĂÂȘtre, lui aussi. Rue Vivienne, au moment oĂÂč il entrait chez Kolb, Saccard tressaillit et s'arrĂÂȘta de nouveau. Une musique lĂ©gĂšre, cristalline, qui sortait du sol, pareille Ă la voix des fĂ©es lĂ©gendaires, l'enveloppait ; et il reconnut la musique de l'or, la continuelle sonnerie de ce quartier du nĂ©goce et de la spĂ©culation, entendue dĂ©jĂ le matin. La fin de la journĂ©e en rejoignait le commencement. Il s'Ă©panouit, Ă la caresse de cette voix, comme si elle lui confirmait le bon prĂ©sage. Justement, Kolb se trouvait en bas, Ă l'atelier de fonte ; et, en ami de la maison, Saccard descendit l'y rejoindre. Dans le sous-sol nu, que de larges flammes de gaz Ă©clairaient Ă©ternellement, les deux fondeurs vidaient Ă la pelle les caisses doublĂ©es de zinc, pleines, ce jour-lĂ , de piĂšces espagnoles, qu'ils jetaient au creuset, sur le grand fourneau carrĂ©. La chaleur Ă©tait forte, il fallait parler haut pour s'entendre, au milieu de cette sonnerie d'harmonica, vibrante sous la voĂ»te basse. Des lingots fondus, des pavĂ©s d'or, d'un Ă©clat vif de mĂ©tal neuf, s'alignaient le long de la table du chimiste-essayeur, qui en arrĂÂȘtait les titres. Et, depuis le matin, plus de six millions avaient passĂ© lĂ , assurant au banquier un bĂ©nĂ©fice de trois ou quatre cents francs Ă peine ; car l'arbitrage sur l'or, cette diffĂ©rence rĂ©alisĂ©e entre deux cours, Ă©tant des plus minimes, s'apprĂ©ciant par milliĂšmes, ne peut donner un gain que sur des quantitĂ©s considĂ©rables de mĂ©tal fondu. De lĂ , ce tintement d'or, ce ruissellement d'or, du matin au soir, d'un bout de l'annĂ©e Ă l'autre, au fond de cette cave, oĂÂč l'or venait en piĂšces monnayĂ©es, d'oĂÂč il partait en lingots, pour revenir en piĂšces et repartir en lingots, indĂ©finiment, dans l'unique but de laisser aux mains du trafiquant quelques parcelles d'or. DĂšs que Kolb, un homme petit, trĂšs brun, dont le nez en bec d'aigle, sortant d'une grande barbe, dĂ©celait l'origine juive, eut compris l'offre de Saccard, que l'or courrait d'un bruit de grĂÂȘle, il accepta. " Parfait ! cria-t-il. TrĂšs heureux d'en ĂÂȘtre, si Daigremont en est ! Et merci de ce que vous vous ĂÂȘtes dĂ©rangĂ© ! " Mais ils s'entendaient Ă peine, ils se turent, restĂšrent lĂ un instant encore, Ă©tourdis, bĂ©ats dans cette sonnerie si claire et exaspĂ©rĂ©e, dont leur chair frĂ©missait toute, comme d'une note trop haute tenue sans fin sur les violons, jusqu'au spasme. Dehors, malgrĂ© le beau temps revenu, une limpide soirĂ©e de mai, Saccard, brisĂ© de fatigue, reprit un fiacre pour rentrer. Une rude journĂ©e, mais bien remplie ! IV - Des difficultĂ©s surgirent, l'affaire traĂna, cinq mois s'Ă©coulĂšrent sans que rien pĂ»t se conclure. On Ă©tait dĂ©jĂ aux derniers jours de septembre, et Saccard enrageait de voir que, malgrĂ© son zĂšle, de continuels obstacles renaissaient, toute une sĂ©rie de questions secondaires, qu'il fallait rĂ©soudre d'abord, si l'on voulait fonder quelque chose de sĂ©rieux et de solide. Son impatience devint telle, qu'il fut un moment sur le point d'envoyer promener le syndicat, hantĂ© et sĂ©duit par la brusque idĂ©e de faire l'affaire avec la princesse d'Orviedo, toute seule. Elle avait les millions nĂ©cessaires au premier lancement, pourquoi ne les mettrait-elle pas dans cette opĂ©ration superbe, quitte Ă laisser venir la petite clientĂšle, lors des futures augmentations du capital, qu'il projetait dĂ©jĂ ? Il Ă©tait d'une bonne foi absolue, il avait la conviction de lui apporter un placement oĂÂč elle dĂ©cuplerait sa fortune, cette fortune des pauvres, qu'elle rĂ©pandrait en aumĂÂŽnes plus larges encore. Donc, un matin, Saccard monta chez la princesse, et, en ami doublĂ© d'un homme d'affaires, il lui expliqua la raison d'ĂÂȘtre et le mĂ©canisme de la banque qu'il rĂÂȘvait. Il dit tout, Ă©tala le portefeuille d'Hamelin, n'omit pas une des entreprises d'Orient. MĂÂȘme, cĂ©dant Ă cette facultĂ© qu'il avait de se griser de son propre enthousiasme, d'arriver Ă la foi par son dĂ©sir brĂ»lant de rĂ©ussir, il lĂÂącha le rĂÂȘve fou de la papautĂ© Ă JĂ©rusalem, il parla du triomphe dĂ©finitif du catholicisme, le pape trĂÂŽnant aux lieux saints, dominant le monde, assurĂ© d'un budget royal, grĂÂące Ă la crĂ©ation du TrĂ©sor du Saint-SĂ©pulcre. La princesse, d'une ardente dĂ©votion, ne fut guĂšre frappĂ©e que de ce projet suprĂÂȘme, ce couronnement de l'Ă©difice, dont la grandeur chimĂ©rique flattait en elle l'imagination dĂ©rĂ©glĂ©e qui lui faisait jeter ses millions en bonnes oeuvres d'un luxe colossal et inutile. Justement, les catholiques de France venaient d'ĂÂȘtre atterrĂ©s et irritĂ©s de la convention que l'empereur avait conclu avec le roi d'Italie, par laquelle il s'engageait, sous de certaines conditions de garantie, Ă retirer le corps de troupes français occupant Rome ; il Ă©tait bien certain que c'Ă©tait Rome livrĂ©e Ă l'Italie, on voyait dĂ©jĂ le pape chassĂ©, rĂ©duit Ă l'aumĂÂŽne, errant par les villes avec le bĂÂąton des mendiants ; et quel dĂ©nouement prodigieux, le pape se retrouvant pontife et roi Ă JĂ©rusalem, installĂ© lĂ et soutenu par une banque dont les chrĂ©tiens du monde entier tiendraient Ă honneur d'ĂÂȘtre les actionnaires ! C'Ă©tait si beau, que la princesse dĂ©clara l'idĂ©e la plus grande du siĂšcle, digne de passionner toute personne bien nĂ©e ayant de la religion. Le succĂšs lui semblait assurĂ©, foudroyant. Son estime s'en accrut pour l'ingĂ©nieur Hamelin, qu'elle traitait avec considĂ©ration, ayant su qu'il pratiquait. Mais elle refusa nettement d'ĂÂȘtre de l'affaire, elle entendait rester fidĂšle au serment qu'elle avait fait de rendre ses millions aux pauvres, sans jamais plus tirer d'eux un centime d'intĂ©rĂÂȘt, voulant que cet argent du jeu se perdĂt fĂ»t bu par la misĂšre, comme une eau empoisonnĂ©e qui devait disparaĂtre. L'argument que les pauvres profiteraient de la spĂ©culation ne la touchait pas, l'irritait mĂÂȘme. Non, non ! la source maudite serait tarie, elle ne s'Ă©tait pas donnĂ© d'autre mission. Saccard, dĂ©concertĂ©, ne put qu'utiliser sa sympathie pour obtenir d'elle une autorisation, vainement sollicitĂ©e jusque-lĂ . Il avait eu la pensĂ©e, dĂšs que la Banque universelle serait fondĂ©e, de l'installer dans l'hĂÂŽtel mĂÂȘme ; ou du moins c'Ă©tait Mme Caroline qui lui avait soufflĂ© cette idĂ©e, car, lui, voyait plus grand, aurait voulu tout de suite un palais. On se contenterait de vitrer la cour, pour servir de hall central ; on amĂ©nagerait en bureaux tout le rez-de-chaussĂ©e, les Ă©curies, les remises ; au premier Ă©tage, il donnerait son salon qui deviendrait la salle du conseil, sa salle Ă manger et six autres piĂšces dont on ferait des bureaux encore, ne garderait qu'une chambre Ă coucher et un cabinet de toilette, quitte Ă vivre en haut avec les Hamelin, mangeant, passant les soirĂ©es chez eux ; de sorte qu'Ă peu de frais on installerait la banque d'une façon un peu Ă©troite mais fort sĂ©rieuse. La princesse, comme propriĂ©taire, avait d'abord refusĂ©, dans sa haine de tout trafic d'argent jamais son toit n'abriterait cette abomination. Puis, ce jour-lĂ , mettant la religion dans l'affaire, Ă©mue de la grandeur du but, elle consentit. C'Ă©tait une concession extrĂÂȘme, elle se sentait prise d'un petit frisson, lorsqu'elle songeait Ă cette machine infernale d'une maison de crĂ©dit, d'une maison de Bourse et d'agio, dont elle laissait ainsi Ă©tablir sous elle les rouages de ruine et de mort. Enfin, une semaine aprĂšs cette tentative avortĂ©e, Saccard eut la joie de voir l'affaire, si empĂÂȘtrĂ©e d'obstacles, se bĂÂącler brusquement, en quelques jours. Daigremont vint un matin lui dire qu'il avait toutes les adhĂ©sions, qu'on pouvait marcher. DĂšs lors, on Ă©tudia une derniĂšre fois le projet des statuts, on rĂ©digea l'acte de sociĂ©tĂ©. Et il Ă©tait grand temps aussi pour les Hamelin, Ă qui la vie commençait Ă redevenir dure. Lui, depuis des annĂ©es, n'avait qu'un rĂÂȘve, ĂÂȘtre l'ingĂ©nieur-conseil d'une grande maison de crĂ©dit comme il le disait, il se chargerait d'amener l'eau au moulin. Aussi, peu Ă peu, la fiĂšvre de Saccard l'avait-elle gagnĂ©, brĂ»lant du mĂÂȘme zĂšle et de la mĂÂȘme impatience. Au contraire, Mme Caroline, aprĂšs s'ĂÂȘtre enthousiasmĂ©e Ă l'idĂ©e des belles et utiles choses qu'on allait accomplir, semblait plus froide, l'air songeur, depuis qu'on entrait dans les broussailles et les fondriĂšres de l'exĂ©cution. Son grand bon sens, sa nature droite flairaient toutes sortes de trous obscurs et malpropres ; et elle tremblait surtout pour son frĂšre, qu'elle adorait, qu'elle traitait parfois en riant de " grosse bĂÂȘte " , malgrĂ© sa science ; non qu'elle soupçonnĂÂąt le moins du monde l'honnĂÂȘtetĂ© parfaite de leur ami, qu'elle voyait si dĂ©vouĂ© Ă leur fortune ; mais elle avait une singuliĂšre sensation de terrain mouvant, une inquiĂ©tude de chute et d'engloutissement, au premier faux pas. Ce matin-lĂ , Saccard, lorsque Daigremont l'eut quittĂ©, monta rayonnant Ă la salle des Ă©pures. " Enfin, c'est fait ! " cria-t-il. Hamelin, saisi, les yeux humides, vĂnt lui serrer les mains, Ă les briser. Et, comme Mme Caroline s'Ă©tait simplement tournĂ©e vers lui, un peu pĂÂąle, il ajouta " Eh bien, quoi donc ; c'est tout ce que vous me dites ?... ĂâĄa ne vous fait pas plus de plaisir, Ă vous ?... " Elle eut un bon sourire. " Mais si, je suis trĂšs contente, trĂšs contente, je vous assure. " Puis, quand il eut donnĂ© Ă son frĂšre des dĂ©tails sur le syndicat, dĂ©finitivement formĂ©, elle intervint de son air paisible. " Alors, c'est permis, n'est-ce pas ? de se rĂ©unir ainsi Ă plusieurs, pour se distribuer les actions d'une banque, avant mĂÂȘme que l'Ă©mission soit faite ? " Violemment, il eut un geste d'affirmation. " Mais, certainement, c'est permis !... Est-ce que vous nous croyez assez niais, pour risquer un Ă©chec ? Sans compter que nous avons besoin de gens solides, maĂtres du marchĂ©, si les dĂ©buts sont difficiles... VoilĂ toujours les quatre cinquiĂšmes de nos titres placĂ©s en des mains sĂ»res. On va pouvoir aller signer l'acte de sociĂ©tĂ© chez le notaire. " Elle osa lui tenir tĂÂȘte. " Je croyais que la loi exigeait la souscription intĂ©grale du capital social. " Cette fois, trĂšs surpris, il la regarda en face. " Vous lisez donc le Code ? " Et elle rougit lĂ©gĂšrement, car il avait devinĂ© la veille, cĂ©dant Ă son malaise, cette peur sourde et sans cause prĂ©cise, elle avait lu la loi sur les sociĂ©tĂ©s. Un instant, elle fut sur le point de mentir. Puis, avouant, riant " C'est vrai, j'ai lu le Code, hier. J'en suis sortie, en tĂÂątant mon honnĂÂȘtetĂ© et celle des autres, comme on sort des livres de mĂ©decine, avec toutes les maladies. " Mais lui se fĂÂąchait, car ce fait d'avoir voulu se renseigner, la lui montrait mĂ©fiante, prĂÂȘte Ă le surveiller, de ses yeux de femme, fureteurs et intelligents. " Ah ! reprit-il avec un geste qui jetait bas les vains scrupules, si vous croyez que nous allons nous conformer aux chinoiseries du Code ! Mais nous ne pourrions faire deux pas, nous serions arrĂÂȘtĂ©s par des entraves, Ă chaque enjambĂ©e, tandis que les autres, nos rivaux, nous devanceraient, Ă toutes jambes !... Non, non, je n'attendrai certainement pas que tout le capital soit souscrit ; je prĂ©fĂšre, d'ailleurs, nous rĂ©server des titres, et je trouverai un homme Ă nous auquel j'ouvrirai un compte, qui sera notre prĂÂȘte-nom enfin. - C'est dĂ©fendu, dĂ©clara-t-elle simplement de sa belle voix grave. - Eh ! oui, c'est dĂ©fendu, mais toutes les sociĂ©tĂ©s le font. - Elles ont tort, puisque c'est mal. " Saccard, se calmant par un brusque effort de volontĂ©, crut alors devoir se tourner vers Hamelin, qui, gĂÂȘnĂ©, Ă©coutait, sans intervenir. " Mon cher ami, j'espĂšre que vous ne doutez pas de moi... Je suis un vieux routier de quelque expĂ©rience, vous pouvez vous remettre entre mes mains, pour le cĂÂŽtĂ© financier de l'affaire. Apportez-moi de bonnes idĂ©es, et je me charge de tirer d'elles tout le bĂ©nĂ©fice dĂ©sirable, en courant le moins de risques possible. Je crois qu'un homme pratique ne peut pas dire mieux. " L'ingĂ©nieur, avec son fond invincible de timiditĂ© et de faiblesse, tourna la chose en plaisanterie, pour Ă©viter de rĂ©pondre directement. " Oh ! vous aurez, dans Caroline, un vrai censeur. Elle est nĂ©e maĂtre d'Ă©cole. - Mais je veux bien aller Ă sa classe " , dĂ©clara galamment Saccard. Mme Caroline elle-mĂÂȘme s'Ă©tait remise Ă rire. Et la conversation continua sur un ton de familiĂšre bienveillance. " C'est que j'aime beaucoup mon frĂšre, c'est que je vous aime vous- mĂÂȘme plus que vous ne pensez, et cela me ferait un gros chagrin de vous voir vous engager dans des trafics louches, oĂÂč il n'y a, au bout, que dĂ©sastre et que tristesse... Ainsi, tenez ! puisque nous en sommes lĂ - dessus, la spĂ©culation, le jeu Ă la Bourse, eh bien ! j'en ai une terreur folle. J'Ă©tais si heureuse, dans le projet de statuts, que vous m'avez fait recopier, d'avoir lu, Ă l'article 8, que la sociĂ©tĂ© s'interdisait rigoureusement toute opĂ©ration Ă terme. C'Ă©tait s'interdire le jeu, n'est-ce pas ? Et puis, vous m'avez dĂ©senchantĂ©e, en vous moquant de moi, en m'expliquant que c'Ă©tait lĂ un simple article d'apparat, une formule de style que toutes les sociĂ©tĂ©s tenaient Ă honneur d'inscrire et que pas une n'observait... Vous ne savez pas ce que je voudrais, moi ? ce serait qu'Ă la place de ces actions, ces cinquante mille actions que vous allez lancer, vous n'Ă©mettiez que des obligations. Oh ! vous voyez que je suis trĂšs forte, depuis que je lis le Code, je n'ignore plus qu'on ne joue pas sur une obligation, qu'un obligataire est un simple prĂÂȘteur qui touche tant pour cent sur son prĂÂȘt, sans ĂÂȘtre intĂ©ressĂ© dans les bĂ©nĂ©fices, tandis que l'actionnaire est un associĂ© courant la chance des bĂ©nĂ©fices et des pertes... Dites, pourquoi pas des obligations, ça me rassurerait tant, je serais si heureuse ! " Elle outrait plaisamment la supplication de sa requĂÂȘte, pour cacher sa rĂ©elle inquiĂ©tude. Et Saccard rĂ©pondit sur le mĂÂȘme ton, avec un emportement comique. " Des obligations, des obligations ! mais jamais !... Que voulez-vous fiche avec des obligations ? C'est de la matiĂšre morte... Comprenez donc que la spĂ©culation, le jeu est le rouage central, le coeur mĂÂȘme, dans une vaste affaire comme la nĂÂŽtre. Oui ! il appelle le sang, il le prend partout par petits ruisseaux, l'amasse, le renvoie en fleuves dans tous les sens, Ă©tablit une Ă©norme circulation d'argent, qui est la vie mĂÂȘme des grandes affaires. Sans lui, les grands mouvements de capitaux, les grands travaux civilisateurs qui en rĂ©sultent, sont radicalement impossibles... C'est comme pour les sociĂ©tĂ©s anonymes, a-t-on assez criĂ© contre elles, a-t-on assez rĂ©pĂ©tĂ© qu'elles Ă©taient des tripots et des coupe-gorge. La vĂ©ritĂ© est que, sans elles, nous n'aurions ni les chemins de fer, ni aucune des Ă©normes entreprises modernes, qui ont renouvelĂ© le monde ; car pas une fortune n'aurait suffi Ă les mener Ă bien, de mĂÂȘme que pas un individu, ni mĂÂȘme un groupe d'individus, n'aurait voulu en courir les risques. Les risques, tout est lĂ , et la grandeur du but aussi. Il faut un projet vaste, dont l'ampleur saisisse l'imagination ; il faut l'espoir d'un gain considĂ©rable, d'un coup de loterie qui dĂ©cuple la mise de fonds, quand elle ne l'emporte pas ; et alors les passions s'allument, la vie afflue, chacun apporte son argent, vous pouvez repĂ©trir la terre. Quel mal voyez-vous lĂ ? Les risques courus sont volontaires, rĂ©partis sur un nombre infini de personnes, inĂ©gaux et limitĂ©s selon la fortune et l'audace de chacun. On perd, mais on gagne, on espĂšre un bon numĂ©ro, mais on doit s'attendre toujours Ă en tirer un mauvais, et l'humanitĂ© n'a pas de rĂÂȘve plus entĂÂȘtĂ© ni plus ardent, tenter le hasard, obtenir tout de son caprice, ĂÂȘtre roi, ĂÂȘtre dieu ! " Peu Ă peu, Saccard ne riait plus, se redressait sur ses petites jambes, s'enflammait d'une ardeur lyrique, avec des gestes qui jetaient ses paroles aux quatre coins du ciel. " Tenez, nous autres, avec notre Banque universelle, n'allons-nous pas couvrir l'horizon le plus large, toute une trouĂ©e sur le vieux monde de l'Asie, un champ sans limite Ă la pioche du progrĂšs et Ă la rĂÂȘverie des chercheurs d'or. Certes, jamais ambition n'a Ă©tĂ© plus colossale, et, je l'accorde, jamais non plus conditions de succĂšs ou d'insuccĂšs n'ont Ă©tĂ© plus obscures. Mais c'est justement pour cela que nous sommes dans les termes mĂÂȘmes du problĂšme, et que nous dĂ©terminerons, j'en ai la conviction, un engouement extraordinaire dans le public, dĂšs que nous serons connus... Notre Banque universelle, mon Dieu ! elle va ĂÂȘtre d'abord la maison classique qui traitera de toutes affaires de banque, de crĂ©dit et d'escompte, recevra des fonds en comptes courants, contractera, nĂ©gociera ou Ă©mettra des emprunts. Seulement, l'outil que j'en veux faire surtout, c'est une machine Ă lancer les grands projets de votre frĂšre lĂ sera son vĂ©ritable rĂÂŽle, ses bĂ©nĂ©fices croissants, sa puissance peu Ă peu dominatrice. Elle est fondĂ©e, en somme, pour prĂÂȘter son concours Ă des sociĂ©tĂ©s financiĂšres et industrielles, que nous Ă©tablirons dans les pays Ă©trangers, dont nous placerons les actions, qui nous devront la vie et nous assurerons la souverainetĂ©... Et, devant cet avenir aveuglant de conquĂÂȘtes, vous venez me demander s'il est permis de se syndiquer et d'avantager d'une prime les syndicataires, quitte Ă la porter au compte de premier Ă©tablissement ; vous vous inquiĂ©tez des petites irrĂ©gularitĂ©s fatales, des actions non souscrites, que la sociĂ©tĂ© fera bien de garder, sous le couvert d'un prĂÂȘte-nom ; enfin, vous partez en guerre contre le jeu, contre le jeu, Seigneur ! qui est l'ĂÂąme mĂÂȘme, le foyer, la flamme de cette gĂ©ante mĂ©canique que je rĂÂȘve !... Sachez donc que ce n'est rien encore, tout ça ! que ce pauvre petit capital de vingt-cinq millions est un simple fagot jetĂ© sous la machine, pour le premier coup de feu ! que j'espĂšre bien le doubler, le quadrupler, le quintupler, Ă mesure que nos opĂ©rations s'Ă©largiront ! qu'il nous faut la grĂÂȘle des piĂšces d'or, la danse des millions, si nous voulons, lĂ -bas, accomplir les prodiges annoncĂ©s !... Ah ! dame ! je ne rĂ©ponds pas de la casse, on ne remue pas le monde, sans Ă©craser les pieds de quelques passants. " Elle le regardait, et, dans son amour de la vie, de tout ce qui Ă©tait fort et actif, elle finissait par le trouver beau, sĂ©duisant de verve et de foi. Aussi, sans se rendre Ă ses thĂ©ories qui rĂ©voltaient la droiture de sa claire intelligence, feignit-elle d'ĂÂȘtre vaincue. " C'est bon, mettons que je ne sois qu'une femme et que les batailles de l'existence m'effraient... Seulement, n'est-ce pas ? tĂÂąchez d'Ă©craser le moins de monde possible, et surtout n'Ă©crasez personne de ceux que j'aime. " Saccard, grisĂ© de son accĂšs d'Ă©loquence, et qui triomphait de ce vaste plan exposĂ©, comme si la besogne Ă©tait faite, se montra tout Ă fait bonhomme. " N'ayez donc pas peur ! Je fais l'ogre, c'est pour rire... Tout le monde sera trĂšs riche. " Ils causĂšrent ensuite tranquillement des dispositions Ă prendre, et il fut convenu que, le lendemain mĂÂȘme de la constitution dĂ©finitive de la sociĂ©tĂ©, Hamelin se rendrait Ă Marseille, puis de lĂ en Orient, pour hĂÂąter la mise en oeuvre des grandes affaires. Mais dĂ©jĂ , sur le marchĂ© de Paris, des bruits se rĂ©pandaient, une rumeur ramenait le nom de Saccard, du fond trouble oĂÂč il s'Ă©tait noyĂ© un instant ; et les nouvelles, d'abord chuchotĂ©es, peu Ă peu dites Ă voix plus haute, sonnaient si clairement le succĂšs prochain, que, de nouveau, comme au parc Monceau jadis, son antichambre s'emplissait de solliciteurs, chaque matin. Il voyait Mazaud monter, par hasard, pour lui serrer la main et causer des nouvelles du jour ; il recevait d'autres agents de change, le juif Jacoby, avec sa voix tonitruante, et son beau-frĂšre Delarocque, un gros roux, qui rendait sa femme si malheureuse. La coulisse venait aussi, dans la personne de Nathansohn, un petit blond trĂšs actif, que la chance portait. Et quant Ă Massias, rĂ©signĂ© Ă sa dure besogne de remisier malchanceux, il se prĂ©sentait dĂ©jĂ chaque jour, bien qu'il n'y eĂ»t pas encore d'ordres Ă recevoir. C'Ă©tait toute une foule montante. Un matin, dĂšs neuf heures, Saccard trouva l'antichambre pleine. N'ayant pas arrĂÂȘtĂ© encore de personnel spĂ©cial, il Ă©tait fort mal secondĂ© par son valet de chambre et, le plus souvent, il se donnait la peine d'introduire les gens lui-mĂÂȘme. Ce jour-lĂ , comme il ouvrait la porte de son cabinet, Jantrou voulut entrer ; mais il avait aperçu Sabatani, qu'il faisait chercher depuis deux jours. " Pardon, mon ami " , dit-il en arrĂÂȘtant l'ancien professeur, pour recevoir d'abord le Levantin. Sabatani, avec son inquiĂ©tant sourire de caresse, sa souplesse de couleuvre, laissa parler Saccard ; qui, trĂšs nettement d'ailleurs, en homme qui le connaissait, lui fit sa proposition. " Mon cher, j'ai besoin de vous... Il nous faut un prĂÂȘte-nom. Je vous ouvrirai un compte, je vous ferai acheteur d'un certain nombre de nos titres, que vous paierez simplement par un jeu d'Ă©critures... Vous voyez que je vais droit au but et que je vous traite en ami. " Le jeune homme le regardait de ses beaux yeux de velours, si doux dans sa longue face brune. " La loi, cher maĂtre, exige d'une façon formelle le versement en espĂšces... Oh ! ce n'est pas pour moi que je vous dis ça. Vous me traitez en ami, et j'en suis trĂšs fier... Tout ce que vous voudrez ! " Alors, Saccard, pour lui ĂÂȘtre agrĂ©able, lui dit l'estime oĂÂč le tenait Mazaud, qui avait fini par prendre ses ordres, sans ĂÂȘtre couvert. Puis, il le plaisanta sur Germaine Coeur, avec laquelle il l'avait rencontrĂ© la veille, faisant allusion crĂ»ment au bruit qui le douait d'un vĂ©ritable prodige, une exception gĂ©ante, dont rĂÂȘvaient les filles du monde de la Bourse, tourmentĂ©es de curiositĂ©. Et Sabatani ne niait pas, riait de son rire Ă©quivoque sur ce sujet scabreux oui, oui ! ces dames Ă©taient trĂšs drĂÂŽles Ă courir aprĂšs lui, elles voulaient voir. " Ah ! Ă propos, interrompit Saccard, nous aurons aussi besoin de signatures, pour rĂ©gulariser certaines opĂ©rations, les transferts, par exemple... Pourrai-je envoyer chez vous les paquets de papiers Ă signer ? - Mais certainement, cher maĂtre. Tout ce que vous voudrez ! " Il ne soulevait mĂÂȘme pas la question de paiement, sachant que cela est sans prix, lorsqu'on rend de pareils services ; et, comme l'autre ajoutait qu'on lui donnerait un franc par signature, pour le dĂ©dommager de sa perte de temps, il acquiesça d'un simple mouvement de tĂÂȘte. Puis, avec son sourire " J'espĂšre aussi, cher maĂtre, que vous ne me refuserez pas des conseils. Vous allez ĂÂȘtre si bien placĂ©, je viendrai aux renseignements. - C'est ça, conclut Saccard, qui comprit. Au revoir... MĂ©nagez-vous, ne cĂ©dez pas trop Ă la curiositĂ© des dames. " Et, s'Ă©gayant de nouveau, il le congĂ©dia par une porte de dĂ©gagement, qui lui permettait de renvoyer les gens, sans leur faire retraverser la salle d'attente. Ensuite, Saccard, Ă©tant allĂ© rouvrir l'autre porte, appela Jantrou. D'un coup d'oeil, il le vit ravagĂ©, sans ressources, avec une redingote dont les manches s'Ă©taient usĂ©es sur les tables des cafĂ©s, Ă attendre une situation. La Bourse continuait d'ĂÂȘtre une marĂÂątre, et il portait beau pourtant, la barbe en Ă©ventail, cynique et lettrĂ©, lĂÂąchant encore de temps Ă autre une phrase fleurie d'ancien universitaire. " Je vous aurais Ă©crit prochainement, dit Saccard. Nous dressons la liste de notre personnel, oĂÂč je vous ai inscrit un des premiers, et je crois bien que je vous appellerai au bureau des Ă©missions. " Jantrou l'arrĂÂȘta d'un geste. " Vous ĂÂȘtes bien aimable, je vous remercie... Mais j'ai une affaire Ă vous proposer. " Il ne s'expliqua pas tout de suite, dĂ©buta par des gĂ©nĂ©ralitĂ©s, demanda quelle serait la part des journaux, dans le lancement de la Banque universelle. L'autre prit feu aux premiers mots, dĂ©clara qu'il Ă©tait pour la publicitĂ© la plus large, qu'il y mettrait tout l'argent disponible. Pas une trompette n'Ă©tait Ă dĂ©daigner, mĂÂȘme les trompettes de deux sous, car il posait en axiome que tout bruit Ă©tait bon, en tant que bruit. Le rĂÂȘve serait d'avoir tous les journaux Ă soi ; seulement, ça coĂ»terait trop cher. " Tiens ! est-ce que vous auriez l'idĂ©e de nous organiser notre publicitĂ©. Ce ne serait peut-ĂÂȘtre pas bĂÂȘte. Nous en causerons. " Oui, plus tard, si vous voulez.. Mais qu'est-ce que vous diriez d'un journal Ă vous, complĂštement Ă vous, dont je serais le directeur. Chaque matin, une page vous serait rĂ©servĂ©e, des articles qui chanteraient vos louanges, de simples notes rappelant l'attention sur vous, des allusions dans des Ă©tudes complĂštement Ă©trangĂšres aux finances, enfin une campagne en rĂšgle, Ă propos de tout et de rien, vous exaltant sans relĂÂąche sur l'hĂ©catombe de vos rivaux... Est-ce que ça vous tente ? - Dame ! si ça ne coĂ»tait pas les yeux de la tĂÂȘte. - Non, le prix serait raisonnable. " Et il nomma enfin le journal L'EspĂ©rance , une feuille fondĂ©e, depuis deux ans, par un petit groupe de personnalitĂ©s catholiques, les violents du parti, qui faisaient Ă l'empire une guerre fĂ©roce. Le succĂšs Ă©tait, d'ailleurs, absolument nul, et le bruit de la disparition du journal courait chaque matin. Saccard se rĂ©cria. " Oh ! il ne tire pas Ă deux mille ! - ĂâĄa, ce sera notre affaire, d'arriver Ă un plus gros tirage. - Et puis, c'est impossible il traĂne mon frĂšre dans la boue, je ne peux pas me fĂÂącher avec mon frĂšre dĂšs le dĂ©but. " Jantrou haussa doucement les Ă©paules. " Il ne faut se fĂÂącher avec personne... Vous savez comme moi que, lorsqu'une maison de crĂ©dit a un journal, peu importe qu'il soutienne ou attaque le gouvernement s'il est officieux, la maison est certaine de faire partie de tous les syndicats que forme le ministre des Finances pour assurer le succĂšs des emprunts de l'Etat et des communes ; s'il est opposant, le mĂÂȘme ministre a toutes sortes d'Ă©gards pour la banque qu'il reprĂ©sente, un dĂ©sir de le dĂ©sarmer et de l'acquĂ©rir, qui se traduit souvent par plus de faveurs encore... Ne vous inquiĂ©tez donc pas de la couleur de L'EspĂ©rance . Ayez un journal, c'est une force. " Un instant silencieux, Saccard, avec cette vivacitĂ© d'intelligence qui lui faisait d'un coup s'approprier l'idĂ©e d'un autre, la fouiller, l'adapter Ă ses besoins, au point qu'il la rendait complĂštement sienne, dĂ©veloppait tout un plan. Il achetait L'EspĂ©rance , en Ă©teignait les polĂ©miques acerbes, la mettait aux pieds de son frĂšre qui Ă©tait bien forcĂ© de lui en avoir de la reconnaissance, mais lui conservait son odeur catholique, la gardait comme une menace, une machine toujours prĂÂȘte Ă reprendre sa terrible campagne, au nom des intĂ©rĂÂȘts de la religion. Et, si l'on n'Ă©tait pas aimable avec lui, il brandissait Rome, il risquait le grand coup de JĂ©rusalem. Ce serait un joli tour, pour finir. " Serions-nous libres ? demanda-t-il brusquement. - Absolument libres. Ils en ont assez, le journal est tombĂ© entre les mains d'un gaillard besogneux qui nous le livrera pour une dizaine de mille francs. Nous en ferons ce qu'il nous plaira. " Une minute encore, Saccard rĂ©flĂ©chit. " Eh bien, c'est fait. Prenez rendez-vous, amenez-moi votre homme ici... Vous serez directeur, et je verrai Ă centraliser entre vos mains toute notre publicitĂ©, que je veux exceptionnelle, Ă©norme, oh ! plus tard, quand nous aurons de quoi chauffer sĂ©rieusement la machine. " Il s'Ă©tait levĂ©. Jantrou se leva Ă©galement, cachant sa joie de trouver du pain, sous son rire blagueur de dĂ©classĂ©, las de la boue parisienne. " Enfin, je vais donc rentrer dans mon Ă©lĂ©ment, mes chĂšres belles- lettres ! - N'engagez personne encore, reprit Saccard en le reconduisant. Et, pendant que j'y songe, prenez donc note d'un protĂ©gĂ© Ă moi, de Paul Jordan, un jeune homme Ă qui je trouve un talent remarquable, et dont vous ferez un excellent rĂ©dacteur littĂ©raire. Je vais lui Ă©crire d'aller vous voir. " Jantrou sortait par la porte de dĂ©gagement, lorsque cette heureuse disposition des deux issues le frappa. " Tiens ! c'est commode, dit-il avec sa familiaritĂ©. On escamote le monde... Quand il vient de belles dames, comme celle que j'ai saluĂ©e tout Ă l'heure dans l'anti-chambre, la baronne Sandorff... " Saccard ignorait qu'elle fĂ»t lĂ ; et d'un haussement d'Ă©paules, il voulut dire son indiffĂ©rence ; mais l'autre ricanait, refusait de croire Ă ce dĂ©sintĂ©ressement. Les deux hommes Ă©changĂšrent une vigoureuse poignĂ©e de main. Lorsqu'il fut seul, Saccard, instinctivement, se rapprocha de la glace, releva ses cheveux, oĂÂč pas un fil blanc n'apparaissait encore. Il n'avait pourtant pas menti, les femmes ne le prĂ©occupaient guĂšre, depuis que les affaires le reprenaient tout entier ; et il ne cĂ©dait qu'Ă l'involontaire galanterie qui fait qu'un homme, en France, ne peut se trouver seul avec une femme, sans craindre de passer pour un sot, s'il ne la conquiert pas. DĂšs qu'il eut fait entrer la baronne, il se montra trĂšs empressĂ©. " Madame, je vous en prie, veuillez vous asseoir... " Jamais il ne l'avait vue si Ă©trangement sĂ©duisante, avec ses lĂšvres rouges, ses yeux brĂ»lants, aux paupiĂšres meurtries, enfoncĂ©s sous les sourcils Ă©pais. Que pouvait-elle lui vouloir ? et il demeura surpris, presque dĂ©senchantĂ©, lorsqu'elle lui eut expliquĂ© le motif de sa visite. " Mon Dieu ! monsieur, je vous demande pardon de vous dĂ©ranger, inutilement pour vous ; mais, entre gens du mĂÂȘme monde, il faut bien se rendre de ces petits services... Vous avez eu derniĂšrement un chef de cuisine, que mon mari est sur le point d'engager. Je viens donc tout simplement aux renseignements. " Alors, il se laissa questionner, rĂ©pondit avec la plus grande obligeance, tout en ne la quittant pas du regard ; car il croyait deviner que c'Ă©tait lĂ un prĂ©texte elle se moquait bien du chef de cuisine, elle venait pour autre chose, Ă©videmment. Et, en effet, elle manoeuvra, finit par nommer un ami commun, le marquis de Bohain, qui lui avait parlĂ© de la Banque universelle. On avait tant de peine Ă placer son argent, Ă trouver des valeurs solides ! Enfin, il comprit qu'elle prendrait volontiers des actions, avec la prime de dix pour cent abandonnĂ©e aux syndicataires ; et il comprit mieux encore que, s'il lui ouvrait un compte, elle ne paierait pas. " J'ai ma fortune personnelle, mon mari ne s'en mĂÂȘle jamais. ĂâĄa me donne beaucoup de tracas, ça m'amuse aussi un peu, je l'avoue... N'est- ce pas ? lorsqu'on voit me femme s'occuper d'argent, surtout une jeune femme, ça Ă©tonne, on est tentĂ© de l'en blĂÂąmer... Il y a des jours oĂÂč je suis dans le plus mortel embarras, n'ayant pas d'amis qui veuillent me conseiller. L'autre quinzaine encore, faute d'un renseignement, j'ai perdu une somme considĂ©rable... Ah ! maintenant que vous allez ĂÂȘtre en si bonne position pour savoir, si vous Ă©tiez assez gentil, si vous vouliez... " La joueuse perçait sous la femme du monde, la joueuse ĂÂąpre, enragĂ©e, cette fille des Ladricourt dont un ancĂÂȘtre avait pris Antioche, cette femme d'un diplomate saluĂ©e trĂšs bas par la colonie Ă©trangĂšre de Paris, et que sa passion promenait en solliciteuse louche chez tous les gens de finance. Ses lĂšvres saignaient, ses yeux flambaient davantage, son dĂ©sir Ă©clatait, soulevait la femme ardente qu'elle semblait ĂÂȘtre. Et il eut la naĂÂŻvetĂ© de croire qu'elle Ă©tait venue s'offrir, simplement pour ĂÂȘtre de sa grande affaire et avoir, Ă l'occasion, d'utiles renseignements de Bourse. " Mais, cria-t-il, je ne demande pas mieux, madame, que de mettre Ă vos pieds mon expĂ©rience. " Il avait rapprochĂ© sa chaise, il lui prit la main. Du coup, elle parut dĂ©grisĂ©e. Ah ! non, elle n'en Ă©tait pas encore lĂ , il serait toujours temps qu'elle payĂÂąt d'une nuit la communication d'une dĂ©pĂÂȘche. C'Ă©tait dĂ©jĂ , pour elle, une corvĂ©e abominable que sa liaison avec le procureur gĂ©nĂ©ral Delcambre, cet homme si sec et si jaune, que la ladrerie de son mari l'avait forcĂ©e d'accueillir. Et son indiffĂ©rence sensuelle, le mĂ©pris secret oĂÂč elle tenait l'homme, venait de se montrer en une lassitude blĂÂȘme, sur son visage de fausse passionnĂ©e, que l'espoir du jeu seul enflammait. Elle se leva, dans une rĂ©volte de sa race et de son Ă©ducation, qui lui faisaient encore manquer des affaires. " Alors, monsieur, vous dites que vous Ă©tiez content de ce chef de cuisine ? " EtonnĂ©, Saccard se mit debout Ă son tour. Qu'avait-elle donc espĂ©rĂ© ? qu'il l'inscrirait et la renseignerait pour rien ? DĂ©cidĂ©ment, il fallait se mĂ©fier des femmes, elles apportaient dans les marchĂ©s la plus insigne mauvaise foi. Et, bien qu'il eĂ»t envie de celle-ci, il n'insista pas, il s'inclina avec un sourire qui signifiait " A votre aise, chĂšre madame, quand il vous plaira " , tandis que, tout haut, il disait " TrĂšs content, je vous le rĂ©pĂšte. Une question de rĂ©forme intĂ©rieure m'a seule dĂ©cidĂ© Ă me sĂ©parer de lui. " La baronne Sandorff eut une hĂ©sitation d'une seconde Ă peine, non qu'elle regrettĂÂąt sa rĂ©volte, mais sans doute elle sentait combien il Ă©tait naĂÂŻf de venir chez un Saccard, avant d'ĂÂȘtre rĂ©signĂ©e aux consĂ©quences. Cela l'irritait contre elle-mĂÂȘme, car elle avait la prĂ©tention d'ĂÂȘtre une femme sĂ©rieuse. Elle finit par rĂ©pondre d'une simple inclinaison de tĂÂȘte au respectueux salut dont il la congĂ©diait ; et il l'accompagnait jusqu'Ă la petite porte, lorsque celle-ci fut brusquement ouverte, d'une main familiĂšre. C'Ă©tait Maxime, qui dĂ©jeunait chez son pĂšre, ce matin-lĂ , et qui arrivait en intime, par le couloir. Il s'effaça, salua Ă©galement, pour laisser sortir la baronne. Puis, quand elle fut partie, il eut un lĂ©ger rire. " ĂâĄa commence, ton affaire ? tu touches tes primes ? " MalgrĂ© sa grande jeunesse encore, il avait un aplomb d'homme d'expĂ©rience, incapable de se dĂ©penser inutilement dans un plaisir hasardeux. Son pĂšre comprit son attitude de supĂ©rioritĂ© ironique. " Non, justement, je n'ai rien touchĂ© du tout, et ce n'est point par sagesse, car, mon petit je suis aussi fier d'avoir toujours vingt ans que tu parais l'ĂÂȘtre d'en avoir soixante. " Le rire de Maxime s'accentua, son ancien rire perlĂ© de fille, dont il avait gardĂ© le roucoulement Ă©quivoque, dans l'attitude correcte qu'il s'Ă©tait faite de garçon rangĂ©, dĂ©sireux de ne pas gĂÂąter sa vie davantage. Il affectait la plus grande indulgence, pourvu que rien de lui ne fĂ»t menacĂ©. " Ma foi, tu as bien raison, du moment que ça ne te fatigue pas... Moi, tu sais, j'ai dĂ©jĂ des rhumatismes. " Et, s'installant Ă l'aise dans un fauteuil, prenant un journal " Ne t'occupe pas de moi, finis de recevoir, si je ne te gĂÂȘne pas... Je suis venu trop tĂÂŽt, parce que j'avais Ă passer chez mon mĂ©decin et que je ne l'ai pas trouvĂ©. " A ce moment, le valet de chambre entrait dire que Mme la comtesse de Beauvilliers demandait Ă ĂÂȘtre reçue. Saccard, un peu surpris, bien qu'il eĂ»t dĂ©jĂ rencontrĂ© Ă l'Oeuvre du Travail sa noble voisine, comme il la nommait, donna l'ordre de l'introduire immĂ©diatement ; puis, rappelant le valet, il lui commanda de renvoyer tout le monde, fatiguĂ©, ayant trĂšs faim. Lorsque la comtesse entra, elle n'aperçut mĂÂȘme pas Maxime, que le dossier du grand fauteuil cachait. Et Saccard s'Ă©tonna davantage, en voyant qu'elle avait amenĂ© avec elle sa fille Alice. Cela donnait plus de solennitĂ© Ă la dĂ©marche ces deux femmes si tristes et si pĂÂąles, la mĂšre mince, grande, toute blanche, Ă l'air surannĂ©, la fille vieillie dĂ©jĂ , le cou trop long, jusqu'Ă la disgrĂÂące. Il avança des siĂšges, d'une politesse agitĂ©e, pour mieux montrer sa dĂ©fĂ©rence. " Madame, je suis extrĂÂȘmement honorĂ©... Si j'avais le bonheur de pouvoir vous ĂÂȘtre utile... " D'une grande timiditĂ©, sous son allure hautaine, la comtesse finit par expliquer le motif de sa visite. " Monsieur, c'est Ă la suite d'une conversation avec mon amie, Mme la princesse d'Orviedo, que la pensĂ©e m'est venue de me prĂ©senter chez vous... Je vous avoue que j'ai hĂ©sitĂ© d'abord, car on ne refait pas facilement ses idĂ©es Ă mon ĂÂąge et j'ai toujours eu grand-peur des choses d'aujourd'hui que je ne comprends pas... Enfin, j'en ai causĂ© avec ma fille, je crois qu'il est de mon devoir de passer sur mes scrupules pour tenter d'assurer le bonheur des miens. " Et elle continua, elle dit comment la princesse lui avait parlĂ© de la Banque universelle, certes une main de crĂ©dit telle que les autres, aux yeux des profanes, mais qui, aux yeux des initiĂ©s, allait avoir une excuse sans rĂ©plique, un but tellement mĂ©ritoire et haut, qu'il devait imposer silence aux consciences les plus timorĂ©es. Elle ne prononça ni le nom du pape ni celui de JĂ©rusalem c'Ă©tait lĂ ce qu'on ne disait pas, ce qu'on chuchotait Ă peine entre fidĂšles, le mystĂšre qui passionnait ; mais, de chacune de ses paroles, de ses allusions et de ses sous-entendus, un espoir et une foi se dĂ©gageaient, qui mettaient toute une flamme religieuse dans sa croyance au succĂšs de la nouvelle banque. Saccard lui-mĂÂȘme fut Ă©tonnĂ© de son Ă©motion contenue, du tremblement de sa voix. Il n'avait encore parlĂ© de JĂ©rusalem que dans l'excĂšs lyrique de sa fiĂšvre, il se mĂ©fiait au fond de ce projet fou, y flairant quelque ridicule, disposĂ© Ă l'abandonner et Ă en rire, si des plaisanteries l'accueillaient. Et la dĂ©marche Ă©mue de cette sainte femme qui amenait sa fille, la façon profonde dont elle donnait Ă entendre qu'elle et tous les siens, toute la noblesse française croirait et s'engouerait, le frappait vivement, donnait un corps Ă une rĂÂȘverie pure, Ă©largissait Ă l'infini son champ d'Ă©volution. C'Ă©tait donc vrai qu'il y avait lĂ un levier, dont l'emploi allait lui permettre de soulever le monde ! Avec son assimilation si rapide, il entra d'un coup dans la situation, parla lui-aussi en termes mystĂ©rieux de ce triomphe final qu'il poursuivrait en silence ; et sa parole Ă©tait pĂ©nĂ©trĂ©e de ferveur, il venait rĂ©ellement d'ĂÂȘtre touchĂ© de la foi, de la foi en l'excellence du moyen d'action que la crise traversĂ©e par la papautĂ© lui mettait aux mains. Il avait la facultĂ© heureuse de croire, dĂšs que l'exigeait l'intĂ©rĂÂȘt de ses plans. " Enfin, monsieur, continuait la comtesse, je suis dĂ©cidĂ©e Ă une chose qui m'a rĂ©pugnĂ© jusqu'ici... Oui, l'idĂ©e de faire travailler de l'argent, de le placer Ă intĂ©rĂÂȘts, ne m'est jamais entrĂ©e dans la tĂÂȘte des façons anciennes d'entendre la vie, des scrupules qui deviennent un peu sots, je le sais ; mais, que voulez-vous ? on ne va point aisĂ©ment contre les croyances qu'on a sucĂ©es avec le lait, et je m'imaginais que la terre seule, la grande propriĂ©tĂ© devait nourrir des gens tels que nous... Malheureusement, la grande propriĂ©tĂ©... " Elle rougit faiblement, car elle en arrivait Ă l'aveu de cette ruine qu'elle dissimulait avec tant de soin. " La grande propriĂ©tĂ© n'existe plus guĂšre... Nous autres avons Ă©tĂ© trĂšs Ă©prouvĂ©s... Il ne nous reste plus qu'une ferme. " Saccard, alors, pour lui Ă©viter toute gĂÂȘne, renchĂ©rit, s'enflamma. " Mais, madame, personne ne vit plus de la terre... L'ancienne fortune domaniale est une forme caduque de la richesse, qui a cessĂ© d'avoir sa raison d'ĂÂȘtre. Elle Ă©tait la stagnation mĂÂȘme de l'argent, dont nous avons dĂ©cuplĂ© la valeur, en le jetant dans la circulation, et par le papier-monnaie, et par les titres de toutes sortes, commerciaux et financiers. C'est ainsi que le monde va ĂÂȘtre renouvelĂ©, car rien n'Ă©tait possible sans l'argent, l'argent liquide qui coule, qui pĂ©nĂštre partout, ni les applications de la science, ni la paix finale, universelle... Oh ! la fortune domaniale ! elle est allĂ©e rejoindre les pataches. On meurt avec un million de terres, on vit avec le quart de ce capital placĂ© dans de bonnes affaires, Ă quinze, vingt et mĂÂȘme trente pour cent. " Doucement, avec sa tristesse infinie, la comtesse hocha la tĂÂȘte. " Je ne vous entends guĂšre, et, je vous l'ai dit, je suis restĂ©e d'une Ă©poque oĂÂč ces choses effrayaient, comme des choses mauvaises et dĂ©fendues... Seulement, je ne suis pas seule, je dois surtout songer Ă ma fille. Depuis quelques annĂ©es, j'ai rĂ©ussi Ă mettre de cĂÂŽtĂ©, oh ! une petite somme... " Sa rougeur reparaissait. " Vingt mille francs qui dorment chez moi, dans un tiroir. Plus tard, j'aurais peut-ĂÂȘtre un remords de les avoir laissĂ©s ainsi improductifs ; et, puisque votre oeuvre est bonne, ainsi que me l'a confiĂ© mon amie, puisque vous allez travailler Ă ce que nous souhaitons tous ; de nos voeux les plus ardents, je me risque... Enfin je vous serai reconnaissante, si vous pouvez me rĂ©server des actions de votre banque, pour une somme de dix Ă douze mille francs. J'ai tenu Ă ce que ma fille m'accompagnĂÂąt, car je ne vous cache pas que cet argent est Ă elle. " Jusque-lĂ , Alice n'avait pas ouvert la bouche, l'air effacĂ©, malgrĂ© son vif regard d'intelligence. Elle eut un geste de reproche tendre. " Oh ! Ă moi ! maman, est-ce que j'ai quelque chose Ă moi qui ne soit pas Ă vous ? - Et ton mariage, mon enfant ? - Mais vous savez bien que je ne veux pas me marier ! " Elle avait dit cela trop vite, le chagrin de sa solitude criait dans sa voix grĂÂȘle. Sa mĂšre la fit taire d'un coup d'oeil navrĂ© ; et toutes deux se regardĂšrent un instant, ne pouvant se mentir, dans le partage quotidien de ce qu'elles avaient Ă souffrir et Ă cacher. Saccard Ă©tait trĂšs Ă©mu. " Madame, il n'y aurait plus d'actions, que j'en trouverais quand mĂÂȘme pour vous. Oui, s'il le faut, j'en prendrai sur les miennes... Votre dĂ©marche me touche infiniment, je suis trĂšs honorĂ© de votre confiance... " Et, Ă cet instant, il croyait rĂ©ellement faire la fortune de ces malheureuses, il les associait, pour une part, Ă la pluie d'or qui allait pleuvoir sur lui et autour de lui. Ces dames s'Ă©taient levĂ©es et se retiraient. A la porte seulement, la comtesse se permit une allusion directe Ă la grande affaire dont on ne parlait pas. " J'ai reçu de mon fils Ferdinand, qui est Ă Rome, une lettre dĂ©solante sur la tristesse produite lĂ -bas par l'annonce du retrait de nos troupes. - Patience ! dĂ©clara Saccard avec conviction, nous sommes lĂ pour tout sauver. " Il y eut de profonds saluts, et il les accompagna jusqu'au palier, en passant cette fois Ă travers l'antichambre, qu'il croyait libre. Mais, comme il revenait, il aperçut, assis sur une banquette, un homme d'une cinquantaine d'annĂ©es, grand et sec, vĂÂȘtu en ouvrier endimanchĂ©, qui avait avec lui une jolie fille de dix-huit ans, mince et pĂÂąle. " Quoi ? que voulez-vous ? " La jeune fille s'Ă©tait levĂ©e la premiĂšre, et l'homme, intimidĂ© par cet accueil brusque, se mit Ă bĂ©gayer une explication confuse. " J'avais donnĂ© l'ordre de renvoyer tout le monde ! Pourquoi ĂÂȘtes- vous lĂ ?... Dites-moi votre nom ; au moins. - Dejoie, monsieur, et je viens avec ma fille Nathalie... " De nouveau, il s'embrouilla, si bien que Saccard, impatientĂ©, allait le pousser Ă la porte, lorsqu'il comprit enfin que c'Ă©tait Mme Caroline qui le connaissait depuis longtemps et qui lui avait dit d'attendre. " Ah ! vous ĂÂȘtes recommandĂ© par Mme Caroline. Il fallait le dire tout de suite... Entrez et dĂ©pĂÂȘchez-vous, car j'ai trĂšs faim. Dans le cabinet, il laissa Dejoie et Nathalie debout, ne s'assit pas lui-mĂÂȘme, pour les expĂ©dier plus vite. Maxime qui, Ă la sortie de la comtesse, avait quittĂ© son fauteuil, n'eut plus la discrĂ©tion de s'Ă©carter, dĂ©visageant les nouveaux venus, l'air curieux. Et Dejoie, longuement, racontait son affaire. " Voici, monsieur... J'ai fait mon congĂ©, puis je suis entrĂ© comme garçon de bureau chez M. Durieu, le mari de Mme Caroline, quand il vivait et qu'il Ă©tait brasseur. Puis, je suis entrĂ© chez M. Lamberthier, le facteur Ă la halle. Puis, je suis entrĂ© chez M. Blaisot, un banquier que vous connaissez bien il s'est fait sauter la cervelle, il y a deux mois, et alors je suis sans place... Il faut vous dire, avant tout, que je m'Ă©tais mariĂ©. Oui, j'avais Ă©pousĂ© ma femme JosĂ©phine, quand j'Ă©tais justement chez M. Durieu, et qu'elle Ă©tait, elle, cuisiniĂšre, chez la belle-soeur de monsieur, Mme LĂ©vĂÂȘque, que Mme Caroline a bien connue. Ensuite, quand j'ai Ă©tĂ© chez M. Lamberthier, elle n'a pas pu y entrer, elle s'est placĂ©e chez un mĂ©decin de Grenelle, M. Renaudin. Ensuite, elle est allĂ©e au magasin des Trois-FrĂšres, rue Rambuteau, oĂÂč, comme par un guignon, il n'y a jamais eu de place pour moi... - Bref, interrompit Saccard, vous venez me demander un emploi, n'est-ce pas ? " Mais Dejoie tenait Ă expliquer le chagrin de sa vie, la mauvaise chance qui lui avait fait Ă©pouser une cuisiniĂšre, sans que jamais il eĂ»t rĂ©ussi Ă se placer dans les mĂÂȘmes maisons qu'elle. C'Ă©tait quasiment comme si l'on n'avait pas Ă©tĂ© mariĂ©, n'ayant jamais une chambre Ă tous les deux, se voyant chez les marchands de vin, s'embrassant derriĂšre les portes des cuisines. Et une fille Ă©tait nĂ©e, Nathalie, qu'il avait fallu laisser en nourrice jusqu'Ă huit ans, jusqu'au jour oĂÂč le pĂšre, ennuyĂ© d'ĂÂȘtre seul, l'avait reprise dans son Ă©troit cabinet de garçon. Il Ă©tait ainsi devenu la vraie mĂšre de la petite, l'Ă©levant, la menant Ă l'Ă©cole, la surveillant avec des soins infinis, le coeur dĂ©bordant d'une adoration grandissante. " Ah ! je puis bien dire, monsieur, qu'elle m'a donnĂ© de la satisfaction. C'est instruit, c'est honnĂÂȘte... Et, vous la voyez, il n'y a pas sa pareille pour la gentillesse. " En effet, Saccard la trouvait charmante, cette fleur blonde du pavĂ© parisien, avec sa grĂÂące chĂ©tive, ses larges yeux sous les petits frisons de ses cheveux pĂÂąles. Elle se laissait adorer par son pĂšre, sage encore, n'ayant eu aucun intĂ©rĂÂȘt Ă ne pas l'ĂÂȘtre, d'un fĂ©roce et tranquille Ă©goĂÂŻsme, dans cette clartĂ© si limpide de ses yeux. " Alors donc, monsieur, la voici en ĂÂąge de se marier, et il y a justement un beau parti qui se prĂ©sente, le fils du cartonnier, notre voisin. Seulement, c'est un garçon qui veut s'Ă©tablir, et il demande six mille francs. ĂâĄa n'est pas trop, il pourrait prĂ©tendre Ă une fille qui aurait davantage... Il faut vous dire que j'ai perdu ma femme, il y a quatre ans, et qu'elle nous a laissĂ© des Ă©conomies, ses petits bĂ©nĂ©fices de cuisiniĂšre, n'est-ce pas ?... J'ai quatre mille francs ; mais ça ne fait pas six mille, et le jeune homme est pressĂ©, Nathalie aussi... " La jeune fille qui Ă©coutait, souriante, avec son clair regard si froid et si dĂ©cidĂ©, eut une brusque affirmation du menton. " Bien sĂ»r... Je ne m'amuse pas, je veux en finir, d'une maniĂšre ou d'une autre. " De nouveau, Saccard les interrompit. Il avait jugĂ© l'homme, bornĂ©, mais trĂšs adroit, trĂšs bon, rompu Ă la discipline militaire. Puis, il suffisait qu'il se prĂ©sentĂÂąt au nom de Mme Caroline. " C'est parfait, mon ami... Je vais avoir un journal, je vous prends comme garçon de bureau... Laissez-moi votre adresse, et au revoir. " Cependant, Dejoie ne s'en allait point. Il continua, avec embarras " Monsieur est bien obligeant, j'accepte la place avec reconnaissance, parce qu'il faudra que je travaille, quand j'aurai casĂ© Nathalie... Mais j'Ă©tais venu pour autre chose. Oui, j'ai su, par Mme Caroline et par d'autres personnes encore, que monsieur va se trouver dans de grandes affaires et qu'il pourra faire gagner tout ce qu'il voudra Ă ses amis et connaissances... Alors, si monsieur voulait bien s'intĂ©resser Ă nous, si monsieur consentait Ă nous donner de ses actions... " Saccard, une seconde fois, fut Ă©mu, plus Ă©mu qu'il ne venait de l'ĂÂȘtre, la premiĂšre lorsque la comtesse lui avait confiĂ©, elle aussi, la dot de sa fille. Cet homme simple, ce tout petit capitaliste aux Ă©conomies grattĂ©es sou Ă sou, n'Ă©tait-ce pas la foule croyante, confiante, la grande foule qui fait les clientĂšles nombreuses et solides, l'armĂ©e fanatisĂ©e qui arme une maison de crĂ©dit d'une force invincible ? si ce brave homme accourait ainsi, avant toute publicitĂ©, que serait-ce lorsque les guichets seraient ouverts ? Son attendrissement souriait Ă ce premier petit actionnaire, il voyait lĂ le prĂ©sage d'un gros succĂšs. " Entendu, mon ami, vous aurez des actions. " La face de Dejoie rayonna, comme Ă l'annonce d'une grĂÂące inespĂ©rĂ©e. " Monsieur est trop bon... N'est-ce pas ? en six mois, de façon Ă complĂ©ter la somme... Et, puisque monsieur je puis bien, avec mes quatre mille, en gagner deux mille, y consent, j'aime mieux rĂ©gler ça tout de suite. J'ai apportĂ© l'argent. " Il se fouilla, tira une enveloppe, qu'il tendit Ă Saccard, immobile, silencieux, saisi d'une admiration charmĂ©e, Ă ce dernier trait. Et le terrible corsaire, qui avait dĂ©jĂ Ă©cumĂ© tant de fortunes, finit par Ă©clater d'un bon rire, rĂ©solu honnĂÂȘtement Ă l'enrichir aussi, cet homme de foi. " Mais, mon brave, ça ne se fait point ainsi... Gardez votre argent, je vous inscrirai, et vous paierez en temps et lieu. " Cette fois, il les congĂ©dia, aprĂšs que Dejoie l'eut tait remercier par Nathalie, dont un sourire de contentement Ă©clairait les beaux yeux durs et candides. Lorsque Maxime se retrouva enfin seul avec son pĂšre, il dit, de son air d'insolence moqueuse " VoilĂ que tu dotes les jeunes filles, maintenant. - Pourquoi pas ? rĂ©pondit gaiement Saccard. C'est un bon placement que le bonheur des autres. " Il rangeait quelques papiers, avant de quitter son cabinet. Puis, brusquement " Et toi, tu n'en veux pas, des actions ? " Maxime, qui marchait Ă petits pas, se retourna d'un sursaut, se planta devant lui. " Ah ! non, par exemple ! Est-ce que tu me prends pour un imbĂ©cile ? " Saccard eut un geste de colĂšre, trouvant la rĂ©ponse d'un irrespect et d'un esprit dĂ©plorables, prĂÂȘt Ă lui crier que l'affaire Ă©tait rĂ©ellement superbe, qu'il le jugeait vraiment trop bĂÂȘte, s'il le croyait un simple voleur, comme les autres. Mais, en le regardant, une pitiĂ© lui vint de son pauvre garçon, Ă©puisĂ© Ă vingt-cinq ans, rangĂ©, avare mĂÂȘme, si vieilli de vices, si inquiet de sa santĂ©, qu'il ne risquait plus une dĂ©pense ni une jouissance, sans en avoir rĂ©glementĂ© le bĂ©nĂ©fice. Et, tout consolĂ©, tout fier de l'imprudence passionnĂ©e de ses cinquante ans, il se remit Ă rire, il lui tapa sur l'Ă©paule. " Tiens ! allons dĂ©jeuner, mon pauvre petit, et soigne tes rhumatismes. Ce fut le surlendemain, le 5 octobre, que Saccard, assistĂ© d'Hamelin et de Daigremont, se rendit chez maĂtre Lelorrain, notaire, rue Sainte- Anne ; et l'acte fut reçu, qui constituait, sous la dĂ©nomination de sociĂ©tĂ© de la Banque universelle, une sociĂ©tĂ© anonyme, au capital de vingt-cinq millions, divisĂ© en cinquante mille actions de cinq cents francs chacune, dont le quart seul Ă©tait exigible. Le siĂšge de la sociĂ©tĂ© Ă©tait fixĂ© rue Saint-Lazare, Ă l'hĂÂŽtel d'Orviedo. Un exemplaire des statuts, dressĂ©s suivant l'acte, fut dĂ©posĂ© en l'Ă©tude de maĂtre Lelorrain. Il faisait, ce jour-lĂ , un trĂšs clair soleil d'automne, et ces messieurs, lorsqu'ils sortirent de chez le notaire, allumĂšrent des cigares, remontĂšrent doucement par le boulevard et la rue de la ChaussĂ©e-d'Antin, heureux de vivre, s'Ă©gayant comme des collĂ©giens Ă©chappĂ©s. L'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale constitutive n'eut lieu que la semaine suivante, rue Blanche, dans la salle d'un petit bal qui avait fait faillite, et oĂÂč un industriel tĂÂąchait d'organiser des expositions de peinture. DĂ©jĂ , les syndicataires avaient placĂ© celles des actions souscrites par eux, qu'ils ne gardaient pas ; et il vint cent vingt-deux actionnaires, reprĂ©sentant prĂšs de quarante mille actions, ce qui aurait dĂ» donner un total de deux mille voix, le chiffre de vingt actions Ă©tant nĂ©cessaire pour avoir le droit de siĂ©ger et de voter. Cependant, comme un actionnaire ne pouvait exprimer plus de dix voix, quel que fĂ»t le chiffre de ses titres, le nombre exact des suffrages fut de seize cent quarante-trois. Saccard tint absolument Ă ce qu'Hamelin prĂ©sidĂÂąt. Lui, s'Ă©tait volontairement perdu dans le troupeau, il avait inscrit l'ingĂ©nieur, et s'Ă©tait inscrit lui-mĂÂȘme, chacun pour cinq cents actions, qu'il devait payer par un jeu d'Ă©critures. Tous les syndicataires Ă©taient lĂ Daigremont, Huret, SĂ©dille, Kolb, le marquis de Bohain, chacun avec le groupe d'actionnaires qui marchait sous ses ordres. On remarquait Ă©galement Sabatani, un des plus gros souscripteurs, ainsi que Jantrou, au milieu de plusieurs des hauts employĂ©s de la banque, en fonctions depuis l'avant-veille. Et toutes les dĂ©cisions Ă prendre avaient Ă©tĂ© si bien prĂ©vues et rĂ©glĂ©es d'avance, que jamais assemblĂ©e constitutive ne fut si belle de calme, de simplicitĂ© et de bonne entente. A l'unanimitĂ© des voix, on reconnut sincĂšre la dĂ©claration de la souscription intĂ©grale du capital, ainsi que celle du versement des cent vingt-cinq francs par action. Puis, solennellement, on dĂ©clara la sociĂ©tĂ© constituĂ©e. Le conseil d'administration fut ensuite nommĂ© il devait se composer de vingt membres qui, outre les jetons de prĂ©sence, chiffrĂ©s Ă un total annuel de cinquante mille francs, auraient Ă toucher, d'aprĂšs un article des statuts, le dix pour cent sur les bĂ©nĂ©fices. Cela n'Ă©tant pas Ă dĂ©daigner, chaque syndicataire avait exigĂ© de faire partie du conseil ; et Daigremont, Huret, SĂ©dille, Kolb, le marquis de Bohain ainsi qu'Hamelin, que l'on voulait porter Ă la prĂ©sidence, passĂšrent naturellement en tĂÂȘte de liste, avec quatorze autres de moindre importance, triĂ©s parmi les plus obĂ©issants et les plus dĂ©coratifs des actionnaires. Enfin, Saccard, restĂ© dans l'ombre jusque-lĂ , apparut lorsque, le moment de choisir un directeur Ă©tant arrivĂ©, Hamelin le proposa. Un murmure sympathique accueillit son nom, il obtint lui aussi l'unanimitĂ©. Et il n'y avait plus qu'Ă Ă©lire les deux commissaires censeurs, chargĂ©s de prĂ©senter Ă l'assemblĂ©e un rapport sur le bilan et de contrĂÂŽler ainsi les comptes fournis par les administrateurs fonction dĂ©licate autant qu'inutile, pour laquelle Saccard avait dĂ©signĂ© un sieur Rousseau et un sieur LavigniĂšre, le premier complĂštement infĂ©odĂ© au second, celui-ci grand, blond, trĂšs poli, approuvant toujours, dĂ©vorĂ© de l'envie d'entrer plus tard dans le conseil, lorsqu'on serait content de ses services. Rousseau et LavigniĂšre nommĂ©s, on allait lever la sĂ©ance, lorsque le prĂ©sident crut devoir parler de la prime de dix pour cent accordĂ©e aux syndicataires, en tout quatre cent mille francs, que l'assemblĂ©e, sur sa proposition, passa aux frais de premier Ă©tablissement. C'Ă©tait une vĂ©tille, il fallait bien faire la part du feu ; et, laissant la foule des petits actionnaires s'Ă©couler avec le piĂ©tinement d'un troupeau, les gros souscripteurs restĂšrent les derniers, Ă©changĂšrent encore sur le trottoir des poignĂ©es de main, l'air souriant. DĂšs le lendemain, le conseil se rĂ©unit Ă l'hĂÂŽtel d'Orviedo, dans l'ancien salon de Saccard, transformĂ© en salle des sĂ©ances. Une vaste table, recouverte d'un tapis de velours vert, entourĂ©e de vingt fauteuils tendus de la mĂÂȘme Ă©toffe, en occupait le centre ; et il n'y avait pas d'autres meubles que deux corps de bibliothĂšque, aux vitres garnies Ă l'intĂ©rieur de petits rideaux de soie Ă©galement verte. Les tentures d'un rouge foncĂ© assombrissaient la piĂšce, dont les trois fenĂÂȘtres ouvraient sur le jardin de l'hĂÂŽtel Beauvilliers. Il ne venait de lĂ qu'un jour crĂ©pusculaire, comme une paix de vieux cloĂtre, endormi sous l'ombre verte de ses arbres. Cela Ă©tait sĂ©vĂšre et noble, on entrait dans une honnĂÂȘtetĂ© antique. Le conseil se rĂ©unissait pour former son bureau ; et il se trouva presque tout de suite au grand complet, comme sonnaient quatre heures. Le marquis de Bohain, avec sa grande taille, sa petite tĂÂȘte blĂÂȘme et aristocratique, Ă©tait vraiment trĂšs vieille France ; tandis que Daigremont, affable, reprĂ©sentait la haute fortune impĂ©riale, dans son succĂšs fastueux. SĂ©dille, moins tourmentĂ© que de coutume, causait avec Kolb d'un mouvement imprĂ©vu qui venait de se produire sur le marchĂ© de Vienne ; et, autour d'eux, les deux autres administrateurs, la bande, Ă©coutaient, tĂÂąchaient de saisir un renseignement, ou bien s'entretenaient aussi de leurs occupations personnelles, n'Ă©tant lĂ que pour faire nombre et pour ramasser leur part, les jours de butin. Ce fut, comme toujours, Huret qui arriva en retard, essoufflĂ©, Ă©chappĂ© Ă la derniĂšre minute d'une commission de la Chambre. Il s'excusa, et l'on s'assit sur les fauteuils, entourant la table. Le doyen d'ĂÂąge, le marquis de Bohain, avait pris place au fauteuil prĂ©sidentiel, un fauteuil plus haut et plus dorĂ© que les autres. Saccard, comme directeur, s'Ă©tait placĂ© en face de lui. Et, immĂ©diatement, lorsque le marquis eut dĂ©clarĂ© qu'on allait procĂ©der Ă la nomination du prĂ©sident, Hamelin se leva, pour dĂ©cliner toute candidature il croyait savoir que plusieurs de ces messieurs avaient songĂ© Ă lui pour la prĂ©sidence ; mais il leur faisait remarquer qu'il devait partir dĂšs le lendemain pour l'Orient, qu'il Ă©tait en outre d'une inexpĂ©rience absolue en matiĂšre de comptabilitĂ©, de banque et de Bourse, qu'enfin il y avait lĂ une responsabilitĂ© dont il ne pouvait accepter le poids. TrĂšs surpris, Saccard l'Ă©coutait, car, la veille encore, la chose Ă©tait entendue ; et il devinait l'influence de Mme Caroline sur son frĂšre, sachant que, le matin, ils avaient eu une longue conversation ensemble. Aussi, ne voulant pas d'un autre prĂ©sident qu'Hamelin, quelque indĂ©pendant qui le gĂÂȘnerait peut-ĂÂȘtre, se permit-il d'intervenir, en expliquant que la fonction Ă©tait surtout honorifique, qu'il suffisait que le prĂ©sident fĂt acte de prĂ©sence, au moment des assemblĂ©es gĂ©nĂ©rales, pour appuyer les propositions du conseil et prononcer les discours d'usage. D'ailleurs, on allait Ă©lire un vice-prĂ©sident qui donnerait les signatures. Et, pour le reste, pour la partie purement technique, la comptabilitĂ©, la Bourse, les mille dĂ©tails intĂ©rieurs d'une grande maison de crĂ©dit, est-ce qu'il ne serait pas lĂ , lui, Saccard, le directeur, justement nommĂ© Ă cet effet ? Il devait, d'aprĂšs les statuts, diriger le travail des bureaux, effectuer les recettes et les dĂ©penses, gĂ©rer les affaires courantes, assurer les dĂ©libĂ©rations du conseil, ĂÂȘtre en un mot le pouvoir exĂ©cutif de la sociĂ©tĂ©. Ces raisons semblaient bonnes. Hamelin ne s'en dĂ©battit pas moins longtemps encore, il fallut que Daigremont et Huret insistassent eux-mĂÂȘmes de la maniĂšre la plus pressante. Majestueux, le marquis de Bohain se dĂ©sintĂ©ressait. Enfin, l'ingĂ©nieur cĂ©da, il fut nommĂ© prĂ©sident, et l'on choisit pour vice-prĂ©sident un obscur agronome, ancien conseiller d'Etat, le vicomte de Robin-Chagot, homme doux et ladre, excellente machine Ă signatures. Quant au secrĂ©taire, il fut pris en dehors du conseil, dans le personnel des bureaux de la banque, le chef du service des Ă©missions. Et, comme la nuit venait, dans la grande piĂšce grave, une ombre verdie d'une infinie tristesse, on jugea la besogne bonne et suffisante, on se sĂ©para aprĂšs avoir rĂ©glĂ© les sĂ©ances Ă deux par mois, le petit conseil le quinze, et le grand conseil le trente. Saccard et Hamelin remontĂšrent ensemble dans la salle des Ă©pures, oĂÂč Mme Caroline les attendait. Elle vit bien tout de suite, Ă l'embarras de son frĂšre, qu'il venait de cĂ©der une fois encore, par faiblesse ; et, un instant, elle en fut trĂšs fĂÂąchĂ©e. " Mais, voyons, ce n'est pas raisonnable ! cria Saccard. Songez que le prĂ©sident touche trente mille francs, chiffre qui sera doublĂ©, lorsque nos affaires s'Ă©tendront. Vous n'ĂÂȘtes pas assez riches pour dĂ©daigner cet avantage... Et que craignez-vous, dites ? - Mais je crains tout, rĂ©pondit Mme Caroline. Mon frĂšre ne sera pas lĂ , moi-mĂÂȘme je n'entends rien Ă l'argent... Tenez ! ces cinq cents actions que vous avez inscrites pour lui sans qu'il les paie tout de suite, eh bien, n'est-ce pas irrĂ©gulier, ne serait-il pas en faute, si l'opĂ©ration tournait mal ? " Il s'Ă©tait mis Ă rire. " Une belle histoire ! cinq cents actions, un premier versement de soixante-deux mille cinq cents francs ! Si, au premier bĂ©nĂ©fice, avant six mois, il ne pouvait rembourser cela, autant vaudrait-il nous aller jeter sur-le-champ Ă la Seine, plutĂÂŽt que de nous donner le souci de rien entreprendre... Non, vous pouvez ĂÂȘtre tranquille, la spĂ©culation ne dĂ©vore que les maladroits. " Elle restait sĂ©vĂšre, dans l'ombre croissante de la piĂšce. Mais on apporta deux lampes, et les murs furent largement Ă©clairĂ©s, les vastes plans, les aquarelles vives, qui la faisaient si souvent rĂÂȘver des pays de lĂ -bas. La plaine encore Ă©tait nue, les montagnes barraient l'horizon, elle Ă©voquait la dĂ©tresse de ce vieux monde endormi sur ses trĂ©sors, et que la science alliait rĂ©veiller dans sa crasse et dans son ignorance. Que de grandes et belles et bonnes choses Ă accomplir ! Peu Ă peu, une vision lui montrait des gĂ©nĂ©rations nouvelles, toute une humanitĂ© plus forte et plus heureuse poussant de l'antique sol, labourĂ© Ă nouveau par le progrĂšs. " La spĂ©culation, la spĂ©culation, rĂ©pĂ©ta-t-elle machinalement, combattue de doute. Ah ! j'en ai le coeur troublĂ© d'angoisse. " Saccard, qui connaissait bien ses habituelles pensĂ©es, avait suivi sur son visage cet espoir de l'avenir. " Oui, la spĂ©culation. Pourquoi ce mot vous fait-il peur ?... Mais la spĂ©culation, c'est l'appĂÂąt mĂÂȘme de la vie, c'est l'Ă©ternel dĂ©sir qui force Ă lutter et Ă vivre... Si j'osais une comparaison, je vous convaincrais... " Il riait de nouveau, pris d'un scrupule de dĂ©licatesse. Puis, il osa tout de mĂÂȘme, volontiers brutal devant les femmes. " Voyons, pensez-vous que sans... comment dirai-je ? sans la luxure, on ferait beaucoup d'enfants ?... Sur cent enfants qu'on manque de faire, il arrive qu'on en fabrique un Ă peine. C'est l'excĂšs qui amĂšne le nĂ©cessaire, n'est-ce pas ? - Certes, rĂ©pondit-elle, gĂÂȘnĂ©e. - Eh bien, sans la spĂ©culation, on ne ferait pas d'affaires, ma chĂšre amie... Pourquoi diable voulez-vous que je sorte mon argent, que je risque ma fortune, si vous ne me promettez pas une jouissance extraordinaire, un brusque bonheur qui m'ouvre le ciel ?... Avec la rĂ©munĂ©ration lĂ©gitime et mĂ©diocre du travail, le sage Ă©quilibre des transactions quotidiennes, c'est un dĂ©sert d'une platitude extrĂÂȘme que l'existence, un marais oĂÂč toutes les forces dorment et croupissent ; tandis que, violemment, faites flamber un rĂÂȘve Ă l'horizon, promettez qu'avec un sou on en gagnera cent, offrez Ă tous ces endormis de se mettre Ă la chasse de l'impossible, des millions conquis en deux heures, au milieu des plus effroyables casse-cou ; et la course commence, les Ă©nergies sont dĂ©cuplĂ©es, la bousculade est telle, que, tout en suant uniquement pour leur plaisir, les gens arrivent parfois Ă faire des enfants, je veux dire des choses vivantes, grandes et belles... Ah ! dame ! il y a beaucoup de saletĂ©s inutiles, mais certainement le monde finirait sans elles. " Mme Caroline s'Ă©tait dĂ©cidĂ©e Ă rire, elle aussi ; car elle n'avait point de pruderie. " Alors, dit-elle, votre conclusion est qu'il faut s'y rĂ©signer, puisque cela est dans le plan de la nature... Vous avez raison, la vie n'est pas propre. " Et une vĂ©ritable bravoure lui Ă©tait venue, Ă cette idĂ©e que chaque pas en avant s'Ă©tait fait dans le sang et la boue. Il fallait vouloir. Le long des murs, ses yeux n'avaient pas quittĂ© les plans et les dessins, et l'avenir s'Ă©voquait, des ports, des canaux, des routes, des chemins de fer, des campagnes aux fermes immenses et outillĂ©es comme des usines, des villes nouvelles, saines, intelligentes, oĂÂč l'on vivait trĂšs vieux et trĂšs savant. " Allons, reprit-elle gaiement, il faut bien que je cĂšde, comme toujours... TĂÂąchons de faire un peu de bien pour qu'on nous pardonne. " Son frĂšre, restĂ© silencieux, s'Ă©tait approchĂ© et l'embrassait. Elle le menaça du doigt. " Oh ! toi, tu es un cĂÂąlin. Je te connais... Demain, quand tu nous auras quittĂ©s, tu ne t'inquiĂ©teras guĂšre de savoir ce qui se passe ici ; et, lĂ -bas, dĂšs que tu te seras enfoncĂ© dans tes travaux, tout ira bien, tu rĂÂȘveras de triomphe, pendant que l'affaire craquera sous nos pieds peut-ĂÂȘtre. - Mais, cria plaisamment Saccard, puisqu'il est entendu qu'il vous laisse prĂšs de moi comme un gendarme, pour m'empoigner, si je me conduis mal ! " Tous trois Ă©clatĂšrent. " Et vous pouvez y compter, que je vous empoignerais !... Rappelez- vous ce que vous nous avez promis Ă nous d'abord, puis Ă tant d'autres, par exemple Ă mon brave Dejoie, que je vous recommande bien... Ah ! et Ă nos voisines aussi, ces pauvres dames de Beauvilliers, que j'ai vues aujourd'hui surveillant le lavage de quelques nippes fait par leur cuisiniĂšre, sans doute pour diminuer le compte de la blanchisseuse. " Un instant encore, ils causĂšrent trĂšs amicalement tous trois, et le dĂ©part d'Hamelin fut rĂ©glĂ© d'une façon dĂ©finitive. Comme Saccard redescendait Ă son cabinet, le valet de chambre lui dit qu'une femme s'Ă©tait obstinĂ©e Ă l'attendre, bien qu'il lui eĂ»t rĂ©pondu qu'il y avait conseil et que monsieur ne pourrait sans doute pas la recevoir. D'abord, fatiguĂ©, il s'emporta, donna l'ordre de la renvoyer ; puis, la pensĂ©e qu'il se devait au succĂšs, la crainte de changer la veine, s'il fermait sa porte, le firent se raviser. Le flot des solliciteurs augmentait chaque jour, et cette foule lui apportait une ivresse. Une seule lampe Ă©clairait le cabinet, il ne voyait pas bien la visiteuse. " C'est M. Busch qui m'envoie, monsieur... " La colĂšre le tint debout, et il ne lui dit mĂÂȘme pas de s'asseoir. Cette voix grĂÂȘle, dans ce corps dĂ©bordant, venait de lui faire reconnaĂtre Mme MĂ©chain. Une jolie actionnaire, cette acheteuse d'actions Ă la livre ! Elle, tranquillement, expliquait que Busch l'envoyait pour avoir des renseignements sur l'Ă©mission de la Banque universelle. Restait-il des titres disponibles ? Pouvait-on espĂ©rer en obtenir, avec la prime accordĂ©e aux syndicataires ? Mais ce n'Ă©tait lĂ , sĂ»rement, qu'un prĂ©texte, une façon d'entrer, de voir la maison, d'espionner ce qu'il s'y faisait, et de le tĂÂąter lui-mĂÂȘme ; car ses yeux minces percĂ©s Ă la vrille dans la graisse de son visage, furetaient partout, revenaient sans cesse le fouiller jusqu'Ă l'ĂÂąme. Busch, aprĂšs avoir patientĂ© longtemps, mĂ»rissant la fameuse affaire de l'enfant abandonnĂ©, se dĂ©cidait Ă agir et l'envoyait en Ă©claireur. " Il n'y a plus rien " , rĂ©pondit brutalement Saccard. Elle sentit qu'elle n'en apprendrait pas davantage, qu'il serait imprudent de tenter quelque chose. Aussi, ce jour-lĂ , sans lui laisser le temps de la pousser dehors, fit-elle d'elle-mĂÂȘme un pas vers la porte. " Pourquoi ne me demandez-vous pas des actions pour vous ? " reprit- il, voulant ĂÂȘtre blessant. De sa voix zĂ©zayante, sa voix pointue qui avait l'air de se moquer, elle rĂ©pondit " Oh ! moi, ce n'est pas mon genre d'opĂ©rations... Moi, j'attends. " Et, Ă cette minute, ayant aperçu le vaste sac de cuir usĂ©, qui ne la quittait point, il fut traversĂ© d'un frisson. Un jour oĂÂč tout avait marchĂ© Ă souhait, le jour oĂÂč il Ă©tait si heureux de voir naĂtre enfin la maison de crĂ©dit tant dĂ©sirĂ©e, est-ce que cette vieille coquine allait ĂÂȘtre la fĂ©e mauvaise, celle qui jette un sort sur les princesses au berceau ? Il le sentait plein de valeurs dĂ©prĂ©ciĂ©es, de titres dĂ©classĂ©s, ce sac qu'elle venait promener dans les bureaux de sa banque naissante ; il croyait comprendre qu'elle menaçait d'attendre aussi longtemps qu'il serait nĂ©cessaire, pour y enterrer Ă leur tour ses actions Ă lui, quand la maison croulerait. C'Ă©tait le cri du corbeau qui part avec l'armĂ©e en marche, la suit jusqu'au soir du carnage, plane et s'abat, sachant qu'il y aura des morts Ă manger. " Au revoir, monsieur " , dit la MĂ©chain en se retirant, essoufflĂ©e et trĂšs polie. V - Un mois plus tard, dans les premiers jours de novembre, l'installation de la Banque universelle n'Ă©tait pas terminĂ©e. Il y avait encore des menuisiers qui posaient des boiseries, des peintres qui achevaient de mastiquer l'Ă©norme toiture vitrĂ©e dont on avait couvert la cour. Cette lenteur venait de Saccard, qui, mĂ©content de la mesquinerie de l'installation, prolongeait les travaux par des exigences de luxe ; et, ne pouvant repousser les murs, pour contenter son continuel rĂÂȘve de l'Ă©norme, il avait fini par se fĂÂącher et par se dĂ©charger sur Mme Caroline du soin de congĂ©dier enfin les entrepreneurs. Celle-ci surveillait donc la pose des derniers guichets. Il y avait un nombre de guichets extraordinaire ; la cour, transformĂ©e hall central, en Ă©tait entourĂ©e guichets grillagĂ©s, sĂ©vĂšres et dignes, surmontĂ©s de belles plaques de cuivre, portant les indications en lettres noires. En somme, l'amĂ©nagement, bien que rĂ©alisĂ© dans un local un peu Ă©troit, Ă©tait d'une disposition heureuse au rez-de-chaussĂ©e, les services qui devaient ĂÂȘtre en relation suivie avec le public, les diffĂ©rentes caisses, les Ă©missions, toutes les opĂ©rations courantes de banque ; et, en haut, le mĂ©canisme en quelque sorte intĂ©rieur, la direction, la correspondance, la comptabilitĂ©, les bureaux du contentieux et du personnel. Au total, dans un espace si resserrĂ©, s'agitaient lĂ plus de deux cent employĂ©s. Et ce qui frappait dĂ©jĂ , en entrant, mĂÂȘme au milieu de la bousculade des ouvriers, finissant de taper leurs clous, c'Ă©tait cet air de sĂ©vĂ©ritĂ©, un air de probitĂ© antique, fleurant vaguement la sacristie, qui provenait sans doute du local, de ce vieil hĂÂŽtel humide et noir, silencieux, Ă l'ombre des arbres du jardin voisin. On avait la sensation de pĂ©nĂ©trer dans une maison dĂ©vote. Un aprĂšs-midi, revenant de la Bourse, Saccard lui-mĂÂȘme eut cette sensation, qui le surprit. Cela le consola des dorures absentes. Il tĂ©moigna de son contentement Ă Mme Caroline. " Eh bien, tout de mĂÂȘme, pour commencer, c'est gentil. On a l'air en famille, une vraie petite chapelle. Plus tard, on verra... Merci, ma belle amie, de la peine que vous vous donnez, depuis que votre frĂšre est absent. Et, comme il avait pour principe d'utiliser les circonstances imprĂ©vues, il s'ingĂ©nia dĂšs lors Ă dĂ©velopper cette apparence austĂšre de la maison, il exigea de ses employĂ©s une tenue de jeunes officiants, on ne parla plus que d'une voix mesurĂ©e, on reçut et on donna l'argent avec une discrĂ©tion toute clĂ©ricale. Jamais Saccard, dans sa vie tumultueuse, ne s'Ă©tait dĂ©pensĂ© avec autant d'activitĂ©. Le matin, dĂšs sept heures, avant tous les employĂ©s, et avant mĂÂȘme que le garçon de bureau eĂ»t allumĂ© le feu, il Ă©tait dans son cabinet, Ă dĂ©pouiller le courrier, Ă rĂ©pondre dĂ©jĂ aux lettres les plus pressĂ©es. Puis, c'Ă©tait, jusqu'Ă onze heures, un interminable galop, les amis et les clients considĂ©rables, les agents de change, les coulissiers, les remisiers, toute la nuĂ©e de la finance ; sans compter le dĂ©filĂ© des chefs de service de la maison venant aux ordres. Lui-mĂÂȘme, dĂšs qu'il avait une minute de rĂ©pit, se levait, faisait une rapide inspection des divers bureaux, oĂÂč les employĂ©s vivaient dans la terreur de ses apparitions brusques, qui se produisaient Ă des heures sans cesse diffĂ©rentes. A onze heures il montait dĂ©jeuner avec Mme Caroline, mangeait largement, buvait de mĂÂȘme, avec une aisance d'homme maigre, sans en ĂÂȘtre incommodĂ© ; et l'heure pleine qu'il employait lĂ n'Ă©tait pas perdue, car c'Ă©tait le moment oĂÂč, comme il le disait, il confessait sa belle amie, c'est-Ă -dire oĂÂč il lui demandait son avis sur les hommes et sur les choses, quitte Ă ne pas savoir le plus souvent profiter de sa grande sagesse. A midi, il sortait, allait Ă la Bourse, voulant y ĂÂȘtre un des premiers, pour voir et causer. Du reste, il ne jouait pas ouvertement, se trouvait lĂ ainsi qu'Ă un rendez-vous naturel, oĂÂč il Ă©tait certain de rencontrer les clients de sa banque. Pourtant, son influence s'y indiquait dĂ©jĂ , il y Ă©tait rentrĂ© en victorieux, en homme solide, appuyĂ© dĂ©sormais sur de vrais millions ; et les malins se parlaient Ă voix basse en le regardant, chuchotaient des rumeurs extraordinaires, lui prĂ©disaient la royautĂ©. Vers trois heures et demie, il Ă©tait toujours rentrĂ©, il s'attelait Ă la fastidieuse besogne des signatures, tellement entraĂnĂ© Ă cette course mĂ©canique de la main, qu'il mandait des employĂ©s, donnait des rĂ©ponses, rĂ©glait des affaires, la tĂÂȘte libre et parlant Ă l'aise, sans discontinuer de signer. Jusqu'Ă six heures, il recevait encore des visites, terminait le travail du jour, prĂ©parait celui du lendemain. Et, quand il remontait prĂšs de Mme Caroline, c'Ă©tait pour un repas plus copieux que celui de onze heures, des poissons fins et du gibier surtout, avec des caprices de vins qui le faisaient dĂner au bourgogne, au bordeaux, au champagne, selon l'heureux emploi de sa journĂ©e. " Dites que je ne suis pas sage ! s'Ă©criait-il parfois, en riant. Au lieu de courir les femmes, les cercles, les thĂ©ĂÂątres, je vis lĂ , en bon bourgeois, prĂšs de vous... Il faut Ă©crire cela Ă votre frĂšre, pour le rassurer. " Il n'Ă©tait pas si sage qu'il le prĂ©tendait, ayant eu, Ă cette Ă©poque, la fantaisie d'une petite chanteuse des Bouffes ! et il s'Ă©tait mĂÂȘme un jour oubliĂ©, Ă son tour, chez Germaine Coeur, oĂÂč il n'avait trouvĂ© aucune satisfaction. La vĂ©ritĂ© Ă©tait que, le soir, il tombait de fatigue. Il vivait, d'ailleurs, dans un tel dĂ©sir, dans une telle anxiĂ©tĂ© du succĂšs, que ses autres appĂ©tits allaient en rester comme diminuĂ©s et paralysĂ©s, tant qu'il ne se sentirait pas triomphant, maĂtre indiscutĂ© de la fortune. " Bah ! rĂ©pondait gaiement Mme Caroline, mon frĂšre a toujours Ă©tĂ© si sage, que la sagesse est pour lui une condition de nature, et non un mĂ©rite... Je lui ai Ă©crit hier que je vous avais dĂ©terminĂ© Ă ne pas faire redorer la salle du conseil. Cela lui fera plus de plaisir. " Ce fut donc par un aprĂšs-midi trĂšs froid des premiers jours de novembre, au moment oĂÂč Mme Caroline donnait au maĂtre peintre l'ordre de lessiver simplement les peintures de cette salle, qu'on lui apporta une carte, en lui disant que la personne insistait beaucoup pour la voir. La carte, malpropre, portait le nom de Busch, imprimĂ© grossiĂšrement. Elle ne connaissait pas ce nom, elle donna l'ordre de faire monter chez elle, dans le cabinet de son frĂšre, oĂÂč elle recevait. Si Busch, depuis bientĂÂŽt six grands mois, patientait, n'utilisait pas l'extraordinaire dĂ©couverte qu'il avait faite d'un fils naturel de Saccard, c'Ă©tait d'abord pour les raisons qu'il avait pressenties, le mĂ©diocre rĂ©sultat qu'il y aurait Ă tirer seulement de lui les six cents francs de billets souscrits Ă la mĂšre, la difficultĂ© extrĂÂȘme de le faire chanter pour en obtenir davantage, une somme raisonnable de quelques milliers de francs. Un homme veuf, libre de toutes entraves, que le scandale n'effrayait guĂšre, comment le terroriser, lui faire payer cher ce vilain cadeau d'un enfant de hasard, poussĂ© dans la boue, graine de souteneur et d'assassin ? Sans doute, la MĂ©chain avait laborieusement dressĂ© un gros compte de frais, environ six mille francs des piĂšces de vingt sous prĂÂȘtĂ©es Ă Rosalie Chavaille, sa cousine, la mĂšre du petit, puis ce que lui avait coĂ»tĂ© la maladie de la malheureuse, son enterrement, l'entretien de sa tombe, enfin ce qu'elle dĂ©pensait pour Victor lui-mĂÂȘme depuis qu'il Ă©tait tombĂ© Ă sa charge, la nourriture, les vĂÂȘtements, un tas de choses. Mais, dans le cas oĂÂč Saccard n'aurait point la paternitĂ© tendre, n'Ă©tait-il pas croyable qu'il allait les envoyer promener ? car rien au monde ne la prouverait, cette paternitĂ©, sinon la ressemblance de l'enfant ; et ils ne tireraient toujours de lui que l'argent des billets, encore s'il n'invoquait pas la prescription. D'autre part, si Busch avait tant tardĂ©, c'Ă©tait qu'il venait de passer des semaines d'affreuse inquiĂ©tude, prĂšs de son frĂšre Sigismond, couchĂ©, terrassĂ© par la phtisie. Pendant quinze jours surtout, ce terrible remueur d'affaires avait tout nĂ©gligĂ©, tout oubliĂ© des mille pistes enchevĂÂȘtrĂ©es qu'il suivait, ne paraissant plus Ă la Bourse, ne traquant plus un dĂ©biteur, ne quittant pas le chevet du malade, qu'il veillait, soignait, changeait, comme une mĂšre. Devenu prodigue, lui d'une ladrerie immonde, il appelait les premiers mĂ©decins de Paris, aurait voulu payer les remĂšdes plus cher au pharmacien, pour qu'ils fussent plus efficaces ; et, comme les mĂ©decins avaient dĂ©fendu tout travail, et que Sigismond s'entĂÂȘtait, il lui cachait ses papiers, ses livres. Entre eux, c'Ă©tait devenu une guerre de ruses. DĂšs que, vaincu par la fatigue, son gardien s'endormait, le jeune homme, trempĂ© de sueur, dĂ©vorĂ© de fiĂšvre, retrouvait un bout de crayon, une marge de journal, se remettait Ă des calculs, distribuant la richesse selon son rĂÂȘve de justice, assurant Ă chacun sa part de bonheur et de vie. Et Busch, Ă son rĂ©veil, s'irritait de le voir plus malade, le coeur crevĂ© de ce qu'il donnait ainsi Ă sa chimĂšre le peu qu'il lui restait d'existence. Faire joujou avec ces bĂÂȘtises-lĂ , il le lui permettait, comme on permet des pantins Ă un enfant, lorsqu'il Ă©tait en bonne santĂ© ; mais s'assassiner avec des idĂ©es folles, impraticables, vraiment c'Ă©tait imbĂ©cile ! Enfin, ayant consenti Ă ĂÂȘtre sage, par affection pour son grand frĂšre, Sigismond avait repris quelque force, et il commençait Ă se lever. Ce fut alors que Busch, se remettant Ă ses besognes, dĂ©clara qu'il fallait liquider l'affaire Saccard, d'autant plus que Saccard Ă©tait rentrĂ© en conquĂ©rant Ă la Bourse et qu'il redevenait un personnage d'une solvabilitĂ© indiscutable. Le rapport de Mme MĂ©chain, qu'il avait envoyĂ©e rue Saint-Lazare, Ă©tait excellent. Cependant, il hĂ©sitait encore Ă attaquer son homme de face, il temporisait en cherchant par quelle tactique il le vaincrait, lorsqu'une parole Ă©chappĂ©e Ă la MĂ©chain sur Mme Caroline, cette dame qui tenait la maison, dont tous les fournisseurs du quartier lui avaient parlĂ©, le lança dans un nouveau plan de campagne. Est-ce que, par hasard, cette dame Ă©tait la vraie maĂtresse, celle qui avait la clef des armoires et du coeur ? Il obĂ©issait assez souvent Ă ce qu'il appelait le coup de l'inspiration, cĂ©dant Ă une divination brusque, partant en chasse sur une simple indication de son flair, quitte ensuite Ă tirer des faits une certitude et une rĂ©solution. Et ce fut ainsi qu'il se rendit rue Saint-Lazare, pour voir Mme Caroline. En haut, dans la salle des Ă©pures, Mme Caroline resta surprise devant ce gros homme mal rasĂ©, Ă la figure plate et sale, vĂÂȘtu d'une belle redingote graisseuse et cravatĂ© de blanc. Lui-mĂÂȘme la fouillait jusqu'Ă l'ĂÂąme, la trouvait telle qu'il la souhaitait, si grande, si saine, avec ses admirables cheveux blancs, qui Ă©clairaient de gaietĂ© et de douceur son visage restĂ© jeune ; et il Ă©tait surtout frappĂ© par l'expression de la bouche un peu forte, une telle expression de bontĂ©, que tout de suite il se dĂ©cida. " Madame, dit-il, j'aurais dĂ©sirĂ© parler Ă M. Saccard, mais on vient de me rĂ©pondre qu'il Ă©tait absent... " Il mentait, il ne l'avait mĂÂȘme pas demandĂ©, car il savait fort bien qu'il n'y Ă©tait point, ayant guettĂ© son dĂ©part pour la Bourse. " Et je me suis alors permis de m'adresser Ă vous, prĂ©fĂ©rant cela au fond, n'ignorant pas Ă qui je m'adresse... Il s'agit d'une communication si grave, si dĂ©licate... " Mme Caroline, qui, jusque-lĂ , ne lui avait pas dit de s'asseoir, lui indiqua un siĂšge, avec un empressement inquiet. " Parlez, monsieur, je vous Ă©coute. " Busch, en relevant avec soin les pans de sa redingote, qu'il semblait craindre de salir, se posa Ă lui-mĂÂȘme, comme un point acquis, qu'elle couchait avec Saccard. " C'est que, madame, ce n'est point commode Ă dire, et je vous avoue qu'au dernier moment je me demande si je fais bien de vous confier une pareille chose... J'espĂšre que vous verrez, dans ma dĂ©marche, l'unique dĂ©sir de permettre Ă M. Saccard de rĂ©parer d'anciens torts... " D'un geste, elle le mit Ă l'aise, ayant compris de son cĂÂŽtĂ© Ă quel personnage elle avait affaire, dĂ©sirant abrĂ©ger les protestations inutiles. Du reste, il n'insista pas, conta longuement l'ancienne histoire, Rosalie sĂ©duite rue de la Harpe, l'enfant naissant aprĂšs la disparition de Saccard, et la mĂšre morte dans la dĂ©bauche, et Victor laissĂ© Ă la charge d'une cousine trop occupĂ©e pour le surveiller, poussant au milieu de l'abjection. Elle l'Ă©couta, Ă©tonnĂ©e d'abord par ce roman qu'elle n'attendait point, car elle s'Ă©tait imaginĂ© qu'il s'agissait de quelque louche aventure d'argent ; puis, visiblement, elle s'attendrit, Ă©mue du triste sort de la mĂšre et de l'abandon du petit, profondĂ©ment remuĂ©e dans sa maternitĂ© de femme restĂ©e stĂ©rile. " Mais, dit-elle, ĂÂȘtes-vous certain, monsieur, des faits que vous me racontez ?... Il faut des preuves bien fortes, absolues, dans ces sortes d'histoires. " Il eut un sourire. " Oh ! madame, il y a une preuve aveuglante, la ressemblance extraordinaire de l'enfant... Puis, les dates sont lĂ , tout s'accorde et prouve les faits jusqu'Ă la derniĂšre Ă©vidence. " Elle demeurait tremblante, et il l'observait. AprĂšs un silence, il continua " Vous comprenez maintenant, madame, combien j'Ă©tais embarrassĂ© pour m'adresser directement Ă M. Saccard. Moi, je n'ai aucun intĂ©rĂÂȘt lĂ - dedans, je ne viens qu'au nom de Mme MĂ©chain, la cousine, qu'un hasard seul a mise sur la trace du pĂšre tant cherchĂ© ; car j'ai eu l'honneur de vous dire que les douze billets de cinquante francs, donnĂ©s Ă la malheureuse Rosalie, Ă©taient signĂ©s du nom de Sicardot, chose que je ne me permets pas de juger, excusable, mon Dieu ! dans cette terrible vie de Paris. Seulement, n'est-ce pas ? M. Saccard aurait pu se mĂ©prendre sur le caractĂšre de mon intervention... Et c'est alors que j'ai eu l'inspiration de vous voir la premiĂšre, madame, pour m'en remettre complĂštement Ă vous sur la marche Ă suivre, sachant quel intĂ©rĂÂȘt vous portez Ă M. Saccard... VoilĂ ! vous avez notre secret, pensez-vous que je doive l'attendre et lui tout dire, dĂšs aujourd'hui ? " Mme Caroline montra une Ă©motion croissante. " Non, non, plus tard. " Mais elle-mĂÂȘme ne savait que faire, dans l'Ă©trangetĂ© de la confidence. Il continuait de l'Ă©tudier, satisfait de la sensibilitĂ© extrĂÂȘme qui la lui livrait, achevant de bĂÂątir son plan, certain dĂ©sormais de tirer d'elle plus que Saccard n'aurait jamais donnĂ©. " C'est que, murmura-t-il, il faudrait prendre un parti. - Eh bien, j'irai... Oui, j'irai Ă cette citĂ©, j'irai voir cette Mme MĂ©chain et l'enfant... Cela vaut mieux, beaucoup mieux que je me rende d'abord compte des choses. " Elle pensait tout haut, la rĂ©solution lui venait de faire une soigneuse enquĂÂȘte, avant de rien dire au pĂšre. Ensuite, si elle Ă©tait convaincue, il serait temps de l'avertir. N'Ă©tait-elle pas lĂ pour veiller sur sa maison et sur sa tranquillitĂ© ? " Malheureusement, ça presse, reprit Busch, l'amenant peu Ă peu oĂÂč il voulait. Le pauvre gamin souffre. Il est dans un milieu abominable. " Elle s'Ă©tait levĂ©e. " Je mets un chapeau et j'y vais Ă l'instant. " A son tour, il dut quitter sa chaise, et nĂ©gligemment " Je ne vous parle pas du petit compte qu'il y aura Ă rĂ©gler. L'enfant a coĂ»tĂ©, naturellement ; et il y a aussi de l'argent prĂÂȘtĂ©, du vivant de la mĂšre... Oh ! moi, je ne sais pas au juste. Je n'ai voulu me charger de rien. Tous les papiers sont lĂ -bas. - Bon ! je vais voir. " Alors, il parut s'attendrir lui-mĂÂȘme. " Ah ! madame, si vous saviez toutes les drĂÂŽles de choses que je vois, dans les affaires ! Ce sont les gens les plus honnĂÂȘtes qui ont Ă souffrir plus tard de leurs passions, ou, ce qui est pis, des passions de leurs parents... Ainsi, je pourrais vous citer un exemple. Vos infortunĂ©es voisines, ces dames de Beauvilliers... " D'un mouvement brusque, il s'Ă©tait approchĂ© d'une des fenĂÂȘtres, il plongeait ses regards ardemment curieux dans le jardin voisin. Sans doute, depuis qu'il Ă©tait entrĂ©, il mĂ©ditait ce coup d'espionnage, aimant Ă connaĂtre ses terrains de bataille. Dans l'affaire de la reconnaissance de dix mille francs, signĂ©e par le comte Ă la fille LĂ©onie Cron, il avait devinĂ© juste, les renseignements envoyĂ©s de VendĂÂŽme disaient l'aventure prĂ©vue la fille sĂ©duite, restĂ©e sans un sou, Ă la mort du comte, avec son chiffon de papier inutile, et dĂ©vorĂ©e de l'envie dĂ© venir Ă Paris, et finissant par laisser le papier en nantissement Ă l'usurier Charpier, pour cinquante francs peut-ĂÂȘtre. Seulement, s'il avait tout de suite retrouvĂ© les Beauvilliers, il faisait battre Paris depuis six mois par la MĂ©chain, sans pouvoir mettre la main sur LĂ©onie. Elle y Ă©tait tombĂ©e bonne Ă tout faire, chez un huissier, et il la suivait dans trois places ; puis, chassĂ©e pour inconduite notoire, elle disparaissait, il avait en vain fouillĂ© tous les ruisseaux. Cela l'exaspĂ©rait d'autant plus, qu'il ne pouvait rien tenter sur la comtesse, tant qu'il n'aurait pas la fille comme une menace vivante de scandale. Mais il n'en nourrissait pas moins l'affaire, il Ă©tait heureux, debout devant la fenĂÂȘtre, de connaĂtre le jardin de l'hĂÂŽtel, dont il n'avait vu encore que la façade, sur la rue. " Est-ce que ces dames seraient Ă©galement menacĂ©es de quelque ennui ? " demanda Mme Caroline, avec une inquiĂšte sympathie. Il fit l'innocent. " Non, je ne crois pas... Je voulais parler simplement de la triste situation oĂÂč les a laissĂ©es la mauvaise conduite du comte... Oui, j'ai des amis Ă VendĂÂŽme, je sais leur histoire. " Et, comme il se dĂ©cidait enfin Ă quitter la fenĂÂȘtre, il eut, dans l'Ă©motion qu'il jouait, un brusque et singulier retour sur lui-mĂÂȘme. " Encore, quand ce ne sont que des plaies d'argent ! mais c'est lorsque la mort entre dans une maison ! " Cette fois, de vraies larmes mouillaient ses yeux. Il venait de songer Ă son frĂšre, il Ă©touffait. Elle crut qu'il avait rĂ©cemment perdu un des siens, elle ne le questionna pas, par discrĂ©tion. Jusque-lĂ , elle ne s'Ă©tait pas trompĂ©e sur les basses besognes du personnage, Ă la rĂ©pugnance qu'il lui inspirait ; et ces larmes inattendues la dĂ©terminaient davantage que la plus savante des tactiques son dĂ©sir s'accrut de courir tout de suite Ă la citĂ© de Naples. " Madame, je compte donc sur vous. - Je pars Ă l'instant. " Une heure plus tard, Mme Caroline, qui avait pris une voiture, errait derriĂšre la butte Montmartre, sans pouvoir trouver la citĂ©. Enfin, dans une des rues dĂ©sertes qui se relient Ă la rue Marcadet, une vieille femme la dĂ©signa au cocher. C'Ă©tait, Ă l'entrĂ©e, comme un chemin de campagne, dĂ©foncĂ©, obstruĂ© de boue et de dĂ©tritus, s'enfonçant au milieu d'un terrain vague ; et l'on ne distinguait qu'aprĂšs un coup d'oeil attentif les misĂ©rables constructions, faites de terre, de vieilles planches et de vieux zinc, pareilles Ă des tas de dĂ©molitions, rangĂ©s autour de la cour intĂ©rieure. Sur la rue, une maison Ă un Ă©tage, bĂÂątie en moellons, celle-lĂ , mais d'une dĂ©crĂ©pitude et d'une crasse repoussantes, semblait commander l'entrĂ©e, ainsi qu'une geĂÂŽle. Et, en effet, Mme MĂ©chain demeurait lĂ , en propriĂ©taire vigilante, sans cesse aux aguets, exploitant elle-mĂÂȘme son petit peuple de locataires affamĂ©s. DĂšs que Mme Caroline fut descendue de voiture, elle la vit apparaĂtre sur le seuil, Ă©norme, la gorge et le ventre coulant dans une ancienne robe de soie bleue, limĂ©e aux plis, craquĂ©e aux coutures, les joues si bouffies et si rouges, que le nez petit, disparu, semblait cuire entre deux brasiers. Elle hĂ©sitait, prise de malaise, lorsque la voix trĂšs douce, d'un charme aigrelet de pipeau champĂÂȘtre, la rassura. " Ah ! madame, c'est M. Busch qui vous envoie. Vous venez pour le petit Victor... Entrez, entrez donc. Oui, c'est bien ici la citĂ© de Naples. La rue n'est pas classĂ©e, nous n'avons pas encore de numĂ©ros... Entrez, il faut causer de tout ça, d'abord. Mon Dieu ! c'est si ennuyeux, c'est si triste ! " Et Mme Caroline dut accepter une chaise dĂ©paillĂ©e, dans une salle Ă manger noire de graisse, oĂÂč un poĂÂȘle rouge entretenait une chaleur et une odeur asphyxiantes. La MĂ©chain, maintenant, se rĂ©criait sur la chance que la visiteuse avait de la rencontrer, car elle avait tant d'affaires dans Paris, elle ne remontait guĂšre avant six heures. Il fallut l'interrompre. " Pardon, madame, je venais pour ce malheureux enfant. - Parfaitement, madame, je vais vous le montrer... Vous savez que sa mĂšre Ă©tait ma cousine. Ah ! je puis dire que j'ai fait mon devoir... Voici les papiers, voici les comptes. " D'un buffet, elle tirait un dossier, bien en ordre, classĂ© dans une chemise bleue, comme chez un agent d'affaires. Et elle ne tarissait plus sur la pauvre Rosalie sans doute elle avait fini par mener une vie tout Ă fait dĂ©goĂ»tante, allant avec le premier venu, rentrant ivre et en sang, aprĂšs des bordĂ©es de huit jours ; seulement, n'est-ce pas ? Il fallait comprendre, car elle Ă©tait bonne ouvriĂšre avant que le pĂšre lui eĂ»t dĂ©mis l'Ă©paule, le jour oĂÂč il l'avait prise sur l'escalier ; et ce n'Ă©tait pas, avec son infirmitĂ©, en vendant des citrons aux Halles, qu'elle pouvait vivre sage. " Vous voyez, madame, c'est par vingt sous, par quarante sous, que je lui ai prĂÂȘtĂ© tout ça. Les dates y sont le 20 juin, vingt sous ; le 27 juin, encore vingt sous ; le 3 juillet, quarante sous. Et, tenez ! elle a dĂ» ĂÂȘtre malade Ă cette Ă©poque, parce que voici des quarante sous Ă n'en plus finir... Puis, il y avait Victor que j'habillais. J'ai mis un V devant toutes les dĂ©penses faites pour le gamin... Sans compter que, lorsque Rosalie a Ă©tĂ© morte, oh ! bien salement, dans une maladie qui Ă©tait une vraie pourriture, il est tombĂ© complĂštement Ă ma charge. Alors, regardez, j'ai mis cinquante francs par mois. C'est trĂšs raisonnable. Le pĂšre est riche, il peut bien donner cinquante francs par mois pour son garçon... Enfin, ça fait cinq mille quatre cent trois francs ; et, si nous ajoutons les six cents francs des billets, nous arrivons au total de six mille francs... Oui, tout pour six mille francs, voilĂ ! " MalgrĂ© la nausĂ©e qui la pĂÂąlissait, Mme Caroline fit une rĂ©flexion. " Mais les billets ne vous appartiennent pas, ils sont la propriĂ©tĂ© de l'enfant. - Ah ! pardon, reprit la MĂ©chain, aigrement, j'ai avancĂ© de l'argent dessus. Pour rendre service Ă Rosalie, je les lui ai escomptĂ©s. Vous voyez derriĂšre mon endos... C'est encore gentil de ma part de ne pas rĂ©clamer des intĂ©rĂÂȘts... On rĂ©flĂ©chira, ma bonne dame, on ne voudra pas faire perdre un sou Ă une pauvre femme comme moi. " Sur un geste las de la bonne dame, qui acceptait le compte, elle se calma. Et elle retrouva sa petite voix flĂ»tĂ©e pour dire " Maintenant, je vais faire appeler Victor. " Mais elle eut beau envoyer coup sur coup trois mioches qui rĂÂŽdaient, se planter sur le seuil, faire de grands gestes il fut acquis que Victor refusait de se dĂ©ranger. Un des mioches rapporta mĂÂȘme, pour toute rĂ©ponse, un mot ignoble. Alors, elle s'Ă©branla, disparut comme pour aller le chercher par une oreille. Puis, elle reparut seule, ayant rĂ©flĂ©chi, trouvant bon sans doute de le montrer dans toute son horreur. " Si madame veut bien prendre la peine de me suivre. " Et, en marchant, elle fournit des dĂ©tails sur la citĂ© de Naples, que son mari tenait d'un oncle. Ce mari devait ĂÂȘtre mort, personne ne l'avait connu, et elle n'en parlait jamais que pour expliquer la provenance de sa propriĂ©tĂ©. Une mauvaise affaire qui la tuerait, disait- elle, car elle y trouvait plus de soucis que de profits, surtout depuis que la prĂ©fecture la tracassait, lui envoyait des inspecteurs qui exigeaient des rĂ©parations, des amĂ©liorations, sous le prĂ©texte que les gens crevaient chez elle comme des mouches. D'ailleurs, elle se refusait Ă©nergiquement Ă dĂ©penser un sou. Est-ce qu'on n'allait pas bientĂÂŽt exiger des cheminĂ©es ornĂ©es de glaces, dans des chambres qu'elle louait deux francs par semaine ! Et ce qu'elle ne disait point, c'Ă©tait son ĂÂąpretĂ© Ă toucher ses loyers, jetant les familles Ă la rue, dĂšs qu'on ne lui donnait pas d'avance ses deux francs, faisant elle-mĂÂȘme sa police, si redoutĂ©e, que les mendiants sans asile n'auraient osĂ© dormir pour rien contre un de ses murs. Le coeur serrĂ©, Mme Caroline examinait la cour, un terrain ravagĂ©, creusĂ© de fondriĂšres, que les ordures accumulĂ©es transformaient en un cloaque. On jetait tout lĂ , il n'y avait ni fosse ni puisard, c'Ă©tait un fumier sans cesse accru, empoisonnant l'air ; et heureusement qu'il faisait froid, car la peste s'en dĂ©gageait, sous les grands soleils. D'un pied inquiet, elle cherchait Ă Ă©viter les dĂ©bris de lĂ©gumes et les os, en promenant ses regards aux deux bords, sur les habitations, des sortes de taniĂšres sans nom, des rez-de-chaussĂ©e effondrĂ©s Ă demi, masures en ruine consolidĂ©es avec les matĂ©riaux les plus hĂ©tĂ©roclites. Plusieurs Ă©taient simplement couvertes de papier goudronnĂ©. Beaucoup n'avaient pas de porte, laissaient entrevoir des trous noirs de cave, d'oĂÂč sortait une haleine nausĂ©abonde de misĂšre. Des familles de huit et dix personnes s'entassaient dans ces charniers, sans mĂÂȘme avoir un lit souvent, les hommes, les femmes, les enfants se pourrissant les uns les autres, comme les fruits gĂÂątĂ©s, livrĂ©s dĂšs la petite enfance Ă l'instinctive luxure par la plus monstrueuse des promiscuitĂ©s. Aussi des bandes de mioches, hĂÂąves, chĂ©tifs, mangĂ©s de la scrofule et de la syphilis hĂ©rĂ©ditaires, emplissaient-elles sans cesse la cour, pauvres ĂÂȘtres poussĂ©s sur ce fumier ainsi que des champignons vĂ©reux, dans le hasard d'une Ă©treinte, sans qu'on sĂ»t au juste quel pouvait ĂÂȘtre le pĂšre. Lorsqu'une Ă©pidĂ©mie de fiĂšvre typhoĂÂŻde ou de variole soufflait, elle balayait d'un coup au cimetiĂšre la moitiĂ© de la citĂ©. " Je vous expliquais donc, Madame, reprit la MĂ©chain, que Victor n'a pas eu de trop bons exemples sous les yeux, et qu'il serait temps de songer Ă son Ă©ducation, car le voilĂ qui achĂšve ses douze ans... Du vivant de sa mĂšre, n'est-ce pas ? il voyait des choses pas trĂšs convenables, attendu qu'elle ne se gĂÂȘnait guĂšre, quand elle Ă©tait soĂ»le. Elle amenait les hommes, et tout ça se passait devant lui... Ensuite, moi, je n'ai jamais eu le temps de le surveiller d'assez prĂšs, Ă cause de mes affaires dans Paris. Il courait toute la journĂ©e sur les fortifications. Deux fois, j'ai dĂ» aller le rĂ©clamer, parce qu'il avait volĂ©, oh ! des bĂÂȘtises seulement. Et puis, dĂšs qu'il a pu, ç'a Ă©tĂ© avec les petites filles, tant sa pauvre mĂšre lui en avait montrĂ©. Avec ça, vous allez le voir, Ă douze ans, c'est dĂ©jĂ un homme. Enfin, pour qu'il travaille un peu, je l'ai donnĂ© Ă la mĂšre Eulalie, une femme qui vend Ă Montmartre des lĂ©gumes au panier. Il l'accompagne Ă la Halle, il lui porte un de ses paniers. Le malheur est qu'en ce moment elle a des abcĂšs Ă la cuisse... Mais nous y voici, madame, veuillez entrer. " Mme Caroline eut un mouvement de recul. C'Ă©tait, au fond de la cour, derriĂšre une vĂ©ritable barricade d'immondices, un des trous les plus puants, une masure Ă©crasĂ©e dans le sol, pareille Ă un tas de gravats que des bouts de planches soutenaient. Il n'y avait pas de fenĂÂȘtre. Il fallait que la porte, une ancienne porte vitrĂ©e, doublĂ©e d'une feuille de zinc, restĂÂąt ouverte, pour qu'on vĂt clair ; et le froid entrait, terrible. Dans un coin, elle aperçut une paillasse, jetĂ©e simplement sur la terre battue. Aucun autre meuble n'Ă©tait reconnaissable, parmi le pĂÂȘle-mĂÂȘle de tonneaux Ă©clatĂ©s, de treillages arrachĂ©s, de corbeilles Ă demi pourries, qui devaient servir de siĂšges et de tables. Les murs suintaient, d'une humiditĂ© gluante. Une crevasse, une fente verte dans le plafond noir, laissait couler la pluie, juste au pied de la paillasse. Et l'odeur, l'odeur surtout Ă©tait affreuse, l'abjection humaine dans l'absolu dĂ©nuement. " MĂšre Eulalie, cria la MĂ©chain, c'est une dame qui veut du bien Ă Victor... Qu'est-ce qu'il a, ce crapaud, Ă ne pas venir, quand on l'appelle ? " Un paquet de chair informe grouilla sur la paillasse, dans un lambeau de vieille indienne qui servait de drap ; et Mme Caroline distingua une femme d'une quarantaine d'annĂ©es, toute nue lĂ -dedans, faute de chemise, semblable Ă une outre Ă moitiĂ© vide, tant elle Ă©tait molle et coupĂ©e de plis. La tĂÂȘte n'Ă©tait point laide, fraĂche encore, encadrĂ©e de petits cheveux blonds frisĂ©s. " Ah ! geignit-elle, qu'elle entre, si c'est pour notre bien, car il n'est pas Dieu possible que ça continue !... Quand on pense, madame, que voilĂ quinze jours que je n'ai pu me lever, Ă cause de ces saletĂ©s de gros boutons qui me font des trous dans la cuisse !... Alors, il n'y a plus un sou, naturellement. Impossible de continuer le commerce. J'avais deux chemises que Victor est allĂ© vendre ; et je crois bien que, ce soir, nous serions claquĂ©s de faim. " Puis, haussant la voix " C'est bĂÂȘte, Ă la fini sors donc de lĂ , petit... La dame ne veut pas te faire du mal. " Et Mme Caroline tressaillit, en voyant se dresser d'un panier un paquet, qu'elle avait pris pour un tas de loques. C'Ă©tait Victor, vĂÂȘtu des restes d'un pantalon et d'une veste de toile, par les trous desquels sa nuditĂ© passait. Il se trouvait en plein dans la clartĂ© de la porte, elle restait bĂ©ante, stupĂ©fiĂ©e de son extraordinaire ressemblance avec Saccard. Tous ses doutes s'en allĂšrent, la paternitĂ© Ă©tait indĂ©niable. " Je veux pas, moi, dĂ©clara-t-il, qu'on m'embĂÂȘte pour aller Ă l'Ă©cole. " Mais elle le regardait toujours envahie d'un malaise croissant. Dans cette ressemblance qui la frappait, il Ă©tait inquiĂ©tant, ce gamin, avec toute une moitiĂ© de la face plus grosse que l'autre, le nez tordu Ă droite, la tĂÂȘte comme Ă©crasĂ©e sur la marche oĂÂč sa mĂšre, violentĂ©e, l'avait conçu. En outre, il paraissait prodigieusement dĂ©veloppĂ© pour son ĂÂąge, pas trĂšs grand, trapu, entiĂšrement formĂ© Ă douze ans, dĂ©jĂ poilu, ainsi qu'une bĂÂȘte prĂ©coce. Les yeux hardis, dĂ©vorants, la bouche sensuelle, Ă©taient d'un homme. Et, dans cette grande enfance, au teint si pur encore, avec certains coins dĂ©licats de fille, cette virilitĂ©, si brusquement Ă©panouie gĂÂȘnait et effrayait, ainsi qu'une monstruositĂ©. " L'Ă©cole vous fait donc bien peur mon petit ami ? finit par dire Mme Caroline. Vous y seriez pourtant mieux qu'ici... OĂÂč couchez-vous ? " D'un geste, il montra la paillasse. " LĂ , avec elle. " ContrariĂ©e de cette rĂ©ponse franche, la mĂšre Eulalie s'agita, cherchant une explication. " Je lui avais fait un lit avec un petit matelas ; et puis, il a fallu le vendre... On couche comme on peut, n'est-ce pas ? quand tout a filĂ©. " La MĂ©chain crut devoir intervenir, bien qu'elle n'ignorĂÂąt rien de ce qui se passait. " Ce n'est tout de mĂÂȘme pas convenable, Eulalie... Et toi, garnement, tu aurais bien pu venir coucher chez moi, au lieu de coucher avec elle. " Mais Victor se planta sur ses courtes et fortes jambes, se carrant dans sa prĂ©cocitĂ© de mĂÂąle. " Pourquoi donc, c'est ma femme ! " Alors, la mĂšre Eulalie, vautrĂ©e dans sa molle graisse, prit le parti de rire, tĂÂąchant de sauver l'abomination, en en parlant d'un air de plaisanterie. Et une admiration tendre perçait en elle. " Oh ! ça, bien sĂ»r que je ne lui confierais pas ma fille, si j'en avais une... C'est un vrai petit homme. " Mme Caroline frĂ©mit. Le coeur lui manquait, dans une nausĂ©e affreuse. Eh quoi ? ce gamin de douze ans, ce petit monstre, avec cette femme de quarante, ravagĂ©e et malade, sur cette paillasse immonde, au milieu de ces tessons et de cette puanteur ! Ah ! misĂšre, qui dĂ©truit et pourrit tout ! Elle laissa vingt francs, se sauva, revint se rĂ©fugier chez la propriĂ©taire, pour prendre un parti et s'entendre dĂ©finitivement avec celle-ci. Une idĂ©e s'Ă©tait Ă©veillĂ©e en elle, devant un tel abandon, celle de l'Oeuvre du Travail n'avait-elle pas Ă©tĂ© justement créée, cette oeuvre, pour des dĂ©chĂ©ances pareilles, les misĂ©rables enfants du ruisseau qu'on tĂÂąchait de rĂ©gĂ©nĂ©rer par de l'hygiĂšne et un mĂ©tier ? Au plus vite, il fallait enlever Victor de ce cloaque, le mettre lĂ -bas, lui refaire une existence. Elle en Ă©tait restĂ©e toute tremblante. Et, dans cette dĂ©cision, il lui venait une dĂ©licatesse de femme ne rien dire encore Ă Saccard, attendre d'avoir dĂ©crassĂ© un peu le monstre, avant de le lui montrer ; car elle Ă©prouvait comme une pudeur pour lui de cet effroyable rejeton, elle souffrait de la honte qu'il en aurait eue. Quelques mois suffiraient sans doute, elle parlerait ensuite, heureuse de sa bonne action. La MĂ©chain comprit difficilement. " Mon Dieu, madame, comme il vous plaira... Seulement, je veux mes six mille francs tout de suite. Victor ne bougera pas de chez moi, si je n'ai pas mes six mille francs. " Cette exigence dĂ©sespĂ©ra Mme Caroline. Elle n'avait pas la somme, elle ne voulait pas la demander au pĂšre, naturellement. En vain, elle discuta, supplia. " Non, non ! si je n'avais plus mon gage, je pourrais me fouiller. Je connais ça. " Enfin, voyant que la somme Ă©tait grosse et qu'elle n'obtiendrait rien, elle fit un rabais. " Eh bien, donnez-moi deux mille francs tout de suite. J'attendrai pour le reste. " Mais l'embarras de Mme Caroline restait le mĂÂȘme, et elle se demandait oĂÂč prendre ces deux mille francs, lorsque la pensĂ©e lui vint de s'adresser Ă Maxime. Elle ne voulut pas la discuter. Il consentirait bien Ă ĂÂȘtre du secret, il ne refuserait pas l'avance de ce peu d'argent, que certainement son pĂšre lui rembourserait. Et elle s'en alla en annonçant qu'elle reviendrait prendre Victor le lendemain. Il n'Ă©tait que cinq heures, elle avait une telle fiĂšvre d'en finir, qu'en remontant dans son fiacre, elle donna au cocher l'adresse de Maxime, avenue de l'impĂ©ratrice. Quand elle arriva, le valet de chambre lui dit que monsieur Ă©tait Ă sa toilette, mais qu'il allait tout de mĂÂȘme l'annoncer. Un instant, elle Ă©touffa, dans le salon oĂÂč elle attendait. C'Ă©tait un petit hĂÂŽtel installĂ© avec un raffinement exquis de luxe et de bien-ĂÂȘtre. Les tentures, les tapis s'y trouvaient prodiguĂ©s ; et une odeur fine, ambrĂ©e, s'exhalait, dans le tiĂšde silence des piĂšces. Cela Ă©tait joli, tendre et discret, bien qu'il n'y eĂ»t pas lĂ de femme ; car le jeune veuf, enrichi par la mort de la sienne, avait rĂ©glĂ© sa vie pour l'unique culte de lui-mĂÂȘme, fermant sa porte, en garçon d'expĂ©rience, Ă tout nouveau partage. Cette jouissance de vivre, qu'il devait Ă une femme, il n'entendait pas qu'une autre femme la lui gĂÂątĂÂąt. DĂ©sabusĂ© du vice, il ne continuait Ă en prendre que comme d'un dessert qui lui Ă©tait dĂ©fendu, Ă cause de son estomac dĂ©plorable. Il avait abandonnĂ© depuis longtemps son idĂ©e d'entrer au Conseil d'Etat, il ne faisait mĂÂȘme plus courir, les chevaux l'ayant rassasiĂ© comme les filles. Et il vivait seul, oisif, parfaitement heureux, mangeant sa fortune avec art et prĂ©caution, d'une fĂ©rocitĂ© de beau-fils pervers et entretenu, devenu sĂ©rieux. " Si madame veut me suivre, revint dire le valet. Monsieur la recevra tout de suite dans sa chambre. " Mme Caroline avait avec Maxime des rapports familiers, depuis qu'il la voyait installĂ©e en intendante fidĂšle, chaque fois qu'il allait dĂner chez son pĂšre. En entrant dans la chambre, elle trouva les rideaux fermĂ©s, six bougies brĂ»lant sur la cheminĂ©e et sur un guĂ©ridon, Ă©clairant d'une flamme tranquille ce nid de duvet et de soie, une chambre trop douillette de belle dame Ă vendre, avec ses siĂšges profonds, son immense lit, d'une mollesse de plumes. C'Ă©tait la piĂšce aimĂ©e, oĂÂč il avait Ă©puisĂ© les dĂ©licatesses, les meubles et les bibelots prĂ©cieux, des merveilles du siĂšcle dernier, fondus, perdus dans le plus dĂ©licieux fouillis d'Ă©toffes qui se pĂ»t voir. Mais la porte donnant sur le cabinet de toilette Ă©tait grande ouverte, et il parut, disant " Quoi donc, qu'est-il arrivĂ© ?... Papa n'est pas mort ? " Au sortir du bain, il venait de passer un Ă©lĂ©gant costume de flanelle blanche, la peau fraĂche et embaumĂ©e, avec sa jolie tĂÂȘte de fille, dĂ©jĂ fatiguĂ©e, les yeux bleus et clairs sur le vide du cerveau. Par la porte, on entendait encore l'Ă©gouttement d'un des robinets de la baignoire, tandis qu'un parfum de violente fleur montait, dans la douceur de l'eau tiĂšde. " Non, non, ce n'est pas si grave, rĂ©pondit-elle, gĂÂȘnĂ©e par le ton tranquillement plaisant de la question. Et ce que j'ai Ă vous dire pourtant m'embarrasse un peu... Vous m'excuserez de tomber ainsi chez vous... - C'est vrai, je dĂne en ville, mais j'ai bien le temps de m'habiller... Voyons, qu'y a-t-il ? " Il attendait, et elle hĂ©sitait maintenant, balbutiait, saisie de ce grand luxe, de ce raffinement jouisseur, qu'elle sentait autour d'elle. Une lĂÂąchetĂ© la prenait, elle ne retrouvait plus son courage Ă tout dire. Etait-ce possible que l'existence, si dure Ă l'enfant de hasard, lĂ -bas, dans le cloaque de la citĂ© de Naples, se fĂ»t montrĂ©e si prodigue, pour celui-ci, au milieu de cette savante richesse ? Tant de saletĂ©s ignobles, la faim et l'ordure inĂ©vitable d'un cĂÂŽtĂ©, et de l'autre une telle recherche de l'exquis, l'abondance, la vie belle ! L'argent serait-il donc l'Ă©ducation, la santĂ©, l'intelligence ? Et, si la mĂÂȘme boue humaine restait dessous, toute la civilisation n'Ă©tait-elle pas dans cette supĂ©rioritĂ© de sentir bon et de bien vivre ? " Mon Dieu ! c'est une histoire. Je crois que je fais bien en vous la racontant... Du reste, j'y suis forcĂ©e, j'ai besoin de vous. " Maxime l'Ă©couta, d'abord debout ; puis, il s'assit devant elle, les jambes cassĂ©es par la surprise. Et, lorsqu'elle se tut " Comment ! comment ! je ne suis pas tout seul de fils, voilĂ un affreux petit frĂšre qui me tombe du ciel, sans crier gare ! " Elle le crut intĂ©ressĂ©, fit une allusion Ă la question d'hĂ©ritage. " Oh ! l'hĂ©ritage de papa ! " Et il eut un geste d'insouciance ironique, qu'elle ne comprit pas. Quoi ? que voulait-il dire ? Ne croyait-il pas aux grandes qualitĂ©s, Ă la fortune certaine de son pĂšre ? " Non, non, mon affaire est faite, je n'ai besoin de personne... Seulement, en vĂ©ritĂ©, c'est si drĂÂŽle, ce qui arrive, que je ne puis m'empĂÂȘcher d'en rire. " Il riait, en effet, mais vexĂ©, inquiet sourdement, ne songeant qu'Ă lui, n'ayant pas encore eu le temps d'examiner ce que l'aventure pouvait lui apporter de bon ou de mauvais. Il se sentit Ă l'Ă©cart, il lĂÂącha un mot ou, brutalement, il se mit tout entier. " Au fond, je m'en fiche, moi ! " S'Ă©tant levĂ©, il passa dans le cabinet de toilette, en revint tout de suite avec un polissoir d'Ă©caille, dont il se frottait doucement les ongles. " Et qu'est-ce que vous allez en faire, de votre monstre ? On ne peut pas le mettre Ă la Bastille, comme le Masque de fer. " Elle parla alors des comptes de la MĂ©chain, expliqua son idĂ©e de faire entrer Victor Ă l'Oeuvre du Travail, et lui demanda les deux mille francs. " Je ne veux pas que votre pĂšre sache rien encore, je n'ai que vous Ă qui m'adresser, il faut que vous fassiez cette avance. Mais il refusa net. " A papa, jamais de la vie ! pas un sou !... Ecoutez, c'est un serment, papa aurait besoin d'un sou pour passer un pont que je ne le lui prĂÂȘterais pas... Comprenez donc ! il y a des bĂÂȘtises trop bĂÂȘtes, je ne veux pas ĂÂȘtre ridicule ! " De nouveau, elle le regardait, troublĂ©e des choses vilaines qu'il insinuait. En ce moment de passion, elle n'avait ni le dĂ©sir ni le temps de le faire causer. " Et Ă moi, reprit-elle d'une voix brusque, me les prĂÂȘterez-vous, ces deux mille francs ? - A vous, Ă vous... " Il continuait de se polir les ongles, d'un mouvement joli et lĂ©ger, tout en l'examinant de ses yeux clairs, qui fouillaient les femmes jusqu'au sang du coeur. " A vous, tout de mĂÂȘme, je veux bien.. Vous ĂÂȘtes une gobeuse, vous me les ferez rendre. " Puis, quand il fut allĂ© chercher les deux billets dans un petit meuble, et qu'il les lui eut remis, il lui prit les mains, les garda un instant entre les siennes, d'un air de gaietĂ© amicale, en beau-fils qui a de la sympathie pour sa belle-maman. " Vous avez des illusions sur papa, vous !... Oh ! ne vous en dĂ©fendez pas, je ne vous demande pas vos affaires... Les femmes, c'est si bizarre, ça se distrait parfois Ă se dĂ©vouer ; et, naturellement, elles ont bien raison de prendre leur plaisir oĂÂč elles le trouvent... N'importe, si un jour vous en Ă©tiez mal rĂ©compensĂ©e, venez donc me voir, nous causerons. " Lorsque Mme Caroline se retrouva dans son fiacre, Ă©touffĂ©e encore par la tiĂ©deur molle du petit hĂÂŽtel, par le parfum d'hĂ©liotrope qui avait pĂ©nĂ©trĂ© ses vĂÂȘtements, elle Ă©tait frissonnante comme au sortir d'un lieu suspect, effrayĂ©e aussi de ces rĂ©ticences, de ces plaisanteries du fils sur le pĂšre, qui aggravaient son soupçon de l'inavouable passĂ©. Mais elle ne voulait rien savoir, elle avait l'argent, elle se calma en combinant sa journĂ©e du lendemain, de façon que, dĂšs le soir, l'enfant fĂ»t sauvĂ© de son vice. Aussi, le matin, dut-elle se mettre en course, car elle avait toutes sortes de formalitĂ©s Ă remplir, pour ĂÂȘtre certaine que son protĂ©gĂ© serait accueilli Ă l'Oeuvre du Travail. Sa situation de secrĂ©taire du conseil de surveillance, que la princesse d'Orviedo, la fondatrice, avait composĂ© de dix dames du monde, lui facilita d'ailleurs ces formalitĂ©s ; et, l'aprĂšs-midi, elle n'eut plus qu'Ă aller chercher Victor Ă la citĂ© de Naples. Elle avait emportĂ© des vĂÂȘtements convenables, elle n'Ă©tait pas au fond sans inquiĂ©tude sur la rĂ©sistance que le petit allait leur opposer, lui qui ne voulait pas entendre parler de l'Ă©cole. Mais la MĂ©chain, Ă qui elle avait envoyĂ© une dĂ©pĂÂȘche et qui l'attendait, lui apprit dĂšs le seuil une nouvelle, dont elle Ă©tait bouleversĂ©e elle-mĂÂȘme dans la nuit, brusquement, la mĂšre Eulalie Ă©tait morte, sans que le mĂ©decin eĂ»t pu dire au juste de quoi, une congestion peut-ĂÂȘtre, quelque ravage du sang gĂÂątĂ© ; et l'effrayant, c'Ă©tait que le gamin, couchĂ© avec elle, ne s'Ă©tait aperçu de la mort, dans l'obscuritĂ©, qu'en la sentant contre lui devenir toute froide. Il avait fini sa nuit chez la propriĂ©taire, hĂ©bĂ©tĂ© de ce drame, travaillĂ© d'une sourde peur, si bien qu'il se laissa habiller et qu'il parut content, Ă l'idĂ©e de vivre dans une maison qui avait un beau jardin. Rien ne le retenait plus lĂ , puisque la grosse, comme il disait, allait pourrir dans le trou. Cependant, la MĂ©chain, en Ă©crivant son reçu des deux mille francs, posait ses conditions. " C'est bien entendu, n'est-ce pas ? vous complĂ©terez les six mille en un seul paiement, Ă six mois... Autrement, je m'adresserai Ă M. Saccard. - Mais, dit Mme Caroline, c'est M. Saccard lui-mĂÂȘme qui vous paiera... Aujourd'hui, je le remplace, simplement. " Les adieux de Victor et de la vieille cousine furent sans tendresse un baiser sur les cheveux, une hĂÂąte du petit Ă monter dans la voiture, tandis qu'elle, grondĂ©e par Busch d'avoir consenti Ă ne recevoir qu'un acompte, continuait Ă mĂÂącher sourdement son ennui de voir ainsi son gage lui Ă©chapper. " Enfin, madame, soyez honnĂÂȘte avec moi, autrement je vous jure que je saurai bien vous en faire repentir. " De la citĂ© de Naples Ă l'Oeuvre du Travail, boulevard Bineau, Mme Caroline ne put tirer que des monosyllabes de Victor, dont les yeux luisants dĂ©voraient la route, les larges avenues, les passants et les maisons riches. Il ne savait pas Ă©crire, Ă peine lire, ayant toujours dĂ©sertĂ© l'Ă©cole pour des bordĂ©es sur les fortifications ; et, de sa face d'enfant mĂ»ri trop vite, ne sortaient que les appĂ©tits exaspĂ©rĂ©s de sa race, une hĂÂąte, une violence Ă jouir, aggravĂ©es par le terreau de misĂšre et d'exemples abominables dans lequel il avait grandi. Boulevard Bineau, ses yeux de jeune fauve Ă©tincelĂšrent davantage, lorsque, descendu de voiture, il traversa la cour centrale, que le bĂÂątiment des garçons et celui des filles bordaient Ă droite et Ă gauche. DĂ©jĂ , il avait fouillĂ© d'un regard les vastes prĂ©aux plantĂ©s de beaux arbres, les cuisines revĂÂȘtues de faĂÂŻence, dont les fenĂÂȘtres ouvertes exhalaient des odeurs de viandes, les rĂ©fectoires ornĂ©s de marbre, longs et hauts comme des nefs de chapelle, tout ce luxe royal que la princesse, s'entĂÂȘtant Ă ses restitutions, voulait donner aux pauvres. Puis, arrivĂ© au fond, dans le corps de logis que l'administration occupait, promenĂ© de service en service pour ĂÂȘtre admis avec les formalitĂ©s d'usage, il Ă©couta sonner ses souliers neufs le long des immenses corridors, des larges escaliers, de ces dĂ©gagements inondĂ©s d'air et de lumiĂšre, d'une dĂ©coration de palais. Ses narines frĂ©missaient, tout cela allait ĂÂȘtre Ă lui. Mais, comme Mme Caroline, redescendue au rez-de-chaussĂ©e pour la signature d'une piĂšce, lui faisait suivre un nouveau couloir, elle l'amena devant une porte vitrĂ©e, et il put voir un atelier oĂÂč des garçons de son ĂÂąge, debout devant des Ă©tablis, apprenaient la sculpture sur bois. " Vous voyez, mon petit ami, dit-elle, on travaille ici parce qu'il faut travailler, si l'on veut ĂÂȘtre bien portant et heureux... Le soir, il y a des classes, et je compte, n'est-ce pas ? que vous serez sage, que vous Ă©tudierez bien... C'est vous qui allez dĂ©cider de votre avenir, un avenir tel que vous ne l'avez jamais rĂÂȘvĂ©. " Un pli sombre avait coupĂ© le front de Victor. Il ne rĂ©pondit pas, et ses yeux de jeune loup ne jetĂšrent plus sur ce luxe Ă©talĂ©, prodiguĂ©, que des regards obliques de bandit envieux avoir tout ça, mais sans rien faire ; le conquĂ©rir, s'en repaĂtre, Ă la force des ongles et des dents. DĂšs lors, il ne fut plus lĂ qu'en rĂ©voltĂ©, qu'en prisonnier qui rĂÂȘve de vol et d'Ă©vasion. " Maintenant, tout est rĂ©glĂ©, reprit Mme Caroline. Nous allons monter Ă la salle de bains. " L'usage Ă©tait que chaque nouveau pensionnaire, Ă son entrĂ©e, prenait un bain ; et les baignoires se trouvaient en haut, dans des cabinets attenant Ă l'infirmerie, qui elle-mĂÂȘme, composĂ©e de deux petits dortoirs, l'un pour les garçons, l'autre pour les filles, Ă©tait voisine de la lingerie. Les six soeurs de la communautĂ© rĂ©gnaient lĂ , dans cette lingerie superbe, tout en Ă©rable verni, Ă trois Ă©tages de profondes armoires, dans cette infirmerie modĂšle, d'une clartĂ©, d'une blancheur sans tache, gaie et propre comme la santĂ©. Souvent aussi, les dames du conseil de surveillance venaient y passer une heure de l'aprĂšs-midi, moins pour contrĂÂŽler que pour donner Ă l'oeuvre l'appui de leur dĂ©vouement. Et, justement, la comtesse de Beauvilliers se trouvait lĂ , avec sa fille Alice, dans la salle qui sĂ©parait les deux infirmeries. Souvent, elle l'amenait ainsi pour la distraire, en lui donnant le plaisir de la charitĂ©. Ce jour-lĂ , Alice aidait une des soeurs Ă faire des tartines de confiture, pour deux petites convalescentes, Ă qui on avait permis de goĂ»ter. " Ah ! dit la comtesse, Ă la vue de Victor qu'on venait de faire asseoir en attendant son bain, voici un nouveau. " D'habitude, elle restait cĂ©rĂ©monieuse Ă l'Ă©gard de Mme Caroline, ne la saluant que d'un signe de tĂÂȘte, sans jamais lui adresser la parole, de crainte peut-ĂÂȘtre d'avoir Ă lier avec elle des relations de voisinage. Mais ce garçon que celle-ci amenait, l'air d'active bontĂ© dont elle s'occupait de lui, la touchaient sans doute, la faisaient sortir de sa rĂ©serve. Et elles causĂšrent Ă demi-voix. " Si vous saviez, madame, de quel enfer je viens de le tirer ! Je le recommande Ă votre surveillance, comme je l'ai recommandĂ© Ă toutes ces dames et Ă tous ces messieurs. " " Est-ce qu'il a des parents ? Est-ce que vous les connaissez ? - Non, sa mĂšre est morte... Il n'a plus que moi. - Pauvre gamin !... Ah ! que de misĂšre ! " Pendant ce temps, Victor ne quittait pas des yeux les tartines. Ses regards s'Ă©taient allumĂ©s d'une fĂ©roce convoitise ; et, de cette confiture que le couteau Ă©talait, il remontait aux fluettes mains blanches d'Alice, Ă son cou trop, Ă toute sa personne de vierge chĂ©tive, qui s'Ă©maciait l'attente vaine du mariage. S'il s'Ă©tait trouvĂ© seul avec elle, d'un bon coup de tĂÂȘte dans le ventre, comme il l'aurait envoyĂ©e rouler contre le mur, pour lui prendre ses tartines ! Mais la jeune fille avait remarquĂ© ses regards gloutons ; et, d'un coup d'oeil, ayant consultĂ© la religieuse " Est-ce que vous avez faim, mon petit ami ? - Oui. - Et vous ne dĂ©testez pas la confiture ? - Non. - Alors, ça vous irait si je vous faisais deux tartines, que vous mangeriez en sortant du bain ? - Oui. - Beaucoup de confiture sur pas beaucoup de pain, n'est-ce pas ? - Oui. " Elle riait, plaisantait, mais lui restait grave et bĂ©ant, avec ses yeux dĂ©vorateurs qui la mangeaient, elle et ses bonnes choses. A ce moment, des cris de joie, tout un violent tapage monta du prĂ©au des garçons, oĂÂč la rĂ©crĂ©ation de quatre heures commençait. Les ateliers se vidaient, les pensionnaires avaient une demi-heure pour goĂ»ter et se dĂ©gourdir les jambes. " Vous voyez, reprit Mme Caroline, en l'amenant prĂšs d'une fenĂÂȘtre, si l'on travaille, on joue aussi... Vous aimez travailler ? - Non. - Mais vous aimez jouer ? - Oui. - Eh bien, si vous voulez jouer, il faudra travailler... Tout cela s'arrangera, vous serez raisonnable, j'en suis sĂ»re. " Il ne rĂ©pondit pas. Une flamme de plaisir lui avait chauffĂ© la face, Ă la vue de ses camarades lĂÂąchĂ©s, sautant et criant ; et ses regards revinrent vers ses tartines que la jeune fille achevait et posait sur une assiette. Oui ! de la libertĂ©, de la jouissance, tout le temps, il ne voulait rien d'autre. Son bain Ă©tait prĂÂȘt, on l'emmena. " VoilĂ un petit monsieur qui ne sera guĂšre commode, je crois, dit doucement la religieuse. Je me mĂ©fie d'eux, quand ils n'ont pas la figure d'aplomb. - Il n'est pourtant pas laid, celui-ci, murmura Alice, et on lui donnerait dix-huit ans, Ă le voir vous regarder. - C'est vrai, conclut Mme Caroline avec un lĂ©ger frisson, il est trĂšs avancĂ© pour son ĂÂąge. " Et, avant de s'en aller, ces dames voulurent se donner le plaisir de voir les petites convalescentes manger leurs tartines. L'une surtout Ă©tait trĂšs intĂ©ressante, une blonde fillette de dix ans, avec des yeux savants dĂ©jĂ , un air de femme, la chair hĂÂątive et malade des faubourgs parisiens. C'Ă©tait, d'ailleurs, la commune histoire un pĂšre ivrogne qui amenait ses maĂtresses ramassĂ©es sur le trottoir, qui venait de disparaĂtre avec une d'elles ; une mĂšre qui avait pris un autre homme, puis un autre, tombĂ©e elle-mĂÂȘme Ă la boisson ; et la petite, lĂ -dedans, battue par tous ces mĂÂąles, quand ils n'essayaient pas de la violer. Un matin, la mĂšre avait dĂ» la retirer des bras d'un maçon, ramenĂ© par elle, la veille. On lui permettait pourtant, Ă cette mĂšre misĂ©rable, de venir voir son enfant, car c'Ă©tait elle qui avait suppliĂ© qu'on la lui enlevĂÂąt, ayant gardĂ© dans son abjection un ardent amour maternel. Et elle se trouvait prĂ©cisĂ©ment lĂ , une femme maigre et jaune, dĂ©vastĂ©e, avec des paupiĂšres brĂ»lĂ©es de larmes, assise prĂšs du lit blanc, oĂÂč sa gamine, trĂšs propre, le dos appuyĂ© contre des oreillers, mangeait gentiment ses tartines. Elle reconnut Mme Caroline, Ă©tant allĂ©e chez Saccard chercher des secours. " Ah madame, voilĂ encore ma pauvre Madeleine sauvĂ©e une fois. C'est tout notre malheur qu'elle a dans le sang, voyez-vous, et le mĂ©decin m'avait bien dit qu'elle ne vivrait pas, si elle continuait Ă ĂÂȘtre bousculĂ©e chez nous... Tandis qu'ici elle a de la viande, elle a du vin ; et puis, elle respire, elle est tranquille... Je vous en prie, madame, dites bien Ă ce bon monsieur que je ne vis pas une heure de mon existence sans le bĂ©nir. " Un sanglot la suffoqua, son coeur se fondait de reconnaissance. C'Ă©tait de Saccard qu'elle parlait, car elle ne connaissait que lui, comme la plupart des parents qui avaient des enfants Ă l'Oeuvre du Travail. La princesse d'Orviedo ne paraissait point, tandis que lui s'Ă©tait longtemps prodiguĂ©, peuplant l'oeuvre, ramassant toutes les misĂšres du ruisseau pour voir plus vite fonctionner cette machine charitable qui Ă©tait un peu sa crĂ©ation, se passionnant du reste comme toujours, distribuant des piĂšces de cent sous de sa poche aux tristes familles dont il sauvait les petits. Et il restait le seul et vrai bon Dieu, pour tous ces misĂ©rables. " N'est-ce pas ? madame, dites-lui bien qu'il y a quelque part une pauvre femme qui prie pour lui... Oh ! ce n'est pas que j'aie de la religion, je ne veux point mentir, je n'ai jamais Ă©tĂ© hypocrite. Non, les Ă©glises et nous, c'est fini, parce que nous n'y songeons seulement plus, tout ça ne servait Ă rien, d'aller y perdre son temps... Mais ça n'empĂÂȘche qu'il y a tout de mĂÂȘme quelque chose au-dessus de nous, et alors ça soulage, quand quelqu'un a Ă©tĂ© bon, d'appeler sur lui les bĂ©nĂ©dictions du Ciel. " Ses larmes dĂ©bordĂšrent, coulĂšrent sur ses joues flĂ©tries. " Ecoute-moi, Madeleine, Ă©coute... " La fillette, si pĂÂąle dans sa chemise de neige, et qui lĂ©chait la confiture de sa tartine d'un petit bout de langue gourmande, avec des yeux de bonheur, leva la tĂÂȘte, devint attentive, sans cesser son rĂ©gal. " Chaque soir, avant de t'endormir dans ton lit, tu joindras tes mains comme ça, et tu diras " Mon Dieu, " faites que M. Saccard soit rĂ©compensĂ© de sa bontĂ©, qu'il ait de longs jours et qu'il soit heureux. Tu entends, tu me le promets ? - Oui, maman. " Les semaines qui suivirent, Mme Caroline vĂ©cut dans un grand trouble moral. Elle n'avait plus sur Saccard d'idĂ©es nettes. L'histoire de la naissance et de l'abandon de Victor, cette triste Rosalie prise sur une marche d'escalier, si violemment, qu'elle en Ă©tait restĂ©e infirme, et les billets signĂ©s et impayĂ©s, et le malheureux enfant sans pĂšre grandi dans la boue, tout ce passĂ© lamentable lui donnait une nausĂ©e au coeur. Elle Ă©cartait les images de ce passĂ©, de mĂÂȘme qu'elle n'avait pas voulu provoquer les indiscrĂ©tions de Maxime certainement, il y avait lĂ des tares anciennes, qui l'effrayaient, dont elle aurait eu trop de chagrin. Puis, c'Ă©tait cette femme en pleurs, joignant les mains de sa petite fille, la faisant prier pour cet homme ; c'Ă©tait Saccard adorĂ© comme le Dieu de bontĂ©, et vĂ©ritablement bon, et ayant rĂ©ellement sauvĂ© des ĂÂąmes, dans cette activitĂ© passionnĂ©e de brasseur d'affaires, qui se haussait Ă la vertu, lorsque la besogne Ă©tait belle. Aussi arriva-t-elle Ă ne plus vouloir le juger, en se disant, pour mettre en paix sa conscience de femme savante, ayant trop lu et trop rĂ©flĂ©chi, qu'il y avait chez lui, comme chez tous les hommes, du pire et du meilleur. Cependant, elle venait d'avoir un rĂ©veil sourd de honte Ă la pensĂ©e qu'elle lui avait appartenu. Cela la stupĂ©fiait toujours, elle se tranquillisait en se jurant que c'Ă©tait fini que cette surprise d'un moment ne pouvait recommencer. Et trois mois s'Ă©coulĂšrent, pendant lesquels, deux fois par semaine, elle allait voir Victor ; et, un soir, elle se retrouva dans les bras de Saccard, dĂ©finitivement Ă lui, laissant s'Ă©tablir des relations rĂ©guliĂšres. Que se passait-il donc en elle ? Etait-elle, comme les autres, curieuse ? ces troubles amours de jadis, remuĂ©s par elle, lui avaient-ils donnĂ© le sensuel dĂ©sir de savoir ? Ou plutĂÂŽt n'Ă©tait-ce pas l'enfant qui Ă©tait devenu le lien, le rapprochement fatal entre lui, le pĂšre, et elle, la mĂšre de rencontre et d'adoption ? Oui, il ne devait y avoir eu lĂ qu'une perversion sentimentale. Dans son grand chagrin de femme stĂ©rile, cela certainement l'avait attendrie jusqu'Ă la dĂ©bĂÂącle de sa volontĂ©, de s'ĂÂȘtre occupĂ©e du fils de cet homme, au milieu de si poignantes circonstances. Chaque fois qu'elle le revoyait, elle se donnait davantage, et une maternitĂ© Ă©tait au fond de son abandon. D'ailleurs, elle Ă©tait femme de clair bon sens, elle acceptait les faits de la vie, sans s'Ă©puiser Ă tacher de s'en expliquer les mille causes complexes. Pour elle, dans ce dĂ©vidage du coeur et de la cervelle, dans cette analyse raffinĂ©e des cheveux coupĂ©s en quatre, il n'y avait qu'une distraction de mondaines inoccupĂ©es, sans mĂ©nage Ă tenir, sans enfant Ă aimer, des farceuses intellectuelles qui cherchent des excuses Ă leurs chutes, qui masquent de leur science de l'ĂÂąme les appĂ©tits de la chair, communs aux duchesses et aux filles d'auberge. Elle, d'une Ă©rudition trop vaste, qui avait perdu son temps, autrefois, Ă brĂ»ler de connaĂtre le vaste monde et Ă prendre parti dans les querelles des philosophes, en Ă©tait revenue avec le grand dĂ©dain de ces rĂ©crĂ©ations psychologiques, qui tendent Ă remplacer le piano et la tapisserie, et dont elle disait en riant qu'elles ont dĂ©bauchĂ© plus de femmes qu'elles n'en ont corrigĂ©. Aussi, les jours oĂÂč des trous se produisaient en elle, oĂÂč elle sentait une cassure dans son libre arbitre prĂ©fĂ©rait-elle avoir le courage d'accepter les faits, aprĂšs l'avoir constatĂ© ; et elle comptait sur le travail de la vie pour effacer la tare, pour rĂ©parer le mal, de mĂÂȘme que la sĂšve qui monte toujours ferme d'un chĂÂȘne, refait du bois et de l'Ă©corce. Si elle Ă©tait maintenant Ă Saccard sans l'avoir voulu, sans ĂÂȘtre certaine qu'elle l'estimait, elle se relevait de cette dĂ©chĂ©ance en ne le jugeant pas indigne d'elle, sĂ©duite par ses qualitĂ©s d'homme d'action, par son Ă©nergie Ă vaincre, le croyant bon et utile aux autres. Sa honte premiĂšre s'en Ă©tait allĂ©e, dans ce besoin que l'on a de purifier ses fautes, et rien n'Ă©tait en effet plus naturel ni plus tranquille que leur liaison un mĂ©nage de raison simplement, lui heureux de l'avoir lĂ , le soir, quand il ne sortait pas, elle presque maternelle, d'une affection calmante, avec sa vive intelligence et sa droiture. Et c'Ă©tait vraiment, pour ce forban du pavĂ© de Paris, brĂ»lĂ© et tannĂ© dans tous les guets-apens financiers, une chance immĂ©ritĂ©e, une rĂ©compense volĂ©e comme le reste, que d'avoir Ă lui cette adorable femme, si jeune et si saine Ă trente-six ans, sous la neige de son Ă©paisse chevelure blanche, d'un bon sens si brave et d'une sagesse si humaine, dans sa foi Ă la vie, telle qu'elle est, malgrĂ© la boue que le torrent emporte. Des mois se passĂšrent, et il faut dire que Mme Caroline trouva Saccard trĂšs Ă©nergique et trĂšs prudent, durant tous ces pĂ©nibles dĂ©buts de la Banque universelle. Ses soupçons de trafics louches, ses craintes qu'il ne les compromit elle et son frĂšre, se dissipĂšrent mĂÂȘme entiĂšrement, Ă le voir sans cesse en lutte avec les difficultĂ©s, se dĂ©pensant du matin au soir pour assurer le bon fonctionnement de cette grosse mĂ©canique neuve, dont les rouages grinçaient, prĂšs d'Ă©clater ; et elle lui en eut de la reconnaissance, elle l'admira. L'Universelle, en effet, ne marchait pas comme il l'avait espĂ©rĂ©, car elle avait contre elle la sourde hostilitĂ© de la haute banque de mauvais bruits couraient, des obstacles renaissaient, immobilisant le capital, ne permettant pas les grandes tentatives fructueuses. Aussi s'Ă©tait-il fait une vertu de cette lenteur d'allures, Ă laquelle on le rĂ©duisait, n'avançant que pas Ă pas sur un terrain solide, guettant les fondriĂšres, trop occupĂ© Ă Ă©viter une chute pour oser se lancer dans les hasards du jeu. Il se rongeait d'impatience, piĂ©tinant comme une bĂÂȘte de course rĂ©duite Ă un petit trot de promenade ; mais jamais commencements d'une maison de crĂ©dit ne furent plus honorables ni plus corrects ; et la Bourse en causait, Ă©tonnĂ©e. Ce fut de la sorte qu'on atteignit l'Ă©poque de la premiĂšre assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale. Elle avait Ă©tĂ© fixĂ©e au 25 avril. DĂšs le 20, Hamelin dĂ©barqua d'Orient, tout exprĂšs pour la prĂ©sider, rappelĂ© en hĂÂąte par Saccard, qui Ă©touffait dans la maison trop Ă©troite. Il rapportait, d'ailleurs, d'excellentes nouvelles les traitĂ©s Ă©taient conclus pour la formation de la Compagnie gĂ©nĂ©rale des Paquebots rĂ©unis et, d'autre part, il avait en poche les concessions qui assuraient Ă une sociĂ©tĂ© française l'exploitation des mines d'argent du Carmel ; sans parler de la Banque nationale turque, dont il venait de jeter les bases Ă Constantinople, et qui serait une vĂ©ritable succursale de l'Universelle. Quant Ă la grosse question des chemins de fer de l'Asie Mineure, elle n'Ă©tait pas mĂ»re, il fallait la rĂ©server ; du reste, il devait retourner lĂ -bas, pour continuer ses Ă©tudes, dĂšs le lendemain de l'assemblĂ©e. Saccard, ravi, eut avec lui une longue conversation, Ă laquelle assistait Mme Caroline, et il leur persuada aisĂ©ment qu'une augmentation du capital social Ă©tait une nĂ©cessitĂ© absolue, si l'on voulait faire face Ă ces entreprises. DĂ©jĂ , les forts actionnaires, Daigremont, Huret, SĂ©dille, Kolb, consultĂ©s avaient approuvĂ© cette augmentation ; de sorte qu'en deux jours la proposition put ĂÂȘtre Ă©tudiĂ©e et prĂ©sentĂ©e au conseil d'administration, la veille mĂÂȘme de la rĂ©union des actionnaires. Ce conseil d'urgence fut solennel, tous les administrateurs y assistĂšrent, dans la salle grave, verdie par le voisinage des grands arbres de l'hĂÂŽtel Beauvilliers. D'ordinaire, il y avait deux conseils par mois le petit, vers le 15, le plus important, celui auquel ne paraissaient que les vrais chefs, les administrateurs d'affaires ; et le grand, vers le 30, la rĂ©union d'apparat, oĂÂč tous venaient, les muets et les dĂ©coratifs, approuver les travaux prĂ©parĂ©s d'avance et donner des signatures. Ce jour-lĂ , le marquis de Bohain, avec sa petite tĂÂȘte aristocratique, arriva un des premiers, apportant avec lui, dans son grand air fatiguĂ©, l'approbation de toute la noblesse française. Et le vicomte de Robin-Chagot, le vice-prĂ©sident, homme doux et ladre, avait charge de guetter les administrateurs qui n'Ă©taient point au courant, les prenait Ă part et leur communiquait d'un mot les ordres du directeur, le vrai maĂtre. Chose entendue, tous promettaient d'obĂ©ir, d'un signe de tĂÂȘte. Enfin, on entra en sĂ©ance. Hamelin fit connaĂtre au conseil le rapport qu'il devait lire devant l'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale. C'Ă©tait le gros travail que Saccard prĂ©parait depuis longtemps, qu'il venait de rĂ©diger en deux jours, augmentĂ© des notes apportĂ©es par l'ingĂ©nieur, et qu'il Ă©coutait modestement, d'un air de vif intĂ©rĂÂȘt, comme s'il n'en avait pas connu un seul mot. D'abord, le rapport parlait des affaires faites par la Banque universelle, depuis sa fondation elles n'Ă©taient que bonnes, de petites affaires au jour le jour, rĂ©alisĂ©es de la veille au lendemain, le courant banal des maisons de crĂ©dit. Pourtant, d'assez gros bĂ©nĂ©fices s'annonçaient sur l'emprunt mexicain, qui venait d'ĂÂȘtre lancĂ© le mois d'auparavant, aprĂšs le dĂ©part de l'empereur Maximilien pour Mexico un emprunt de gĂÂąchis et de primes folles, dans lequel Saccard regrettait mortellement de n'avoir pu barboter davantage, faute d'argent. Tout cela Ă©tait ordinaire, mais ou avait vĂ©cu. Pour le premier exercice, qui ne comprenait que trois mois, du 5 octobre, date de la fondation, 31 dĂ©cembre, l'excĂ©dent des bĂ©nĂ©fices Ă©tait seulement de quatre cent et quelques mille francs, ce qui avait permis d'amortir d'un quart les frais de premier Ă©tablissement, de payer aux actionnaires leur cinq pour cent et de verser dix pour cent au fonds de rĂ©serve ; en outre, les administrateurs avaient prĂ©levĂ© le dix pour cent que leur accordaient les statuts, et il restait une somme d'environ soixante-huit mille francs, qu'on avait portĂ©e Ă l'exercice suivant. Seulement, il n'y avait pas eu de dividende. Rien Ă la fois de plus mĂ©diocre ni de plus honorable. C'Ă©tait comme pour les cours des actions de l'Universelle en Bourse, ils avaient lentement montĂ© de cinq cents Ă six cents francs, sans secousse, d'une façon normale, ainsi que les cours des valeurs de toute banque qui se respecte ; et, depuis deux mois, ils demeuraient stationnaires, n'ayant aucune raison de s'Ă©lever davantage, dans le petit train journalier oĂÂč semblait s'endormir la maison naissante. Puis, le rapport passait Ă l'avenir, et ici c'Ă©tait un brusque Ă©largissement, le vaste horizon ouvert de toute une sĂ©rie de grandes entreprises. Il insistait particuliĂšrement sur la Compagnie gĂ©nĂ©rale des Paquebots rĂ©unis, dont l'Universelle allait avoir Ă Ă©mettre les actions une compagnie au capital de cinquante millions, qui monopoliserait tous les transports de la MĂ©diterranĂ©e, et oĂÂč se trouveraient syndiquĂ©es les deux grandes sociĂ©tĂ©s rivales, la PhocĂ©enne, pour Constantinople, Smyrne et TrĂ©bizonde, par le PirĂ©e et les Dardanelles, et la SociĂ©tĂ© Maritime, pour Alexandrie, par Messine et la Syrie, sans compter des maisons moindres qui entraient dans le syndicat, les Combarel et Cie, pour l'AlgĂ©rie et la Tunisie, la veuve Henri Liotard, pour l'AlgĂ©rie Ă©galement, par l'Espagne et le Maroc, enfin les FĂ©raud-Giraud frĂšres, pour l'Italie, Naples et les villes de l'Adriatique, par Civita-Vecchia. On conquĂ©rait la MĂ©diterranĂ©e entiĂšre, en faisant une seule compagnie de ces sociĂ©tĂ©s et de ces maisons rivales qui se tuaient les unes les autres. GrĂÂące aux capitaux centralisĂ©s, on construirait des paquebots types, d'une vitesse et d'un confort inconnus, on multiplierait les dĂ©parts, on crĂ©erait des escales nouvelles, on ferait de l'Orient le faubourg de Marseille ; et quelle importance prendrait la Compagnie, lorsque, le canal de Suez achevĂ©, il lui serait permis de crĂ©er des services pour les Indes, le Tonkin, la Chine et le Japon ! Jamais affaire ne s'Ă©tait prĂ©sentĂ©e, d'une conception plus large ni plus sĂ»re. Ensuite, viendrait l'appui donnĂ© Ă la Banque nationale turque, sur laquelle le rapport fournissait de longs dĂ©tails techniques, qui en dĂ©montraient l'inĂ©branlable soliditĂ©. Et il terminait cet exposĂ© des opĂ©rations futures, en annonçant que l'Universelle prenait encore sous son patronage la SociĂ©tĂ© française des mines d'argent du Carmel, fondĂ©e au capital de vingt-cinq millions. Des analyses de chimistes indiquaient, dans les Ă©chantillons du minerai, une proportion considĂ©rable d'argent. Mais, plus encore que la science, l'antique poĂ©sie des lieux saints faisait ruisseler cet argent en une pluie miraculeuse, Ă©blouissement divin que Saccard avait mis Ă la fin d'une phrase dont il Ă©tait trĂšs content. Enfin, aprĂšs ces promesses d'un avenir glorieux, le rapport concluait Ă l'augmentation du capital. On le doublait, on l'Ă©levait de vingt-cinq Ă cinquante millions. Le systĂšme d'Ă©mission adoptĂ© Ă©tait le plus simple du monde, pour qu'il entrĂÂąt aisĂ©ment dans toutes les cervelles cinquante mille actions nouvelles seraient créées, et on les rĂ©serverait titre pour titre aux porteurs des cinquante mille actions primitives ; de façon qu'il n'y aurait pas mĂÂȘme de souscription publique. Seulement, ces actions nouvelles seraient de cinq cent vingt francs, dont une prime de vingt francs, formant au total une somme d'un million, qu'on porterait au fonds de rĂ©serve. Il Ă©tait juste et prudent de frapper les actionnaires de ce petit impĂÂŽt, puisqu'on les avantageait. D'ailleurs, le quart seul des actions Ă©tait exigible, plus la prime. Lorsque Hamelin cessa de lire, il se produisit un brouhaha d'approbation. C'Ă©tait parfait, pas une observation Ă faire. Pendant tout le temps qu'avait durĂ© la lecture, Daigremont, trĂšs intĂ©ressĂ© par un examen soigneux de ses ongles, avait souri Ă des pensĂ©es vagues ; et le dĂ©putĂ© Huret, renversĂ© dans son fauteuil, les yeux clos, sommeillait Ă demi, se croyant Ă la Chambre ; tandis que Kolb, le banquier, tranquillement, sans se cacher, s'Ă©tait livrĂ© Ă un long calcul, sur les quelques feuilles de papier qu'il avait devant lui, ainsi que chaque administrateur. Pourtant, SĂ©dille, toujours anxieux et mĂ©fiant, voulut poser une question que deviendraient les actions abandonnĂ©es par ceux des actionnaires qui ne voudraient pas user de leur droit ? la sociĂ©tĂ© les garderait-elle Ă son compte, ce qui Ă©tait illicite, puisque la dĂ©claration lĂ©gale ne pouvait avoir lieu, chez le notaire, que lorsque le capital Ă©tait intĂ©gralement souscrit ? et, si elle s'en dĂ©barrassait, Ă qui et comment comptait-elle les cĂ©der ? Mais, dĂ©s les premiers mots du fabricant de soie, le marquis de Bohain, voyant l'impatience de Saccard, lui coupa la parole, en disant, de son grand air noble, que le conseil s'en remettait de ces dĂ©tails Ă son prĂ©sident et au directeur, tous les deux si compĂ©tents et si dĂ©vouĂ©s. Et il n'y eut plus que des congratulations, la sĂ©ance fut levĂ©e au milieu du ravissement de tous. Le lendemain, l'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale donna lieu Ă des manifestations vraiment touchantes. Elle se tint encore dans la salle de la rue Blanche, oĂÂč un entrepreneur de bals publics avait fait faillite ; et, avant l'arrivĂ©e du prĂ©sident, dans cette salle dĂ©jĂ pleine, couraient les meilleurs bruits, un surtout qu'on se chuchotait Ă oreille violemment attaquĂ© par l'opposition grandissante, Rougon, le ministre, le frĂšre du directeur, Ă©tait disposĂ© Ă favoriser l'Universelle, si le journal de la sociĂ©tĂ©, L'EspĂ©rance , un ancien organe catholique, dĂ©fendait le gouvernement. Un dĂ©putĂ© de la gauche venait de lancer le terrible cri " Le 2 dĂ©cembre est un crime ! " qui avait retenti d'un bout de la France Ă l'autre, comme un rĂ©veil de la conscience publique. Il Ă©tait nĂ©cessaire de rĂ©pondre par de grands actes, la prochaine Exposition universelle dĂ©cuplerait le chiffre des affaires, on allait gagner gros au Mexique et ailleurs, dans le triomphe de l'empire Ă son apogĂ©e. Et, parmi un petit groupe d'actionnaires, qu'endoctrinaient Jantrou et Sabatani, on riait beaucoup d'un autre dĂ©putĂ© qui, lors de la discussion sur l'armĂ©e, avait eu l'extraordinaire fantaisie de proposer d'Ă©tablir en France le systĂšme de recrutement de la Prusse. La Chambre s'en Ă©tait amusĂ©e fallait-il que la terreur de la Prusse troublĂÂąt certaines cervelles, Ă la suite de l'affaire du Danemark et sous le coup de la rancune sourde que nous gardait l'Italie, depuis Solferino ! Mais le bruit des conversations particuliĂšres, le grand murmure de la salle, tomba brusquement, lorsque Hamelin et le bureau parurent. Plus modeste encore que dans le conseil de surveillance, Saccard s'effaçait, perdu au milieu de la foule ; et il se contenta de donner le signal des applaudissements, approuvant le rapport qui soumettait Ă l'assemblĂ©e les comptes du premier exercice, revus et acceptĂ©s par les commissaires- censeurs, LavigniĂšre et Rousseau, et qui lui proposait de doubler le capital. Elle seule Ă©tait compĂ©tente pour autoriser cette augmentation, qu'elle dĂ©cida d'ailleurs d'enthousiasme, absolument grisĂ©e par les millions de la Compagnie gĂ©nĂ©rale des Paquebots rĂ©unis et de la Banque nationale turque, reconnaissant la nĂ©cessitĂ© de mettre le capital en rapport avec l'importance que l'Universelle allait prendre. Quant aux mines d'argent du Carmel, elles furent accueillies par un frĂ©missement religieux. Et, lorsque les actionnaires se furent sĂ©parĂ©s, en votant des remerciements au prĂ©sident, au directeur et aux administrateurs, tous rĂÂȘvĂšrent du Carmel, de cette miraculeuse pluie d'argent, tombant des lieux saints, au milieu d'une gloire. Deux jours aprĂšs, Hamelin et Saccard, accompagnĂ©s cette fois du vice- prĂ©sident, le vicomte de Robin-Chagot, retournĂšrent rue Sainte-Anne, chez maĂtre Lelorrain pour dĂ©clarer l'augmentation du capital, qu'ils affirmaient avoir Ă©tĂ© intĂ©gralement souscrit. La vĂ©ritĂ© Ă©tait que trois mille actions environ, refusĂ©es par les premiers actionnaires Ă qui elles appartenaient de droit, restaient aux mains de la sociĂ©tĂ©, laquelle les passa de nouveau au compte Sabatani, par un jeu d'Ă©critures. C'Ă©tait l'ancienne irrĂ©gularitĂ©, aggravĂ©e, le systĂšme qui consistait Ă dissimuler dans les caisses de l'Universelle une certaine quantitĂ© de ses propres valeurs, une sorte de rĂ©serve de combat, qui lui permettait de spĂ©culer, de se jeter en pleine bataille de Bourse, s'il le fallait, pour soutenir les cours, au cas d'une coalition de baissiers. D'ailleurs, Hamelin, tout en dĂ©sapprouvant cette tactique illĂ©gale, avait fini par s'en remettre complĂštement Ă Saccard, pour les opĂ©rations financiĂšres ; et il y eut une conversation Ă ce sujet, entre eux et Mme Caroline, relative seulement aux cinq cents actions qu'il les avait forcĂ©s de prendre, lors de la premiĂšre Ă©mission, et que la seconde, naturellement, venait de doubler mille actions en tout, reprĂ©sentant, pour le versement du quart et la prime, une somme de cent trente-cinq mille francs, que le frĂšre et la soeur voulurent absolument payer, un hĂ©ritage inattendu d'environ trois cent mille francs leur Ă©tant tombĂ© d'une tante, morte dix jours aprĂšs son fils unique, tous deux emportĂ©s par la mĂÂȘme fiĂšvre. Saccard les laissa faire, sans s'expliquer lui-mĂÂȘme sur la maniĂšre dont il comptait libĂ©rer ses propres actions. " Ah ! cet hĂ©ritage, dit en riant Mme Caroline, c'est la premiĂšre chance qui nous arrive... Je crois bien que vous nous portez bonheur. Mon frĂšre avec ses trente mille francs de traitement, ses frais de dĂ©placement considĂ©rables, et tout cet or qui tombe sur nous, parce que nous n'en avons plus besoin sans doute... Nous voilĂ riches. " Elle regardait Saccard, avec sa gratitude de bon coeur, vaincue dĂ©sormais, confiante en lui, perdant chaque jour de sa clairvoyance, dans la tendresse croissante qu'il lui inspirait. Puis, emportĂ©e tout de mĂÂȘme par sa gaie franchise, elle continua " N'importe, si je l'avais gagnĂ©, cet argent, je vous rĂ©ponds que je ne le risquerais pas dans vos affaires... Mais une tante que nous avons Ă peine connue, un argent auquel nous n'avions jamais pensĂ©, enfin de l'argent trouvĂ© par terre, quelque chose qui ne me semble mĂÂȘme pas trĂšs honnĂÂȘte et dont j'ai un peu honte... Vous comprenez, il ne me tient pas au coeur, je veux bien le perdre. - Justement dit Saccard, plaisantant Ă son tour, il va grossir et vous donner des mimons. Il n'y a rien de tel pour profiter comme l'argent volĂ©.. Avant huit jours, vous verrez, vous verrez la hausse ! " Et, en effet, Hamelin, ayant dĂ» retarder son dĂ©part, assista avec surprise Ă une hausse rapide des actions de l'Universelle. A la liquidation de la fin de mai, le cours de sept cents francs fut dĂ©passĂ©. Il y avait lĂ l'ordinaire rĂ©sultat que produit toute augmentation de capital c'est le coup classique, la façon de cravacher le succĂšs, de donner un temps de galop aux cours, Ă chaque Ă©mission nouvelle. Mais il y avait aussi la rĂ©elle importance des entreprises que la maison allait lancer ; et de grandes affiches jaunes, collĂ©es dans tout Paris, annonçant la prochaine exploitation des mines d'argent du Carmel, achevaient de troubler les tĂÂȘtes, y allumaient un commencement de griserie, cette passion qui devait croĂtre et emporter toute raison. Le terrain Ă©tait prĂ©parĂ©, le terreau impĂ©rial, fait de dĂ©bris en fermentation, chauffĂ© des appĂ©tits exaspĂ©rĂ©s, extrĂÂȘmement favorable Ă une de ces poussĂ©es folles de la spĂ©culation, qui, toutes les dix Ă quinze annĂ©es, obstruent et empoisonnent la Bourse, ne laissant aprĂšs elles que des ruines et du sang. DĂ©jĂ , les sociĂ©tĂ©s vĂ©reuses naissaient comme des champignons, les grandes compagnies poussaient aux aventures financiĂšres, une fiĂšvre intense du jeu se dĂ©clarait, au milieu de la prospĂ©ritĂ© bruyante du rĂšgne, tout un Ă©clat de plaisir et de luxe, dont la prochaine Exposition promettait d'ĂÂȘtre la splendeur finale, la menteuse apothĂ©ose de fĂ©erie. Et, dans le vertige qui frappait la foule, parmi la bousculade des autres belles affaires s'offrant sur le trottoir, l'Universelle enfin se mettait en marche, en puissante machine destinĂ©e Ă tout affoler, Ă tout broyer, et que des mains violentes chauffaient sans mesure, jusqu'Ă l'explosion. Lorsque son frĂšre fut reparti pour l'Orient, Mme Caroline se retrouva seule avec Saccard, reprenant leur Ă©troite vie d'intimitĂ©, presque conjugale. Elle s'entĂÂȘtait Ă s'occuper de sa maison, Ă lui faire rĂ©aliser des Ă©conomies, en intendante fidĂšle, bien que leur fortune Ă tous deux eĂ»t changĂ©. Et, dans sa paix souriante, son humeur toujours Ă©gale, elle n'Ă©prouvait qu'un trouble, son cas de conscience au sujet de Victor, l'hĂ©sitation de savoir si elle devait cacher plus longtemps au pĂšre l'existence de son fils. On Ă©tait trĂšs mĂ©content de ce dernier, Ă l'Oeuvre du Travail, qu'il ravageait. Les six mois d'expĂ©rience Ă©taient Ă©coulĂ©s, allait-elle produire le petit monstre, avant de l'avoir dĂ©crassĂ© de ses vices ? Elle en ressentait parfois une vraie souffrance. Un soir, elle fut sur le point de parler. Saccard, que l'installation mesquine de l'Universelle dĂ©sespĂ©rait, venait de dĂ©cider le conseil Ă louer le rez-de-chaussĂ©e de la maison voisine, pour agrandir les bureaux, en attendant qu'il osĂÂąt proposer la construction de l'hĂÂŽtel luxueux de ses rĂÂȘves. De nouveau, il faisait percer des portes de communication, abattre des cloisons, poser encore des guichets. Et, comme elle revenait du boulevard Bineau, dĂ©sespĂ©rĂ©e d'une abomination de Victor, qui avait presque mangĂ© l'oreille Ă un camarade, elle le pria de monter avec elle, chez eux. " Mon ami, j'ai quelque chose Ă vous dire. " Mais, en haut, quand elle le vit, une Ă©paule couverte de plĂÂątre, enchantĂ© d'une nouvelle idĂ©e d'agrandissement qu'il venait d'avoir, celle de vitrer aussi la cour de la maison voisine, elle n'eut pas le courage de le bouleverser, avec le dĂ©plorable secret. Non, elle attendrait encore, il faudrait bien que l'affreux vaurien se corrigeĂÂąt. Elle Ă©tait sans force devant la peine des autres. " Eh bien, mon ami, c'Ă©tait pour cette cour. J'avais eu justement la mĂÂȘme idĂ©e que vous. " VI - Les bureaux de L'EspĂ©rance , le journal catholique en dĂ©tresse que, sur l'offre de Jantrou, Saccard avait achetĂ©, pour travailler au lancement de l'Universelle, se trouvaient rue Saint-Joseph, dans un vieil hĂÂŽtel noir et humide, dont ils occupaient le premier Ă©tage, au fond de la cour. Un couloir partait de l'antichambre, oĂÂč le gaz brĂ»lait Ă©ternellement ; et il y avait, Ă gauche, le cabinet de Jantrou, le directeur, puis une piĂšce que Saccard s'Ă©tait rĂ©servĂ©e, tandis que s'alignaient, Ă droite, la salle commune de la rĂ©daction, le cabinet du secrĂ©taire, des cabinets destinĂ©s aux diffĂ©rents services. De l'autre cĂÂŽtĂ© du palier, Ă©taient installĂ©es l'administration et la caisse, qu'un couloir intĂ©rieur, tournant derriĂšre l'escalier, reliait Ă la rĂ©daction. Ce jour-lĂ , Jordan, en train d'achever une chronique, dans la salle commune, oĂÂč il s'Ă©tait installĂ© de bonne heure pour n'ĂÂȘtre pas dĂ©rangĂ©, en sortit comme quatre heures sonnaient, et vint trouver Dejoie, le garçon de bureau, qui, Ă la flamme large du gaz, malgrĂ© la radieuse journĂ©e de juin qu'il faisait dehors, lisait avidement le bulletin de la Bourse, qu'on apportait et dont il prenait le premier connaissance. " Dites donc, Dejoie, c'est M. Jantrou qui vient d'arriver ? - O
Coupefoie gras/fromage sur marbre- chromé avec fil en inox ( 2fils inox de rechange). Dimension : 18 x 12cm. 1 Avis 17,90 ⏠2 3 ERREUR réessayer Quantité Ajouter au panier Retrait en click & Collect Bazar Avenue Nantes Bazar Avenue Rennes Bazar Avenue Le Mans En savoir plus Coupe foie gras/fromage sur marbre
Etoile pleineEtoile pleineEtoile pleineEtoile videEtoile vide 3 avis Le fil de rechange pour votre coupe foie gras et fromage. En stock Le fil de 14cm Prix 1,95 ⏠Voir plus d'offres Votre coupe foie gras ne coupe plus comme lors de ses premiers jours ? Voici un fil de rechange qui lui donnera un second souffle. Foie gras, fromage, beurre, obtenez une dĂ©coupe trĂšs propre en un clin dâĆil, un coup de guillotine et le tour est jouĂ©. Impressionnez vos convives avec un foie gras Ă la dĂ©coupe parfaite. Ce fil est compatible avec votre coupe foie gras et fromage est simple Ă remplacer et vous permettra dâutiliser votre coupe foie gras encore et toujours. A dĂ©couvrir en ce moment Des biscuits apĂ©ritifs gourmands Pour vos apĂ©ritifs d'Ă©tĂ©, choisissez les meilleurs biscuits salĂ©s Ă partager. Crackers, torsades, toasts, gressins... Des biscuits au goĂ»t et Ă la qualitĂ© incomparables qui ne laisseront pas vos convives indiffĂ©rents. Large sĂ©lection de sauces tomate, pesto, aĂŻoli... Rehaussez le goĂ»t de vos plats prĂ©fĂ©rĂ©s avec notre dĂ©licieuse sĂ©lection de sauces aux saveurs variĂ©es. Pas moins de 250 rĂ©fĂ©rences vous attendent, de la plus douce Ă la plus Ă©picĂ©e, crĂ©meuse ou fluide, c'est Ă vous de choisir ! Les bons rosĂ©s pour vos repas d'Ă©tĂ© Lorsque les bons jours sont lĂ , les bouteilles de rosĂ© s'installent sur nos tables ! DĂ©couvrez notre sĂ©lection de vins rosĂ©s de la Provence au Sud-Ouest qui accompagneront avec lĂ©gĂšretĂ© et fraĂźcheur vos moments ensemble. Avec ce produit, nous vous recommandons Lot dĂ©couverte... 84,40 ⏠Buarfe Le support + couteaux 17,90 ⏠Etoile pleineEtoile pleineEtoile pleineEtoile pleine de Buyer La mandoline complĂšte 79,00 ⏠de Buyer La mandoline complĂšte 159,00 ⏠Avis sur Fil pour coupe foie gras et fromage sur marbre Les avis sont classĂ©s du plus rĂ©cent au plus ancien. Etoile pleineEtoile pleineEtoile pleineEtoile pleineEtoile pleine Guy R. - 02 Octobre 2019 - Achat vĂ©rifiĂ© TrĂšs bon produit qui me donne toute satisfaction et qui votre Ă ce que jâattendais Etoile pleineEtoile videEtoile videEtoile videEtoile vide Brigitte M. - 16 AoĂ»t 2019 - Achat vĂ©rifiĂ© o Impossible de s'en servir. Ils cassent dĂšs qu'on les tend !! Etoile pleineEtoile pleineEtoile pleineEtoile videEtoile vide SANDRINE B. - 07 Novembre 2018 - Achat vĂ©rifiĂ© Manque un peu de longueur pour s adapter au coupe foie gras en marbre datant de plus de 25 ans..., mais j 'ai pu l 'adapter. Laisser un avis DĂ©crivez votre expĂ©rience avec le produit, son goĂ»t, sa texture, la façon dont vous l'avez utilisĂ© ou l'occasion Ă laquelle vous l'avez servi. N'hĂ©sitez surtout pas Ă partager votre recette favorite avec ce produit ou avec quel autre produit vous l'avez associĂ©. Vous devez vous connecter ou crĂ©er un compte pour laisser un avis. Politique de confidentialitĂ©, de protection des donnĂ©es et de cookies Gestion des cookies
Climatet environnement Galeam est une rĂ©gion du monde assez montagneuse dans ses terres, le climat pouvant parfois y ĂȘtre assez aride, notamment au Sud. Toutefois, l'air marin la rend plus verdoyante sur les cĂŽtes.En son centre se trouve le Mont Thermopilos sur lequel est bĂątie lâimmense capitale Samarobriva.Un temple dâArtax surplombe cette citĂ© de marbre blanc.
Le Marbre de Coupe Foie Gras Le Marbre de Coupe Foie Gras ou Fromage On ne cesse de trouver des utilisations Ă cet objet aussi beau quâefficace et Ă©lĂ©gant, et quâon n'hĂ©site jamais Ă prĂ©senter Ă sa table. En marbre et acier chromĂ©, fil inox, dimensions 18 x 12 x 4 cm, livrĂ© dans sa boĂźte. Satisfait Ou RemboursĂ© Pendant 15 jours sans discussion Paiement sĂ©curisĂ© Envois sĂ©curisĂ©s Service client Par tĂ©lĂ©phone au 03 44 58 12 12 Du lundi au vendredide 9h00 Ă 18h00 Service client Par tĂ©lĂ©phone au 03 44 58 12 12 Du lundi au vendredi de 9h00 Ă 18h00
Lacoupe parfaite. Plaque en marbre gris brillant sur 4 pieds. Poignée marbre. Lyre en fil d'inox qui facilite et optimise la coupe. Design sobre et classique. Matériau naturel lavage à la main uniquement. Livré avec 1 fils de rechange.
Coupe foie gras et fromage lyre en marbre et en inox. IdĂ©al pour les fĂȘtes, ce coupe foie gras vous permettra de dĂ©couper des tranches de foie gras ou fromage proprement et facilement ! TrĂšs rĂ©sistant et facile Ă nettoyer. Non compatible au lave-vaisselle. Dimensions 20,5X12,5X3 CMEn savoir + Vous voulez connaĂźtre le prix de ce produit ? Coupe foie gras et fromage lyre en marbre et en inox. IdĂ©al pour les fĂȘtes, ce coupe foie gras vous permettra de dĂ©couper des tranches de foie gras ou fromage proprement et facilement ! TrĂšs rĂ©sistant et facile Ă nettoyer. Non compatible au lave-vaisselle. Dimensions 20,5X12,5X3 CMRĂ©f / EAN 502523 / 3534544990031 Coupe foie gras et fromage lyre en marbreSoyez le premier Ă donner votre avisDonnez votre avis
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Description bon Ă©tat, en bois et mĂ©tal argentĂ© Coffret avec accessoires pour coupe foie gras Boite en bois massif Pelle et fil Ă dĂ©couper en mĂ©tal argentĂ©Couleur MarronDimensions 13 x 22 x 3 cm En lire plus Ce vendeur utilise majoritairement des emballages de rĂ©cupĂ©ration Etat Bon Ă©tat Couleur Marron MatiĂšre Bois et mĂ©tal argentĂ© Hauteur cm 3 Largeur cm 13 Longueur cm 22 Ă propos de la boutique Association La RĂȘnoverie 85 avenue de la LibĂ©ration 01500 AmbĂ©rieu-en-Bugey Bienvenue dans notre boutique en ligne ! LâĂ©quipe de La RĂȘnoverie vous accueille dans sa boutique situĂ©e Ă AmbĂ©rieu-en-Bugey dans l'Ain Notre boutique crĂ©ative est ouverte Ă toutes et Ă ... [Lire la suite] Les Garanties Label EmmaĂŒs Paiement sĂ©curisĂ© Label EmmaĂŒs vous procure une expĂ©rience dâachat en ligne sĂ©curisĂ©e grĂące Ă la technologie Hipay et aux protocoles 3D Secure et SSL. Satisfait ou remboursĂ© Nous nous engageons Ă vous rembourser tout objet qui ne vous satisferait pas dans un dĂ©lai de 14 jours Ă compter de la rĂ©ception de votre commande. PRIX ĂTAT VENDU PAR FERMER Ăa va vous plaire Voici une sĂ©lection de produits similaires
Appareilpour couper foie gras , coupe foie gras tout neuf, jamais servi avec fils de rechange. Magnifique fil couper foie gras couper grasdâoccasion est Ă vendre pour un prix de 6. Historique des prix pour le meilleur fil a couper le foie gras. En cuisine et en pĂątisserie, il est parfois difficile de dĂ©couper finement et prĂ©cisĂ©ment
Article rĂ©servĂ© aux abonnĂ©s Voici le moment de l'annĂ©e oĂč le foie gras est dĂ©licieux, qu'il soit d'oie ou de canard. Il n'est pas nĂ©cessaire qu'il soit parfumĂ© aux truffes surtout si elles viennent de Chine ! Aujourd'hui, la simplicitĂ© est de rigueur. Le foie gras n'est jamais aussi bon que servi au naturel, mi-cuit ou en conserve, une affaire de goĂ»t, et accompagnĂ© d'une bonne bouteille. La Comtesse du Barry propose l'un ou l'autre, dont l'Ă©patant canard en mi-cuisson, Ă©levĂ© aux figues et au maĂŻs. Les foies viennent aussi bien de Hongrie, de Pologne, de BohĂȘme-Moravie ou d'Autriche, et leur passage en Dordogne est une question d'Ă©tiquette. ConditionnĂ© dans cette belle province, le foie gras en porte le label, prestige du PĂ©rigord. Il n'y a que la foi qui sauve le foie. » Mais il semble que l'on soit, cette annĂ©e, incitĂ© Ă l'honorer d'une habile et rigoureuse dĂ©coupe. Cet aliment dĂ©licat exige, on le sait, d'ĂȘtre tranchĂ© avec doigtĂ©, afin que la texture de la prĂ©paration ne s'agglutine au tranchant, ni ne se dĂ©sagrĂšge pendant l'opĂ©ration. Chaque tablĂ©e a ses coutumes ou ses querelles Ă propos de la meilleure maniĂšre de s'y prendre lame trempĂ©e dans l'eau chaude entre deux gestes prĂ©cis, choix du couteau, expĂ©rience de l'opĂ©rateur, sans compter ceux qui renoncent, s'en remettent Ă la chance ou Ă des ustensiles moins exigeants. Or voici que d'infatigables inventeurs ont mis au point le fil Ă couper le foie gras » indispensable une fois l'an , qui pourrait s'ajouter au Catalogue de ces objets introuvables » recensĂ©s par Carelman Livre de poche. Parmi ces ustensiles ultra-spĂ©cialisĂ©s qui Ă©voquent la trousse du chirurgien de la campagne de Russie, Ă manches de corne ou d'ivoire, on connaissait dĂ©jĂ le couteau Ă pamplemousse lame recourbĂ©e et fines dentelures, le couteau-coquilleur pour servir le beurre en rubans, le couteau Ă lamelles pour le gruyĂšre, le couteau Ă tomates pour rĂ©ussir parfaitement les rondelles, l'Ă©plucheur spĂ©cial pour peler finement les asperges, les divers modĂšles de couteaux d'Ă©cailler... et, dĂ©jĂ , un couteau Ă lame perforĂ©e et Ă©vidĂ©e pour trancher le foie sans dĂ©gĂąts, qui autorise une habile et rigoureuse dĂ©coupe. Il vous reste de cet article Ă lire. La suite est rĂ©servĂ©e aux abonnĂ©s. Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil Ă la fois Ce message sâaffichera sur lâautre appareil. DĂ©couvrir les offres multicomptes Parce quâune autre personne ou vous est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil. Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil Ă la fois ordinateur, tĂ©lĂ©phone ou tablette. Comment ne plus voir ce message ? En cliquant sur » et en vous assurant que vous ĂȘtes la seule personne Ă consulter Le Monde avec ce compte. Que se passera-t-il si vous continuez Ă lire ici ? Ce message sâaffichera sur lâautre appareil. Ce dernier restera connectĂ© avec ce compte. Y a-t-il dâautres limites ? Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant dâappareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant Ă des moments diffĂ©rents. Vous ignorez qui est lâautre personne ? Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.
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